François Bérenger Saunière
Né le 11 avril 1852
Mort le 22 janvier 1917
Sa vie de curé de campagne fut extraordinaire
et son charisme sans égal.
Détesté à ses débuts, il devint une icône pour les
villageois de Rennes‑le‑Château...
Voici son histoire qui fit de lui
"le
curé aux milliards"
et qui permit de nous
laisser en héritage une fabuleuse énigme et une
affaire
tentaculaire passionnante...
L'affaire de Rennes‑le‑Château...
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Bérenger
Saunière est‑il monté à Paris ? |
1893 ‑ Voyage à Paris, vérité ou pure fiction ?
Il n'existe aujourd'hui aucune preuve d'un
voyage de
Bérenger Saunière à Paris contrairement à ce que l'on peut lire parfois,
ni même de sa demande d'aide aux Frères de
Saint‑Sulpice.
Certains chercheurs prétendirent même que le prêtre, au cours de son
hypothétique voyage, aurait rencontré Emma Calvé, une cantatrice
très en vogue à l'Opéra, Claude Debussy, l'occultiste Jules
Bois et bien d'autres personnages.
La supposition qu'il
aurait acheté
certains tableaux au Musée du Louvre peut également être écartée. En effet, le Louvre
ne commença à vendre au public des copies de toile qu'en 1901, c'est‑à‑dire bien
après la date du
supposé voyage à Paris en 1893.
Mais alors, d'où
vient cette piste parisienne à la fois précise, pertinente et inexistante ? La principale source et la
plus directe, se situe dans un livre devenu culte :
"L'Or de Rennes" écrit par
Gérard de Sède et publié en 1967, un ouvrage
qui révéla au public une multitude d'indices inédits et qui générera plus d'un
demi‑siècle de recherche.
Ces quelques
pages surprenantes de Gérard de Sède commencent par un supposé échange entre Saunière et
son évêque
Mgr Félix Arsène Billard.
Saunière admet qu'il ne parviendra pas à déchiffrer les
parchemins et
demande de l'aide. Un voyage à Paris lui sera alors proposé afin de rencontrer
quelques experts...
Une légende prétend qu'il existerait une trace de Saunière et de sa venue à Paris en mars
1892, et non en 1893, comme l'attesterait le registre des messes de
l'église Saint‑Sulpice, mais ceci n'a jamais pu être vérifié.
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C'est au début de
1893 que l'abbé Saunière se décide à montrer sa
trouvaille à son évêque. L'évêque de Carcassonne est alors
Félix‑Arsène Billard, homme savant
et avisé, qui jouit de nombreuses relations. Il examine avec grand soin les
documents qu'on lui présente : quatre
parchemins. Voici le
dialogue des deux hommes, tel qu'on nous l'a rapporté :
‑ Songez‑vous vraiment à vous défaire de
ces documents ?
‑ Pour parler franc, Monseigneur, je
n'en ai nulle intention. Mais ils sont difficiles à déchiffrer ;
voici plus d'un an que j'y passe mes nuits sans succès : je suis
venu vous demander conseil.
‑ Vous allez vous rendre à Paris, répond
le Prélat. J'y connais des ecclésiastiques férus d'histoire et fort
bien introduits chez les paléographes. Voici un mot de
recommandation.
‑ A Paris ? Mais, Monseigneur, je n'ai
pas le premier sou du voyage...
‑ Qu'à cela ne tienne, l'évêché paiera
votre billet.
‑ Je n'ai jamais quitté l'Aude,
Monseigneur ; à Paris, je crains me sentir perdu...
‑ Cela m'étonnerait fort, mon fils, car
vous ne manquez ni d'allant ni d'assurance. Et puis, vous trouverez
là‑bas de bons guides.
‑ Monseigneur, il y a encore autre
chose : le maire entend bien que ces documents soient vendus pour
rentrer dans les fonds qu'il m'a prêtés ; puisqu'il n'est pas
question de les vendre, que ferai‑je à mon retour ?
‑ Croyez‑vous l'évêché de Carcassonne si
pauvre qu'il ne puisse trouver mille quatre cents francs ? Vous en
serez quitte pour un pieux mensonge : je vous donne d'avance mon
absolution.
Extrait de "L'Or de Rennes" par Gérard de Sède (1967) |
Des indices et des pistes aujourd'hui confirmés
Néanmoins, une fois que l'on admet que Saunière n'est jamais monté à Paris, il reste plusieurs mystères de taille.
Car si l'on considère un par un les indices évoqués par l'auteur, tous ont des liens
démontrés avec l'affaire de Rennes.
Mieux, chaque nom, chaque lieu, chaque fait historique trouve non seulement une
résonance certaine avec l'énigme, mais l'Histoire confirme des convergences qui
s'orientent irrésistiblement vers le Haut‑Razès et Rennes‑le‑Château. Chaque élément se comporte comme une pièce d'un immense puzzle qu'il faut reconstruire. Si l'on suit par exemple la piste de
l'église Saint‑Sulpice à Paris, on rencontre alors des personnages tels que
Jean‑Jacques Olier, élève de
Saint‑Vincent de Paul,
Eugène Delacroix, ou
Signol qui sont
aussi cités d'en d'autres
documents fondateurs comme
le Serpent Rouge. De même, les tableaux
cités nous mènent à
Téniers le Jeune et à
Nicolas Poussin, des peintres du XVIIe siècle
très impliqués dans les mystères
de Rennes. On y découvre même le méridien de Paris.
Il est aussi amusant de voir que
Gérard de Sède avait en sa possession l'opuscule du
Serpent Rouge puisque l'on retrouve dans
son texte la formule "nouveau temple de Salomon", consacrée à
l'église Saint‑Sulpice à
Paris et aux enfants de Saint Vincent de Paul.
Quel étrange mystère recèle le
nouveau
temple de SALOMON édifié par les enfants de Saint VINCENT. (Extrait
"Le Serpent Rouge") |
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Ainsi le pauvre petit curé
de campagne partit pour la capitale. On l'imagine volontiers, dans le train qui
l'emmenait, rêvant, nouveau Rastignac, aux sortilèges de la Ville‑Lumière. En
effet, ce fut un bien surprenant voyage.
Sitôt arrivé, Bérenger Saunière se rend chez l'abbé Bieil,
directeur de Saint‑Sulpice. Ayant lu le billet de
l'évêque, celui‑ci fait entrer notre héros, examine avec soin les
quatre grimoires et prie son visiteur de les lui confier pour huit
jours, le temps de les soumettre à des spécialistes.
Que faire à Paris quand
on n'a pas d'argent ? Saunière n'en savait trop rien. Par chance,
Bieil le présenta à son neveu, l'éditeur religieux Ané, qui lui
offrit vivre et couvert. Il le présenta aussi à son petit‑neveu,
Émile Hoffet. Ce jeune oblat ne se livre guère
mais, à vingt ans, il parle déjà plusieurs langues s'intéresse au
Moyen‑Age et étudie paléographie et cryptographie auprès du savant
abbé Baguès. Il n'en est qu'au tout début d'une longue carrière de
chercheur qui le mènera à plusieurs reprises au Vatican et lui fera
consacrer ses travaux à l'occultisme et aux sociétés secrètes.
Ses relations toutes
neuves permirent au curé de campagne de découvrir combien injuste
est la réputation de fadeur faite à l'église bâtie par
Olier, le
visionnaire abbé de Pibrac. En vérité, rien de moins banal que
Saint‑Sulpice, ce
"nouveau temple de Salomon". Saunière dut s'y étonner à la vue du
chemin de croix placé à l'envers, du
gnomon astronomique,
aux inscriptions hélas martelées, qui marque, au transept, le
méridien de Paris, des trois beaux
bénitiers ; il dut admirer les tableaux signés
Delacroix, l'insolite
crucifixion de Signol ; il dut lire la plaque qui rappelle la visite
du pape Pie VII, en 1804, le jour de la Saint‑Dagobert, précédant
celle de ce pontife dans le Razès.
Bérenger s'attarda
aussi au Musée du Louvre ; après s'être documenté sur leurs auteurs,
il acheta les reproductions de trois tableaux qu'il accrochera dès
son retour aux murs de son modeste logis :
Les Bergers d'Arcadie,
de Poussin, le
Saint‑Antoine Ermite, de David Teniers
et un portrait déniché on ne sait où, du pape Saint Célestin V.
Assortiment assez étrange.
Extrait de "L'Or de Rennes" par Gérard de Sède (1967) |
Les trois tableaux dits de Saunière
Après des années de recherche suite aux
révélations publiques de Gérard de Sède, on peut affirmer aujourd'hui
que ces tableaux sont codés et qu'ils portent en eux un immense secret. En
effet, l'implication de ces
tableaux "dits de Saunière" dans l'affaire n'est plus
à démontrer puisque l'Histoire et les scènes paysagées nous
confirment aujourd'hui des liens étroits et occultes avec le Haut‑Razès.
Il faut dire que
c'est aussi
grâce à l'analyse du
grand parchemin supposé découvert par
Saunière,
et qui fut aussi révélée dans le livre de Gérard de Sède,
qu'une démonstration
cryptographique donne naissance à une sentence confirmant
l'importance de ces tableaux :
BERGÈRE PAS DE TENTATION
QUE POUSSIN TENIERS GARDENT LA CLEF
PAX DCLXXXI
PAR LA CROIX ET CE CHEVAL DE DIEU
J'ACHÈVE CE DAEMON DE GARDIEN
A MIDI
POMMES BLEUES
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" Le sacrement du pape Saint Célestin V
"
Tableau daté du XIIIe siècle
(artiste inconnu) |
Rencontre avec Emma Calvé ?
De nombreux personnages sont aussi cités
par Gérard de Sède, renforçant l'intrigue. D'après son discours, Saunière et Hoffet devinrent rapidement bons
amis et grâce à cette nouvelle relation, le prêtre découvrit les principaux cercles
littéraires et artistiques de Paris. Pour un curé de campagne qui n'avait jamais
mis le pied hors de son village, ceci est pour le moins remarquable.
C'est là que Saunière aurait fait la connaissance de
Mallarmé, Maeterlinck,
Claude Debussy et bien d'autres dont la cantatrice de renommée
internationale Emma Calvé qui allait devenir
une amie proche et son amante. On pourrait penser que ces personnages
participent uniquement à rendre plus crédible le voyage de Saunière, or chaque
personnage possède, on le sait aujourd'hui, des liens avec l'affaire. Ils
constituent autant de pistes qu'il faut étudier et intégrer pour comprendre les
vrais ressorts de l'énigme. Emma Calvé, dont il serait trop long de décrire ici
ses liens avec l'affaire, eut aussi une vie insolite et faste. Rencontra‑t‑elle
réellement
Bérenger Saunière ? Rien ne le prouve aujourd'hui.
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À paris, Bérenger
Saunière ne découvrit pas seulement la peinture, mais aussi la
musique. Il est vrai qu'Erato se présenta à lui sous les traits qui
ne manquaient pas d'agréments. Cette époque avait sa Callas : elle
s'appelait Emma Calvé. Elle était d'une grande beauté. Elle avait
débuté neuf ans plus tôt à Bruxelles dans le Faust de Gounod et
cette Marguerite de vingt‑quatre ans avait aussitôt fait sensation
par son extraordinaire voix de soprano et son jeu plein d'audaces.
Elle revenait tout juste de Londres, consacrée comme la plus grande
cantatrice vivante : la reine, l'ayant entendue dans Carmen, l'avait
invitée à Windsor et avait fait sculpter son buste. Pour l'instant,
entre deux tournées triomphales, elle était à Paris où Massenet
composait Sapho pour elle. Comment, à peine arrivé dans la capitale,
le misérable curé de Rennes‑le‑Château fut admis chez cette diva,
nous serions bien en peine de le dire. Mais le fait est qu'il le
fut, si bien même que la cantatrice eut très vite à coeur de lui
prouver que, hormis sur scène, elle n'avait aucun point commun avec
la poétesse de Lesbos. Leur liaison, au vu et au su de tous, devait
durer plusieurs années.
Bérenger, pourtant, n'oubliait pas
l'objet de son voyage. Au jour dit, il revint sonner chez l'abbé
Bieil. Nous n'avons pu établir avec certitude ce que se dit et se
passa alors entre les deux hommes. Il semble bien qu'on n'ait pas
rendu à Saunière les manuscrits, ou qu'on ne lui en ait rendu qu'une
partie. Quoi qu'il en soit, l'affaire fut peu claire puisque
Mgr
Billard jugea bon, en mars 1901, de faire le voyage jusqu'à
Saint‑Sulpice pour tenter de l'élucider.
Y avait‑il eu quelque marché,
le curé se dessaisissant des précieux documents en échange de
certaines explications non moins précieuses ? Si tel fut le cas, la
suite des évènements devait montrer que le prix payé dut paraître
bien léger au pèlerin.
Extrait de "L'Or de Rennes" par Gérard de Sède (1967) |
Si
1967 est la date de publication du best‑seller "L'Or de Rennes"
par Gérard de Sède, il faut aussi préciser qu'un autre personnage,
Pierre Plantard, guida l'auteur à succès en l'alimentant de documents
uniques et sulfureux. Ce sont par exemple les
deux parchemins
ou
la stèle de Blanchefort qui deviendront des indices fondateurs. Gérard de Sède qui aura beaucoup de mal
à expliquer leur provenance sera obligé de romancer légèrement la vie insolite de Saunière afin d'apporter une cohérence
globale au récit. Le voyage de Saunière à Paris s'inscrit donc dans ce montage
romancé. Il fallait consolider des indices parisiens. Il reste
néanmoins que lorsque l'on connaît la part de roman et la part de vérité injectées dans l'ouvrage, il y a suffisamment de matière pour se poser de
sérieuses questions... C'est sur ces fondations que
50 ans de recherches permettront de
révéler l'énigme de Rennes et de mettre à jour peu à peu
l'existence d'un grand secret...
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Une confusion qui a la vie dure... |
Il existe une autre
raison pour laquelle on a affirmé que Bérenger Saunière était allé à Paris, et
cette rumeur vient d'une photo qui sema la confusion dès la révélation de
l'affaire au public en janvier 1956. L'étincelle vint de
Noël Corbu
qui écrivit le récit du "curé aux milliards". La
fabuleuse histoire fit alors trois articles
dans un journal régional, "La dépêche".
On y voit en tête la photo de Bérenger
Saunière, mais en réalité il s'agit de son frère
Alfred... |
Les trois articles parus
dans le journal "La dépêche" en
janvier 1956
|
Or, il
existe deux portraits d'Alfred Saunière
dont l'un a été utilisé pour l'article du journal. Au bas de la
photographie est indiqué l'adresse du photographe :
A. Vaugon, Paris 27 Faubourg Montmartre.
Voici sans doute l'origine du supposé voyage de Bérenger
à Paris, une confusion que l'on trouve encore
aujourd'hui dans certains documentaires et chez certains
auteurs... |
Les deux portraits
d'Alfred Saunière longtemps confondus
avec Bérenger Saunière... Des photographies faites à Paris
par A. Vaugon |
Une vie
luxueuse commence |
1893 ‑ Une nouvelle vie
C'est à partir de 1893 que la vie de Bérenger Saunière change
complètement. De retour à Rennes‑le‑Château et aidé de sa fidèle
gouvernante, il décide de cacher certaines découvertes en commençant par
l'entrée de la crypte sous la Dalle
des Chevaliers.
Il installe aussi la famille de Marie Dénarnaud
dans son modeste presbytère.
Le père et le frère de Marie travaillent alors à l’usine à Espéraza comme ouvriers
chapeliers. |
Des détails font également leur apparition comme cette porte destinée au petit cimetière
et surmontée d'un fronton avec une tête de mort et un crâne à 22 dents, un nombre très fréquent autour de Saunière.
Saunière s'était
aussi engagé à ne rien construire de couvert dans le jardin devant l'église.
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Le fronton à l'entrée du cimetière |
Pourtant, malgré les
recommandations de la commune, le prêtre creuse près de
l'entrée du cimetière un trou et y installe une
citerne souterraine servant à recueillir l'eau de pluie. Le tout est recouvert par une
maisonnette tuilée qui lui servira de premier cabinet de travail
et de bibliothèque. |
Rennes‑le‑Château étant sur un piton rocheux
aride, l'eau est rare et elle était non courante à
l'époque. Si aujourd'hui on redécouvre la nécessité
d'économiser l'eau, Saunière était semble‑t‑il déjà
sensibilisé à ce problème.
La citerne était destinée à recueillir l'eau de pluie de toutes les
toitures, et une pompe au milieu du village permettait
de récupérer le précieux liquide.
La future construction du Domaine, sa végétation luxuriante, son
potager, les jeunes arbres, les bassins et les fontaines
nécessiteront beaucoup d'eau. Saunière y pensait‑il
déjà ? Saunière avait‑il déjà connaissance de ce besoin
crucial ? |
La pompe à eau |
La maisonnette construite sur
la citerne et qui devint
son premier cabinet de travail |
14 juillet 1895 ‑ Un
incendie embarrasse Saunière...
Une anecdote mérite d'être rapportée à propos de la maisonnette. Le
14 juillet 1895, un grave incendie se
déclare. Le feu a pris dans une maison et la détruit. À
côté, des granges pleines de foin menacent à leur tour
d'enflammer le quartier. Les pompiers en alerte
souhaitent alors utiliser l'eau de la citerne, mais à
leur grande surprise, Bérenger Saunière qui a seul les
clés refuse d'ouvrir son cabinet de travail. Qu'a‑t‑il à
cacher ? C'est alors que le maire, Pierre Sauzède,
intervient. Les pompiers sont prêts à enfoncer la porte
et le prêtre finit par ouvrir. Saunière finira par
porter plainte à la gendarmerie de Couiza pour violation
de domicile.
L'épisode est
resté dans les mémoires pour son côté étrange et très
surprenant. Pourquoi refuser l'accès à des pompiers
alors qu'un grave incendie menace de détruire une partie
du village ? Saunière avait‑il peur que l'on découvre
quelque chose dans son cabinet de travail ? Oui, c'est
évident...
Après cette aventure, le conseil municipal prendra conscience du
caractère bien trempé de leur curé qui ne va pas tout à
fait dans le sens de l'intérêt communal. Le 20
juillet 1895, une nouvelle délibération est
prise : Saunière doit réintégrer le presbytère et
installer ailleurs son cabinet.
Le Maire sera aussi interpellé à propos du curé effectuant quelques
transformations dans le petit cimetière... Saunière fait
en effet bâtir face à la porte d'entrée, sur le mur
Nord, un ossuaire pour regrouper les ossements. Extrait
de cette interpellation écrite : |
"Nous avons
l'honneur de vous prévenir qu'à l'accord du Conseil
Municipal de Rennes-le-Château à la réunion qui a eu
lieu le dimanche 10 mars à 1 heure de l'après-midi dans
la salle de la Mairie, nous électeurs protestons qu'à
leur décision ledit travail que l'on donne droit au Curé
de continuer n'est d'aucune utilité et que nous joignons
pour appui à la première plainte, notre désir d'être
libres et maîtres de soigner chacun les tombes de nos
devanciers qui y reposent et que M. Le Curé n'ait pas le
droit qu'après que nous avons fait des embellissements
ou placer des Croix ou des couronnes que tout soit
remué, levé et changé dans un coin" |
Septembre 1896 ‑ La restauration de l'église commence...
C'est aussi à
cette période que les grands travaux dans l'église commencent. Saunière
qui a lancé des devis finit par se mettre d'accord le 7 septembre avec un entrepreneur,
M. Castex. Le montant des travaux est évalué à 2400 francs‑or.
À titre de comparaison, un autre devis fourni par le même architecte pour la
construction d'une nouvelle église s'élève à 4500 francs‑or.
La restauration est importante et consiste à dresser la voûte de la
paroisse et les arceaux au moyen de briques creuses. Au nombre de quatre, ils
doivent rejoindre les contreforts intérieurs. Il faut aussi piquer les vieux
plâtres, refaire les parties abîmées et enduire. Les murs doivent redevenir
propres afin de pouvoir recevoir les décorations et les peintures. L'autel doit
également être redessiné en forme de gradins pour y recevoir des candélabres. Le
devis comprend aussi les peintures de toute la nef dans un style roman, des
couleurs qui doivent s'harmoniser avec la paroisse entière.
Comment Saunière a‑t‑il pu financer les
travaux ? C'est la première question qui hanta
tous les chercheurs des années plus tard. Les détracteurs
invoqueront un trafic de messe, mais les sommes engagées
sont très loin d'une quelconque tricherie sur le nombre de
messes.
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L'église Marie‑Madeleine aujourd'hui, richement décorée |
Les gros travaux dans l'église Marie‑Madeleine ne cessent qu'à
la fin de l'année 1896 et c'est
à cette date qu'ils prennent une orientation plus décorative et symbolique.
Saunière engage les artisans
les plus éminents de la région pour sculpter des statues et les pierres.
Il fait refaire toute l'église avec des décorations étonnantes et parfois pas
très catholiques. Les cloisons sont doublées et décorées, un
statuaire luxueux est installé. Le culte de Marie‑Madeleine
est partout et un diable grimaçant
que l'on appellera plus tard Asmodée garde l'entrée et sert de bénitier.
Ce dernier est surmonté de quatre anges qui feront couler
beaucoup d'encre. Une équipe
d'artistes et de décorateurs italiens est même financée, et des sommes énormes
sont dépensées.
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Les quatre anges du bénitier
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Le diable Asmodée
servant de bénitier
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C'est en effet le
20 novembre
1896 qu'un
contrat
est
signé entre M. Giscard, peintre statuaire résidant à
Toulouse 25 rue de la colonne, et l'abbé. Ce contrat d'un
montant de
2500 francs‑or
prévoie la
fourniture de :
un bas relief grande bosse (fresque)
avec le titre "Venez à moi..."
un chemin de croix
en riche polychromie
une piscine représentant le
baptême de Jésus par Saint‑Jean‑Baptiste
7 statues décoration extra riche avec les socles
4 anges du
bénitier décoration
extra riche
divers pinacles et petites
statues
Toutefois,
si le contrat porte sur des décorations bien répertoriées, on
ne retrouvera jamais de trace comptable du
bas relief Marie‑Madeleine
sous l'autel, des
deux peintures de chaque côté de la fresque
haut relief, et du
diable
Asmodée
à l'entrée qui est un modèle unique
commandé par
Saunière. Il existe par contre une facture de la Maison
Giscard on l'on trouve une ligne "Bénitier
avec diable et signe de croix" 300 francs‑or.
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Joseph et Marie portant chacun l'Enfant Jésus et se faisant face
Dessous, le bas relief Marie‑Madeleine sous l'autel |
4 décembre 1896 ‑ La construction du calvaire
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L'homme d'Église aurait pu s'arrêter là,
considérant que sa paroisse, lieu de prière, est maintenant conforme et prête à accueuillir
les fidèles, mais ce n'est qu'un début et les curiosités vont s'accumuler.
Le 4 décembre, les mesures sont prises par
un artisan pour élever une
croix extérieure. Elle sera construite par Adrien Villa, un menuisier.
Un socle
carré de pierre composé de marches est bâti. Il prend la forme d'une pyramide
tronquée située au centre du jardin triangulaire. Au‑dessus, un solide pilier est destiné
à supporter le Christ en croix.
La
Dalle des Chevaliers sera posée devant les marches, face vers le ciel.
La Croix de Mission
(carte postale Saunière)
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Le "curé aux milliards" voyage...
Au même moment, l'abbé se met à voyager à travers la France et peut‑être même
jusqu'à Budapest, apparemment pour solliciter des subventions afin de restaurer
l'église. Il ouvre plusieurs comptes bancaires à
Perpignan, Toulouse,
Paris et même
Budapest. Il
fallait en ce temps‑là
entre deux et trois jours pour rejoindre Budapest depuis Rennes‑le‑Château par
le train...
À noter que Budapest
est la capitale des
Habsbourg...
Très curieusement, des mandats arrivent de toute l'Europe, libellés au nom de
Marie Dénarnaud,
et apparemment expédiés par différentes communautés
religieuses, dont la Congrégation des
lazaristes.
C'est à cette période que le pauvre prêtre sans le sou devint dans la rumeur
populaire :
« Le curé aux milliards »
Saunière donnera d'ailleurs une réponse des
années plus tard à sa hiérarchie lors de son procès : " J'ai reçu de très
nombreux dons... ", ou encore : " Mon frère était prédicateur, il avait
de nombreuses relations, il me servit d'intermédiaire à ces générosités "
Saunière est également un homme intelligent et prévoyant. Des mots sont préparés
à l'avance pour répondre au courrier. Et à chaque absence, il
laisse à Marie Dénarnaud le soin d'ouvrir les lettres, de choisir la meilleure
formule, de dater, et de
poster. La lettre permet à l'abbé de s'excuser le temps d'un aller‑retour
auprès d'un ami, d'un confrère malade, ou d'un voyage. Seul le village constate
les absences. |
1897 ‑ Embellissements de l'église
En 1897, le
prêtre complète la sacristie d'un meuble en chêne du nord à deux corps. Il
y a aussi plusieurs placards en pin et quatre portemanteaux, une glace et une
fontaine. Les ustensiles de culte ne manquent pas : deux calices dorés, un
ostensoir, une garniture complète du maître‑autel, une écharpe, une étole et une
chasuble rouge. Le 31 mai 1897, Charles Dénarnaud, artisan, pose
la grille des fonts baptismaux, et le 30 juin, les anciens fonds
baptismaux en pierre sont remplacés par une piscine avec le baptême de Jésus par
Saint Jean‑Baptiste. Le prêtre sera d'ailleurs félicité par
Mgr Billard pour
les ornements et
le mobilier.
Saunière commande aussi un tronc en chêne monté sur une
colonne avec une statue sculptée (400 francs‑or). Surtout, il y a un nouveau
confessionnal en chêne sculpté où l'on peut voir un berger dégageant des ronces
une brebis égarée. Étrange brebis que celle‑ci avec une patte casée et
une tête de diable à l'envers. Serait‑ce une allégorie à la légende du
berger Paris ?
L'ancien chemin de croix fait de lithographies est déposé et
un nouveau jeu de 14 stations en
terre cuite orne maintenant les murs de la paroisse. Les scènes haut‑relief
sont richement peintes et impressionnent. Gérard de Sède s'y attardera bien plus
tard, suspectant un codage. L'imagerie chrétienne alimentera également de
nombreuses recherches. Enfin un riche statuaire est installé et les sept
personnages hauts de 1,30 m ajoutent une nouvelle dimension à la paroisse.
La restauration complète de l'église se termina en 1897 et
le résultat est impressionnant. Son coût sera estimé à environ 16 200 francs‑or, ce qui correspond de nos
jours à 45 198 euros.
La somme aurait permis de faire construire à
l’époque quatre nouvelles églises...
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Le relief sculpté du confessional
avec le berger et sa brebis
égarée à la patte cassée...
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6 juin 1897 ‑ Visite de son évêque protecteur
Le 6 juin 1897 Saunière reçoit la visite de son évêque
Mgr Billard et l'objectif est d'inaugurer les travaux réalisés.
L'évêque de Carcassonne donne aussi la confirmation à de jeunes paroissiens. Un repas
gastronomique est organisé pour l'occasion et un buffet majestueux est dressé
dans l'école pour tout le village (foies gras, langoustes, lièvres, pintades,
fruits de mer, grands vins, et rhum dont Saunière raffolait...) et Saunière fera
même un petit discours vantant habilement ses travaux et son dévouement. La fête durera
toute la journée jusqu'à 18h, heure à laquelle Mgr Billard doit rejoindre Carcassonne.
Pour commémorer cette journée de la Pentecôte, la visite pastorale de Mgr Billard et la mission prêchée par le
R.P. lazariste Mercier, une plaque est posée sur le calvaire.
Beaucoup imaginèrent un
Mgr Billard naïf et qui
dut être interloqué par une telle démonstration de richesse. En fait, il est
plutôt étonnant d'observer sa complaisance allant jusqu'à une complicité
flagrante.
En effet, comment accepter de faire un tel voyage d'inauguration sans
l'approuver ? Comment apporter la bénédiction
à tous les ouvrages de Saunière sans réaction et étonnement ? Et que dire
de son discours élogieux sur les travaux effectués ? Ceci renforce l'idée d'un
évêque parfaitement au courant des agissements de son prêtre, un évêque impliqué comme on peut le deviner
dans l'affaire de
ND de Marceille. En
1897, Mgr Billard avait
en effet déjà fait
le nécessaire pour mettre la main sur le sanctuaire limouxin... |
Le calvaire et la plaque commémorant la visite de Mgr Billard le 6 juin 1897 |
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Il faut imaginer la
consternation des villageois qui virent leur vieille
église fissurée se mettre tout à coup à briller de tout
feu sous des ornements et des couleurs écarlates. Les
dorures, les peintures de paysage, les bas‑reliefs, les
statues, les boiseries sculptées, le nouveau dallage,
les voûtes qui redessinent la paroisse, la nouvelle
chaire aux filets d'or, le chemin de croix envoûtant,
les vitraux, de nouvelles fenêtres... Tout participe à
créer une ambiance à la fois riche et humble,
respectueuse et étrange, chrétienne et inquiétante. Ce
jour du 6 juin 1897 a dû être pour
Bérenger Saunière un instant de fierté et de
reconnaissance incomparable. Suite à ce succès, il écrit
à son fournisseur du culte, M.
Giscard, une lettre pleine de louanges...
|
" Nos
splendides fêtes de la Pentecôte, avec la clôture des
exercices de la mission et la visite de notre évêque, ne
m'ont pas permis plus tôt de venir vous accuser
réception et de vous dire un mot de l'effet produit sur
nos innombrables spectateurs par tous les articles aussi
riches que variés fournis par votre maison.
Devant une foule beaucoup trop considérable pour notre petite
église, Monseigneur a passé en revue toutes les beautés
entassées dans la maison de Dieu : statues, bas relief,
chaire, chemin de Croix, bénitier rien n'a été oublié.
Mais ce qui a attiré surtout son attention a été la
piscine, le bénitier et le bas‑relief, ce dernier
surtout qu'il a longuement contemplé tous ses détails.
Il m'a demandé devant tout le monde qu'elle était la
maison qui m'avait fourni de si belles choses et le nom
de l'artiste qui avait si bien rendu la scène "Venez
tous à moi ". Naturellement, je lui ai dit votre nom. Et
alors, sans vous connaître probablement, il s'est mis
devant mes nombreux confrères à faire de vous les plus
grands éloges.
Le lendemain lundi, nous avons eu des visiteurs, non seulement des
paroisses voisines, mais encore de très loin et au dire
de beaucoup, la renommée de toutes ces merveilles s'est
répandue dans tout le département. Deo Gracias ! Je m'en
réjouis surtout pour vous, Monsieur Giscard, car votre
nom qui court déjà de bouche en bouche parmi les
nombreux confrères assistant à notre fête va devenir
célèbre ? Que Dieu en soit béni et que votre maison
prospère de plus en plus. Voilà ce que je demande au
ciel pour vous tous " |
La fresque de la Montagne
Fleurie au‑dessus du confessionnal
et
que Saunière appelle bas relief
|
Octobre 1898 ‑ La
construction du Domaine débute
En 1897, les gros travaux de restauration de l'église et du presbytère
sont terminés et tout le monde pense que les projets
d'embellissement sont achevés, d'autant que l'inauguration des ouvrages a eu lieu.
Or, Bérenger Saunière est un homme entreprenant et insondable, et les surprises
vont continuer.
Entre 1898
et 1905,
le prêtre se met à acheter
des terrains non bâtis situés au sud du presbytère et autour de l'église, en
bordure du village, ainsi que des vieilles granges au sud‑est de la cour du
presbytère. Au total, 6 terrains vont être acquis et il les mettra au nom de
Marie Dénarnaud.
Ces terrains sont enregistrés au service de la conservation des hypothèques de
Limoux pour un montant de 1550 francs‑or. À
ce stade, le doute n'existe plus. Le prêtre possède bien une source de
financement occulte et les questions deviennent légitimes.
Le 22 octobre 1898
Le 27 avril 1899
Le 20 juillet 1899
Le 5 juin 1900
Le 20 mai 1902
Le 4 avril 1905 |
Parcelle n° 576
Parcelle n° 581
Parcelle n° 583
Parcelle n° 593
Parcelle n° 613
Parcelle n° 648 |
200 frs
300 frs
110 frs
100 frs
600 frs
40 frs |
Les terrains acquis peu à peu de
plusieurs personnes vont servir
un
second projet encore plus ambitieux et que l'on nommera plus tard : « Le
Domaine
de Bérenger Saunière », un
Domaine qui cristallisera les mystères
de Rennes‑le‑Château.
Marie Dénarnaud connaissait‑elle vraiment le projet ? Car, elle devient tout à coup riche, acquérant en son nom plusieurs propriétés
grâce à son abbé. Elle prend en tout cas la décision de quitter son travail de
chapelière à Espéraza. L'objectif de Bérenger Saunière est à la fois
simple et prévoyant : il ne doit posséder aucun bien officiellement à son nom, et
même son presbytère est loué à la commune.
Car il faut savoir que nous sommes juste avant 1905, une
période qui se prépare aux lois sur la Séparation de l'Église et
l'État. Saunière qui a certainement senti les prémices d'une révolution
dans le monde religieux, est prudent et choisit de ne rien posséder en son
nom de peur de voir l'État confisquer ses biens.
Voyant également que sa mission de prêtre pourrait être compromise par les
turbulences politiques, la location du presbytère devient précaire. Décidé à
rester à tout prix à Rennes‑le‑Château, il décide de construire une nouvelle
demeure toujours au nom de Marie. Les travaux de la
Villa Béthanie et de la Tour Magdala
commencent. L'architecte est un certain
Tiburce Caminade de Limoux et l'entrepreneur est
Élie Bot. Ce dernier travaille la
semaine pour Saunière et redescend à Luc‑sur‑Aude uniquement pour ouvrir son
café. Au courant de tous les projets, il restera muet. Les travaux nécessitent pas moins de
17 ouvriers et des pierres de granit bleu sont taillées à Saint‑Sauveur
puis rapportées à dos de mulets. Les pierres en grés sont extraites aux
carrières de Lavaldieu, lieu‑dit Bals la Cigalière. Rennes‑le‑Château est un nid
d'aigle avec un accès difficile et les travaux sont un réel défi face à leur
ampleur.
Les plans du Domaine sont scrupuleusement respectés et l'agencement montre
une logique géométrique complexe et une multitude de curiosités. Les
terrassements vont durer un an et des tonnes de terres et de remblais sont
amenées pour construire les fondations. Un vaste potager et un verger prennent
naissance.
Nous savons aujourd'hui que le Domaine respecte une
géométrie très précise et sacrée qui montre que Bérenger Saunière ne
peut être le concepteur.
|
1899 ‑ Saunière est proposé pour un "personnat"
Une anecdote intéressante survient en 1899.
Mgr Billard propose en effet Bérenger Saunière à
l'agrément du préfet pour un "personnat".
Qu'est‑ce qu'un personnat ? Le
mot est emprunté au latin ecclésiastique personatus, dérivé de persona
(« personne »). Dans le contexte chrétien, il s'agit d'une sorte de bénéfice
dans une église cathédrale ou collégiale qui donne préséance sur les simples
chanoines ou prêtres.
En clair,
l'évêque de Carcassonne avait l'intention d'accorder à Saunière un privilège
supplémentaire à son statut de prêtre, mais pour quelle raison ? Mgr Billiard
a‑t‑il vu chez Saunière un homme d'Église charismatique et entreprenant pouvant assumer des fonctions plus
élevées ? Voulait‑il le récompenser ? Ou bien s'agit‑il d'autre chose ?
Suite à la demande, une
procédure préfectorale s'engage, et le 2 octobre le Sous‑prefet
de Limoux est chargé de fournir des renseignements confidentiels sur la
conduite, les opinions politiques, et la situation financière du prêtre. Il faut
rappeler qu'à cette époque l'Église est encore sous la juridiction de l'État.
Le retour va être défavorable et le Sous‑préfet indiquera le 16 octobre :
"M. l'abbé Saunière
est dans une situation de fortune aisée. Il n'a pas de charge de famille. Sa
conduite est bonne. Professe des opinions antigouvernementales. Attitude
réactionnaire militant. "
Saunière ne sera finalement
pas nommé... |
Avril 1900 - Une concession perpétuelle
Le 15
avril 1900, Bérenger Saunière sollicite par
pétition du Conseil municipal une concession perpétuelle
de 6 m2 de terrain dans le petit cimetière de l'église.
Le prêtre propose en effet de construire à ses frais et
à l'endroit fixé par le plan dressé par
l'architecte Caminade, un caveau exclusivement
réservé à la sépulture des curés de l'église qui
désireraient y être inhumés.
Le 30 avril 1900, le Conseil donne son
accord :
Après
examen attentif de cette pétition ; ainsi que du
plan du cimetière y figurant l'emplacement du
terrain à concéder, Monsieur Sauzède, maire,
propose au Conseil d'accorder au pétitionnaire
qui a restauré et embelli à ses frais, d'une
façon merveilleuse l'église et le presbythère,
la concession qu'il a sollicitée, à titre de
reconnaissance et dédommagement de ses
libéralités envers la commune et cela avec
d'autant plus de raison qu'il s'est engagé à
prendre à sa charge le droit des pauvres et à
verser par conséquent à la caisse municipale la
somme de soixante francs représentant la part
qui leur revient.
Le Conseil Municipal accorde à Monsieur Bérenger Saunière Curé de
Rennes-le-Château, la concession perpétuelle
sollicitée, avec l'autorisation de construire à
ses frais sur ce terrain le caveau décrit, le
tout dans les indications du plan dont nous
avons parlé.
Fait et délibéré à Rennes-le-Château, le jour, mois et an que
dessus et ont signé au registre les membres
présents.
Le Maire : Sauzède |
Sur ce, Saunière
répondra favorablement en ces termes :
Je
sousigné Saunière Bérenger, curé de
Rennes-le-Château, m'engage personnellement à
verser, dés l'approbation de la délibération
ci-dessus, dans la caisse du receveur municipal,
la somme de soixante francs, part revenant aux
pauvres de la commune de Rennes-le-Château sur
la concession de terrain demandée. |
Cet épisode est particulièrement
interressant sur un point : l'existence d'un
plan de l'architecte Caminade précisant
l'endroit exact où devait être construit le caveau de
Saunière. Cette indication est confirmée par la réponse
écrite faite par le Conseil Municipal. Une question est
donc posée : pourquoi l'architecte a-t-il voulu indiquer
avec précision sur un plan la localisation exacte du
caveau ?
Or, la réponse est peut-être donnée par le
Domaine et sa
géométrie sacrée.
En effet, son étude
montre que le caveau est intégré dans une composition
géométrique régulière et dorée ; il est posé sur un
cercle, et à la croisée de plusieurs axes. Tout ceci
montre à quel point le Domaine a été bâti selon un plan
et une géométrie très rigoureuse, le tout élaboré bien
avant le projet de construction. Car il est clair que
l'on n'échafaude pas une telle architecture en quelques
mois compte tenu des contraintes de terrain qui
existaient et d'un cahier des charges très certainement
hors norme... |
Mai 1901 ‑ Les travaux de la Villa Béthanie
et
de la Tour Magdala commencent
La construction de la Villa Béthanie débute et le gros œuvre dure un an.
L'édifice
mettra 5 ans à être terminé et
la
Tour Magdala sera construite dans la foulée.
La Villa Béthanie est une luxueuse demeure
en pierre de taille de style Renaissance entourée de jardins
tropicaux. |
C'est
le point d'orgue de son œuvre
qu'il destine après sa mort à devenir une maison de retraite pour les prêtres
du diocèse. Ce ne sera jamais le cas.
La villa servira par contre de lieu de réception où seront accueillies des grandes personnalités de l'époque dont un certain
Mr Guillaume, membre de la famille des Habsbourg
et qui n'est autre que Johan de Habsbourg, archiduc
d'Autriche‑Hongrie. |
La Villa Béthanie aujourd'hui |
La
Tour Magdala qui est devenue le symbole de Rennes‑le‑Château
est une tour néogothique carrée à deux étages, installée en bordure de la
falaise et
surplombant le plateau du Bal des Couleurs. Des tonnes de terres sont déversées
à cet emplacement pour consolider les fondations, et la base de la tour est
ancrée sur un bloc rocheux. Il faut absolument remblayer le terrain qui
possédait au IVe siècle d'anciennes fortifications.
Saunière y installera une bibliothèque au premier étage faite sur mesure en bois précieux et que
l'on peut toujours admirer. Le mobilier est livré par la maison Noubel, Grand
rue à Carcassonne, et nécessitera 24 jours pour le monter. La
bibliothèque coûtera pas moins de 15 000 francs‑or.
Saunière aime les collections et la diversité de ses livres qui impressionnent les visiteurs.
Quelques titres interpellent comme : "Marie, ses mystères et son culte",
"Histoire de la nouvelle hérésie du XIXe siècle", "La légende du
grand Saint‑Antoine", "Les hérésies de Judas", "Vespéral
romain"...
Il engage aussi un relieur professionnel qui travaille pour lui à plein temps.
Il achète une collection de 1000 cartes postales, des photos de la
région, et une autre de
100 000 timbres du monde entier. |
La Tour Magdala en
construction |
La Tour Magdala aujourd'hui |
Outre la
Tour Magdala, Bérenger Saunière
fait construire côté Nord une tour de verre, la Tour de l'Orangeraie dans laquelle il fait pousser des essences de plantes et de
fleurs les plus rares de la région. L'arrondi du plateau entre les deux tours
est aménagé par un épais chemin de ronde appelé
belvédère. Dessous, Saunière installe des citernes. Les
remparts sont accessibles depuis deux escaliers arrondis
qui encerclent un bassin et une fontaine. Les tours et
le belvédère délimitent un espace qui deviendra le Parc.
C'est un somptueux jardin avec des arbres de différentes
essences et des fleurs qui s'épanouissent grâce à l'eau
fournie par les citernes.
Saunière achète même un singe qui ne manque pas
d'étonner et d'effrayer les habitants du village.
Il peuple ses magnifiques jardins d'animaux exotiques comme des paons, des aras
et des cacatoès. Il plante des orangers. Il importe
des vins et des spiritueux du monde entier. Saunière aime recevoir
somptueusement. Il a aussi deux
chiens qu'il nomme Faust et Pomponet. |
La Tour de l'Orangeraie |
qui est aussi une serre... |
Décembre 1901 ‑
Mgr Billard décède
Saunière ne s'en doute pas encore, mais au fil des années, la population et le clergé local seront scandalisés par le train de vie et un
tel étalage de richesses d'un homme d'Église.
Jusque‑là, l'évêché avait fermé les yeux sur ces extravagances, sans doute grâce
à la complicité de Mgr Billard. Or, le
vent finira par tourner dans les années qui viennent et les supérieurs hiérarchiques de Saunière commenceront
à réagir.
|
Le début de cette rupture va se produire en 1901...
En effet,
l'intriguant protecteur de Bérenger Saunière,
Mgr Arsène Billard, évêque de
Carcassonne (siège épiscopal dont dépendait Rennes‑le‑Château)
décède le 3 décembre 1901, et à cette date les ennuis vont commencer
pour le prêtre.
Un
successeur est très vite nommé,
Mgr Paul‑Félix Beurain de Beauséjour, et les
rapports avec Saunière vont être très différents et plutôt glacials.
1902 ‑ Le vent tourne
À partir de cette période, Bérenger Saunière perd ses appuis. La mort de Mgr Billard, puis
en 1903, celle du conciliant pape Léon XIII (1878 à 1903), ami de
la famille de Habsbourg, n'arrangent pas ses affaires. |
Mgr de Beauséjour |
La fortune du curé attire inévitablement l'attention du nouvel évêque de Carcassonne,
Mgr de Beauséjour et du nouveau pape Pie X (1903 à 1914) qui
considère moins favorablement les activités exubérantes du prêtre.
Apprenant la vie de son curé de Rennes‑le‑Château,
Mgr de Beauséjour
reçoit donc la mission de ramener au bercail cette turbulente brebis.
Après une première enquête, il constate que ce qu'on lui avait rapporté est bien en
dessous de la vérité. La réaction est alors immédiate. Des comptes sont demandés au prêtre et
les réponses
vont être plutôt laconiques :
« J'ai reçu de nombreux dons qui m'ont permis de réaliser
l'embellissement de l'église du village...
Mes donateurs souhaitent rester dans l'anonymat »
Mgr de Beauséjour insiste et demande des comptes précis,
mais l'attitude de
Saunière reste étrange. Il griffonne rapidement des comptes qu'il remet au
prélat et qui de toute évidence semblent truqués. Le plus incroyable est
que Bérenger Saunière ne minimise pas ses dépenses. Bien au contraire, au lieu de
faire croire qu'il n'avait pas d'argent, il met en évidence, au travers de ces
lignes comptables truquées qu'il en possède énormément.
Mgr de Beauséjour lui envoie ordre sur ordre et à chacun d'eux Saunière
répond par un regret ou une excuse de ne pouvoir y obéir. Après avoir vu ses
ordres et ses requêtes éludés pendant environ une année, l'évêque finira par le
prendre de front et lui demandera directement d'où provient sa fabuleuse fortune.
Saunière répondra que des legs lui avaient été faits personnellement et que
c'était à lui seul de décider comment il dépenserait cet argent. Inutile de dire
que l'évêque ne sera ni satisfait ni impressionné par cette réponse et cette
attitude désinvolte. |
1904 ‑ Le Domaine est terminé
Le Domaine de Saunière est finalement achevé en 1904
et au total 7 années ont été nécessaires pour
transformer la vieille paroisse et une partie aride et désertique du plateau en
un luxueux jardin aménagé de constructions pittoresques et d'une église
flamboyante.
Les jardins
sont tirés au cordeau respectant un tracé très rigoureux, et les nombreuses plantations contrastent
avec le paysage aride des alentours. Tout semble prévu pour vivre en autarcie et
surtout étonner.
|
Le Domaine de Bérenger Saunière en 1904 |
Tout est presque en place en 1904. On reconnaît sur la
photographie la
Villa Béthanie
et au premier plan le Parc. Les jardins sont tirés au cordeau et les arbres fraîchement plantés
contrastent avec les alentours. À
gauche, l'église Marie‑Madeleine et le presbytère, à droite le château de
Hautpoul. La
Tour Magdala
sera terminée en 1906 avec la pose des planchers.
Le Domaine devient un jardin luxuriant agrémenté de fontaines et alimenté en eau
par citerne. Ce havre de paix aux ambiances méditerranéennes contraste avec
le reste du village et les alentours secs et arides.
On estime aujourd’hui qu’entre 1887, date de début des travaux et
1917,
date de sa mort, notre curé dépensa environ 675 600 francs‑or, soit
1 884 924 euros.
Il est très difficile de comparer une telle somme en euros actuels avec autant d’années d’écart. Un franc‑or ramené à 2,79 € ne représente pas une
valeur de bien équivalente, mais cela donne une idée des montants dépensés qui sont astronomiques pour l’époque.
Pour
mesurer l'importance du montant, il suffit d'indiquer qu’un repas dans un
restaurant luxueux tel que chez Maxim’s coûtait à cette époque 20 francs‑or… |
Plan de référence du Domaine issu du plan 1917
et rectifié selon Google Earth, les photos IGN,
et les photos anciennes et cartes du temps de Saunière |
Septembre 1905 ‑ Changement de comportement
C'est à cette date que son frère
Alfred Saunière, malade et alcoolique, décède et Bérenger
Saunière prend de la distance avec sa famille. C'est aussi à cette période
qu'il commence à afficher une certaine complicité avec sa jeune servante. Marie Dénarnaud commande ses robes par correspondance dans les plus grands
magasins de Paris et ses tenues laissent de nombreux souvenirs aux habitants.
Le curé du village change aussi de comportement. D'un esprit jovial, il devient
plus taciturne et n'hésite pas à s'enfermer des journées entières dans la
Tour Magdala.
Son temps, il le passe au milieu de ses livres et de sa collection de timbres et
de cartes postales, savourant de temps à autre un petit verre d'alcool. Ce
penchant régulier
lui vaudra à terme une cirrhose et à terme
une congestion cérébrale grave et soudaine.
À partir de cette époque, Saunière devint visiblement soucieux. Était‑ce le contexte politique et la séparation de l'Église et de l'État qui le
minait ? Était‑ce la mort de son frère Alfred ? Ou la connaissance d'un secret trop lourd à porter ? Sans doute tout à la fois... |
1906 ‑ Une vie mondaine
Les sommes dépensées sont énormes et le prêtre vérifie toutes ses factures
en notant scrupuleusement les décomptes. Mais les dépenses courantes ne s'arrêtent pas
là, car après la fin des travaux, il faut emménager. Toute la décoration, les
papiers peints, les peintures, les tapisseries, les objets d'art, l'argenterie
et le mobilier sont achetés par Saunière et revendus à
Marie Dénarnaud
pour une somme symbolique. La stratégie du prêtre ne change pas : ne rien avoir
à son nom propre et garder la jouissance des biens. Un testament
mutuel est même rédigé pour garantir à chacun la conservation des biens au
dernier vivant.
|
Saunière reçoit aussi et mène grand train. Il
invite à sa table des élus, des prêtres, et des amis. Il y a également des personnages importants tel un certain M. Guillaume à l'apparence aristocratique qui s'avérera être un membre de la
famille des Habsbourg, plus exactement Jean‑Népomunène‑Salvator d'Autriche
(il se fera appeler plus tard Jean Orth). Les villageois témoignent notamment de son
accent germanique et finiront par l'appeler l'étranger...
Cette fréquentation a d'ailleurs des conséquences néfastes pour Bérenger
Saunière,
car il sera très vite soupçonné d'espionnage au début de la Première Guerre
mondiale. |
Johan de Habsbourg ou
Johan‑Népomunène‑Salvator d'Autriche jeune (1852‑1890) |
Johan de Habsbourg
alias Jean Népomucène Salvator
de Habsbourg‑Toscane
Il naquit en
1852 et
disparut (présumé
mort) en 1890. L'archiduc d'Autriche est également connu sous le nom
de Jean Orth, un nom qu'il prit lorsqu'il quitta le royaume des Habsbourg.
Il est le fils du grand‑duc Léopold II de Toscane
(1797‑1870) et de sa seconde épouse
Maria‑Antonietta, Princesse des Deux‑Siciles
(1814‑1898) |
Jean Salvator
de Habsbourg |
Un étrange mystère plane sur
l'archiduc Jean Salvator de Habsbourg‑Toscane et sur sa supposée tentative de coup d'État
fomentée avec l'aide de son cousin l'archiduc Rodolphe de Habsbourg‑Lorraine.
Le 30 janvier 1889 c’est en effet le drame : le prince Rodolphe et sa maîtresse Marie Vetsera sont retrouvés morts dans le relais
de chasse de Mayerling. On ne connaîtra jamais les assassins, mais Jean Salvator sera accusé de complot d'État. Il finira par
disparaître
de façon étrange en mer en
1890 après avoir fui le royaume autrichien.
On sait peu de
choses sur sa vie réelle et son histoire est troublante. Officiellement, il
quitta la famille des Habsbourg pour partir en tant qu'aventurier.
N'ayant plus aucune nouvelle de lui on estima alors qu'il disparut en mer. Mais
lorsque l'on s'intéresse de près à sa vie, les faits sont bien plus complexes et
étranges...
|
De nombreuses célébrités artistiques et politiques ont également séjourné dans
la Villa Béthanie comme le secrétaire d'État aux beaux‑arts, Henri Charles
Étienne Dujardin‑Beaumetz, franc‑maçon, affilié à la loge « La Clémente
Amitié » alors conseiller général de Limoux et député de l'Aude.
Étienne Dujardin‑Beaumetz (1852‑1913) fut élu aux législatives de
1889. Il
resta député de l'Aude jusqu'en 1912 et devint Sous‑secrétaire aux Beaux‑arts de
1905 à 1912 (Affaire du vol de la Joconde), puis élu au sénat en
1912. |
Étienne Dujardin‑Beaumetz |
Durant des années, Bérenger Saunière et sa gouvernante mènent une vie
fastueuse, entourée de personnes de haut rang tant régionales que nationales et
même internationales. Certains témoignages parlent d'une chanteuse à la voix prodigieuse... Était‑ce Emma Calvé ?
De son vrai nom Emma Calvé de Roquer,
elle naquit à Decazeville dans l'Aveyron
en 1858 et mourut en
1942 à Millau. Pour de nombreux auteurs, elle
fut amie et peut‑être amante de Bérenger Saunière après l'avoir rencontrée dans
un hypothétique voyage à Paris. Mais aucune preuve n’existe aujourd'hui sur cette
liaison d'autant qu'il n'existe aucune trace du prêtre dans la capitale. Il
est vrai que des villageois rapportèrent avoir entendu lors des fastueuses
réceptions organisées par l'abbé, une voix puissante et mélodieuse d'une
chanteuse d'Opéra. Dans son roman « L'or du diable », Jean‑Michel Thibault
décrit une liaison tumultueuse et passionnée entre le prêtre et la
chanteuse.
Emma Calvé est par ailleurs un personnage étrange. Elle eut une carrière
somptueuse qui débute à Bruxelles en 1882. Elle paraît aussitôt à Paris,
puis à la Scala de Milan en 1887 et chante régulièrement à Londres en
présence de la Reine Victoria. Elle chante aussi à New York, Monte‑Carlo et dans bien
d'autres lieux de prestige. C'était la diva de l'époque et elle fut reconnue
comme une Carmen exceptionnelle. Elle écrivit ses mémoires en
1940 sous
le titre « Sous tous les cieux, j'ai chanté »
Elle acheta le
château de
Cabrières, près de Millau, où elle y passa ses dernières années. À côté de
son talent incontestable, elle était connue également pour être proche de
certains milieux ésotériques très en vogue. |
|
Emma Calvé |
Ses extravagances n'étaient pas entièrement égoïstes. Aux familles les plus
pauvres de la région, elle remit des sommes allant de 10 000 à 15 000
francs‑or, une fortune en ce temps‑là. Rappelons‑nous de la somme de 4500
francs‑or qui aurait été nécessaire à la construction d'une nouvelle
église.
|
Mars 1907 ‑ Location du presbytère
C'est en mars
1907
que Saunière décide de louer son presbytère. Pour cela, une proposition de
location est faite au Conseil municipal et le loyer annuel est fixé à 20
francs‑or. Le 24 mars, la proposition est soumise et l'offre est acceptée. La
commune a en effet intérêt à ce que le presbytère soit habité. D'autre part les
frais d'impositions et de réparations sont à la charge du locataire.
|
15 janvier 1909 ‑ Nomination à Coustouge
Exaspéré devant le
comportement de son prêtre,
Mgr de Beauséjour décide de nommer Saunière dans la paroisse
de Coustouge, un poste étonnant, car Coustouge n'a rien
d'une petite paroisse. La commune est bien plus grande que
Rennes‑le‑Château et bien plus riche. Contrastant avec la pauvreté du village,
il est clair que Mgr de Beauséjour cherche par tous les moyens à détacher
Saunière de son environnement. La réponse à son évêque sera cinglante :
« Monseigneur, j'ai lu votre lettre avec le plus extrême respect et j'ai pris
connaissance des intentions dont vous voulez bien me faire part.
Mais, si notre religion nous commande de considérer avant tout nos intérêts
spirituels, et si ceux‑ci sont assurément là‑haut, elle ne nous ordonne pas de négliger nos intérêts
matériels qui sont ici bas.
Et les miens sont à Rennes et non ailleurs.
Je vous
le déclare, Monseigneur avec toute la fermeté d'un fils respectueux, non
Monseigneur je ne
m'en irai jamais »
| |
La lettre de nomination
pour Coustouge |
Le titre de nomination
à Coustouge |
Coïncidence ou non, il se trouve qu'un autre curé décéda
étrangement dans l'affaire quelques jours avant cette mutation.
Le plus connu reste bien sûr Antoine Gélis
du fait de la brutalité de son assassinat. Or, il
existe aussi un autre prêtre dont on ne parle jamais et qui décéda le
9 janvier 1909 :
l'abbé Gaudissard. Il fut curé
d'Antugnac à partir du
1er
janvier 1897 et le successeur de Saunière avant que ce dernier ne soit
muté à Rennes‑le‑Château. L'abbé Gaudissard disparut jeune à
l'âge de 49 ans et on sait très peu de choses sur les circonstances exactes
de son décès. On peut en tout cas s'étonner non
seulement de cette coïncidence, mais aussi du délai d'une
semaine laissé à Saunière pour déménager et quitter
définitivement sa colline. Pourquoi tant de hâte ?
|
Le maire s'en mêle...
Alors qu'à son arrivée à Rennes‑le‑Château, Bérenger Saunière était en opposition
radicale avec la mairie, les opinions évoluent. Le jeune curé n'est plus vu
comme un fervent politique royaliste et opportuniste, mais comme un prêtre
enfant du pays, victime d'acharnement. Saunière recevra d'ailleurs plusieurs
lettres de soutien et d'incompréhension de ses amis prêtres.
La conséquence est
rapide, le
maire de Rennes‑le‑Château, M. Rougé prend sa plume et n'hésite pas à écrire à l'évêché pour faire part du
mécontentement des habitants du village à propos de cette nomination. Une anecdote amusante raconte que le maire n'hésita pas à signer un
bail de location du presbytère à Bérenger Saunière de 5 ans, et ce à
partir du 1er janvier 1907, empêchant
ainsi tout logement à un futur prêtre. Voici la lettre :
|
Rennes‑Le‑Château, le 6 février 1909
Le Maire de Rennes‑Le‑Château à Monsieur
l'Évêque à Carcassonne.
Monsieur,
En réponse à votre lettre du 31 janvier dernier, j'ai l'honneur de vous faire
savoir que je regrette le maintien de la décision prise à l'égard de M. l'abbé
Saunière. En ne donnant pas à la démarche que le Conseil municipal de
Rennes‑Le‑Château a faite auprès de vous, les suites que nous vous demandions
vous et votre Conseil avez été mal inspirés. Nous n'obtenons pas satisfaction ;
tant pis ! Tant pis aussi que vous ayez retiré à M. Saunière ses pouvoirs. Quant
à l'attitude de la population vis‑à‑vis de M. le curé d'Espéraza et du
successeur de M. Saunière, elle sera tout à fait simple : l'Église désertée et
les cérémonies religieuses remplacées par les cérémonies civiles. Vous voyez,
Monsieur l'Évêque, que vous n'aurez pas à vous armer contre nous des foudres de
l'Église. Quant au presbytère, il est loué pour une durée de cinq ans, à partir
du 1er janvier 1907 à l'abbé Saunière. Mais je dois vous faire connaître
qu'après l'expiration du bail et même actuellement, s'il devenait libre par
suite du départ du locataire actuel, le Conseil municipal se refuse formellement
à passer un nouveau bail avec le desservant que vous nous enverrez.
Je vous prie, Monsieur l'Évêque, d'agréer l'assurance de ma considération très
distinguée.
Rennes‑Le‑Château, le 6 février 1909
Le Maire |
28 janvier 1909 ‑
Saunière donne sa démission
Devant tant d'acharnement de sa hiérarchie, Bérenger Saunière finit par envoyer sa démission par écrit le 28 janvier 1909 et
elle est acceptée par Mgr de Beauséjour à la condition que Saunière
quitte définitivement Rennes‑le‑Château. Saunière répond en ces termes :
Monseigneur,
En présence de la décision maintenue de Votre Grandeur au sujet de mon départ de
Rennes, il me reste un parti à prendre suggéré d'ailleurs par Votre Grandeur
elle‑même alors que vous avez dit aux représentants de la commune en parlant de
moi : « Qu'il prenne sa retraite ». C'est pourquoi vous voudrez bien agréer ma
démission et ne plus me compter à partir du 1er février au nombre des prêtres de
votre diocèse qui exercent le saint ministère... |
|
Des prêtres réagissent de façon étrange
Si nous savons que
l'abbé Rouanet
encouragea Saunière à entrer en résistance, c'est qu'une lettre datée du
22 janvier 1909 fut retrouvée indiquant à
son ami Bérenger qu'il avait
craint pour lui dans le passé et qu'à présent il ne comprenait pas ce nouvel
acharnement. À quelle affaire l'abbé Rouanet faisait‑il allusion ? Son
conseil est en tout cas sans équivoque : démissionner car l'évêché ne cèderait
pas...
Serait‑ce tout ? Non, car d'autres
courriers possèdent ce même ton étrange comme celui du
23 janvier de
l'abbé Gazel,
curé de Floure, et qui écrivit en parlant de l'évêque :
" Le temps passé lui reviendrait‑il à
la mémoire ? "
Un peu plus tard, le 1er
février, ce même prêtre écrivait à Saunière :
" Si les prêtres qui reçoivent un
secours de la Caisse sont un peu forcés d'accepter ses volontés [de
l'évêque], il n'en est pas de même pour toi.
Tu as tes coudées franches... "
Ces courriers laissent entrevoir derrière l'affaire Saunière une
autre affaire plus occultes. Des manipulations et des connivences
restées longtemps secrètes remontent peu à peu à la surface grâce à
Mgr de
Beauséjour.
Le 9 février 1909, l'abbé Henri Marty est nommé curé de
Rennes‑le‑Château. Ne pouvant disposer du presbytère, il loge à
Carderonne.
Et c'est à partir
de mai 1910 qu'une longue et pénible affaire va commencer puis déstabiliser
Saunière. Le procès durera près de huit ans et il ne sera clos que le jour de
sa mort, du moins pour l'autorité diocésaine... |
27
mai 1910 ‑ Citation à comparaître
Mgr de Beauséjour
change alors de
stratégie et accuse Saunière de se faire payer pour dire les messes. L'accusation
ne tient pas et est peu crédible. Un rapide calcul montre qu'il aurait dû dire une messe pour chaque habitant du village
24h sur 24h et 365 jours par an pendant mille ans pour obtenir une somme qui n'aurait
représenté qu'une infime partie de sa fortune. Ces accusations montrent
cependant jusqu'où l'Église était prête à aller.
Le 27 mai, l'officialité du diocèse de
Carcassonne adresse à Saunière une citation à
comparaître : |
Je soussigné S.
Pennavaire,
promoteur de l'officialité du diocèse de Carcassonne :
Considérant que Monsieur l'Evêque avait à plusieurs
reprises ordonné à Monsieur l'abbé Saunière de ne plus
avoir à demander des intentions de messes à qui que ce
soit en dehors du diocèse ;
Considérant que Monsieur Saunière avait bien promis de s'en tenir
scrupuleusement aux ordres de sa Grandeur ;
Considérant qu'en fait M. Saunière a continué malgré tout à agir à
l'encontre des ordres reçus et des promesses faites à
l'honneur de prier Monsieur l'Official de vouloir bien
traduire Monsieur Saunière devant le tribunal de
l'officialité.
Signé Pennavayre, promoteur
|
16 juillet 1910 ‑ Procès pour trafic de messes
Bérenger Saunière est finalement cité à comparaître devant le tribunal de l'Officialité de
Carcassonne le 16 juillet 1910 à 10 heures pour une accusation de trafic de messes.
Saunière ne s'y rendra pas et une nouvelle convocation est envoyée demandant à
l'abbé de comparaître le 23 juillet. Le prêtre ne s'y rendra
toujours pas, prétextant des ennuis de santé.
Le tribunal ecclésiastique prononce le 23 juillet une première condamnation
"SUSPENSE A DIVINIS" d'un mois et les chefs
d'accusation sont sévères : trafic de messes, désobéissance à son évêque,
dépenses exagérées, honoraires de messes non acquittés. Le jugement est notifié
par le curé‑doyen de Couiza le 29 juillet 1910.
Saunière est désemparé, car un
premier jugement est tombé sans qu'il est pu se faire représenter par un avocat.
Saunière demande alors le "Restitutio in integrum"
(annulation du jugement) qu'il obtient, et il est de nouveau cité à comparaître
le 23 août 1910.
Mgr de Beauséjour sera arrivé partiellement à ses fins.
S'il réussit à faire preuve
d'autorité, il est dans l'incapacité à faire partir Saunière de
Rennes‑le‑Château. De plus, il sait
que l'accusation de trafic de messes ne permet pas d'expliquer les dépenses de Saunière.
Il confiera d'ailleurs à Mgr de Cabrières : «
Il fallait bien trouver
quelques choses pour le faire condamner ! »
Néanmoins, Mgr de Beauséjour ne veut pas en rester là, et trouvant peut‑être
le verdict trop doux, il décide de le convoquer, sans doute pour tenter une
nouvelle confrontation directe. À chaque lettre officielle, Saunière répond
par un certificat médical. |
|
Changement d'avocat
Devant
l'acharnement de sa hiérarchie et de son évêque
Mgr de Beauséjour,
Saunière s'enfonce dans la déprime. Il est clair qu'il ne pourra
plus compter sur ses revenus et envisage même la vente de son
Domaine. Mais l'homme est un battant, et il fait remplacer
son premier avocat, Maître Mis,
par un avocat ecclésiastique, ce qui est en soi une idée de
génie : l'abbé Huguet.
Recommandé et conseillé
par son ami l'abbé Grassaud,
Saunière recrute un avocat
spécialisé dans les affaires de l'Église va rendre la tâche de
l'évêché plus difficile.
Surtout,
l'abbé Huguet est une personnalité, non
seulement très forte, mais aussi très combative. Il écrit dans
plusieurs journaux catholiques et son ton est souvent acéré et
contestataire. |
L'abbé Huguet, avocat
(photo P. Jarnac © Pégase) |
Son parcours
est exceptionnel : Docteur en théologie et droit canonique, ancien professeur de l'université de Paris. Il participe à des congrès très réputés. Spécialisé
dans le culte marial, il dirige la formation des prêtres et ses
relations vont très haut dans la hiérarchie catholique. Il
voyage également beaucoup, surtout à Rome. Enfin, et c'est un
point important,
il fit ses études au séminaire de
Saint‑Sulpice. Tiens ?
L'abbé Huguet est un
saint‑sulpicien...
Saunière et Huguet vont alors nouer une certaine complicité. Il
est vrai que l'abbé Huguet profite des bons repas du prêtre et
de ses alcools...
Saunière est maintenant assisté d'un avocat
confirmé,
et ce dernier va utiliser la lenteur administrative pour prendre
connaissance du dossier déjà bien chargé et surtout plutôt
mystérieux. Mgr de Beauséjour
accepte finalement que le procès soit repris,
et il convoque Saunière le 23 août. Or, c'est les vacances et le procès est reporté au
15 octobre 1910.
L'abbé Huguet demande
alors à Saunière de lui fournir tous les renseignements
qui pourraient aider à rédiger un mémoire.
Le prêtre va alors fournir
des explications à son avocat, mais elles seront
largement insuffisantes. |
15 octobre 1910 ‑ Un second procès
Un nouveau procès a finalement lieu.
Saunière n'est toujours pas présent et c'est Huguet qui le
représente.
Le jugement est rendu le
5 novembre 1910
en présence de Saunière et Huguet,
et une réponse est donnée pour chaque accusation :
1.
Pour la désobéissance, Saunière est condamné à se rendre dans
une maison de retraite sacerdotale ou dans un monastère de son
choix pour y faire les exercices spirituels d'une durée de dix
jours et dans un délai de maximum 2 mois.
2.
Pour le trafic de messes, le tribunal n'a pas été
"suffisamment et juridiquement convaincu qu'il y ait eu trafic des
honoraires de messes".
3.
Pour les dépenses excessives, Saunière est condamné à
communiquer ses comptes précis à son évêque dans un délai
maximum d'un
mois.
Le 17 novembre 1910,
le curé de Couiza notifie à Saunière la sentence, et ce dernier
dispose de 10 jours pour faire appel, ce qu'il fait le
30 novembre, mais c'est trop tard. La sentence est
toutefois légère, l'accusation la plus grave retenue, puisque prouvée
par Mgr de Beauséjour, est la désobéissance. Saunière doit donc
communiquer ses comptes sous peine d'y être contraint par une
autre décision de justice.
|
30 décembre 1910 ‑ Demande de la
comptabilité
L'Officialité
envoie à Saunière la date à laquelle ses comptes
devront être présentés à Mgr de Beauséjour.
Cette fois‑ci, le prêtre doit s'exécuter sous peine
d'être frappé de censure. Le rendez‑vous est fixé au
9 janvier 1911.
Et le
21 mars 1911, l'Officialité répond
par courrier. Saunière ayant envoyé sa comptabilité,
son analyse a commencé et de nombreuses questions se
posent. Il manque clairement des informations, et
les contradictions ne manquent pas. De plus, il y a
des anomalies comme les recettes du tronc qui sont
évaluées à 1200 francs‑or par an, ou cette famille
hospitalisées gagnant 300 frs par mois et qui aurait
apportée en 20 ans 52 000 francs‑or.
Saunière
répond point par point le 25 mars 1911
en justifiant ses actions. Les réponses sont
cohérentes, mais les comptes restent flous et très
imprécis. La stratégie du prêtre est très nettement
de tirer un rideau de fumée sans donner
d'information comptable précise.
|
26 avril 1911 ‑ Retraite à Prouilhe
Condamné pour désobéissance à se
rendre dans une maison de retraite sacerdotale ou dans un monastère de son choix
pour y faire les exercices spirituels d'une durée de dix jours, Saunière
choisit le monastère de Prouilhe. Voulait‑il se
recueillir dans le lieu où son protecteur Mgr
Billiard disparut ?
Sa retraite durera jusqu'au 3 mai 1911 et les échanges de
courrier vont continuer. À chaque fois, des précisions comptables sont
demandées, et chaque réponse contient des éléments incomplets et impossibles à
justifier. Peu à peu, le ton monte comme avec le chanoine Saglio
qui écrit à Saunière le 9 mai de façon plutôt directe... |
[...] Alors que vous
avouez près de 200 000 frs de dépenses, vous ne
fournissez d'explication que pour environ 36 000 frs,
il n'est pas possible que vous n'ayez pas gardé d'autres
factures que celles que vous nous avez envoyées, il vous
serait d'ailleurs facile considérant vos principaux
fournisseurs, entrepreneurs de maçonnerie, tapissiers,
etc... de vous faire donner des duplicata de vos comptes
et de nous les présenter, facile de nous dire quelles
ont été les dates d'acquisition, le prix d'achat des
terrains, quel est le montant de vos impositions, etc.
Nous vous prions
de nous dire si oui ou non vous êtes disposé à nous
aider à reconstituer votre compatibilité ; nous verrons
alors quelle conclusion nous devons donner au rapport
que Monseigneur nous a demandé. |
30 octobre 1911 ‑ Citation à comparaître
Saunière reçoit
de l'Officialité une citation à
comparaître pour le 21 novembre 1911. Il ne s'y présentera pas sur les
conseils de son avocat l'abbé Huguet. |
5 décembre 1911 ‑ Nouvelle condamnation
La sentence est lourde et Saunière est condamné pour dilapidation et
détournement de fonds à une « Suspense à divinis » qui durera jusqu'à la
restitution des fonds détournés. En conséquence, Bérenger n'a plus le droit de pratiquer les
sacrements et de dire la messe dans une église. Le prêtre fera alors construire
une chapelle privée qu'il accole à la
façade ouest de la Villa Béthanie. Il la dédie au saint curé d'Ars, le saint
patron des prêtres, et il y installe un autel. La chapelle est en fait une jolie véranda
dans laquelle la lumière pénètre au travers d'une verrière de couleur.
Cette condamnation est un choc pour Bérenger Saunière qui supporte mal le fait
d'avoir été condamné par ces pères. Il se retire alors de longs moments dans sa
Tour Magdala, passant son temps à classer sa fabuleuse collection
de timbres. Cette suspension va alors plonger Saunière dans une
dépression qui altérera sa santé.
Conseillé par l'abbé Huguet, Saunière fait appel directement à Rome. |
Une anecdote
amusante est celle du jour ou l'abbé Henri Marty,
le remplaçant de Saunière,
monta au village pour célébrer la messe du dimanche. Il trouva l'église vide.
Les paroissiens étaient en fait réunis autour de Saunière dans sa chapelle
privée de la Villa Béthanie pour écouter l'office. Si Saunière fut suspendu par
sa hiérarchie, sa qualité de prêtre ne pouvait être retirée, ce qui lui donnait
le droit de rendre la messe, mais en dehors des lieux du clergé.
Henri Marty
prit la décision de ne plus monter au village pour la messe du dimanche... |
Avril 1912 ‑ Nouveaux testaments
Bérenger Saunière décide de rédiger un nouveau testament pour Marie Dénarnaud
et pour lui‑même : |
Le testament de Bérenger Saunière
(avril 1912) |
Le testament de Marie Dénarnaud
(avril 1912) |
Fin 1912 ‑ Appel à Rome
Après une lettre
que Saunière envoie le 15 novembre 1912 à son évêque invoquant
l'injustice d'après lui d'une suspense qui dure inutilement et sans raison, la
réponse de l'évêché de Carcassonne est impitoyable :
" La censure dont
vous êtes frappée n'a pas une durée illimitée. L'Officialité vous
a condamné comme peine à une suspense de trois mois et pour vous faire
rentrer dans le devoir, elle maintient la suspense jusqu'à ce que vous
ayez opéré la restitution des biens détournés par vous de leur objet. " |
L'abbé Huguet s'inquiète de la santé fragile de son client et relance
l'affaire à Rome. Le procès‑fleuve semble pouvoir aboutir, mais à une
condition :
Saunière doit consentir à céder à l'évêché ses biens mobiliers supposés détournés. Or, c'est
Marie Dénarnaud qui est propriétaire. D'ailleurs, un nouvel acte notarié a été
rédigé par Saunière et il s'agit d'un don au dernier vivant :
« Je
donne à Marie Dénarnaud tous ces biens sans qu'il soit procédé à un inventaire
auquel je veux absolument soustraire ma légataire universelle » | |
À
propos du trafic de messes..
Qu'est‑ce qu'un trafic de messes ?
À cette époque, un prêtre avait le droit de célébrer jusqu'à 3 messes par
jour et à chaque intention de messe un tarif fixe était appliqué. Le trafic a
lieu lorsque le prêtre enregistre plus d'intention de messes qu'il ne peut en
célébrer, ou qu'il effectue plus de messes qu'autorisé. Il peut alors récolter
l'excédent pour arrondir ses fins de mois.
Officiellement, la fortune subite de Bérenger Saunière est due à un trafic de
messe, une thèse qui est aussi soutenue par les détracteurs. Cette conclusion hâtive est basée non seulement sur l'accusation faite à
l'époque par Mgr Beauséjour, mais aussi d'après l'analyse de ses carnets
comptables.
Or, s'il est prouvé que Saunière enregistra plus d'intention de messes qu'il en donna, le
trafic volontaire n'a jamais été démontré. Nous savons aujourd'hui que ce trafic de messes était
l'un des moyens détournés d’envoyer des fonds à Saunière, via notamment la
Congrégation des lazaristes qui envoyait des mandats en nombre très important.
Le trafic de messes est pourtant très facile à mettre en défaut :
On évalue les dépenses de Saunière à
675 600 francs‑or.
Or, une
messe à l'époque coûtait entre 1 et 1,50 francs‑or. Prenons 2 francs‑or.
675 600 francs‑or à 2
francs‑or la messe donnent 237 800 messes.
À raison de 5 messes par
jour (ce qui remplit largement l'emploi du temps de notre curé), on arrive à
67 560 jours de messe, soit environ 185 ans de messes
ininterrompues. Il est clair que cette explication est plus qu'insuffisante...
Faisons le
calcul inverse. Saunière resta en poste de 1885 à 1917 soit
32 ans.
A raison de
10 messes par jour, nombre volontairement exagéré, et à 2 francs‑or la messe, nous obtenons la somme de : 32 x 365 x 10 x 2 =
233 600 francs‑or
Nous sommes bien loin du
compte... La vérité est ailleurs... |
1914 ‑ Début de la Première Guerre mondiale
Le pape Pie X disparaît et est remplacé par Benoît XV jusqu'en
1922, un homme aux vues libérales semblables à celles de Léon XIII.
La Première Guerre mondiale commence et Saunière voit tourner le vent de sa fortune. Les
liquidités manquent et il est obligé de vendre certains de ses biens.
Son trésor serait‑il épuisé ? Le budget qui servait à financer son Domaine
s'est‑il arrêté ?
Autre impact de la guerre,
il lui est impossible de
franchir les frontières pour gérer ses affaires correctement avec les banquiers
étrangers. En effet, à partir de cette date ses mystérieux voyages
s'arrêtent, et la destination Budapest devient évidemment impossible
ainsi que les tractations secrètes avec les Habsbourg. De nombreux
fournisseurs sont également impayés.
|
Mai
1914 ‑ Un kiosque mauresque...
Saunière est décidément un homme d'Église très difficile à cerner. Alors
que depuis plusieurs années, le prêtre est en prise avec la justice et qu'il
tente de démontrer avec son avocat sa bonne foi à propos de ses ressources
financières, voilà qu'il a un nouveau projet très étrange.
|
Le 22 mai 1914, son
neveu Oscar Pagès reçoit un courrier de la Maison Idrac
concernant le prix de construction d'un kiosque mauresque. Le
projet semble complexe et il est évalué à plus de 2500 francs‑or.
Et le 4 juin 1914, Saunière répond en donnant des
caractéristiques plus précises. Le kiosque serait plutôt une guérite en ciment
armé à une ou deux places, avec une fenêtre. La demande est insolite et nous
n'en saurons pas plus. Où voulait‑il poser cette guérite ? À quoi
devait‑elle réellement servir ? Le projet ne verra jamais le jour.
La réponse de Saunière : |
Le projet de
kiosque mauresque |
" Mon cher Joseph,
Je ne voudrais
pas pour mon kiosque dépenser plus de mille francs. Si
au moyen de ce chiffre, tu ne peux arriver à me faire
exécuter le meuble en question dans lequel je désire
caser ma salamandre avec les casiers pour les cartes,
plus deux places dont une pour moi et l'autre pour un
visiteur, je renonce au kiosque en bois pour adopter
définitivement le kiosque en ciment armé, et si pour
exécuter le kiosque en ciment armé la somme de mille
francs était encore insuffisante et bien alors je te
prierai de me faire tout simplement et pour moi seul une
simple guérite qui en tout temps puisse me servir de
bureau de travail et de cabinet de lecture ou de repos
avec fenêtre comme nous avons dit.
Cette guérite, tu seras libre
de la faire en matière que tu voudras; bois, pierre,
brique ou fer mais je la veux solide et à l'abris de
tous les mauvais temps, chaude en hiver et fraîche en
été. Si avec les mesures et les dimensions que tu
croiras pouvoir adopter, tu voyais qu'il te fut possible
de caser deux places qui se feraient face, au lieu d'une
fais‑le.
Enfin je termine en
te disant qui si tes multiples occupations ne te
permettent point de mener à bonne fin ce petit travail,
tu me le dises tout simplement et dans ce cas, je
tacherai de me débrouiller tout seul.
Bonjour à Berthe et
à toi ‑ B. Saunière " |
11 avril 1915 ‑ Fin du procès
Le procès n'en finit pas, et l'abbé Huguet est même suspecté de tirer profit de
la situation et de son client. Finalement, le Vatican déboutera
Mgr de Beauséjour et un recours de ce dernier décidera de la conclusion
du procès.
Le 11 avril 1915 Saunière
est interdit d'exercer.
Saunière est définitivement écarté et reçoit l'ordre de remettre l'église et le
presbytère à son successeur, l'abbé Henri Marty. Mais la perte du presbytère
n'affectera nullement Saunière qui vivra dans son élégante
Villa Béthanie.
De plus, le
presbytère est tellement délabré que le malheureux Henri Marty est
forcé de prendre ses quartiers à quelques distances de là. Et pour arriver à l'église
de Rennes‑le‑Château, il est obligé de grimper un abrupt sentier le long d'une colline et de
passer devant la porte de Saunière ; une routine quotidienne qui a
certainement amusé son prédécesseur. |
Les derniers jours de
Bérenger Saunière |
Durant ses dernières années, Bérenger Saunière est fatigué et malade. Il souffre d'une
goutte et le docteur qui le suit régulièrement lui conseille une vie plus saine
sans alcool. Saunière devient de plus en plus isolé. Il ne quitte plus
son Domaine, se réfugiant dans sa collection de
timbres au coin du feu de la
Tour Magdala. |
17 janvier 1917 ‑ Le drame
Les hivers sont très rudes dans le Haut‑Razès et Rennes‑le‑Château, installé sur un piton
rocheux, n'arrange en rien les conditions climatiques.
Ce jour du
17 janvier 1917, un vent glacé nord‑est fouette le plateau
du Bal des Couleurs.
En fin de journée, le prêtre se dirige vers la
Tour Magdala par la promenade
extérieure et c'est le drame. Saisi par un vent froid et violent, il tombe à
terre près de l'entrée. Marie qui l'attend pour la soupe du soir s'inquiète,
mais cela fait déjà une heure qu'il est étendu à terre. Dans un dernier sursaut,
il arrive toutefois à se glisser dans le sas de la Tour ce qui le sauvera momentanément.
Marie le découvre inanimé et court alors chercher des renforts. Saunière est
un homme de forte stature et il ne peut être déplacé par une seule
personne. |
La Tour Magdala
et son sas d'entrée |
Il est emmené en plein coma dans la chambre du presbytère et les soins de
Marie et de sa mère le ramèneront peu à peu à la vie, mais pour combien de
temps ? Son malaise sera diagnostiqué
comme une attaque d'apoplexie,
une congestion cérébrale grave et soudaine. Coïncidence, le
17 janvier est un jour symbolique dans l'affaire de Rennes‑le‑Château,
c'est aussi le jour de décès de la marquise de Blanchefort ; une date qui frappera les
consciences bien plus tard...
Un
premier diagnostic officiel est celui d'une hémorragie cérébrale, un autre
diagnostic indiquerait plutôt une cirrhose. Ce doute permit d'alimenter des
questions sur sa mort dite naturelle, mais qui s'avéreront sans fondement. |
Quelques jours de survie... pour mettre de l'ordre
En reprenant connaissance, Saunière n'a qu'une obsession : mettre de l'ordre dans
ses papiers et préparer son départ. Il demande alors à Marie de brûler tous les
documents se trouvant dans un tiroir de son secrétaire, ce qu'elle fera dans la
cour du presbytère.
Il est surprenant de voir l'importance de ces papiers pour Saunière. En effet,
malgré la confiance éternelle qu'il éprouvait pour Marie, il voulut vérifier par
la fenêtre que Marie brûlait effectivement ses documents... La confiance envers
Marie n'est pas à mettre en cause, mais il voulait être sûr qu'après sa mort,
personne ne puisse découvrir ces écrits...
Le 21 janvier,
à l'article de la mort, il fait appeler à son chevet un prêtre de la ville voisine d'Espéraza,
l'abbé Rivière, pour se confesser et recevoir les derniers Sacrements.
Curieusement, Saunière ne choisit pas un ami prêtre, mais plutôt un abbé qu'il
estimait. Il est vrai que nous sommes en pleine Première Guerre mondiale et la
plupart des hommes et des curés sont au combat. La confession durera une
après‑midi entière et bien que les deux hommes se connaissent depuis de nombreuses
années, l'abbé Rivière quittera la chambre du mourant bouleversé. Il semble
en état de choc et son visage reflète une grande épouvante.
Finalement, l'abbé Rivière quittera Saunière sans lui donner les Saints Sacrements. Ces
derniers seront administrés au cours de l'enterrement contrairement aux règles
ecclésiastiques qui obligent à ce qu'ils soient effectués juste avant le décès.
Curieusement, à la suite de cette confession,
l'abbé Rivière changera de comportement. D'un naturel jovial, il deviendra
renfermé, taciturne et silencieux. Surtout, il fera dans son
église d'Espéraza quelques
modifications. Deux grottes seront construites ; l'une est dédiée à ND de
Lourdes, la seconde, de loin la plus étonnante, représente
le Christ allongé, les yeux ouverts,
dans un linceul au creux d'une caverne.
L'affaire de Rennes‑le‑Château fourmille de faits étranges et de coïncidences
qui déroutent constamment les chercheurs vers des thèses différentes. Le cas de
l'abbé Rivière est remarquable, car c'est un fait avéré et vérifiable. La
construction de cette grotte christique dans son église s'est faite après la
confession et donc durant sa période dépressive. |
22 janvier 1917 ‑
Le dernier seigneur de Rennes s'éteint
|
Finalement, âgé de 65 ans, Bérenger Saunière s'éteint le 22
janvier 1917 à 5 h du matin, emportant avec lui ses secrets.
Marie et sa famille installent la dépouille dans un fauteuil à petites
roulettes et la recouvre d'un napperon à pompons rouges.
Péniblement, le fauteuil est déplacé depuis le presbytère jusqu'au sous‑sol de
la Villa Béthanie en traversant la cour. Marie peut annoncer la triste nouvelle
et court au village. |
Saunière sur son fauteuil mortuaire
Extrait de « Rennes‑le‑Château,
le
secret de l'abbé Saunière »
aux Ed. Bélisane |
Les premiers habitants
découvrent alors leur prêtre assis dans un fauteuil, drapé d'une belle tenture
fleurie bordée de glands rouge écarlate. Une par une, les personnes présentes
passent solennellement devant lui, faisant une pause et arrache un pompon de
la couverture mortuaire en souvenir du dernier Seigneur de
Rennes. Cet épisode ne manquera pas d'alimenter sa légende... |
Le corps du défunt est ensuite transporté dans la chambre mortuaire de la
Villa Béthania afin d'y préparer les derniers soins. Marie commande le
cercueil à un menuisier de Couiza et l'enterrement a lieu le 24 janvier au matin. Après la cérémonie accompagnée des Saints Sacrements qui
lui avaient été refusés par l'abbé Rivière, il est inhumé dans le caveau du
cimetière comme cela était prévu, derrière
l'église Marie‑Madeleine. |
Villa Béthanie
La chambre mortuaire |
L'acte de décès de Bérenger Saunière
Le vingt‑deux Janvier mil neuf cent dix sept, à onze heure du matin,
Saunière François Bérenger né à Montazels (canton de Couiza) Aude, le onze Avril mil huit cent cinquante deux, fils de Saunière Joseph et
de Hughes Marguerite ‑ célibataire ‑ est décédé en son domicile à Rennes‑le‑Château.
Dressé le vingt‑trois Janvier Mil neuf cent dix sept, onze
heure du matin sur la déclaration de Captier Pierre, cinquante neuf ans, agriculteur domicilié en cette commune, voisin du défunt et de
Bousquet Louis, quarante cinq ans, tailleur de pierre domicilié en cette commune, ami du défunt qui lecture faite ont signé avec moi,
Rivière Victor, maire de Rennes‑le‑Château.
Signé : Rivière Captier Bousquet |
À cet instant,
Marie Dénarnaud prend
conscience de sa solitude et elle doit dorénavant compter que sur elle‑même.
Saunière ne sera plus là pour la protéger. Inconsolable, habillée de noir,
elle se rendra quotidiennement sur la tombe, souvent la nuit, probablement pour
ne pas croiser les villageois et éveiller quelques rancœurs. |
L'ancienne sépulture de Bérenger Saunière dans le petit cimetière
(photo prise
en 2003) |
Sur la pierre tombale de l'abbé on
peut lire :
ICI REPOSE BERENGER SAUNIERE
CURE
A RENNES LE CHATEAU 1885‑1917
DECEDE LE 22 JANVIER 1917 À L'AGE
DE 65 ANS |
La pierre
tombale aujourd'hui fendue est le résultat de plusieurs actes de vandalisme de
chercheurs peu scrupuleux qui espéraient peut‑être découvrir quelques
secrets dans sa tombe.
Le petit cimetière fut d'ailleurs l'objet de plusieurs profanations et
de multiples vols, ce qui força la famille de Saunière à demander le déplacement
de la dépouille du prêtre dans un endroit plus calme du Domaine.
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La nouvelle sépulture
de Bérenger Saunière |
Ceci fut fait
le 14 septembre 2004. Un petit mausolée en forme d'arche fut construit pour l'occasion
à côté de la Villa Béthanie.
Ce déplacement de
sépulture ne fit pas l'unanimité parmi les fervents défenseurs du patrimoine de
Rennes‑le‑Château, et beaucoup militent pour le retour du dernier Seigneur de
Rennes dans le caveau qu'il avait lui‑même choisi. |
En disparaissant, Bérenger Saunière laisse incontestablement derrière lui un
témoignage au travers des différents codages que l'on peut observer
aujourd'hui dans son Domaine. Sa volonté avec d'autres fut de nous léguer un
secret qui, à ce jour, n'a pas encore été découvert.
Les
recherches actuelles tendent à montrer que Saunière ne possédait pas toutes les
clés, mais il en possédait quelques‑unes, c'est une évidence...
On peut admirer aujourd'hui, dans le musée de Rhedae, quelques objets lui
ayant appartenu dont ses habits de prêtres et une tunique brodée du fameux
M
entrelacé d'un A. Signe marial... |
L'un des habits du prêtre
exposé au musée de Rhedae |
Son legs et Marie Dénarnaud |
La lecture du testament du curé se déroula sans histoire, car à la stupéfaction
de chacun, il déclarait être sans un sou. En fait, il avait pris soin de transférer toutes ses
richesses et ses biens à Marie Dénarnaud longtemps auparavant. Certains de ses biens personnels furent
vendus.
C'est le cas d'une partie de sa bibliothèque et de sa collection de timbres et
de cartes postales. |
1918 ‑ Marie Dénarnaud s'isole...
Après la mort de l'abbé, Marie Dénarnaud vit de plus en plus seule, la
jalousie des autres femmes du village n'arrangeant certainement rien.
Heureusement, Saunière avait aménagé son Domaine en une
véritable petite ferme. Potager, pieds de vigne, fruitiers, céréales, volailles,
lapins, canards, tout ceci permet de vivre de façon autonome pendant très
longtemps. Marie Dénarnaud peut ainsi en profiter, d'autant que ses finances
sont au plus bas vers 1918. Accablée par des impôts fonciers, elle
contracte plusieurs hypothèques et des emprunts. Mais les liquidités finiront
par manquer et elle devra se résoudre à faire du troc.
Pourtant Marie avait l'habitude de confier à l'une de ses amies :
«
Avec ce que le curé avait laissé, il y avait de quoi nourrir le village
pendant cent ans et qu'il en resterait encore... »
Jusqu'en 1939, date de début de la Seconde Guerre
mondiale, Marie Dénarnaud vit
péniblement dans son Domaine et elle n'hésite pas à calmer ses créanciers en
leur offrant des objets de collection, des tableaux, et de l'argenterie. Peu à
peu, la richesse du Domaine s'évapore parmi les visiteurs, plus
attirés par le gain que pour elle‑même. Bien sûr, Marie Dénarnaud pense à
vendre la propriété, mais trop de souvenirs l'empêchent de passer à l'acte. Pourtant les clients
et les acheteurs ne manquent pas... |
De 1939 à 1945 ‑ Période trouble
Rennes‑le‑Château a toujours été, malgré son isolement, traversé par les
conflits. La Seconde Guerre mondiale n'échappa pas à la règle. La résistance
s'installa dans le Domaine et laissa un souvenir morbide. Trois maquisards
furent débusqués, fusillés, puis enterrés dans le parc. Ils seront retrouvés en
1955 par un chercheur de trésors. Des officiers allemands séjournèrent aussi
quelques semaines dans la Villa Béthanie.
Mais l'histoire du Domaine va prendre un nouveau tournant lorsqu'en
1942
un certain
Noël Corbu,
industriel à Perpignan, entendit qu'un magnifique domaine ayant appartenu à un
riche curé était maintenant en possession de sa bonne. Après avoir visité
Rennes‑le‑Château, Noël Corbu tomba littéralement sous le charme de la
propriété. |
Marie Dénarnaud
en 1935 |
Patiemment, il noua des contacts entre sa famille et
Marie Dénarnaud ce qui déboucha sur une certaine amitié.
Une anecdote raconte que Marie aurait été vue, brûlant des liasses de billets.
Juste après la guerre, le nouveau gouvernement français publia une nouvelle
réglementation afin d'appréhender les fraudeurs fiscaux. Ainsi, les
collaborateurs et les profiteurs de guerre furent obligés de justifier leur
épargne en changeant leur vieil argent. Plutôt que de fournir des explications,
Marie Dénarnaud choisit alors la pauvreté et brûla dans le jardin de sa
villa les vieilles coupures. |
1946 ‑ L'année du legs
Âgée, Marie Dénarnaud voulut garder le Domaine et
Noël Corbu lui
proposa un viager. Marie finit par se décider et en
juillet 1946 elle
rédigea un testament instaurant Mr et Mme Corbu légataires universels du
Domaine. Marie Dénarnaud avait alors 78 ans.
C'est ainsi que la famille Corbu s'installa dans la
Villa Béthanie. Marie Dénarnaud préféra vivre dans
le presbytère et malgré son grand âge elle continuait à élever des lapins et à
parcourir la campagne pour chercher de l'herbe. |
Marie Dénarnaud en 1941 |
Une certaine amitié existait entre Noël Corbu et
Marie Dénarnaud et
régulièrement ils se rencontraient pour discuter. Et lorsque Noël Corbu
l'interrogeait sur son passé et sur la fortune de l'abbé Saunière, elle déclarait :
«
Ne vous faites plus de soucis pour vos ennuis
d'argent, mon cher Monsieur Noël. Vous avez été bon avec moi
et avant de
mourir je vous révélerai un secret
qui fera de vous quelqu'un de riche.
»
Elle aimait aussi répéter :
« Les gens d'ici marchent sur de l'or sans le savoir... » |
1953 ‑ Le début de la légende
Bien sûr, Noël Corbu espérait qu'un
jour Marie Dénarnaud finisse par avouer son secret. Malheureusement
ceci ne devait jamais se produire. Le 24 janvier 1953, comme l'abbé
Saunière avant elle, Marie Dénarnaud eut une attaque cérébrale, la laissant muette
et paralysée sur son lit de mort.
Elle décéda 5 jours plus tard, le
29 janvier 1953 sans prononcer
un mot, au grand désespoir de Noël Corbu.
Elle avait 85 ans. |
Le cœur, aujourd'hui disparu,
de Mlle Marie Dénarnaud était scellé sur le mur du
cimetière... |
Bérenger Saunière partit sans
les derniers Sacrements de son vivant,
délaissé de ses amis
et renié par ses pairs hiérarchiques,
alors qu'il resta fidèle à ses valeurs de
prêtre jusqu'au bout.
Il
emporta avec lui un secret tout en nous laissant quelques pièces du puzzle.
Marie Dénarnaud lui resta fidèle toute sa vie
et
respecta le pacte du silence jusqu'à son dernier souffle.
Les plus belles histoires de notre passé sont construites sur
des valeurs humaines hors du commun et sur des vies bien remplies.
L'histoire de Bérenger Saunière fait partie de celles‑ci,
excepté que la sienne ne se termina pas en 1953.
Cette date est en fait le début d'une légende qui rejoindra
beaucoup d'autres récits et
qui deviendra, 50 ans plus tard,
l'une des plus
belles énigmes de notre
passé...
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Les ruines de la maison ayant appartenu à la famille Dénarnaud |
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