On pourrait supposer que le village de
Rennes‑le‑Château constitue l'épicentre de l'énigme,
le lieu où toutes les thèses convergent, l'endroit où tous
les indices se focalisent. Il n'en est
rien, bien au contraire. Rennes‑le‑Château et son
Domaine construit
par
Bérenger Saunière ne sont en réalité qu'un support au
codage du secret, un site devenu culte et sur lequel les
lazaristes déposèrent plusieurs messages à la postérité.
Or, pour comprendre la fabuleuse épopée qui au cours des
siècles permit de forger l'affaire des deux Rennes, il est
indispensable d'enquêter également du côté de
Notre Dame de Marceille, un sanctuaire
limouxin très
particulier par lequel des personnages clés laissèrent leurs
empreintes, comme ces mêmes lazaristes et dont le plus
emblématique fut Jean Jourde...

|
Je veux remercier ici Franck
Daffos, auteur du livre " Le secret dérobé ",
sans qui ce thème n'aurait
jamais vu le jour et n'aurait jamais été aussi détaillé... (Découvrez aussi
sa chronique...)
|
Cette église
ou plutôt ce sanctuaire reste méconnu,
car peu de publicité lui est consacrée, et pourtant le lieu
recèle de nombreux secrets et de nombreux destins qu'il faut
resituer dans le temps pour comprendre son implication.
ND de Marceille constitue certainement
l'un des maillons les plus importants dans la compréhension
de l'histoire de l'affaire Rennes‑le‑Château.
|
ND de Marceille est située au
nord‑est de Limoux, au bord de l'Aude et à
20 km
au nord de Rennes‑le‑Château.
Rien ne pouvait supposer un quelconque
lien avec
Bérenger Saunière
ou Henri Boudet...
Et pourtant...
|

|
Notre Dame de Marceille à Limoux ‑ Google maps |
L'église se veut discrète et il
faut gravir une petite route pour la découvrir en haut
d'une colline, cachée dans une végétation qui contraste avec
les alentours.
La première impression est que
l'on se trouve en face d'une église un peu à part du fait de
son caractère imposant et qui n'a rien à voir avec une
église de campagne.
De plus, de nombreux détails
indiquent qu'elle est impliquée dans l'énigme.
|

Notre Dame de Marceille
à Limoux
|
Le lien le plus évident est
certainement celui d'Henri Boudet
qui lui consacra un chapitre entier dans son livre "La Vraie Langue Celtique". Comme
pour le codage de l'église de Saunière, la
première lecture du livre de Boudet ne laisse paraître
aucune anomalie, mis à part le style lourd et la thèse
confuse. Or, lorsqu'on analyse de près ses phrases, un sens
caché apparaît et interpelle.
Cette église est aussi
déroutante par le culte qui lui est réservé, car elle jouit
d'une popularité étonnante ! Elle est par exemple citée par
Fulcaneli dans son ouvrage "Les demeures
philosophales".
Delteil, dans son "Saint Don Juan" nous
présente un Don Juan dédié à Marie dés sa naissance.
Or, ce même Don Juan est attiré de manière mystérieuse par
l'église de ND de Marceille,
et c'est dans cette
même église que Don Juan se mariera …
Enfin, le sanctuaire fut le théâtre d'agissements
historiques importants qui marqueront définitivement
l'affaire de Rennes‑le‑Château...
|

ND de Marceille vue depuis Limoux
|
La légende de la Vierge Noire
|
Nous ignorons aujourd'hui
les circonstances exactes de sa construction. Le lieudit de
"Marceille" semble remonter à des temps très anciens. Nous
retrouvons sa trace dans son appartenance aux religieux de
l'Abbaye de Lagrasse. À cette époque le
site était un
alleu (au temps féodal, un alleu est une terre libre pour
laquelle le propriétaire ne doit aucune redevance et ne
relève d'aucun seigneur). Cette concession aux religieux de
Lagrasse fut déclarée par Charlemagne. Ses
successeurs dont Charles le Chauve, confirmeront cet état.
Il n'y a malheureusement plus de
documents relatifs à l'élévation de l'église de Notre‑Dame
de Marceille. Toutefois, après plusieurs recoupements, un
auteur spécialiste de Rennes‑le‑Château,
Louis Fédié,
situe son élévation dans le début du XVe
siècle.
|

Le porche de l'église
construit en 1488
|
Le porche construit en
1488 est formé par une clé de voûte ogivale et
comprend le portail et la Vierge. Le portail avec ses deux
vantaux en bois sculptés et en fers forgés est inscrit aux
monuments historiques et est classé fin du
XIVe
siècle.
Et si la naissance de
cette église reste historiquement un mystère, une légende
nous raconte pourquoi elle fut bâtie en cet endroit, un
récit classique que l'on retrouve sur de nombreux lieux
marials :
|
Un
laboureur travaillait son champ situé dans cet ancien alleu.
Tout à coup, les bœufs tirant le soc refusèrent d'avancer.
Surpris et agacé, le laboureur constata que ses animaux
semblaient craindre d'aller plus avant. Étonné, il regarda
devant eux. Sans savoir pourquoi, il décida de creuser le
sol juste devant ses animaux.
Quelle ne fut pas sa surprise
lorsque, émergeant de terre, il découvrit une statue de
Vierge tenant un enfant et sculptée dans un bois sombre,
presque noir. Très pieux, il porta la statue dans son humble
demeure, pensant voir dans cette découverte l'action de la
grâce de Dieu lui‑même.
|

La Vierge Noire
de ND de Marceille
(avant sa détérioration)
|
Au matin, il fut frappé de stupéfaction ! La statue avait
disparu. Il retourna sur les lieux de sa découverte et
découvrit que la statue était revenue là où il l'avait
trouvée. Voyant là une action divine, il en informa le curé
de sa paroisse qui en référa au clergé. Certain du miracle
on décida d'élever une église en ce lieu bénit de Dieu et de
la Vierge. C'est ainsi que la chapelle Notre‑Dame de
Marceille fut créée. |

La chapelle de la Vierge Miraculeuse
dans NDM (ancienne photo)
|
Pour comprendre
l'enchaînement formidable des évènements qui relièrent les
principaux acteurs de Rennes‑le‑Château comme
Bérenger Saunière,
Henri Boudet et tant d'autres, il
faut au préalable revenir sur l'histoire de
ND de Marceille. |
La période moyenâgeuse
Au IXe
siècle, les terres de ND de Marceille étaient un
simple alleu appartenant à l'abbaye de
Lagrasse et selon une concession de
Charlemagne. L'alleu passa ensuite à l'abbaye de
Saint Hillaire en
980. En
1137, un certain
Géraud de Marceille effectua une donation de terres,
ce qui explique sans doute l'origine du nom.
Durant la guerre de
Cent
Ans une anecdote historique permet de montrer l'importance
du site : le 8 août 1381
Gaston de Phoebus,
comte de Foix et son ennemi
Jean de Berri s'y
rencontrèrent pour une messe.
Au
XVIe siècle les guerres de religion
firent oublier le culte de la Vierge Noire au profit de
l'église des Jacobins de Limoux, Notre Dame du Rosaire.
Et c'est en
1660 qu'une période très importante dans la vie
du sanctuaire intervient. En effet, de
1660 à 1673, date de sa mort,
Mgr François Fouquet, évêque de Narbonne et frère du célèbre
Nicolas Fouquet, fut
responsable de ND
de Marceille et géra
seul le domaine. Cet épisode
de gérance lui permit de réaliser certains
aménagements très particuliers...
Ce lien avec la
famille Fouquet est éminemment important pour
comprendre les relations étroites qui existent entre le Razès et le pouvoir
royal. C'est aussi la preuve qu'une fois de plus, les Fouquet
sont impliqués dans l'affaire des deux Rennes lors de sa résurgence
au XVIIe siècle.
|
Le pèlerinage est
relancé
C'est le
cardinal Pierre de Bonzi
(1630‑1703), archevêque de Narbonne
et successeur de
Mgr Fouquet, qui décida en
1674 de
restaurer la dévotion de la Vierge Noire à Notre Dame de
Marceille. Il chargea pour cela la congrégation des pères
doctrinaires d'Avignon de relancer le culte.
La mission fut une réussite et le succès du pèlerinage
permit de démarrer toute une série de travaux destinés à
l'embellissement du sanctuaire. Cette restauration dura
plusieurs décennies tout au long du
XVIIIe
siècle et jusqu'à la Révolution.
|

Le cardinal Pierre de Bonzi (1630‑1703) |
La
Révolution
française crée l'incertitude
En
1789,
la tempête révolutionnaire
gronde et cette période est marquée par le trouble et
la refonte des institutions. Un nouveau découpage du diocèse
est proclamé et Notre Dame de Marceille jusqu'alors
attachée au diocèse d'Alet, rejoint le diocèse de
Carcassonne.
Heureusement pour les générations futures, le sanctuaire fut
préservé miraculeusement de la tourmente, mis à part
quelques vols et quelques dégradations comme la statue de la
Vierge sur le porche qui fut décapitée.
Comme pour la plupart des
édifices religieux confisqués par la Révolution, c'est en
1793
que ND de Marceille fut mise en vente comme
bien national. Et là, une première anecdote vient ajouter à
la légende du site. Afin de protéger la statuette de la
Vierge Noire de la vente et de la destruction
révolutionnaire, une mystérieuse femme s'en empara et la
confia à un certain
François Lasserre, ancien prieur de l'Ordre des
pénitents bleus. Ce fait est resté longtemps inexpliqué, car,
alors que l'église était fermée à clef, on put voir une
jeune femme récupérer la Vierge Noire à l'intérieur et
ressortir en bas du domaine près de l'Aude.
ND de Marceille fut
finalement vendu à Mr Martin Andrieu, ancien consul
de Limoux pour 10 300 livres. L'église fut ainsi
sauvée de son premier destin qui était de finir malheureusement en carrière de pierre.
|
Notre Dame de Marceille reprend du service
Le 21 février 1795,
un décret autorisa les églises à ouvrir pour
accueillir les paroissiens et ND de Marceille
n'échappa pas à la règle. Son pèlerinage reprit très
rapidement.
Le
24 juillet 1796,
le propriétaire du domaine,
Martin Andrieu,
décida sans doute pour sauver le site de diviser sa
propriété en 4 parts égales. Il revendit trois parts à
trois
notables : Thélinge,
Durand, et
François Lasserre (celui qui
protégea la Vierge Noire lors de la première vente).
Cette opération permit de
consolider l'affaire, et un aumônier put ainsi être nommé
pour reprendre les pèlerinages. Mais l'évêché désireux
d'imposer son organisation entra en conflit avec les
propriétaires, et l'église dut fermer temporairement en
1812. Une ordonnance épiscopale du
13 août
1814 résolut le litige : " L'évêché nommera
l'aumônier et un conseil d'administration siégera avec
les quatre propriétaires "...
Ce qui fut fait.
|
Deux aumôniers atypiques
C'est ici que Franck Daffos
nous indique une brochure pleine d'enseignements sur le
sanctuaire : "Histoire du pèlerinage de Notre Dame de
Marceille" écrite par un certain Joseph Théodore
Lasserre, curé d'Alet‑les‑Bains en
1891.
Voici donc
une belle coïncidence qui n'en est pas une :
Joseph Théodore Lasserre
descend directement par sa mère de
Martin Andrieu (le premier acheteur de ND de Marceille) et
directement par son père de François Lasserre (le
4ème propriétaire protecteur de la Vierge Noire). Autant
dire que cette brochure est une référence ...
C'est ainsi que l'on apprend
l'existence de deux aumôniers atypiques qui se
succédèrent à la suite de l'ordonnance épiscopale de
1814 :
Gaudéric Mêche
(1801-1864)
Il fut
en poste à ND de Marceille de
1831 à 1838
Henri Gasc
(1806-1882)
Il fut en poste à ND de Marceille de
1838
à 1872
Pourquoi ces deux aumôniers
ont‑ils été soulignés par
Joseph Théodore Lasserre ?
C'est ici que l'histoire de Notre Dame de Marceille rejoint
l'histoire de Rennes‑le‑Château : selon les parents de
Lasserre, les propriétaires n'ont jamais pu comprendre
d'où provenaient les ressources financières importantes des
deux
aumôniers nécessaires à la rénovation et à
l'embellissement de l'église...
On devine ici une
première anomalie. L'aumônier est nommé par l'évêché et
reçoit uniquement une rémunération du ministère des Cultes
(environ 900 francs par an de l'époque). Tous les revenus
provenant de messes, dons et quêtes
sont gérés par les « marguilliers », c'est‑à‑dire des laïcs
chargés de l’organisation temporelle du pèlerinage. L'aumônier a uniquement pour
fonction d'organiser les messes et les sacrements, mais en
aucun cas il peut intervenir dans des choix
d'embellissements ou de travaux dans sa paroisse. Les
propriétaires
et les marguilliers
sont les seuls habilités à prendre des
décisions d'investissement.
En fait,
Gaudéric Mêche et
Henri Gasc se comportèrent apparemment comme
les propriétaires de Notre Dame de Marceille ce dût
fortement agacer les vrais propriétaires du lieu, ne
comprenant pas d'autant plus l'origine exacte des ressources financières.
|
Cyprien-Gaudéric Mêche (1801 ‑ 1864†)
D'après Théodore
Lasserre, il fut en même temps
aumônier à l'hôpital de Limoux et aumônier à
Notre Dame de Marceille de
1831
à 1838 soit
8 ans. Ses
comportements furent inexpliqués et dépassèrent de loin ses
attributions puisqu'il se lança dans la restauration du
sanctuaire limouxin. Il acheta des terrains et lança des travaux de
gros œuvre sur ses propres deniers. Il initia la plupart
des grandes rénovations intérieures et extérieures.
Ces agissements irritèrent sans aucun doute les
propriétaires, et le conseil d'administration obtint son
départ en 1838. Il fut ensuite transféré à
Notre Dame du Cros près de
Caunes Minervois.
Quelles étaient les ressources de Gaudéric Mêche ?
D'où provenaient ses moyens financiers ? Ce point est
crucial pour l'énigme et il reste sans réponse officielle.
Théodore Lasserre décrit parfaitement le
mystère des finances de Gaudéric Mêche en utilisant une
formule pleine d'interrogation et de soupçons... "Il
eut la gloire de créer des ressources pour l'embellissement
de l'Eglise...".
On ne peut être plus clair. A mots couverts, Théodore
Lasserre avoue soit son incapacité à expliquer, soit sa
réticence à dévoiler...
Mêche, chanoine honoraire, qui
était en même temps aumônier de l'Hôpital de Limoux.
Il eut la gloire de créer
des ressources pour l'embellissement de l'Eglise,
d'organiser l'administration du pèlerinage et de
bâtir la deuxième sacristie. Il se retira en 1838,
après avoir acquis de M. Sérié un quart de l'Eglise
et de ses dépendances, qu'il légua à l'Evéché de
Carcassonne. Devenu aumônier de Notre-Dame du Cros,
près de Caunes, il voûta cette église, bâtit des
chapelles, la sacristie, agrandit le presbytère,
etc. Sentant sa fin approcher, il vint mourir à
Limoux, après avoir été le
bienfaiteur de
Saint-Martin.
Extrait "L'histoire
de Notre Dame de Marceille"
par Théodore Lassere 1891 |
Gaudéric Mêche était aussi aumônier à
l'hôpital (hospice) civil de Limoux comme
le montre un extrait de l'almanach du clergé 1852 :
|
 |
Sentant sa fin proche, Gaudéric Mêche
mourut à
Limoux
après avoir été le
restaurateur de
ND du Cros
et le bienfaiteur de
l’église Saint‑Martin.
Son poste à ND du Cros à partir de 1854 est une
étape importante pour l'énigme, car il faut savoir qu'un
jeune vicaire prit son poste non loin de là, le
16 juin 1862, à Caune-Minervois.
Il s'agit de l'abbé
Henri Boudet et cette proximité favorisera leur
rencontre durant deux ans, d'autant que ND du
Cros fut sauvé à la Révolution lors de son
rachat par un certain Antoine Boudet.
Autre fait important : il réussit
durant son poste à acheter un quart de la propriété de
ND de
Marceille, une part qu'il léguera à sa mort à l'évêché
de Carcassonne. C'est donc grâce à Mêche que
Mgr Billard devint pour un quart
propriétaire de ND de Marceille à partir de 1881...
Il existe très peu de documents sur Gaudéric Mêche, mais son acte de décès
fait à Limoux le 30 mai 1864 indique qu'il
naquit le 2 février 1801 à Limoux et décéda le
29 mai à l'âge de 62 ans.
On peut y lire également son parcourt, aumônier à ND de
Marceille en 1831, aumônier de
l'hospice civil en 1838, et aumônier à
ND du Cros
en 1954. Il se peut d'ailleurs, comme
le souligne Théodore Lasserre, que
Mêche fréquentait déjà l'hospice de Limoux avant
1838 année où il dut quitter ND de Marceille. |
 |
Un autre document,
l'acte de décés, certifie que Gaudéric Mêche était
bien aumônier à
ND du Cros en
1864. Il a donc connu
Henri Boudet qui était en poste
à quelques kilomètres, ce dernier
étant jeune vicaire à l'abbaye de Caunes-Minervois
de 1862 à 1866... |
"L’an
mil huit cent soixante-quatre, et le trentième jour du
mois de mai, huit heure du matin, par devant nous Léon
Authier Second adjoint à la mairie faisant par
délégation de monsieur le maire
du treize …
mil huit cent soixante la fonction d’officier de l’état
et de la commune de Limoux canton du même nom
département de l’Aude,
sont présents
Monsieur Jean François Bernard âgé de soixante dix ans,
maitre d’hôtel, et François Brun âgé de soixante cinq
ans, capitaine en retraite et décoré de la légion
d’honneur domicilié à Limoux, le premier beau-frère, le
second neveu par alliance du défunt, après lesquels nous
avoir déclaré que le jour d’hier, à onze heure du soir,
monsieur Gaudéric Mêche agé de soixante dix ans et trois
mois, prêtre aumônier de la chapelle du Cros commune de
Caunes, né à Limoux, domicilié à la dite chapelle,
célibataire, fils des défunts Antoine Mêche aubergiste
et de Marguerite Alié sans profession, … est décédé dans
la maison rue Saint Antoine…"
|

Acte de décés de Gaudéric
Mêche
(document Franck Daffos) |
La période Henri Gasc (1806 ‑ 1882†)
Henri Gasc naquit à
Villefranche d'Aveyron en
1806 d'un père maître bottier. Il prit son
poste de prêtre à ND de Marceille à l'âge de 32 ans et y fut
aumônier de 1838 à 1872, soit 34 ans. Il
succéda à
Gaudéric Mèche et contrairement à ce dernier, il
semble que Gasc géra plus intelligemment et plus
discrètement le sanctuaire, ce qui lui permit de rester une
très longue période sans crainte. Les travaux continuèrent
donc à
l'intérieur et autour de l'église. Une fontaine imposante fut même
créée pour 20 000 francs, ce qui représentait
pour l'époque des travaux importants. Une station de pompage depuis l'Aude
fut même installée pour alimenter le bassin. On peut
encore l'admirer aujourd'hui devant l'entrée, la Vierge
écrasant un serpent postée au centre. On
connaît d'ailleurs beaucoup de détails sur Henri Gasc
grâce à
Joseph Théodore Lasserre qui
l'a bien connu.
A son départ en
1872, l'évêque de Carcassonne,
Mgr Leuilleux, mit en place
6
pères lazaristes à ND de Marceille, peut être pour éviter les
mêmes erreurs et laisser le sanctuaire sous la
responsabilité d'un seul homme...
Henri Gasc
décéda le 14 décembre 1882 à
Limoux, 10 ans après son départ de ND de
Marceille.
|

La fontaine construite par Henri Gasc devant l'entrée
(ancienne photo)
|
Nous n'avons pas d'idée
aujourd'hui de la somme totale dépensée par ces deux aumôniers
de
Notre Dame de Marceille, mais elle fut certainement très
importante compte tenu de la rénovation et des embellissements
que l'on peut admirer de nos jours dans le sanctuaire et autour. |
Une mise en vente se prépare...
Vers 1890, le
sanctuaire de
ND de Marceille est partagé à
parts égales entre 4 propriétaires
sous le régime de l’indivision :
Mgr Billard, évêque de
Carcassonne (legs transmis par Gaudérique Mèche)
L'abbé
Joseph Théodore Lasserre,
curé d'Alet‑les‑Bains
Mr Bourrel, banquier de l'Ariège
Mr Andrieu, notable local
Néanmoins, un imprévu fit son apparition à
ND de Marceille. En
1889, Mr Bourrel
déposa une instance en partage devant le tribunal de
Limoux, ce qui devait obliger la vente
du sanctuaire, le bien étant indivisible. Mais les juges imposèrent aussi que
l’église
conserve sa fonction de culte.
Mgr Billard et
l'abbé Lasserre
comprirent dès lors que Mr Bourrel, banquier de son état, ne cherchait
qu'une chose : racheter ensuite à lui seul ND de Marceille. Il faut dire
que le succès des pèlerinages rendait l'affaire prometteuse.
Le
4 juin 1890, la vente du
sanctuaire fut donc prononcée par le tribunal de Limoux.
|
Recherche de capitaux
Mgr Billard et l'abbé Lasserre
ne pouvaient se résoudre à laisser le sanctuaire sortir du
giron ecclésiastique (on connaît aujourd'hui les vraies
raisons très liées à l'énigme...). Il fallait donc trouver rapidement un capital
permettant de déjouer les plans de Bourrel et de
racheter l'église à tout prix.
C'est ici que l'on
comprend mieux un épisode peu glorieux de la vie de
Mgr Billard.
Par on ne sait quel tour de passe‑passe, Arsène Billard réussit à
détourner l'héritage d'une riche veuve de Coursan, Mme
Hérail, à son profit et en son propre nom...
|

Mgr Arsène Billard
|
Suite à la plainte de
deux héritiers, un procès s'en suivit et Mgr Billard finit par être
condamné à 3 mois de suspense par le Vatican... Il est
clair que l'évêque joua sa carrière sur ce coup, mais
avait‑il le choix ? Car il y avait urgence pour
conserver la main sur ND de Marceille, et il lui fallait un
capital conséquent pour contrecarrer les offres du banquier... |
Une vente épique
Le
2 février
1892, le tribunal de
Montpellier confirma la décision de celui de
Limoux, mais l'obligation de culte à ND de Marceille fut annulée. Cette
annulation peut paraître anodine, mais pas pour Mgr Billard qui
fut certainement à l'origine de cette décision.
Le
17 janvier 1893,
la salle aux enchères est comble et ND de Marceille est mise en vente au
montant initial de 4000 francs. On peut imaginer la
bataille pathétique et passionnée que durent se livrer
Mgr Billard et Mr Bourrel devant le commissaire priseur. Finalement,
Bourrel l'emporta avec un montant de
51 050 francs.
Compte tenu de la non‑obligation du maintien du culte à ND de Marceille,
Mgr Billard prit alors un savoureux plaisir à transporter la
Vierge Noire du sanctuaire à l'église de Limoux, le tout en grande
pompe et au son du tocsin. Privés de sa relique, les
pèlerinages furent supprimés et
donc les profits espérés par le banquier. Ce fut pour
Mgr Billard un coup de génie.
Le
20 mai 1893, Mr
Bourrel ne put se résoudre à conserver un
édifice non rentable. Il revendit donc ND de Marceille à
Mgr Billard pour
53 879 francs.
En fait, par acte secret devant un notaire,
Billard racheta en son propre nom Notre Dame de Marceille et
paya une plus‑value au banquier de 18 000 francs
(environ 120 000 euros)
|
C'est ainsi que Notre Dame
de Marceille resta sous la maîtrise
personnelle
de l'évêque de Carcassonne. Ce fait
scellera définitivement l'avenir du sanctuaire et permettra
un premier rebondissement de l'affaire de Rennes‑le‑Château
comme nous le verrons par ailleurs.
L'abbé
Joseph Théodore Lasserre mourut le
12
février 1897 et sa tombe est visible à côté de celle de
Nicolas Pavillon à Alet‑les‑Bains.
Mgr
Billard mourut le
3 décembre 1901.
Les pères lazaristes partirent de ND de Marceille en
1905 pour ne revenir qu'en
1920.
Curieusement, le sanctuaire se retrouve
aujourd’hui la propriété d'une association
diocésaine alors que Mgr Billard l’avait par
testament légué à un de ses amis notaire, dans la région
rouennaise.
|
Notre Dame de Marceille et
Boudet |
Henri Boudet
reste dans tous les cas le lien principal entre
l'affaire de Rennes‑le‑Château et Notre Dame de Marceille.
Il nous présente cette église avec précision et allégorie et
notamment la rampe conduisant au sanctuaire qui se nomme "Voie
Sacrée". Pratiquement en haut du chemin pavé, une
petite fontaine
laisse tomber goutte à goutte une eau limpide dans un
bassin de marbre.
Voici ce que nous
dit l'abbé Boudet en page 276 de son livre :
"La Vraie
Langue Celtique et le Cromleck de Rennes‑les‑Bains"
|
FONTAINE DE NOTRE‑DAME DE MARCEILLE
Nous avons le bonheur de posséder dans nos
contrées, à un kilomètre au nord de Limoux, un sanctuaire
dédié à la Sainte Vierge, assidûment visité, et entouré
d'une vénération qui ne s'est jamais démentie. [...] Le
sanctuaire est gardé par les enfants de Saint Vincent de
Paul, le saint dont le coeur appartenait aux orphelins et
aux malheureux, et sous la direction de ses pieux et savants
missionnaires, dignes héritiers des vertus et de la charité
de leur bienheureux fondateur, [...]
A peu de distance, vers le haut de la rampe (voie sacrée)
bordée d'arbres verts conduisant au sanctuaire, une fontaine
laisse tomber goutte à goutte son eau limpide dans un bassin
de marbre. Par les grandes pluies, la goutte d'eau continue
de tomber avec uniformité, et les temps de grande sécheresse
ne la tarissent point. Les innombrables chrétiens qui vont
rendre hommage à la Sainte Vierge, s'arrêtent un instant à
la fontaine, et après avoir fait une prière, puisent
quelques gouttes de cette eau dont ils mouillent leurs
paupières.
Pourquoi agissent‑ils ainsi ? La plupart l'ignore; mais la
mère de famille enseigne à son fils, et ceux‑ci transmettent
à leurs enfants la pieuse pratique [...]
Au temps de l'occupation première des Gaules, cette
fontaine, coulant goutte à goutte, avait dû rendre le
terrain boueux, et par suite, rempli de joncs et de cette
graminée que l'on retrouve dans tous les sols humides:
c'était là ce que les Celtes appelaient le haum‑moor [...]
La fontaine de Marceille dut, comme les autres, être ornée
d'une statue de la Sainte Vierge. Est‑ce celle qui, perdue
au milieu des tourmentes des invasions Sarrasines, a été
plus tard retrouvée et placée avec honneur dans le
sanctuaire destiné à la recevoir ? Cela nous parait fort
probable. Cette image de la Sainte Vierge, tenant sur ses
bras son divin Fils et sculptée dans un
bois noir,
indique sa provenance orientale: sa position auprès d'une
fontaine, et c'est bien dans un champ voisin de la petite
source qu'on la retrouvée [...]
|
Rien n'a changé entre le moment
où Henri Boudet
est allé sur les lieux et aujourd'hui. Il nous fait
remarquer que même par grande pluie ou par grande
sécheresse, le débit reste constant. Boudet nous rapporte
aussi que les vieux chroniqueurs connaissaient ce lieu sous
le nom de "Fontaine de Marsilla".
La fontaine servait aux pèlerins
qui en se frottant les paupières avec cette eau, soignaient
les maux de leurs yeux.
Pour Boudet, l'écoulement
goutte à goutte de la fontaine avait fait du terrain
environnant un terrain marécageux au temps des Celtes. Ce
terrain, il le baptise haum‑moor (Homme mort ?). Cette
indication géographique ne veut‑elle pas nous faire penser
à l'ancien puits celte sur lequel l'église aurait été
bâtie ?
|

La Voie Sacrée et la fontaine de
Marsilla
|

La fontaine de Marsilla
|
Henri Boudet
nous donne aussi une explication sur l'origine de la statue
de la Vierge Noire se trouvant à l'intérieur de l'église. Pour
lui, la fontaine de Marceille devait être décorée d'une
statue de la Vierge au temps de la première
christianisation. Elle aurait été perdue, puis retrouvée plus
tard pour devenir la Vierge Noire que l'on connaît
aujourd'hui dans l'église Notre Dame de Marceille. De plus,
Boudet insiste sur le fait que cette statue a été sculptée
dans un bois noir (il l'écrit en italique), pour indiquer sa
provenance orientale.
Pour Boudet, le terme de
Marsilla vient du sens : "Notre Dame de Marcilla, yeux
gâtés, endommagés et fermés par la maladie". Il s'appuie
pour cela sur l'une de ses fameuses constructions : To mar,
gâter, endommager ‑ To seel, Fermer les yeux faisant donc
marseel, soit marceille avec l'érosion de la prononciation.
En résumé, Boudet insiste sur
plusieurs points :
-
La
constance
du débit de l'eau de la fontaine
-
Le terrain de l'haum‑moor
-
La couleur de la sculpture de la
Vierge Noire et donc son origine
-
Grâce à l'eau de la fontaine,
on
retrouve la vue
L'homme mort (haum‑moor)
peut nous faire penser à la notion de cadavre et de
décomposition. Cette piste nous ouvre plusieurs voies,
celle de la mort symbolique par la mise en terre avant la
renaissance du futur initié, ou bien celle de la notion de
putréfaction alchimique, passage obligé à la réalisation du
Grand œuvre d'après les initiés à l'alchimie. Fulcaneli
serait‑il si loin de Boudet ?
Ensuite nous trouvons la
statue de bois noir. Sa couleur noire
fait penser à l'œuvre au noir si chère
aux alchimistes ? Mais elle doit aussi nous rappeler que cette
Vierge est orientale tel que
certains dépeignent Marie‑Madeleine. D'ailleurs, le
miracle de la fontaine de Marceille n'est‑il pas de rendre
la vue à ceux qui l'on perdue, ou de façon plus allégorique,
n'est‑elle pas là pour nous apporter la lumière sur ce que
l'on cache au commun des mortels ?
Pour beaucoup d'auteurs,
l'histoire du puits celte est une légende. Pourtant, il
existe des aménagements souterrains sous Notre Dame de
Marceille et nous savons aujourd'hui que des cryptes existent.
N'en déplaise aux historiens, Boudet, dans son sous‑entendu sur un puits
celtique, nous invite à examiner les fondations
du sanctuaire...

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Vue aérienne de Notre Dame de
Marceille
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Quelques anciennes photographies de
cette église hors du commun sont présentées dans
son album
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L'entrée principale de ND de
Marceille en 1904
On
reconnaît le cadran solaire
aujourd'hui presque disparu
à gauche de l'entrée
et les inscriptions sur la voûte du porche
également disparues
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Notre Dame de Marceille est extrêmement
chargée, aussi bien du point de vue historique qu'au travers
de ses
relations avec l'affaire des deux Rennes.
Le nombre de personnages
célèbres qui ont gravité autour
du sanctuaire sur plusieurs
siècles montre l'importance du lieu.
Les pages suivantes
tentent de dresser un inventaire des aménagements qu'il
convient d'étudier aujourd'hui
et de mémoriser pour préserver
au
mieux ce patrimoine exceptionnel... |
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