Rennes‑le‑Château
est non seulement
une merveilleuse histoire, mais aussi une source fabuleuse
d’enrichissement personnel pour ceux qui décident de
s’investir un peu dans l'énigme.
Certaines pistes encore
inexplorées ne demandent qu’à être défrichées, et de
nombreuses surprises attendent encore les chercheurs pourvu
que leur quête s’opère dans la bonne direction…
Ce constat, j’en ai été
le témoin et l’acteur. Qui n’a pas rêvé un jour de
s’affubler du chapeau d’Indiana Jones pour quelques
heures et de s’adonner à une vraie recherche de terrain,
comme au cinéma…
|
|
Voici l’histoire d’une
découverte qui permettra, j’en suis convaincu, de réveiller
de nouvelles passions et d’ouvrir encore
quelques portes. Je dédie donc cette mémorable journée à mon ami
chercheur Franck Daffos sans qui je n’aurais pu partager ces
instants de réel bonheur dans les mystères de notre passé.
Cette
étude inédite est le résultat de nombreuses heures de travail
et
de recherche.
C'est pourquoi elle est protégée
ainsi que toutes les illustrations.
Je tiens aussi à remercier Franck Daffos qui a très
gentiment accepté
de participer à cette présentation.
Copyright © RLC Archive ‑ Jean‑Pierre Garcia
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L'histoire d'une découverte |
Ma passion pour le Razès et ses intrigues
m’obligent à revisiter régulièrement certains lieux, et mon
expérience m’a souvent démontré qu’une curiosité permanente
sur le terrain
donne souvent des résultats très différents de ceux que l’on
peut lire chez certains auteurs. Un exemple classique est
le I.X.O.Y.Σ
sur
la
tombe d'Henri Boudet,
et
qui s'est transformé au fil des écrits en
I.X.O.I.Σ
et même en
I.X:O.I.Σ. Pourtant, une simple visite sur place
à Axat permet de constater l'erreur...
Toutes
mes visites ont toujours
été organisées en premier dans un but simple : sauvegarder sur matériel
photographique les quelques témoignages du passé avant que
les dégradations sauvages et touristiques ne fassent tout
disparaître. L’été 2006 fut en tout cas le début d’une
révélation qui devait en appeler bien d'autres...
Courant août 2006, après avoir
parcouru pendant quelques jours la région entre Limoux et
Rennes‑le‑Château, un rendez‑vous pris avec Franck Daffos devait clôturer
cette expédition. La rencontre s'opéra
à Notre Dame de Marceille et après une
nouvelle visite du Sanctuaire,
nous nous retrouvâmes sous le célèbre
tableau de Saint Antoine, objet
phare de l’année
2005...
|
Il faut rappeler que ce
tableau focalise beaucoup de controverses et
d'incertitudes. Si une première analyse visuelle semble évidente,
la mise en lumière de son passé historique est un exercice
très périlleux compte tenu de la confusion qui entoure l'œuvre. Ce tableau a certainement subi au
fil du temps plusieurs restaurations plus ou moins habiles.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer avec une lumière
rasante les nombreux raccords de vernis et la couche de
bitume recouvrant le coin supérieur droit de la toile.
Des reprises de peinture sont aussi visibles sur d'autres
portions de la scène.
Notons que
devant un tableau si énigmatique, une analyse radiographique permettrait
facilement d’apporter de précieuses indications.
|
Le tableau Saint Antoine
à ND de Marceille
aujourd'hui
|
Une peinture de
grande qualité
C'est durant une belle
matinée d’été que, devant cette œuvre chargée de mystère, armé
d’un appareil performant, je me décidai à
photographier quelques détails qui auraient pu nous
échapper. Par chance, des travaux dans la nef nous permirent d’emprunter une échelle.
Ce tableau d’une taille imposante est accroché à une
hauteur telle qu'elle empêche tout examen
détaillé. Me voici donc perché sur cette échelle
providentielle avec un appareil photo à bout de bras. Alors
que l'on maintenait mon perchoir vacillant, le
reste de l’équipe était chargée d’éclairer à la torche
certaines zones...
|
C'est ainsi que je réussis à
prendre quelques clichés étonnants que je dévoile ici.
Remarquez par exemple la
forme curieuse et dentelée qui se dégage sur l'épaule du
Saint Antoine. Visiblement le bitume n'a pas tout
recouvert...
Nous y reviendrons…
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Tableau de Saint Antoine
Une dentelure apparaît au‑dessus de l'épaule
|
De mon poste
d'observation, une constatation me sauta aux yeux et les
photos le confirment.
Le personnage est peint avec une qualité extrême et le tracé
des mains et du visage ne peut que signifier le travail et
le savoir‑faire
d'un grand artiste, ou en tout cas d'un élève ayant travaillé
avec un grand maître.
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Remarquez les détails de la
main et la maîtrise de la lumière. Ces détails n'ont pu
échapper à l'œil d'un artiste amateur comme le chanoine
Gasc.
Assurément, cette peinture ne peut être que celle d'un
grand peintre et ce constat laissait présager encore de
belles découvertes.
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Le visage du Saint Antoine est
étonnant par son réalisme
et sa qualité picturale (photo prise sur le côté)
|
Une photo inespérée
Une pierre
en bas
et gauche du tableau attira notre
curiosité, une pierre qui ressemble
d’ailleurs étonnamment à celle qui figure prés du
tombeau des « Bergers d’Arcadie » de
Nicolas Poussin et sur laquelle un berger pose son
pied. Une très nette reprise de vernis sur la toile autour de cette pierre pouvait en effet
signifier une modification par rapport à l’originale.
Ce fut donc à bout de bras et en équilibre instable que je
m’appliquai à saisir ces quelques centimètres carrés de
peinture éclairés par la puissante torche que tenait Franck.
Quelle curieuse sensation que d’immortaliser
un détail peut‑être oublié depuis plus de
300 ans. De mon échelle, rien n’apparaissait
concernant cette petite partie du tableau, mais je comptai
bien sur les progrès du numérique pour figer tout nouvel
élément. Conscient que cette occasion ne se renouvellerait
peut‑être pas aussi facilement, je m'attachai à prendre le
plus de clichés possible.
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L’image apparue sur mon appareil fut surprenante :
Sur la pierre, une fine écriture manuscrite rendue
visible par le puissant éclairage se confondait avec le
feuillage.
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Détail inférieur gauche du tableau de
Saint Antoine |
Première surprise...
Je sentis Franck
fébrile. Nous disposions peut‑être sans l’avoir vraiment
cherché d’un élément concernant les origines de la
toile.
Je rappelle ici
qu’une piste importante à Notre Dame de Marceille
repose sur l'histoire de ce
tableau de Saint Antoine
et
qui était
probablement à la base une Tentation de
Saint Antoine. Il aurait été transformé en
Saint Augustin vers 1670 par
Ambroise Frédeau sur les ordres de
Mgr Fouquet, frère du célèbre
Nicolas Fouquet, pour y coder l’entrée de la
cache secrète du Sanctuaire. Il aurait ensuite subi une
autre transformation en simple Saint Antoine
vers 1860 par Gasc qui ne voulait pas
laisser à la vue de tous un Saint Augustin
bien trop explicite…
|
La signature de Mathieu Frédeau
sur le
tableau de Saint Antoine
|
La première vision de la
photo fut pour nous une surprise inattendue et quelques
secondes de silence nous plongèrent brutalement dans
l’incompréhension. Alors que l’on pouvait lire distinctement
le nom de Frédeau, le prénom n’était pas
Ambroise
comme nous le pensions, mais
Mathieu…
Comment avait‑on pu passer à côté d’une
telle erreur ?
Il faut rappeler que le
tableau est officiellement classé depuis
1964 par les
Monuments Historiques
de France, et on peut
lire sur sa fiche :
Désignation |
Tableau : Un moine en
adoration, cadre |
Localisation |
Languedoc‑Roussillon
;
11
;
Limoux |
Edifice |
église Notre‑Dame de
Marceille |
Matériaux |
toile (support) |
Auteur(s) |
Frédeau Ambroise
(
peintre) |
Siècle |
17e siècle |
Historique |
Oeuvre exécutée par
Ambroise Frédeau, frère lai (1589‑1673) |
Date protection |
1964/03/02 : classé au titre
objet |
Statut juridique |
propriété d'une association
diocésaine |
Type d'étude |
liste objets classés MH
|
Copyright |
(c) Monuments historiques,
1992 |
Référence |
|
Nous étions frappés de stupéfaction. Qui était
Mathieu Frédeau ? Et comment les Monuments
Historiques avaient‑ils pu classer par erreur ce tableau en
l’attribuant à un autre peintre ?
Pourquoi surtout le
chanoine Gasc qui était lui‑même peintre avait‑il
signalé ce tableau dans sa
« Notice sur le pèlerinage de N‑D de Marceille près de
Limoux (Aude) » datant de
1876 en ces termes :
« Ce tableau,
du frère Ambroise Frédeau,
représentant un moine de l’Ordre Saint Antoine… » ?
Pourtant, il est
impossible que Gasc n’ait
pas eu connaissance de la
réelle signature de cette œuvre du XVIIe siècle
puisque non seulement il effectua une rénovation profonde de
ND de Marceille, mais il la modifia probablement dans les années
1860. À ce stade, nous étions loin de nous douter de l’implication
importante qu’allait soulever cette petite découverte.
|
À
propos d'une signature ...
Il est toujours surprenant de voir
comment un détail peut ouvrir des axes de recherches
insoupçonnés.
Après une première analyse,
quelques constatations s'imposaient :
L'écriture est fine et
délicate, faite sans doute à l'aide d'un pinceau plume. L'assurance du trait
prouve que le signataire s'est appliqué et qu'il a pris un
soin tout particulier à rendre lisibles ces quelques mots.
Certaines lettres ont été
visiblement reprises, comme si l'on avait voulu corriger ou
recouvrir une signature plus ancienne...
La signature
Mathieu Frédeau
est claire et parfaitement lisible. Elle ne
peut prêter à confusion.
Reste à expliquer les lettres Jn
et Fe :
Fe est l'abréviation du mot latin
« fecit »
qui se traduit par
« a fait ceci »
ou
« fait par »
Jn
est utilisé dans certaines signatures comme abréviation de
« Juvenis »
qui se traduit par
« le Jeune ».
Notons que cette abréviation reste incompréhensible dans le
cas de Mathieu Frédeau, à moins qu'il s'agît de ne pas
le confondre avec son père, ce qui est très improbable.
|
Le chaînon manquant, Teniers
et Frédeau |
Qui était Mathieu Frédeau
?
C'est ici que l'enquête
devient passionnante, car voici comment à partir de la simple
photo d'une signature, une histoire vieille de plus de trois
siècles peut être recomposée.
Nous avons
extrêmement peu d’éléments sur
Mathieu Frédeau qui
fut le frère et très probablement l’aîné
d’Ambroise. Les dates de sa vie ne nous sont pas
connues même si l’on peut situer sa naissance vers
1580.
On a une trace de lui assurément à
Paris puis à
Aix‑en‑Provence de
1629 à 1639.
Ainsi, nous le retrouvons dans les correspondances publiées
de 1888 à 1898 de celui qui fut probablement
l'un des
derniers esprits universels de tous les temps :
Nicolas‑Claude Fabri de Peiresc (1580‑1637),
historien, naturaliste, bibliophile, archéologue, numismate,
généalogiste, médecin, astronome (il est le découvreur en
1610 de
la
nébuleuse d’Orion
et était en étroite relation avec Galilée), jurisconsulte,
grand voyageur, collectionneur (grand amateur de Rubens) et
accessoirement Conseiller au Parlement de Provence qui le
contacta en 1634 pour lui demander de peindre un
atlas de la lune qu’il projetait de dresser. Le projet ne se
fit pas, mais il nous permit d’avoir un des seuls documents
relatifs au peintre Mathieu Frédeau dont on se demande s’il ne fut pas,
comme son frère Ambroise, moine chez les Augustins.
|
Nicolas‑Claude Fabri de Peiresc
(1580‑1637)
De son vrai nom
Nicolas Claude FABRI, il naquit le 1er
décembre 1580
à Belgentier dans le Var. Ses parents y vivaient sur les
bords du Gapeau. Les Fabri étaient originaires de Pise, mais
ils se fixèrent à Aix‑en‑Provence en
1254. Son père, Reynaud Fabri, était membre de la
Cour des comptes, et son oncle était conseiller au
Parlement. C’est la peste à Aix qui fit fuir ses parents
pour se réfugier à Belgentier. Il perdit très vite sa mère
après la naissance de son frère Palamède.
Nicolas Claude fit ses
études à Brignoles (1587), St‑Maximin (1588), Aix (1589) et
Avignon (1590). Il revint à Aix (1595) pour y suivre des
études de philosophie, puis du droit (1597)
qu’il termine à Avignon
(1598).
|
Nicolas Fabri de Peiresc
conseiller au Parlement
de
Provence devant son bureau
(par Cézanne)
|
En 1599, il partit en
Italie avec son frère où il suivit des études. En 1600,
il visita Florence, Sienne, Rome où il fut présenté au pape.
À Florence, il assista au mariage par procuration de Marie
de Médicis et de Henri IV et fit la connaissance de
Galilée. En
1602, il rentra en France à Montpellier pour
continuer sa formation de Droit et revint à Aix en décembre
1603. A cette date, il présenta à Aix sa thèse de doctorat
qui sera suivie par celle de son frère. Il reçut de son père
des terres situées dans les actuelles
Alpes‑de‑Haute‑Provence (à proximité de la
Colle St‑Michel) et devint seigneur de Peiresc.
Après un voyage en Angleterre et aux Pays‑Bas,
il rentra en octobre
1606
à Aix et devint
Conseiller au Parlement le 24 juin 1607, charge qu’il
reçut de son oncle. Il fut dès lors partagé entre sa
fonction de magistrat et son goût pour l'étude. Peiresc
rencontra toutes les sommités du moment et entretint une correspondance peu commune. En
1618, il reçut de
Louis XIII l’abbaye de Notre Dame de Guîtres, non
loin de Libourne.
C'est en 1634
que
Peiresc projeta avec
Gassendi de dresser un atlas de la Lune. Il fit
d'abord appel au peintre
Claude Salvat, puis l'année suivante, à
Claude Mellan (1598‑1688) pour graver au burin les
différentes phases de la Lune.
Il s'adressa également au
peintre parisien Mathieu
Frédeau. Mais en 1636, Claude Mellan de retour de Rome
observa chez
Peiresc la Lune et la grava dans
les premiers mois de
1637. Peiresc
mourut le 24 juin 1637, entouré
de
Gassendi et il fut enterré dans le tombeau
familial de l’actuelle église de la Madeleine à
Aix‑en‑Provence.
Peiresc, surnommé de son vivant
"le Prince des curieux" était un humaniste et un
esprit universel qui excellait dans de nombreux domaines. Il
entretint une correspondance suivie avec quelque
500 contemporains (Galilée, Gassendi, Kepler,
Hevelius, Malherbe, Mersenne, Rubens…). Il avait dans sa
bibliothèque plus de 5000 ouvrages.
Il était botaniste, physiologiste, naturaliste (il introduisit
en France le chat angora), historien, astronome,
généalogiste, numismate, médecin. Néanmoins, il ne laissa aucun
ouvrage important, cause de son oubli.
Un certain nombre de ses
découvertes furent attribuées à d’autres, et il fallut
attendre la lecture de sa correspondance pour en connaître
le véritable inventeur...
|
Fait important, Mathieu Frédeau serait originaire d’Anvers,
la patrie de
Teniers
père
(1582‑1649) et
de Teniers fils dit
le Jeune
(1610‑1690) tous deux parfaitement
contemporains des frères
Frédeau.
Il semble alors difficile de penser
que les
frères Frédeau, au vu de la maîtrise picturale dont
ils ont fait preuve, n’aient pas fréquenté un temps à
Anvers l’atelier des
Teniers père et fils,
figures emblématiques des peintres flamands de cette époque.
De plus, il semble que leurs parcours passent par
Paris du moins pour
Mathieu vers la fin des
années 1620.
Mathieu Frédeau
nous a laissé très peu de
toiles, mais toutes dénotent un très grand talent, bien
plus confirmé que chez son frère Ambroise.
Des peintures à Tours, en Provence, et dans des collections
particulières repoussent sa disparition jusqu’en
1642, peut‑être même jusqu'en
1654.
Le tableau de
Saint Antoine de ND de Marceille serait‑il l’œuvre d’un
contemporain, d'un condisciple des Teniers père et fils comme
Mathieu Frédeau ? Il vrai que le tableau semble avoir été conçu dans une logique
d’école de maître, à la manière d’un Téniers.
D'ailleurs on
retrouve Saint Antoine avec un faciès tout à fait récurrent
dans l’œuvre de
Teniers le jeune... Coïncidence ?
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Saint Antoine (à gauche) et Saint Paul
dans le désert (détail)
par
David Teniers le jeune
|
Si on compare les visages de
Saint Antoine
et Saint Paul dans le désert, peint par
Teniers le jeune avec le
visage du Saint
Antoine de
Notre Dame de Marceille, la ressemblance est
étonnante. On retrouve le même nez et les mêmes yeux.
Saint Antoine sur le
tableau de Teniers le jeune est reconnaissable grâce à
son T (Thau) brodé sur l'épaule.
Mathieu Frédeau
a‑t‑il été influencé par son maître ?
|
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Un lien avec les Bergers d'Arcadie
Revenons à la fin des années
1660 :
Ambroise Frédeau, peintre et sculpteur,
moine chez les Augustins, se partage entre son couvent de
Toulouse et une possession de son Ordre entre Alet et Limoux
où il installe son atelier plusieurs mois par an. |
Or, nous savons qu’il était aussi un grand ami de Nicolas Poussin
qui souvent lui empruntait quelques élèves pour faire le fonds
de ses tableaux. Ce fut probablement le cas du Toulousain
Jean‑Pierre Rivalz
(1625‑1706) qui eut ainsi l’honneur
de travailler pour le maître des Andelys sur le fonds des
Bergers d’Arcadie
dans sa deuxième
mouture, celle qui est à présent au Musée du Louvre.
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Les bergers d'Arcadie II
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Jean‑Pierre Rivalz, architecte et peintre à
Toulouse, travaillait avec
le
sculpteur Marc Arcis et le dessinateur
Raymond
Lafage.
Il est l'auteur des
quatre
vertus, peintures situées dans le
chœur de la chapelle des carmélites à Toulouse, et il fut
l'architecte de l'Hôtel de Ville (Capitole).
Il eut un fils,
Antoine Rivalz,
un peintre également très célèbre de la région toulousaine.
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Portrait de Jean‑Pierre Rivalz
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Après la découverte de la
signature de Mathieu Frédeau,
et d'après les différentes notes
contradictoires de Gasc et la gravure de
1830, il
est maintenant possible de recomposer une chronologie du tableau
de Saint
Antoine... |
En ce temps‑là,
Mgr Dagen,
ancien secrétaire particulier de
Mgr Nicolas Pavillon au diocèse d’Alet, était devenu le
Vicaire Général de l’évêché de Narbonne qu’il gérait en lieu
et place de
Mgr
François Fouquet,
évêque en titre qui avait été assigné à résidence par
Louis XIV
auprès de Mgr Rouxel de Modavy
à Rouen après l’arrestation de son frère
Nicolas en septembre
1661.
Pour honorer une commande
spéciale de Mgr Dagen
destinée au sanctuaire de ND de Marceille
près de Limoux qui dépendait alors du diocèse de Narbonne,
on peut penser qu’Ambroise Frédeau
décida de réutiliser une
Tentation de Saint Antoine de son frère
Mathieu, très probablement disparu depuis plus d’une
dizaine d’années, pour la transformer en un
Saint
Augustin
porteur d’un message subtil voulu par le prélat de Narbonne.
Ce message
sous la forme d'un Saint Augustin trôna dans l’église
jusqu’aux années 1860‑1862, date des grands travaux
d’embellissement voulus, financés et réalisés par
le chanoine Gasc qui lui permirent
durant les longs mois où ce tableau fut retiré de la vue des
fidèles, de le retransformer en un simple
Saint Antoine, supprimant ainsi un message trop facile à déceler.
En laissant la signature de
Mathieu Frédeau
qu’il ne pouvait ignorer sur ce tableau et en faisant passer
son frère
Ambroise pour son véritable auteur dans une édition
de sa monographie consacrée à
ND de Marceille,
le chanoine
Gasc voulait en fait nous préciser
l’historique chronologique de cette toile. Par cette
erreur volontaire de présentation de son
auteur qu’il prend la peine de bien souligner en la
morcelant au fur à mesure des éditions de son opuscule, il
nous signifie tout simplement l’importance et la portée de
ce tableau dans son sanctuaire.
|
Mais le point le plus important de tout ceci est de retrouver dans
le Razès, dans la seconde partie du 17e
siècle et plus particulièrement entre
Limoux et Alet,
c'est‑à‑dire l’épicentre de cette affaire à cette époque, un
peintre : Ambroise Frédeau. Or les attaches
familiales et professionnelles de ce dernier nous confirment
qu’il connaissait personnellement les deux peintres
Teniers
et Poussin
et que l’on retrouve précisément cités dans
la mystérieuse sentence
« Bergère pas de Tentation que Poussin, Teniers… ».
Cette sentence est issue
du décryptage du
grand parchemin que beaucoup
s’entêtent encore à croire né sous la plume du facétieux
Philippe de Cherisey
dans les années 1960, mais dont tout porte à croire
qu’il n’aurait en fait que très légèrement modifié…
La piste des
frères Frédeau allait nous réserver encore bien des
surprises et nous prouver bientôt qu’ils
furent en étroite relation avec
Mgr Nicolas Pavillon. Ce dernier eut en effet recours à leurs relations pour contacter des artistes
confirmés. Poussin d’abord, puis
Teniers
ensuite deux décennies plus tard, pour crypter grâce à la
complémentarité de deux de leurs
tableaux, l’accès à
l’un des plus fabuleux trésors de tous les temps, et qui
fut fortuitement retrouvé dans son diocèse vers le milieu du
XVIIe siècle. Fait d’ailleurs incontestablement
confirmé par certaines lettres du gazetier de la Cour
Jean Loret et datant de septembre
1661.
Petit à petit et au fur et à mesure de nos découvertes, allait s’imposer la vision de
l’authenticité des fameux parchemins publiés en
1967 par
Gérard de Sède dans son best‑seller
« L’or de Rennes »,
puisqu’ils faisaient exactement référence à des
éléments
du XVIIe siècle que nous savons à présent avérés.
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