On pourrait supposer que le village de
Rennes‑le‑Château constitue l'épicentre de l'énigme,
le lieu où toutes les thèses convergent, l'endroit où tous
les indices se focalisent. Il n'en est
rien, bien au contraire. Rennes‑le‑Château et son
Domaine construit
par
Bérenger Saunière ne sont en réalité qu'un support au
codage du secret, un site devenu culte et sur lequel les
lazaristes déposèrent plusieurs messages à la postérité.
Or, pour comprendre la fabuleuse épopée qui au cours des
siècles permit de forger l'affaire des deux Rennes, il est
indispensable d'enquêter également du côté de
Notre Dame de Marceille, un sanctuaire
limouxin très
particulier par lequel des personnages clés laissèrent leurs
empreintes, comme ces mêmes lazaristes et dont le plus
emblématique fut Jean Jourde...
|
Notre
Dame de Marceille fascine par la richesse des décorations
intérieures et par ses peintures murales aux couleurs chaudes et
ambrées. Mieux, elle cache des peintures importantes et liées à
l'affaire de Rennes.
Il est évident que cette
église fut l'objet d'un soin tout particulier et les travaux
furent certainement très importants si l'on compare la gravure de
1830 avec l'état actuel de l'ensemble.
Nous savons aujourd'hui
que
Gaudéric Mèche et
Henri Gasc
participèrent très largement à la mise en lumière et à
l'embellissement de cette
paroisse en puisant dans des fonds très secrets... |
|
La chaire actuelle |
La nef et le maître‑autel |
Une vue de la nef et ses médaillons
|
À l'arrière un orgue silencieux
entouré de
médaillons |
À gauche la chapelle de la Vierge Noire |
Le Saint Antoine trône face à l'entrée |
Le maître‑autel
|
La porte d'entrée principale et son
diptyque sur Saint‑Augustin |
Le
Sanctuaire de Dieu
Notre Dame de Marceille regorge
de détails étonnants que
Henri Gasc laissa derrière lui en
espérant sans doute alerter une âme particulièrement
perspicace. Celui‑ci est par exemple tout à fait surprenant.
|
Devant le chancel menant
à l'autel, discrètement inscrit sur le sol en fine mosaïque,
on peut lire ces deux mots en lettres onciales :
SANCTUARIUM DEI
(Sanctuaire de Dieu)
Cette expression qui aujourd'hui laisse
manifestement indifférents la plupart des visiteurs de
Notre Dame de Marceille est pourtant lourde de
signification.
Qu'est‑ce qu'un sanctuaire ?
Un simple dictionnaire donne ces
quelques définitions :
1. Endroit le plus saint d'un
temple, d'une église.
2. Partie d'une église située
autour de l'autel
3. Édifice sacré, endroit ou l'on
célèbre un culte
Mais ces définitions sont
incomplètes, car elles ne précisent pas pourquoi ce lieu
est plus sacré que le temple lui‑même. En fait on
pourrait reformuler par :
Un
sanctuaire est un lieu sacré
consacré à une divinité
dans lequel on conserve une
relique sacrée ou une
icône
objet de vénération de la part des
croyants.
Un sanctuaire est donc un édifice
sacré construit en général sur un lieu particulier et
destiné à abriter des reliques ou des ossements religieux.
Les sanctuaires sont aussi souvent associés à l'idée de
pèlerinage. On trouve d'ailleurs la notion de sanctuaire
dans de nombreuses religions différentes.
On comprend donc pourquoi
ND de Marceille
est aussi appelé "Sanctuaire" puisqu'elle
abrite la célèbre Vierge Noire
de Limoux responsable des fameux pèlerinages.
La présence du mot "Sanctuaire" ou
"Sanctuarium" dans
ND de Marceille
serait donc restée bien anodine si on se limite à cette
explication.
Or, ceci ne vaut plus lorsque l'on
parle de "SANCTUARIUM DEI" ou "Sanctuaire
de Dieu", car si l'on
applique la définition à la lettre, on obtient :
Le
sanctuaire de Dieu est un
lieu sacré consacré à Dieu
dans lequel on conserve une
relique sacrée ou une
icône
objet de vénération de la part des croyants.
La définition
devient donc particulièrement énigmatique et un non sens
théologique, car comment imaginer une relique ou des
ossements de Dieu ?
Henri Gasc, homme
d'Église, mentor de
Boudet, expert en
codage et
allégorie, a bien évidemment voulu nous laisser un
message lorsqu'il décida d'inscrire ces mots sur le
sol carrelé en 1860.
N'oublions pas non plus que les termes
"Sanctuarium Dei" ont été fortement utilisés
dans les sermons de Saint Augustin, ce qui nous ramène
au
tableau de Saint Antoine...
Il
suffit maintenant de consulter un dictionnaire
latin...
"Sanctuarium" signifie "Temple de Jérusalem"
|
La chaire,
passage
secret |
La chaire visible
aujourd'hui est
le résultat
des travaux d'embellissement d'Henri Gasc. En effet,
il remplaça l'ancienne chaire murale par une niche richement
décorée qui fait son originalité. Or cette nouvelle chaire
cache un secret puisqu'elle permet d'accéder à une pièce
fermée, une crypte occultée située dans le sous‑sol, sous le
porche d'entrée. En remplaçant la chaire, le chanoine voulut
sans doute créer un accès très discret
à cette pièce à partir du plancher.
La chaire de ND de Marceille est classée aux
Monuments historiques.
|
La chaire installée par Gasc
|
|
L'intérieur de la chaire
|
|
De par son
caractère insolite et occulte, il n'existe aucun document
décrivant l'intérieur et l'emplacement de la crypte.
Voici quelques photos étonnantes
montrant notamment le faux plancher installé récemment et
destiné à fermer l'accès.
Fallait‑il condamner cette trappe par des dalles
béton ? Fallait‑il couper court aux
rumeurs ? Le fait est que visiblement la décision fut prise
de stopper toute curiosité.
Heureusement, un passionné eut le temps en
2005 de profiter de cette entrée pour visiter
discrètement la cache.
Cette visite est importante, car elle démontre l'existence
de la pièce secrète que l'on peut assimiler à une petite
crypte aveugle.
|
La chaire et au sol des dalles
fermant l'accès à la crypte secrète
|
Le maître‑autel, des clés, et
681 |
La décoration de l'autel à ND de
Marceille |
Voici une autre
décoration bien curieuse au sein du Sanctuaire. Bien sûr, la
présence d'un maître‑autel dans une église monumentale comme
celle de ND de Marceille n'est pas en soi extraordinaire.
Pourtant,
certains détails sont intrigants. |
Le volume qu'il occupe est
imposant et les sculptures sont très chargées
donnant un aspect baroque à l'ensemble.
Le maître‑autel
que l'on estime du début du
XVIIIe siècle confirme sa conception et
son installation sans
aucun doute lors de la période des grands travaux effectués
par Mèche et
Gasc
entre 1838 et 1872.
Ceci est d'ailleurs
montré par l'aspect très différent de l'autel vers
1830
et que l'on peut voir sur l'ancienne
gravure de Reynié et Certain. |
Extrait gravure de ND de Marceille
vers 1830
L'autel (de
Reynié et Certain) |
La Vierge et l'Enfant
sur l'autel |
Le style baroque de l'autel contraste avec
le reste du décor |
Au centre trône la
Vierge tenant l'Enfant Jésus.
Les
autres personnages
semblent aussi très classiques. Autour de la Vierge, nous trouvons
à sa droite Saint Pierre reconnaissable à ses clefs, et à
sa gauche
Saint Paul. Excepté que Saint Paul présente
ici un livre créant le doute. Habituellement Saint Paul est
représenté avec une épée évitant
ainsi la confusion avec d'autres apôtres. En effet,
l'iconographie religieuse repose sur des symbolismes très
précis. À chaque Saint sont associés un ou plusieurs attributs
permettant une identification sans erreur. Or ici, le doute
existe. Il pourrait s'agir de Saint Paul présentant
ses Epîtres, mais aucune épée n'est visible. S'agirait‑il
de
Saint Luc ? Un détail va effectivement le confirmer...
|
Saint Pierre et ses clefs |
Saint Paul ou Saint Luc ? |
Qui était Saint Paul ?
Saint Paul,
apôtre, naquit en l'an 2 après J.‑C. de parents juifs à Tarse,
ville romaine. Il fut élevé à Jérusalem dans les principes
du pharisaïsme et il fut d'abord un ennemi farouche des
chrétiens.
À la suite d'une vision qu'il dit avoir eue sur
le chemin de Damas, il se convertit et reçut le baptême. Il
devint alors un des plus ardents apôtres de la religion
nouvelle. Il prêcha l'Évangile aux païens dans l'Asie‑Mineure et
la péninsule grecque, notamment dans l'île de Chypre, où il
convertit le proconsul Sergius Paulus, à Galatie, à Philippes, à
Thessalonique, à Athènes et enfin à Corinthe.
En 58 il retourna à Jérusalem, mais il fut assailli par une foule
qui voulait le tuer.
|
Saint Paul par Lorenzo di Niccolo
représenté ici avec une épée et un livre (XVe siècle) |
Emprisonné deux ans à Césarée par Félix, gouverneur de Judée, il
fut ensuite envoyé à Rome par de nouveaux gouverneurs et y fut
acquitté.
Après avoir prêché la foi à Rome, il retourna en
Orient pour consolider la première organisation de l'Église.
Vers l'an 63 ou 64, il revint à Rome où des chrétiens commençaient à
être en grand nombre. Son insolence envers le pouvoir
romain attira l'hostilité de Néron, et il fut mis à mort avec Saint
Pierre en 66. Ses restes furent enterrés sur le chemin d'Ostie,
puis transportés à Rome dans la crypte de l'église St‑Pierre.
Saint Paul est aussi connu par ses
14
Epîtres adressées aux églises des régions qu'il avait
parcourues. La dernière seulement, l'Épître aux Hébreux,
fut contestée. Saint Paul était un écrivain brillant, convaincu, et
l'auteur le plus prolixe du Nouveau Testament. |
Qui était Saint Luc ?
Saint Luc, Apôtre, naquit à Antioche. Au départ païen et médecin, il
se convertit. Vers l'an 49, Saint Paul se joignit à lui. Par la suite,
il suivit Paul jusqu'à son martyre. Mais lorsque Saint Paul fut
décapité, Luc quitta Rome et on perdit sa trace.
On représente souvent Saint Luc, le compagnon de Paul, avec un
livre. Il consigna effectivement l'Évangile prêché par celui‑ci.
Mais du fait que Saint Luc et Saint Paul furent longtemps
ensemble, Saint Luc a été souvent confondu à Saint Paul. Servant
sa foi sans reproche, il n'eut ni femme ni enfant.
Il mourut à 84 ans en Boétie.
|
Saint Luc et son évangile |
Les plus anciennes
représentations de Saint Luc le montrent écrivant son Évangile.
Le bœuf que l’on voit souvent près de lui fait référence au
sacrifice dans le Temple qui figure au début de son Évangile
(I 9). On le représente aussi traditionnellement peignant la
Sainte Vierge.
|
Saint Luc
ou Saint Paul ?
Le
choix entre ces deux apôtres n'est donc pas évident, mais un
détail peut aider.
De sa main droite, le
Saint nous montre un livre ouvert où deux pages présentent un texte latin
composé de
caractères suffisamment lisibles. Malgré certaines lettres
légèrement effacées, il est facile de les deviner puisqu'il
s'agit d'un texte connu des théologiens.
Et si l'on s'applique à
recopier exactement sa calligraphie, voici le résultat : |
Le livre de Saint Luc |
C'est en
comparant ce texte avec l'original que l'on peut s'apercevoir de
quelques anomalies. Le texte est en fait un extrait du "Cantique
de Zacharie" que l'on retrouve dans l'évangile de Luc (1 :
68‑69‑70). Cette prière fut récitée par Zacharie
à la naissance de Jean Baptiste. Les étoiles marquent la césure
du verset :
Benedictus
Dominus Deus Israel, *
quia visitavit, et fecit redemptionem plebis suae:
Et erexit cornu salutis nobis *
in domo David pueri sui.
Sicut locutus est per os sanctorum, *
qui a saeculo sunt, prophetarum eius:
Traduction :
Béni
soit le
Seigneur, le
Dieu
d'Israël,
De ce qu'il a visité et racheté son peuple,
Et nous a suscité un puissant Sauveur
Dans la maison de David, son serviteur,
Comme il l'avait annoncé par la bouche de ses saints
prophètes des temps anciens,
La comparaison du texte original et
du texte de l'autel mérite tout de même deux remarques :
Le texte de l'autel a été reproduit sans aucun souci de césure
des mots, à moins qu'il ne s'agisse ici d'une volonté
particulière...
Certains S sont remplacés par des
F comme
Ifraël pour
Israël, vifitavit
pour visitavit, ou
eft pour
est,
un usage latin ou hébraïque sans doute datant au moins du XVe
siècle.
Surtout, un point
intéressant est le suivant : comme à
l'église Saint‑Sulpice
de Paris où l'on trouve dans
la
chapelle des Saints Anges plusieurs références au nombre
681, on trouve ici un procédé équivalent.
Le premier
des 3 versets de l'Évangile de Saint Luc est tout
simplement le
68 du chapitre 1
d'où 681.
Coïncidence ? Il y a bien longtemps que ces belles
coincidences ne font plus partie de mes hypothèses...
En résumé nous avons d'un
côté Saint Luc nous montrant le nombre
681,
de l'autre Saint Pierre nous montrant des clés. Faut‑il
interpréter ceci par :
"681
est la clé..." ?
Il est vrai que nous retrouvons ce même refrain dans la fameuse
sentence issue du grand
parchemin :
BERGERE PAS DE TENTATION
QUE POUSSIN TENIERS
GARDENT LA
CLE
PAX
681...
Mais ce n'est peut‑être pas
le seul message... |
On a beaucoup écrit et romancé sur les mystérieux
aménagements souterrains de
ND de Marceille
et les chercheurs ont longtemps été partagés sur
l'existence ou non d'une ou de plusieurs cryptes.
Il est vrai
qu'Henri Boudet, dans son livre "La
Vraie Langue Celtique", nous suggère leur présence puisqu'il
fait allusion au terrain marécageux et à un ancien puits celte
sur lequel le sanctuaire aurait été bâti. |
Entrée de la crypte
|
Or, c'est le
chercheur
Franck Daffos qui
par l'étude des codages de
Mgr François Fouquet,
Mèche, et
Gasc, nous révèle
l'entrée d'une seconde crypte sous la chaire, un accès qu'il
faut emprunter à partir d'une trappe secrète aménagée
au sol. Nous serions donc en présence non
pas d'une, mais de deux cryptes, chacune ayant une histoire
bien différente.
|
Malgré ces faits qui sont maintenant
reconnus puisque vérifiés sur place par quelques chercheurs,
l'association diocésaine préfère nier leur
existence. En effet, accepter la présence de ces cryptes c'est
aussi avouer la connaissance de certains récits...
C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles
le visiteur de ND de Marceille ne verra aucune explication sur ces fameuses
cryptes dans l'église, évitant ainsi toute polémique.
Les photos des cryptes sont issues d'une étude faite par
Philip Coppens et André Douzet vers 1995 "The secret Vault"
Entrée de la crypte depuis l'extérieur
vers la première
salle
|
|
La première crypte
Cette première et grande crypte, très
ancienne, a été utilisée depuis fort longtemps par quelques
privilégiés
bien placés de l'évêché et par
l'association diocésaine propriétaire du sanctuaire
et qui connaissait son existence.
Cette salle
aurait abrité une bibliothèque très importante et des
livres anciens et précieux. Malheureusement, elle aurait été
pillée il y a quelques dizaines d'années. Les livres furent
volés et revendus.
Cette crypte était aussi connue par
le supérieur des lazaristes du sanctuaire, le
R.P. Gabriel Migault, puisqu'elle a été retrouvée il y a
une cinquantaine d'années, comme il le révèle à demi‑mot
dans une monographie historique de 1962.
|
Enfin la crypte comporte un
souterrain qui débouche dans le contrebas de ND de Marceille, près de
l'Aude. C'est ce souterrain qu'utilisa
une mystérieuse jeune femme
pour sauver la
Vierge Noire de la folie destructrice
révolutionnaire.
Quant au puits, il devait servir de
conduit d'aération à la crypte.
Aujourd'hui, le puits
a disparu, mais des traces historiques nous
prouvent sa présence comme sur la fameuse gravure de
1830
dessinée par Reynié et Certain.
Il existe également dans l'église une trappe à l'endroit
même du puits.
|
Le puits sur la gravure de 1830
|
Gravure de Notre Dame de Marceille
vers 1830 (par
Reynié et Certain)
|
Voilà donc sans doute pourquoi Boudet nous parle
d'un ancien puits celtique,
puisqu'il connaissait certainement sa communication avec une
partie du sanctuaire qui devait rester secrète.
C'est sans doute aussi parce que
le puits servait de conduit d'aération à la crypte que
Gasc
supprima sa partie extérieure. Son objectif était bien sûr
d'être le plus discret possible sur la présence d'une
construction en sous‑sol.
Gasc devait aussi bénéficier d'une grande
complaisance de la part de l'évêché
et de Mgr de Bonnechose
pour être autorisé à
faire de tels travaux.
L'accès au puits existe
encore aujourd'hui. Il suffit de dégager une dalle, comme le
montre la photo ci‑contre...
|
Ce qui reste du puits
aujourd'hui
|
La première salle
|
Accès entre les deux salles
|
La seconde crypte
L'histoire de cette seconde crypte,
beaucoup plus petite, est encore plus extraordinaire
puisqu'elle aurait été creusée par
Mgr François Fouquet
à la demande de son frère Nicolas Fouquet en
1659.
Le plus amusant
est qu'il semble que
François Fouquet ignorait la présence de la première
crypte. Il fut donc obligé de revoir ses plans et de la
construire à côté de la première, ce qui la plaça sous le
porche de l'entrée principale.
C'est cette position de la seconde
crypte qui permit
à
Henri Gasc,
des années plus tard en 1860, d'aménager
un unique accès,
une entrée secrète située sous la chaire.
|
La localisation des deux cryptes
(position
approximative) à ND de Marceille |
D'autres recherches ...
L'étude des constructions souterraines
de ND de Marceille a longtemps passionné les chercheurs. L'un d'eux
débuta son exploration
du côté de l’Aude
au début du XXe siècle, le professeur
et chirurgien
Philippe‑Henri Lonet, passionné de photographie et de
vieilles pierres. Avec l’aide d’un architecte, il essaya de
dresser un plan complet des souterrains et il put ainsi
compléter les travaux précédents. Il remarqua aussi que de
vieilles pierres avaient servi à construire des bâtiments
plus récents. De plus, certains murs semblaient formés à leur
base par des pierres moyenâgeuses. Il remarqua également que
de nombreux puits étaient présents, mais ils furent tous
rebouchés vers
1897. C’est aussi cette année que les dossiers
administratifs des souterrains de ND de Marceille
disparurent curieusement…
Plus tard, vers
1990, un certain
Jos Bertaulet, auteur et
chercheur, découvrit en bas de la Voie Sacrée, à droite
après la rivière, deux ouvertures. Elles sont aujourd’hui
dissimulées par des plaques de métal.
Toutes ces recherches montrent la
complexité des aménagements en sous‑sol qui ont de plus
certainement évolué au cours de l'Histoire. Il faut aussi
se rappeler qu'Henri Gasc procéda à
de nombreux travaux extérieurs dont la fontaine majestueuse
qui dut nécessiter pour l'époque des travaux
importants puisqu'il fallut installer une station de pompage
depuis l'Aude.
|
L'abbé
Boudet nous apprend
que le sanctuaire était gardé par les enfants de
Saint Vincent de Paul. Ce personnage fondateur des
lazaristes ne manque pas de mystère puisqu'il vivra une expérience étonnante d'enlèvement.
Cet évènement non prouvé, réel ou allégorique, semble être une
initiation à un mystère particulier. Quoi qu'il en soit,
nous trouvons la statue de Saint Vincent de Paul au
fond des jardins de Notre Dame de Marceille.
Il est également
troublant de constater une coïncidence entre la présence de
Saint‑Vincent de Paul dans cette église et le testament de
François‑Pierre
d'Hautpoul, l'un des parchemins supposés
découverts par Bérenger Saunière, et dans lequel 6 lignes
concerneraient également
Saint Vincent
de Paul.
|
Saint‑Vincent de Paul
au fond des jardins
|
Qui était Saint Vincent de Paul ? (1581‑1660)
Né au village de Pouy
(près de Dax) en 1581, Vincent De Paul fut confronté
dès son enfance aux conditions d'existence des plus démunis.
Il étudia à Dax et à Toulouse et fut ordonné prêtre en
1600.
D'après ses dires, il aurait été capturé en 1605 par des pirates en
se rendant de Marseille à Narbonne. Il s'évada de Tunis à
l'issue de deux années d'emprisonnement.
De retour à Paris, il fut
frappé par la misère qui y régnait. La France connaît en ce
temps‑là de nombreux combats avec l'étranger et la guerre
civile. Le futur Louis XIV n'est qu'un
enfant et les nobles, le Parlement et la maison du Roi se
disputent le pouvoir.
|
Saint Vincent de Paul
(1581‑1660)
par Simon de
Tours
|
Les soldats souffrent. Les populations
civiles sont ravagées : épidémies, maladies, famines, violence.
Vincent de Paul devint alors une sorte de "ministre de la
Charité", coordonnant toutes les bonnes volontés.Ses domaines d'action furent très
variés : visiteur de prisonniers, prédicateur, collecteur de
fonds, co‑créateur de congrégations. Aucune misère ne lui était étrangère : enfants
abandonnés, victimes de la guerre, malades, fous...
En août 1617, il rassembla
des dames aisées de Châtillon les Dombes
(Châtillon‑sur‑Chalaronne), au sein des "Charités", pour
secourir les malades. Nommé aumônier général des galères en
1619, il porta secours aux esclaves. Il devint le supérieur du
premier monastère parisien de l'Ordre de la Visitation
Sainte‑Marie et précepteur dans la famille d'Emmanuel de Gondi.
Une congrégation de prêtres exerçant leur apostolat en milieu
rural fut établie à Paris en 1625, au Collège des Bons Enfants,
dont Vincent devint le supérieur. Elle prit le nom de Lazaristes
lorsqu'elle s'installa dans l'ancien prieuré Saint‑Lazare à
Paris, en 1632.
Vincent de Paul fonda l'Ordre des Filles
de la Charité (ou Soeurs de Saint Vincent de Paul) en 1634.
Cette institution fut à l'origine de l'hôpital des Enfants
Trouvés de Paris. Vincent de Paul forma de nombreux prêtres et
créa un séminaire de la Mission. Les premiers Lazaristes seront
envoyés à Madagascar en 1648. Vincent organisa également des
collectes à Paris pour secourir les victimes des guerres de
religion. Il prêcha pour la modération à l'égard des
protestants, puis s'opposa au jansénisme.
Vincent de Paul fut proclamé saint par le
pape Clément XII, le 16 juin 1737.
Il meurt épuisé à 79 ans
le 27 septembre
1660. |
La compagnie du Saint‑Sacrement
Cette société secrète fondée en
1629 par le duc Henri
de Levis‑Ventadour, ennemi juré des huguenots, et dont
Saint Vincent de Paul était membre, était
constituée de membres issus de l'aristocratie et de la
bourgeoisie parlementaire. Elle avait pour objectif des
buts charitables et ambitieux tels que la fondation
d'hôpitaux, le secours aux victimes de la guerre,
l'enfermement des mendiants, la lutte contre les Réformés,
les duels, mais également d'autres buts comme la suppression
des hérétiques, de l'adultère, du libertinage, du carnaval,
et des blasphèmes. Elle devint très influente à la Cour du
Roi, dans l'armée et la magistrature. Protégée par Anne
d'Autriche, elle dérangea tour à tour dans l'exercice du
pouvoir, Richelieu, Mazarin, et Louis XIV qui finira par
l'interdire. Elle disparut totalement en 1667, sauf
curieusement en Nouvelle France où elle subsiste aujourd'hui
(Québec actuel).
|
C'est
en défendant les
intérêts de
l'Église que la Compagnie du Saint‑Sacrement
devint l'ennemie jurée de Molière dans « L'affaire du
Tartuffe ».
Plusieurs membres de la Société de
Notre‑Dame qui a fondé Montréal faisaient partie de cette
très puissante Compagnie. Ceci est
certainement l'un des faits à l'origine de la légende du
Grand monarque.
Le fondateur des sulpiciens,
Jean‑Jacques Olier fit l'esquisse en 1643 d'une
image utilisée par la Confrérie du Saint‑Sacrement de
Saint‑Sulpice à Paris. La gravure est
actuellement conservée à la Bibliothèque nationale.
|
|
Saint Vincent, un personnage bien
mystérieux
Saint Vincent de Paul
reste un personnage énigmatique.
En effet, il affirma avoir été
enlevé à Marseille pendant
18 mois entre
1605
et
1607 par les
Maures et détenu chez un alchimiste de Tunis. Molière en
fera même une caricature en faisant
dire à Géronte : "Mais que diable allait‑il faire
dans cette galère ?").
Or, aucune trace historique à ce jour ne
confirme cette thèse. Saint‑Vincent de Paul disparut d'Europe
pendant 2 ans
ou du moins il ne donna aucune nouvelle durant cette période.
Autre fait surprenant, à ce retour de sa supposée captivité,
il privilégia sa première visite au Pape plutôt qu'à sa
famille. Serait‑il passé par Notre Dame de
Marceille en 1605 ?
|
Un autre aménagement
remarqué : la statue de la
Vierge dans les jardins au centre de la fontaine. Elle est
représentée debout, couronnée et regardant le sol. Sous ses
pieds, elle écrase un énorme serpent vert.
Certains diront qu'elle écrase le démon du
jardin d'Eden, ou qu'elle est une allégorie à la Vouivre, ce
serpent de la terre, symbole des énergies souterraines. En
réalité, il s'agit d'un symbole lazariste très classique que
l'on retrouve
également à l'église Saint‑Sulpice de Paris au fond de la grande nef ...
|
Cette statue de la Vierge écrasant un
serpent sous ses pieds est en fait la représentation des
apparitions de la Vierge à une jeune novice des Filles de la
Charité, rue du Bac à Paris en
1830. En effet, le
27 novembre 1830, la Vierge apparut une seconde fois à
Catherine dans la chapelle. Elle vit comme deux tableaux
vivants en fondu enchaîné, et dans lesquels la Sainte Vierge
était debout sur un demi‑globe terrestre, ses pieds écrasant
un serpent. La Vierge demanda alors que soit frappée une
médaille à son effigie. "La Médaille Miraculeuse" fut
ainsi créée et diffusée à plus d'un milliard d'exemplaires
dans le monde depuis cette date.
La présence de cette statue dans le
parc de ND de Marceille s'explique par la présence des
Lazaristes qui ont dirigé ce lieu et qui sont,
comme les "Filles de la Charité", les "Enfants de
Saint Vincent de Paul".
Les Lazaristes sont la
branche masculine et les "Filles de la Charité" sont la
branche féminine de la Congrégation de
Saint Vincent de Paul.
On retrouve donc cette même statue
dans l'église
Saint‑Sulpice de Paris, car depuis sa fondation
dans les années
1646 par
Jean‑Jacques Olier, disciple de Saint Vincent de Paul
et affilié bien sûr à la Congrégation du Saint Sacrement,
cette église parisienne a toujours été Lazariste.
|
La médaille miraculeuse
et la Vierge écrasant un serpent
|
Le porche et ses anciennes inscriptions |
L'entrée principale
est à elle seule un mystère, car son aspect d'aujourd'hui n'est pas
ce qu'il était et son analyse réserve quelques surprises.
L'ensemble du
porche fut construit en 1488 lors d'une série de
réparations. La voûte est gothique et les trumeaux du portail à
deux vantaux sont classés Louis XIV. Au milieu, une statue de la
Vierge Marie couronnée et portant l'Enfant Jésus accueille les
visiteurs.
Or, l'examen
d'anciennes photos montre autre chose. En effet, une
vieille carte postale de très bonne qualité permet de découvrir
à l'extérieur du porche et sous la voûte d'entrée, plusieurs
inscriptions tout à fait étonnantes. |
La Vierge couronnée et l'Enfant
sous le porche |
Sur la partie supérieure, nous
avons d'abord cet ordre adressé au pèlerin :
ARRETE... PASSANT !
ADORE DIEU ET INVOQUE
MARIE
Dessous nous avons en lettres onciales :
AVE MARIA
SINE LABE CONCEPTA
un texte que l'on retrouve
sur certains médaillons à l'intérieur...
Enfin, la plus
intéressante est certainement ces deux groupes de mots latins
qui semblent être extraits d'un poème et mis en scène sur deux
bannières :
|
Le porche vers 1900 |
hanc
voce non timida non
est enim tumida
quilibet salutet ut non resalutet
voici la voix qui n'est pas craintive elle n'est pas rempli d'orgueil
n'importe
qui peut la saluer elle te répondra en retour |
Détail du porche (extrait de l'album de ND Marceille) |
C'est la perspicacité d'un
passionné du forum qui permit de retrouver cet extrait latin
issu d'un ancien recueil de poèmes qu'un certain
Walter Mapes
publia à Londres en 1841. Les auteurs de ces vers à ND de
Marceille se sont‑ils inspirés de ce recueil ? Pourquoi pas ? C'est en tout cas à la
page 212 que l'on peut découvrir le poème complet :
"DE PARTU VIRGINIS" |
Les vers extraits et repris à ND de Marceille |
Qui était Walter Mapes ?
Selon la couverture, Walter Mapes, connu aussi sous le
nom
Walter Map
ou Gautier Map, serait l'auteur
présumé de ces poèmes que Thomas Wright, éditeur et
antiquaire,
aurait ensuite collectionné pour la publication du recueil.
Walter Mapes
(1137‑1210) naquit dans les marais du pays de Galles. Il
étudia à Paris entre 1154 et 1160 puis retourna en Angleterre où
il fut nommé Archidiacre à Oxford en
1197.
Mais le plus intéressant
est ses écrits et ses poèmes en latin à la fois célèbres et
étranges. |
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Car en dehors des
romans, des satires très âpres contre Rome et le haut clergé,
entre ses récits burlesques et curieux, ses histoires de
mort‑vivant, ou ses histoires de
crimes à la
Cour, il lamente la perte de Jérusalem et raconte
l'origine Chartreuse des Templiers et des Hospitaliers. Il y
raconte
notamment l’origine de ces Ordres tout en déplorant leur
corruption croissante. Et en examinant de plus près ses textes,
on y apprend qu'il côtoie très finement les légendes du Graal et
les Chevaliers de la Table ronde...
Walter (Gautier)
Map
dans son "De Nugis curialium" (1182), publia le premier récit
légendaire de l'apparition de la tête de la Méduse ou Gorgone,
au regard mortifère. Le mythe est repris, non sans variantes,
par les chroniqueurs anglais vers 1190 de la 3ième croisade de
Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, puis au XIIIe siècle,
dans l'ouvrage breton "Le Livre d'Artus" au XIVe siècle et
apparaît au cours du procès des
Templiers.
Nous avons donc ici un
lien entre ND de Marceille et un auteur connu pour ses récits
décalés sur les sujets mythiques que sont les
Templiers et le Graal. Qu'on voulut nous dire ces prêtres
érudits et décorateurs du porche du Sanctuaire de Limoux ? Que
doit‑on en déduire ? Une chose est certaine, ces vers n'ont pas
été choisis au hasard. |
La Vierge,
l'Enfant Jésus, et une croix de Salomon
Le porche semble
résumer à lui seul l'importance du lieu.
Malheureusement, des restaurations incompréhensibles faites dans
les années 1960 polluèrent les messages laissés par nos
ancêtres. La découverte d'une grande croix de Salomon
sous cette entrée très particulière vient certainement enfoncer
le clou et valider une liste d'indices déjà longue. Cette
croix aujourd'hui disparue et heureusement authentifiée par
une photo, prouve que cet emplacement était sacré, mais jugez
plutôt...
Nous devons cette curiosité du porche grâce à la perspicacité d'un
chercheur
François Pous. Une ancienne image de la statue
montre clairement qu'elle a fait l'objet d'une modification. En effet, entre les
deux clichés, l'un extrait d'une brochure de
1962 et l'autre d'aujourd'hui, des différences sont
nettement visibles. |
La Vierge et l'Enfant
à ND de Marceille
en
1962 |
La Vierge et l'Enfant
à ND de Marceille
aujourd'hui |
Si on
observe les deux images, on peut vite s'apercevoir que le bras
de l'enfant a été modifié. Dans sa version d'origine, l'enfant
porte dans sa main gauche un globe surmonté d'une croix
signifiant la présence de Jésus sur Terre. Sa main droite semble
saluer le visiteur. Dans la version actuelle, l'enfant porte
à la place du globe un oiseau et sa main droite a repris une
position passive. La modification du statuaire fut en tout cas
importante, car c'est tout le buste de l'enfant qui fut remplacé
et même la tête.
On peut se
demander pour quelle raison cette statue fut restaurée jusqu'à
modifier la position de l'un des personnages. Fallait‑il écarter
un message un peu trop visible pour certains ? En réalité toutes
les modifications du porche sont à considérer. Le signe de la
main que l'enfant envoyait aux visiteurs pourrait être aussi une
invitation à lire les formules hermétiques sous le porche.
Voulait‑on s'adresser à des initiés ? |
Si l'on tient compte
des dates des photos avant sa restauration, il ne fait
aucun doute que le porche a été restauré vers les
années 1960.
Une autre
modification étonnante est celle de la disparition d'une belle
croix de Salomon qui ornait le dallage
du porche devant la Vierge couronnée. Ceci pose deux
questions :
1) Pourquoi cette croix
davidique très symbolique décorait le porche d'une
église chrétienne ?
2) Pourquoi a‑t‑elle été supprimée ?
Il n'existe
aujourd'hui aucune réponse officielle, mais avouons que cette
belle étoile à 6 branches vient s'ajouter aux
modifications
effectuées sous le porche de ND de Marceille...
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Le porche, et sa croix de Salomon
au sol aujourd'hui disparue...
(photo 1958)
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Aucune réponse ? Peut‑être pas. N'oublions pas que
Nicolas Pavillon fit construire au XVIIe siècle, sous la
chaire, un passage secret
menant à la crypte occultée. Celle‑ci ne possède qu'un
seul accès et se situe en partie sous le porche.
Dès sa
révélation par Franck Daffos, elle
fut visitée par un
autre chercheur juste avant sa condamnation par les
propriétaires diocésains, prouvant ainsi son existence. Un autre détail met
aussi la puce à l'oreille : le plan publié par le
R.P. Gabriel Migault
comporte des erreurs grossières.
Il est clair que
pour les Lazaristes et les chanoines qui occupèrent les lieux,
cette cache miraculeuse fut l'objet d'une consécration toute
particulière, tant son contenu devait être important et sacré.
Aurions‑nous ainsi l'explication de ces restaurations étonnantes
effectuées 30 ans après le décès de Jean Jourde ?
La grande étoile de Salomon indiquait‑elle trop
clairement la cache ? Cette croix fut‑elle mise en place par Gasc
lors des grands aménagements du Sanctuaire ?
Si des projets de restauration
foisonnent dans l'Aude et se révèlent impératifs, il en est
un qui je suis sûr serait porté par tous les passionnés de
Rennes et les admirateurs de ND de Marceille : la réfection
du porche et ses décorations telles qu'elles existaient
avant leur transformation. Des photos existent, il manque
seulement une volonté, celle de retrouver ce patrimoine intact.
Décidément
Notre Dame de Marceille
n'en finira pas
de
nous réserver
de belles surprises... |
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