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Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Saunière, ses découvertes - Rennes-le-Château Archive

Bérenger Saunière        1/2

Ses débuts et ses découvertes

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

François Bérenger Saunière

 

Né le 11 avril 1852
Mort le 22 janvier 1917

 

Sa vie de curé de campagne fut extraordinaire et son charisme sans égal.
Détesté à ses débuts, il devint une icône pour les villageois de Rennes‑le‑Château...

 

Voici son histoire qui fit de lui

"le curé aux milliards"

et qui permit de nous laisser en héritage une fabuleuse énigme et une affaire

tentaculaire passionnante...

L'affaire de Rennes‑le‑Château...  

 

Sommaire

 

   1852 à 1892 ‑ Ses débuts et ses découvertes
   1893 à 1953 ‑ Une vie de luxe, son déclin et Marie Dénarnaud

 

Ses débuts

11 avril 1852 ‑ Une vie insouciante commence


Au centre, la maison natale de

Bérenger Saunière à Montazels

  Bérenger Saunière né à Montazels le 11 avril 1852, un petit village situé près de Rennes‑Le‑Château. Il est l'aîné d'une famille modeste qui compte sept enfants.

   

  Son père, Joseph Saunière (1823‑1895) est le régisseur des terres du château de Montazels pour le compte d'un noble de la région : le marquis de Casamajou. Joseph Saunière est également maire du village de Montazels. Sa mère est Marie Hugues (1833-1909)

 

  Enfant du pays, Bérenger, de son vrai prénom François Bérenger, mène une vie insouciante et le terrain de jeu qu'il partage avec ses camarades est le plateau de Rennes et le ruisseau des Couleurs. Avec son frère Alfred, ils sont orientés très tôt vers la prêtrise, et à l'âge de 18 ans, Bérenger entre au Grand Séminaire de Narbonne.

 

Juin 1879 ‑ Début de prêtrise

 

   Bérenger est ordonné prêtre le 7 juin 1879 et vicaire à Alet‑les‑Bains le 16 juillet durant trois ans. Il est ensuite curé du doyenné du Clat le 16 juin 1882, un village isolé et rude se trouvant sur les terres de Nègre d'Ables. Il y restera trois ans avant de devenir professeur à Narbonne pour quelques mois. Est‑ce son orgueilleuse assurance qui déplaît à sa hiérarchie ? Le fait est que l'évêché le nomme dans une petite commune de peu d'importance et de peu d'avenir pour lui : Rennes‑le‑Château...

 

Son arrivée à Rennes‑le‑Château

1er juin 1885 ‑ Début de sa cure
 

   À 33 ans, le jeune Bérenger Saunière prend possession de sa paroisse dans le village de Rennes‑le‑Château. C'est un homme dynamique, souriant, affable, plein de passion pour la vie et dévoré d'ambition, mais le premier aperçu de son avenir n'est pas vraiment ce qu'il espérait.


Rennes‑le‑Château aujourd'hui

 

   À cette époque, le village ne compte guère plus de 200 habitants. Particulièrement isolé, on y accéde par un chemin muletier difficile à arpenter, surtout sous un Soleil de juin. C'est par ce chemin depuis Montazels, envahi par le chant des cigales et l'odeur du thym, que Bérenger Saunière arrive à Rennes‑le‑Château. Ce village ne lui est d'ailleurs pas inconnu puisque enfant il accompagnait souvent son père à la chasse, connaissant déjà les moindres recoins.

   Sa première visite à son église Marie‑Madeleine ne lui fait découvrir qu'un lieu désolé et mal entretenu. La toiture est dans un état de complet délabrement et malgré des murs solides, l’humidité pénètre de toute part, fragilisant le bâtiment. Il est vrai qu'un rapport sur l'état de l'église établi le 25 mars 1845 indiquait déjà quelques réfections nécessaires. Le presbytère est aussi littéralement inhabitable et seules quelques poules trouvent l'endroit agréable. Le village est également dans un même état de pauvreté. De nombreuses maisons sont lézardées et le château de Hautpoul, fierté du village, tombe en ruine.

 


L'église Marie‑Madeleine avant sa restauration vers 1885

 

   Le presbytère étant insalubre pour y loger, des habitants du village dirigent leur nouveau curé vers Alexandrine Marrot qui l'héberge plusieurs mois. C'est semble‑t‑il le temps nécessaire pour entreprendre quelques réparations et rendre le presbytère habitable. Dans son livre "L'or du Diable" Jean‑Michel Thibault y fait une description assez réaliste de cet épisode.

 

   Plus tard, Bérenger Saunière prend contact avec la famille Dénarnaud chez qui il loue une chambre. À cette époque, le salaire d’un prêtre s’élève environ à 75 francs‑or par mois ce qui ne suffit pas pour vivre. Le jeune prêtre avait certainement espéré d'autres débuts.

 

 4 et 18 octobre 1885 ‑ Les élections législatives font découvrir un fervent royaliste

 

    Le temps est aussi aux engagements politiques et les tendances du village se rapprochent du radical‑socialisme. Il faut dire qu'à cette époque, la France se divise entre la monarchie qui faillit être restaurée par Henry V comte de Chambord et l'anticléricalisme farouche qui provoquera dix ans plus tard la séparation de l'Église et de l'État.

 

   Bérenger Saunière, comme beaucoup de prêtres, est profondément royaliste et il ne supporte pas cet état de fait. Il ne supporte pas non plus de voir la maison du Seigneur laissée à l'abandon.

 

   Un premier évènement va alors sceller la vie de Saunière à ce petit village. C'est au cours de cette année que des élections législatives ont lieu et à l'étonnement général de la population de Rennes‑le‑Château, Bérenger Saunière mène ouvertement campagne contre le parti républicain. Détail amusant, les femmes du village se rendent à la messe les dimanches tant pour écouter les paroles du Christ que pour regarder ce prêtre que tous qualifient de bel homme et découvrir un Bérenger Saunière engagé. De plus, le curé n'hésite pas à donner des consignes de vote contre les Républicains anticatholiques à ses paroissiens essentiellement composés de femmes. Prêtez l'oreille et imaginez son discourt du haut de la chaire :

 

   " Mes bien chers frères, nous sommes appelés par la République à élire nos représentants. Ne laissons pas échapper une si belle occasion de nous débarrasser de cette infâme institution avec les armes qu'elle nous offre. Pour abattre ce régime impie, tous les moyens sont bons, même légaux ! La République est l'œuvre du diable, les républicains ont sur les mains le sang de nos rois. Ils veulent maintenant abattre l'Eglise catholique et soyez‑en sûrs, si nous les laissons en place, ils feront tout pour parvenir à leurs fins. Je m'adresse surtout à vous , mes bien chères sœurs, pour qu'une fois rentrées à la maison, vous expliquiez à vos maris le danger que court notre église; le danger que courent nos enfants privés d'éducation religieuse et le danger que courent nos âmes livrées à une propagande athée et révolutionnaire. Si le parti républicain devait l'emporter sur le parti royaliste, je prévois des heures sombres pour notre Église et notre pays."

 

   Ce sermon qui restera dans les archives nous présente un prêtre légitimiste, voir intégriste, qui diabolise la République et fustige le Socialisme. Il n'hésite pas à demander à ses paroissiennes, interdites du droit de vote, d'influencer leurs maris à voter pour les candidats monarchistes. Cette position de la part d'un prêtre qui vient de commencer sa mission à Rennes‑le‑Château est difficilement admise.

 

    Malheureusement pour Saunière, les Républicains gagnent les élections, et cette prise de position déplaît fortement au conseil municipal et au maire de Rennes‑le‑Château. L'homme d'Église est promptement dénoncé auprès des autorités de la région pour avoir incité au désordre public et pour avoir tenté d'influencer le système électoral. Le maire, prenant sa plus belle plume, n'hésite pas à écrire au ministre des Beaux‑arts et des Cultes de Paris pour confirmer son attitude et ses propos réactionnaires. La lettre est prise en compte par la hiérarchie de Bérenger Saunière représentée par Mgr Arsène Billard, lui‑même royaliste, et un édit est prononcé qui entre en vigueur le 1er décembre 1885. Mgr Billard fait certainement là sa première intervention en faveur de Saunière puisque le sort du prêtre qui avait été décidé est minimisé. 

 

Janvier 1886 ‑ Exil à Narbonne durant 6 mois

 

   Suite à cet édit et à sa prise de position politique lors des élections législatives, Bérenger Saunière se trouve alors suspendu de tout revenu par le préfet de l'Aude pendant 6 mois. Il est muté comme professeur au Petit Séminaire de Narbonne. Le prêtre alerte cependant son évêque sur sa situation financière, et du fait de sa suspension, voyant les difficultés dans lesquelles il se débat, Mgr Billard lui remet immédiatement 200 francs‑or. Aucun remplaçant ne sera nommé pendant son absence. Pourtant, ce séjour loin de Rennes‑le‑Château est sans aucun doute pour Saunière la source d'une rencontre.

 

Un don entre 1000 et 3000 francs‑or  

 

   Sa prise de position politique lui vaut d’être remarqué par le Cercle Catholique de Narbonne auquel son frère, Alfred Saunière, lui même ecclésiastique, est affilié. Et c'est probablement suite à cet exil et à la malheureuse aventure avec le ministère des Cultes que Bérenger Saunière reçoit un premier don évalué entre 1000 et 3000 francs‑or de la part de la Comtesse de Chambord, veuve du Comte de ChambordLe jeune prêtre n'est d'ailleurs pas le seul a être soutenu financièrement puisque deux autres prêtres de l’Aude, suspendus pour les mêmes raisons, profitent de la générosité de la Comtesse.

   Ce don qui représente une somme très importante pour l'époque est malgré tout symbolique pour la Comtesse. En effet, Marie‑Thérèse Béatrix d'Autriche‑Este est riche. Elle est la fille du Duc de Modène et la veuve de l'héritier du trône, le comte de Chambord. Presque reine de France, ce geste reste néanmoins assez classique envers l'Église.

 

   L'épisode va en tout cas redynamiser Bérenger Saunière, d'autant que ce pactole va lui permettre d'engager les premiers travaux. Était‑ce un prêt ? ou un don ? En échange de quoi ? On ne le saura jamais. Une chose est sûre : cette rencontre va modifier pour toujours le destin du jeune curé, mais il ne le sait pas encore...

La Comtesse de Chambord

   Pour la plupart, ce don est de 3000 franc‑or, se basant pour cela sur le brouillon laborieusement rédigé pour le procès par le chanoine Huguet qui tentait de redresser la comptabilité de Saunière en vue de sa présentation à l’Evêché. Mais sur les carnets de Saunière conservés par ses héritiers, Claire Corbu et Antoine Captier, il apparaît nettement de sa propre main le véritable montant à savoir 1000 francs‑or... Ce qui reste une somme importante.

 

    La Comtesse de Chambord est une femme extrêmement riche et influente. Elle est issue de la grande famille des Habsbourg qui détient le pouvoir en Europe depuis cinq siècles. À cette époque, le pouvoir économique et religieux des Habsbourg rayonne dans le monde entier. Les projets politiques sont sous l'influence de cette prestigieuse famille et l'Empereur d'Autriche peut même user d'un droit de veto sur l'élection du Pape. Fait extraordinaire et peu connu, ce droit fut utilisé deux fois...


   Rappelons que cette puissance familiale s'arrêtera sur un évènement dramatique et soudain : l'assassinat de l'archiduc à Sarajevo ce qui déclenchera la Première Guerre mondiale...

 

     L'entrevue avec la comtesse est un point obscur du mystère entourant l'abbé. Pourquoi confier un an de salaire d'un prêtre à un petit curé de campagne ? Usant de son charisme, Saunière a‑t‑il convaincu la comtesse de l'aider dans ses convictions royalistes ? Serait‑ce une aide pour améliorer son quotidien ? Serait‑ce un don de charité pour rénover l'église ? Ou bien s'agit‑il de toute autre chose ?

 

   D'ailleurs, Bérenger Saunière sera amené à rencontrer plusieurs fois de suite un certain Mr Guillaume, en réalité Johan de Habsbourg, archiduc d'Autriche‑Hongrie, qui lui rendra visite à Rennes‑le‑Château. Saunière devait‑il rendre compte de la bonne utilisation des investissements de la comtesse ou de l'avancée de ses recherches ?

 

   Le lien Hautpoul ‑ Chambord

 

   Il est intéressant de noter que le petit village de Rennes‑le‑Château était la propriété jusqu'à la Révolution de la famille des Hautpoul Blanchefort. Le dernier descendant fut la marquise Marie de Negri d'Able décédée le 17 janvier 1781. De plus, le précepteur du comte de Chambord était un Hautpoul Blanchefort, François d'Hautpoul...

 

1er juillet 1886 ‑ Retour à Rennes‑le‑Château

 

   C'est avec une curieuse mansuétude que la sanction est levée par son évêque Mgr Billard. Est‑ce parce que ce dernier est lui même royaliste ? Ou bien parce que grâce au charisme de Bérenger Saunière, les gens du village commençent à le réclamer ? Ou bien, existe‑t‑il une complicité avec son évêque ? Un plan occulte de la hiérarchie doit‑il se dérouler ? Le fait est qu'une nouvelle fois, Mgr Billard remet Saunière sur sa destinée...

 

   Très vite de retour à Rennes‑le‑Château, le jeune prêtre reprend ses activités là où il les avait laissées. Il se met à consulter les archives de ses prédécesseurs et les comptes rendus du Conseil Municipal, ainsi que ceux de l'administration diocésaine et préfectorale. L'église est très abimée, vétuste, et des fissures sont nettement visibles sur les voûtes. Le clocher menace de s'effondrer et il pleut sur le maître‑autel. Juste à côté, le presbytère est dans un même état de délabrement, et il est clair que les anciens propriétaires n'ont réalisé aucun entretien. Pourtant, le prêtre finira par s'y installer avec sa tante Rose Saunière (la soeur de son père). Il fera même d'important travaux de rénovation et déclarera à Mgr Billard :

 

   " J'ai réparé et remis à neuf le presbytère, intérieurement et extérieurement et je l'ai doté d'une citerne dont l'eau abondante et délicieuse est une richesse pour cette maison "

 

   À la fin de l'année 1886, le prêtre réussit à convaincre un limonadier de Luc‑sur‑Aude, Elie Bot, à travailler durant ses samedis après‑midi et ses dimanches dans l'église. Les premiers travaux commenceront finalement au début de l'année 1887, six mois après son retour de Narbonne. Son objectif immédiat est de permettre à l'officiant et aux fidèles d'écouter la messe à l'abri des intempéries.

 

1887 ‑ Premiers travaux de restauration et des découvertes

   Saunière entreprend donc de préparer les travaux les plus urgents dans l'église, et rapidement, les premières dépenses étonnent puisqu'il finance ces restaurations sans aucun problème. En fait, Saunière avait dû profiter de quelques dons pour démarrer.
   Dans un compte‑rendu de visite pastorale de Mgr Leuilleux en 1876, l'accent avait été porté sur la nécessité de rénover l'autel et le tabernacle. Saunière a‑t‑il suivi ces recommandations ? C'est en tout cas par le maître‑autel, l'un des éléments les plus importants dans une église, que les travaux commencent. Celui que Saunière découvre est vétuste et il décide rapidement de le remplacer.

 

L'ancien maître autel tel que Saunière l'a découvert dans l'église Marie‑Madeleine

 

L'autel... Première découverte... Des documents...


  La table faite d'une seule pièce est décellée du mur et déposée dans la sacristie. Elle sera déménagée par la suite pour servir d'âtre de cheminée dans le presbytère. Le déplacement lui sera fatale puisque la très ancienne pierre plate se brisera en deux.

 

Le tablier de l'ancien autel dans l'église Marie‑Madeleine

posé à l'envers et cassé en son milieu lors du déménagement

 

   Le mobilier est incontestablement de facture ancienne. Construit d'une pierre plate partiellement encastrée dans le mur, elle est soutenue sur l'avant par deux vieux piliers, l'un en pierre brute et le second dans le style carolingien. Sculpté sur trois faces, il est décoré d'entrelacs et d'une croix pattée, bouletée, et accostée des symboles Alpha et Oméga.   

 

   Il est clair que l'autel ne correspondait ni au souhait du jeune prêtre, ni à la mode des édifices religieux de l'époque.

 

   C'est alors qu'une donatrice, Madame Cavailhé de Coursan, elle même membre important du Cercle Catholique de Narbonne, décide d’offrir un nouvel autel roman en terre cuite pour l’église du jeune prêtre. Elle permet en effet à Bérenger Saunière de financer la remise à neuf de ce mobilier de culte. C'est ainsi que le 27 juillet 1887, la maison toulousaine Monna (François Dominique) envoie à Mme de Coursan une facture pour 700 francs‑or. 

 

Le pilier carolingien de l'ancien autel de l'église exposé
au musée de Rhedae
 

    La croix pattée représente sans doute la croix du silence associée aux édifices religieux carolingiens. On retrouve d'ailleurs certains décors dans l'église de Saint‑Guilhem‑le‑Désert. En 790 le premier comte du Rhédez carolingien fut le fondateur de Gellone, actuel Saint‑Guilhem. Et en 804, il semble qu'il ait résidé à Rennes.

 

   Bérenger Saunière fait donc démonter l’ancien autel carolingien, et c’est à partir de ce moment que les premières surprises commencent. Aidé de Marie Dénarnaud, Elie Bot, de deux maçons du village, et deux enfants de chœur, il décide de déposer le lourd mobilier pour le remplacer.

 

   C'est un moment important de l'histoire qui fait basculer Bérenger Saunière dans la légende, et il est aujourd'hui très difficile de rapporter les faits précits. rsions co‑existent. Elles sont nées non seulement de la rumeur populaire, mais aussi de divers témoignages, et surtout du génial et très inspiré romancier Gérard de Sède. Voici la version la plus célèbre :

 

   Les ouvriers déplacèrent la pierre plate et mirent à jour les sommets des deux piliers. À cet instant, l'un d'eux vit apparaître un creux (capsa) rempli de fougères sèches. Lorsque Saunière fouilla les débris, il trouva trois tubes de bois hermétiquement scellés à la cire. Il les ouvrit et y trouva 4 parchemins dont 3 actes comportant des généalogies, l'un daté de 1243 portant le sceau de Blanche de Castille, le second de 1608 de François‑Pierre de Hautpoul, le troisième de Henri de Hautpoul du 24 avril 1695, le quatrième un recto/verso qui est de loin le plus mystérieux. On ne sut jamais ce que Saunière fit de ces parchemins.

 

   Le pilier carolingien sculpté est placé par le prêtre à l'extérieur de l'église. Il servira quelques années plus tard de piédestal à une statue de ND de Lourdes. Pour une raison inconnue, le pilier fut posé inversé, le chapiteau en bas, inversant de fait la croix du silence et les caractères Alpha Oméga.

 

Le pilier carolingien de l'ancien autel fut inversé et posé à l'extérieur de l'église par Bérenger Saunière

 

Seconde découverte... Une oule et un petit trésor...

 

   Les trouvailles ne s'arrêtent pas là. Un peu plus tard, en dégageant complètement l’autel avec Elie Bot, une cache enterrée dans le sol contre un mur de brique est mise à jour. La cavité contient une « oule » (récipient d'argile) dans laquelle Saunière et ses ouvriers contemplent des objets brillants.

   Malgré la discrétion que Saunière veut imposer sur cette découverte, la nouvelle s’ébruite rapidement. Le petit trésor n’est pas exceptionnel, mais suffisant pour faire rêver le prêtre et les ouvriers. On ne connut jamais sa composition exacte, mais outre de la monnaie et quelques bijoux, la pièce principale est offerte par Saunière à l’abbé Grassaud, curé de Saint Paul de Fenouillet. Il s’agit d’un calice en vermeil datant du XVIIe siècle.
   Saunière utilisa certainement une partie de ce dépôt pour restaurer l'église. Surtout, il fit quelques cadeaux pour faire taire les ragots et montrer sa générosité. Cette distribution n'était sans doute pas sans intérêts et Saunière avait certainement mieux à faire que de monnayer des objets anciens. Il lui fallait surtout préserver son image d'Homme d'Église intègre afin de mieux opérer en secret...



Le calice offert par Saunière
à l'abbé Grassaud
(1859‑1946)

 

Naissance d'une complicité

 

   La suite du récit reste mystérieuse, car Saunière prend à cet instant l’habitude d’être très discret sur ses investigations dans l’église.

 

« Ce que nous avons découvert est de la plus haute importance et je dois en référer à Mgr l'Evêque... Rentrez chez vous, je vous ferais signe »

 

 avait‑il dit à ses ouvriers intrigués...

   La nouvelle de la découverte d'un trésor par l'abbé Saunière fait immédiatement le tour du pays. Les ouvriers ne peuvent s'empêcher de raconter ce qu'ils ont vu, mais Saunière n'a aucune intention de faire plus de publicité et certainement pas à sa hiérarchie. Seule Marie Dénarnaud, sa fidèle servante, restera à ses côtés et continuera à partager tous ses secrets. Cette découverte sera pour Bérenger et Marie le début d'un pacte qui les liera jusqu'à la mort.

   À cet instant, Saunière sait qu'il est sur les vestiges d'un site très ancien. L'église de Rennes‑le‑Château a certainement été bâtie sur un sanctuaire historique, et la présence d'une oule cachée prouve qu'il y a encore des découvertes à faire. Dès lors, Saunière s'enferme dans l'église et personne ne sait ce qu'il fait exactement.


Marie Dénarnaud
vers 1900

 

27 juillet 1887 ‑ Le nouvel autel est en place

 

   Finalement, les ouvriers mettent en place le nouvel autel de Mme de Coursan, cloturant ainsi les premiers travaux urgents.

   Le pilier carolingien sculpté est aujourd'hui exposé au musée de Rhedae, et il est facile de vérifier que le creux que l'on appelle aussi "Capsa" ou "tombeau" est d'une taille très réduite.

    Traditionnellement, cette cavité servait à déposer des reliques ou des pièces de monnaie avant le scellement de l'autel. La tradition orale indique que l'on découvrit dans l'un des piliers des fougères sèches accompagnées d'une boîte  et à l'intérieur des petits ossements et un bout de papier roulé.


 

Capsa (ou tombeau) de l'un des
piliers carolingiens

   Il est aujourd'hui certain que la Capsa ne pouvait contenir des documents. Nous savons par contre que suite aux différents témoignages, Bérenger Saunière trouva certainement un tube de roseau enchâssé entre la table de l'autel et le mur. Ce tube aurait contenu des documents, mais rien ne permet aujourd'hui d'affirmer leur teneur.

   De cette découverte naquirent de nombreuses confusions, puisque ces papiers sont souvent assimilés par erreur aux deux fameux parchemins soi‑disant découverts par Saunière et que Gérard de Sède publia pour la première fois dans son livre "L'Or de Rennes" en 1967. Ces deux parchemins proviendraient plutôt d'un dossier que Pierre Plantard obtint via Noël Corbu. Leur authenticité est aujourd'hui admise. Autre confusion : on assimile également les papiers du tube de roseau avec le petit document issu d'une fiole et mis à jour plus tard lors de la restauration. Si la fiole est suposée être de l'abbé Bigou, le tube de roseau est obligatoirement bien antérieur du fait du scellement de l'autel dans le mur de l'église.

 

Septembre 1887 ‑ Commande des vitraux

 

   Bérenger Saunière commençe aussi sans tarder les grands travaux de restauration, et c'est par les vitraux qu'il débute. La commande est faite à la Maison Henri Feur de Bordeaux et les paiements seront échelonnés sur 13 ans. Tous seront remplacés par un maître artisan, Marcel Feur. Inspirés de la vie de Marie‑Madeleine, le plus célèbre d'entre eux est celui représentant Marie‑Madeleine à Béthanie, agenouillée, et essuyant les pieds de Jésus à l'aide de ses cheveux.


Vitrail placé au‑dessus de l'autel est commandé par Saunière
On y voit Marie‑Madeleine (Marie de Béthanie) qui oint les pieds de Jésus
(vitrail signé Marcel Feur)

 

Marcel Feur ‑ Maître verrier bordelais spécialisé dans les vitraux d'Art
Sa maison fut fondée en 1850 au 20 Rue Saint‑François à Bordeaux

 

   Cet artisan fut celui qui créa, à la demande de Saunière, les différents vitraux de son église Marie‑Madeleine qui sont d'ailleurs signés de son nom. On peut, lors d'une visite de l'église, admirer leur facture aux couleurs chatoyantes.

   Plusieurs de ces vitraux ont fait couler beaucoup d'encre comme le vitrail de la sacristie. Pour certains, les décors bleus les encadrant seraient là pour rappeler et indiquer les fameuses Pommes Bleues de la phrase trouvée dans le grand parchemin "Bergère pas de tentations que Poussin Téniers ...".

 

   En effet, autour du 17 janvier, le soleil traverse l'un des vitraux en projetant des tâches bleues et oranges sur les murs de l'église. S'agit‑il de ces célèbres pommes bleues dont nous parle le parchemin ?

 

   Curieusement, ce maître verrier n'a fait des vitraux dans le Sud‑ouest que pour des églises dédiées, soit à Notre‑Dame, soit au Sacré Cœur. Aurait‑il eu des liens avec la franc maçonnerie ? Il est vrai que les célèbres loges maçonniques de Toulouse ne sont pas loin de la région bordelaise...

 

    Lors de la visite de Mgr Billard à la Pentecôte en 1887, Saunière lira un discours de bienvenu dans le lequel il évoquera ces vitraux :
    " Depuis votre dernière visite, Monseigneur, dans le sanctuaire, deux nouvelles fenêtres ornées de riches vitraux continuent à reproduire les principaux traits de la vie de notre illustre Patronne et sont venus s'ajouter à notre belle rosace... Tout cela Monseigneur, je le dois un peu à mes paroissiens, beaucoup à mes économies, au dévouement et à la générosité de quelques âmes étrangères à la paroisse... "

 

Troisième découverte... Une fiole

   C'est ensuite au tour de la chaire d'être restaurée. Le mobilier qui date du XVIIsiècle est dans un état pitoyable et menaçe de s'effondrer. Saunière a aussi prévu de le remplacer par une nouvelle chaire dans un style saint sulpicien plus à la mode. L'ancien mobilier est donc démonté.

 

   C'est alors qu'en fermant l'église lors de son tour de ronde, le carillonneur du village, Antoine Captier, remarque une colonne de bois sculptée qui jonche le sol. Voulant la protéger des travaux, il décide de la transporter dans un endroit plus sûr. Mais en la déplaçant, une petite fiole de verre s'échappe du pilier et se brise. Antoine Captier vit alors un petit document rouler sur le sol. Intrigué, il le remet instantanément à Bérenger Saunière.

   Pour de nombreux auteurs, le petit document serait signé Jean Bigou, l'oncle d'Antoine Bigou et prédécesseur comme prêtre dans l'église, mais ceci n'a jamais pu être prouvé, le petit parchemin n'ayant jamais été retrouvé.


Le balustre cachait un secret
(musée de Rhédae)

 

 La cachette sculptée dans le chapiteau afin d'y loger une fiole.
Ni le document ni la fiole ont été retrouvés

 

    Attention... La cachette que l'on peut voir actuellement sur le balustre n'est pas celle d'origine. En effet, pour concrétiser le récit rapporté par le carillonneur, un menuisier travailla malheureusement le balustre pour y loger astucieusement une éprouvette faisant office de fiole. La fiole réelle ayant disparue, nous n'avons aucune idée de sa taille ni de l'endroit exact où elle était dissimulée.   

 

   Au dire du carillonneur, la réaction de l'abbé sembla des plus étrange. En effet, Saunière lui affirma que ce document était sans importance. Pourtant le descendant rapporte que son ancêtre avait coutume de dire : "Si l'abbé Saunière est devenu si riche c'est grâce à moi !". On peut facilement supposer que cette histoire lui laissa un goût amer...

 

    Extrait Antoine Captier et Claire Corbu dans « L’héritage de l’abbé Saunière, éditions Bélisane, page 274 » parlant  d'une fiole découverte par le carillonneur, un ancien membre de leur famille :

   « Un soir, alors qu’il descendait l’escalier du clocher, mon grand père aperçut un reflet brillant provenant du chapiteau d’un vieux balustre que les maçons avaient mis dans un recoin car il devait les gêner dans leurs travaux. Intrigué il s’en approcha et découvrit que le reflet provenait d’une fiole coincée au fond d’une profonde entaille du chapiteau. Le vieux balustre avait du être déplacé sans trop de ménagement et le morceau de bois qui devait normalement s’imbriquer dans l’entaille s’en était détaché en partie laissant apparaître la fiole. Mon grand père la dégagea et constata qu’il y avait à l’intérieur un bout de parchemin roulé. Il porta le tout à Monsieur le curé et il n’en entendit plus parler. Il disait que c’était grâce à ça que le curé avait trouvé un trésor » 

  

   Extrait Jean Luc Robin « Rennes‑le‑Château, Le secret de Saunière ‑ Editions Sud‑Ouest‑ page 51 » qui habita pendant plusieurs années la villa Béthanie, et qui put s’entretenir avec d'anciennes familles qui habitaient le village raconte  :

    « Antoine Captier le carillonneur du village, fait son tour de ronde avant de fermer l’église (la famille Captier habite toujours le village et c’est grâce à eux que j’ai pu avoir à ma disposition les archives du prêtre pendant cinq ans). A l’endroit où s’érigeait l’ancienne chaire, Antoine remarque un pilier de bois joliment ouvragé et surmonté d’un chapiteau corinthien. Ce pilier d’un mètre de haut supportait l’ensemble. Il a été négligemment jeté au sol parmi les gravats et Antoine, trouvera  cela dommage, décide de le mettre en sûreté. Au moment où il le redresse, un bruit de verre brisé attire son attention. Une cavité habillement aménagée dans le chapiteau laisse échapper une fiole de verre qui s’est brisée au sol. Parmi les éclats gît un petit parchemin roulé  qu’elle contenait vraisemblablement. Intrigué, il décide de remettre le message au curé qui passera la nuit entière à le déchiffrer. Ce pilier existe toujours et c’est le propre arrière petit‑fils du carillonneur, lui‑même appelé Antoine, qui le conserve »

 

   Haut d'environ un mètre, le balustre de bois de châtaignier était destiné à soutenir la chaire. Une cachette dissimulée dans le chapiteau de la partie supérieure avait été aménagée afin d'y sauver un secret. Conscient de l'importance de cette découverte, Bérenger Saunière conserva le balustre toute sa vie dans sa bibliothèque de la Tour Magdala. Il fut ensuite protégé par Antoine Captier, le petit‑fils du carillonneur. La pièce de bois est aujourd'hui conservée dans le musée de Rhédae. 

 

Quatrième découverte... Une dalle

 

   Le petit document de la fiole contenait‑il un message important ? Le fait est que le lendemain matin, accompagné de deux ouvriers, Saunière désigne le sol devant l'autel, et plus particulièrement une pierre de taille imposante en déclarant : « Il faut desceller et soulever cette dalle… »

 

    Voici le témoignage troublant d’un ancien enfant de cœur présent le jour de la découverte et qui fit le récit de cette journée à l'abbé René Maurice Mazières, alors curé de Campagne :

    « J'ai connu un ancien enfant de chœur de Bérenger Saunière, Mr Rousset,(Alphonse Rousset, fils de Elie Rousset) alors âgé d'une dizaine d'années à l'époque qui avait souvent fait le même récit chez lui et à ses amis de l'aventure qui lui était arrivée et qu'il partagea avec cinq autres enfants de chœur qu'il voyait au catéchisme. Un jour le curé leur dit : demain c'est jeudi, vous viendrez m'aider, nous avons à faire quelque chose dont je vous demande d'observer la plus grande discrétion. Surtout ne parlez de rien à vos parents ni aux gens du village. Je vous récompenserai par un succulent goûter que vous servira ma bonne Marie. On imagine la joie des enfants d'une telle confiance. Le lendemain, à l'heure convenue, ils étaient tous là, à la porte de l'église. Le curé les fit entrer et à la surprise générale, ils virent plusieurs barres à mine enfoncées dans la terre, prêtes à faire levier pour débloquer une dalle qui avait été mise à jour. Tous ensembles dit l'abbé, nous allons essayer de la dégager. Après maints efforts ils devaient y parvenir. Le curé regardant sa montre leur dit : Il va être midi, vous allez rentrer chez vous pour manger. Ne parlez de cela à personne, et si l'on vous questionne, dites qu'on a fait catéchisme. A 4 heures vous reviendrez et un bon goûter vous attendra. A 4 heures, ils étaient là et surprise pour les enfants, la dalle avait retrouvé sa place.
    Les enfants demandèrent des précisions à l'abbé, mais il resta très évasif : ce ne sont que des tombes, et on ne peut aller plus loin. Et les marches taillées dans le roc, demandèrent quelques enfants à l'esprit plus curieux. Rousset était formel, il avait bien vu des marches grossières, taillées dans le roc, assez hautes, difficiles à franchir et puis, le noir, il avait bien noté que la dalle était bien située au centre de la nef, un peu avant les deux marches donnant accès au sanctuaire et que la faille se dirigeait vers le pilier de la porte d'entrée de l'église »    

   Faut‑il douter de la sincérité du jeune Rousset ? La dalle soulevée se trouvait effectivement au centre de la nef, avant les deux marches donnant accès au sanctuaire. Quoiqu'il en soit, les maçons s'activent autour de la dalle et dégagent sa face cachée. Une surprise les attend puisqu'ils découvrent un superbe décor en relief datant du VIIIe siècle et d'époque carolingienne.

   Depuis, les experts ont confirmé que cette dalle date bien de l'époque carolingienne. Le dessous de la pierre gravée comporte deux panneaux dont l'un est très usé. Le panneau de gauche représente une cavalière faisant boire son cheval dans une auge. Le panneau de droite représente un homme à cheval portant une épée nue et un écu (petit bouclier rond) et non un enfant comme certains ont voulu l'affirmer.

 


La dalle des Chevaliers (musée de Rhedae)

 

   Cette pierre que l'on appelle la dalle des Chevaliers génèrera de nombreuses spéculations historiques. La plus célèbre est celle de la légende du Roi perdu mérovingien, fils de Dagobert II. Ce dernier, assassiné à Stenay en 679 aurait eu un fils Sigebert IV qui aurait été caché à Rennes‑le‑Château pour le préserver du complot. Une légende naquit ensuite faisant de ce jeune souverain une mystérieuse lignée mérovingienne, origine présumée des Seigneurs de Rennes‑le‑Château. 

 

   Une hypothèse très probable et non encore officiellement prouvée indique que l'église serait construite sur une crypte contenant le tombeau des Seigneurs de Rennes. Il est vrai que l'abbé Bigou, curé de Rennes‑le‑Château, prédécesseur de son neveu Antoine Bigou, et donc de Bérenger Saunière, aurait laissé selon la légende un écrit disant ceci :

 

   " Il existe sous l'autel de l'église de Rennes‑le‑Château une pièce dans laquelle se trouvent des tombeaux datant des temps des anciens Rois et des documents qui ne doivent pas tomber entre toutes les mains. Dans ce dessein, l'accès à cette crypte a été muré par mes soins."

   Suite à cette découverte, Bérenger Saunière change de comportement. Alors que jusqu'à présent les travaux de restauration sont réalisés avec l'aide d'ouvriers, le prêtre entreprent seul la suite des excavations. Durant plusieurs semaines, il s'enferme dans sa paroisse, et c'est à coup de pioche et de pic que le curé attaque le sol. Il creuse dans l'allée centrale, la nef et le transept. Dégageant la rocaille, il trouve probablement des marches menant sous l'église. Le mythe d'une mystérieuse crypte est né. Et comme le dimanche il doit tout de même donner la messe, ses travaux sont soigneusement protégés du regard des paroissiens par une palissade et au sol par des planches.

 

À propos du tombeau des Seigneurs...

 

    Il existe un registre paroissial des baptêmes, mariages et mortuaires concernant les années 1694 à 1726 (fonds Corbu‑Captier) et il est la seule archive connue et authentifiée à ce jour concernant des personnages liés aux tombeaux des Seigneurs. On peut y lire notamment :

 

   « … L'an mille sept cent cinq et le trentième jour de mars est décédée, dans le Château de ce lieu dame Anne Delsol âgée d'environ septante cinq ans veuve de messire Marc Antoine Dupuy seigneur de Pauligne, ancien trésorier de France de la généralité de Montpellier… Munie des sacrements… elle a été inhumée les trente un dudit mois dans l'église de ce lieu au tombeau des seigneurs qui est auprès du balustre en présence du dit Maître Michel curé de Saint‑Just et le maître Antoine Delmas curé des Bains enfoy dequoy

                                                         Signé Vernat Curé »

   « … Sont également inhumés dans la chapelle funéraire en l’an mille sept cent vingt quatre : " Noble messire Henry du Vernet, lieutenant‑colonel de cavalerie… enterré dans l’église du lieu au tombeau des seigneurs…
                                                         Signé Vernat Curé »

 


Extrait du registre paroissial signé Vernat

 

   On retrouve également une trace formelle du tombeau des Seigneurs dans le testament de Henry de Hautpoul, Seigneur Baron de Rennes, Aussillon et autres places :
   24 avril 1743 ‑ Je recommande mon âme à Dieu et à toute la cour céleste, voulant qu'après mon décès, mon corps soit enseveli dans l'église paroissiale du dit Rennes tombeau de mes ancêtres et que les honneurs funèbres me soient faits suivant la volonté de Dame Marie Dupuy mon épouse...

   Il n'y a aujourd'hui aucun doute sur la présence d'une crypte sous l'église, de même que la présence d'un tombeau qui serait situé dans la partie centrale de la nef, près du balustre (balustrade), là où la dalle des Chevaliers fut découverte. Il existe d'ailleurs d'autres informations dont celles‑ci :

  Dans un  carnet (fonds Corbu Captier) Bérenger Saunière écrit :
« 21 septembre 1891, lettre de Granés, découverte d’un tombeau, le soir pluie »

  Un brouillon  préparé par Saunière avant la venue en 1897 de Mgr Billard indique : « Les couloirs de la nef ont été carrelés à neuf » 

  L’acte de décès d’Anne Delsol précise : « le tombeau des Seigneurs  auprès du balustre »

  
   Entre le XIIe et le XIIIe siècle, la paroisse était une chapelle mortuaire. Les Seigneurs firent ensuite agrandir cette chapelle en la prolongeant de trois travées, créant un nouvel espace qui fut rehaussé et carrelé. Ils firent également construire deux marches en pierre rejoignant les murs latéraux. Quant à l'ancienne balustrade en bois servant d'appui de communion, elle fut remplacée en 1828 par une balustrade en fer forgé avec deux portes. C'est sans doute cette balustrade que l'on peut voir aujourd'hui. La chapelle seigneuriale devint alors une église paroissiale.

 

1890 ‑ Naissance du jardin et fouilles dans le cimetière

La famille Dénarnaud est dans le presbytère

 

   C'est en 1890 que Rose Saunière décède et c'est aussi cette année que Saunière accueille au presbytère la famille Dénarnaud. Il y a Alexandrine Dénarnaud née Marre (1844‑1928) et sa fille Marie Dénarnaud qui a 22 ans. Un rapport de visite pastorale indique que l'entretien de l'église est assurée par Alexandrine, Marie assurant la décoration des autels et de la sacristie.

 

Double service à Antugnac

 

   Suite au retrait de l'abbé Joseph Verniolle (1815-1892) curé d'Antugnac, Mgr Billard nomme Saunière curé par intérim de la paroisse de la petite commune. Et contre toute attente, c'est avec un grand enthousiasme que Bérenger accueille la nouvelle. Alors qu'il était jeune séminariste, il venait souvent dans le village avec son frère Alfred à l'occasion des fêtes religieuses. Il avouera d'ailleurs dans l'un de ses carnets le 4 mai 1890 quelques inquiétudes sur la charge de ce travail supplémentaire :

 

"... Surtout ne le répétez pas aux gens de Rennes ? Dieu vous en préserve : je nourrissais presque l'espoir d'être un jour votre curé. Si le bon Dieu ne veut pas que mon désir se réalise, je pourrais du moins me flatter d'avoir été votre vicaire... Votre paroisse ne sera pas pour moi une annexe, mais une soeur de Rennes-le-Château, je la servirai avec le même zèle, la même charité.
[...] je sais que je ne suis ni de fer ni de bronze. Pour si robuste et si intrépide que l'on soit, on finit par s'user vite et tomber malade, si on veut trop en faire. Je ne suis pas immortel ; je suis sujet à la maladie et à la souffrance et tout jeune que je suis et tout bien portant que je parais, je suis déjà pas mal chargé de rhumatismes et d'infirmités..."

   Ce double service qui apporte à Saunière en surcroît de travail prendra fin en septembre 1891 avec la nomination le 16 juin 1891 de l'abbé Léon Céleste Gaudissard (1859-1909)

 

Février 1891 ‑ Naissance du jardin de l'église

 

   Cette année 1891 semble avoir été de la plus haute importance pour Bérenger Saunière. D'une part parce qu'il réalise les premiers travaux des jardins autour de sa paroisse, mais aussi parce qu'il fait une nouvelle découverte importante et ceci nous le tenons de l'un de ses carnets qu'il tient à jour scrupuleusement.


Le petit jardin devant l'église Marie Madeleine. Au centre le calvaire

 

   Bérenger Saunière se met en effet à prévoir les jardins de l'église tels que nous les connaissons actuellement avec des plans particulièrement sophistiqués et très étranges. Il demande notamment l'autorisation du conseil municipal pour utiliser un terrain communal, l'ancienne place publique devant l'église afin d'y élever un calvaire. Un avis favorable lui sera donné le 21 mars 1891, mais avec plusieurs conditions. Le jardin ne doit pas comporter de couvert. Les clotures qui seront à la charge du prêtre doivent permettre un accés libre même les dimanches et les jours fériés au jardin, aux monuments et au cimetière. L'espace une fois délimité devra aussi être accessible par la commune, le maire devant posséder les clés. En clair l'aménagement de cette place ne confère à Saunière aucun droit et de fait il prend un engagement :

 

    " Je sousigné Saunière, desservant de la paroisse de Rennes‑le‑Château, prend l'engagement de clôturer à mes frais la place publique située devant l'église. " 

 

 Plus tard, en 1897, une croix importante posée sur un socle y sera érigée.

 

    Malgré les recommandations, Bérenger Saunière creusera près de l'entrée du cimetière un trou et y installera une citerne souterraine. Le tout sera recouvert par une maisonnette tuilée qui lui servira de cabinet de travail et de bibliothèque. Elle sera abandonnée après un incendie et sur ordre de la mairie.

 

21 juin 1891 ‑ Mission

   Nous sommes le 21 juin 1891 et un évènement important a lieu. Bérenger Saunière organise en effet une procession avec le père lazariste Ferrafiat venant de ND de Marceille. Il inaugure à cette occasion une statue de Notre Dame de Lourdes qu'il pose sur le pilier carolingien de l'ancien maître-autel. Ce pilier fera d'ailleurs l'objet de petites transformations. Les contours sont accentués, sa hauteur est réduite de 90 cm à 75 cm, une inscription est faite sur sa partie supérieure : "PENITENCE - PENITENCE", et une autre inscription est posée sur la partie basse :

MISSION 1891

 

    Enfin, et c'est le plus étrange, Saunière fait poser le pilier à l'envers, inversant ainsi la symbolique carolingienne Alpha-Oméga, un détail qu'il ne pouvait ignorer.

Adossé au mur du petit jardin, à gauche de l'entrée de l'église, le pilier est encadré par deux supports de vases scellés. Au dessus de la statue de la Vierge, un pinacle et un arc de cercle portent la mention "Je suis l'Immaculée conception", des décorations qui provenaient sans doute de l'ancienne chapelle de la Vierge présente dans l'église. Devant le pilier, une dalle de chancel en marbre blanc de 1,55 m sur 0,88 m porte ses mots : "Oh Marie conçue Sans pêché - Priez pour nous - qui Avons Recours A vous", une pierre récupérée de l'autel de la Vierge. Pour accéder à la statue, trois marches sont installées. Le pilier sera finalement remplaçé en 1993 par un moulage, l'original ayant rejoint le petit musée de Rhedae.

 

   Une communion a également lieu avec les 24 enfants de la paroisse comme le témoigne la photo ci‑dessous.

 


La communion du 21 juin 1891 en présence du père lazariste Ferrafiat
La photo a été prise devant le pilier inversé et ND de Lourdes

 

Septembre 1891 ‑ Cinquième découverte, un tombeau...

 

   Saunière inscrit énormément de détails dans ses carnets. C'est ainsi que l'on peut lire en septembre 1891 :

 

Le 21 septembre 1891 ‑ " Excavé une tombe " puis

" Lettre de Granes ‑ découverte d'un tombeau, le soir pluie "

 

   Il est impossible de dire avec certitude de quelle tombe il s'agit, mais la légende populaire nous rapporte qu'il pourrait s'agir de la sépulture de Marie de Blanchefort. Quelques jours plus tard, Saunière écrivait :

 

Le 29 septembre 1891 ‑ " Vu curé de Névian ‑ Chez Gélis ‑ Chez Carrière ‑ Vu Cros et Secret "

 


Vu Cros et Secret dans les notes de Saunière

 

   Il est à noter que le mot "secret" pouvait aussi être utilisé à l'époque comme abréviation du mot "Secrétaire", ce qui donne alors l'inscription "Vu Cros et son secrétaire". Deux exemples ci‑dessous montrent bien son utilisation. Le seul doute pourrait être l'absence d'accent sur le mot "secret" du carnet. Nous savons peu de choses sur l'abbé Cros, mais il fut probablement l'un des confidents de Bérenger Saunière comme l'indiquent ses notes.


Exemple 1 (J. Brunelin)


Exemple 2 (J. Brunelin)

 

   Saunière réalise également cette année un collage composé de deux illustrations tirées du journal "La Croix". Le haut représente trois angelots emmenant l'Enfant Jésus vers le ciel avec la légende ci‑dessous :

 

"L'année 1891 portée dans l'éternité,
avec le fruit dont on parle ci‑dessous"

 

   Au bas, Saunière colle une gravure représentant l'adoration des Rois mages avec ceci :

" Melchior : reçois, ô roi, l'or, symbole de la royauté.
Gaspard : reçois la myrrhe, symbole de la sépulture.
Balthasar : reçois l'encens, ô toi qui est Dieu. "

 

 

Octobre 1891 ‑ Mise en place de la chaire et d'un bas relief sur la porte

   Le 20 octobre 1891 Saunière paie une facture de 915 francs‑or à la Maison Giscard de Toulouse pour une nouvelle chaire et un bas relief avec statue destiné à la porte d'entrée de l'église.

 

   La chaire est en terre cuite de style roman sans escalier. L'accès se fait depuis la tour du clocher. Le mobilier est décoré avec des personnages richement peints, des ornements en marbre blanc et des filets d'or. Livré à la gare de Couiza Montazels le 11 novembre, la chaire sera inaugurée le 30 novembre 1891.

 

    Le 4 décembre, un bas relief sculpté est monté sur les ouvrants de la porte en chêne. Saunière aime décidément les finitions luxueuses.


La chaire installée en 1891

Le bas‑relief de la porte d'entrée de l'église

 

    Les anciens piliers encadrant la porte sont conservés. Sur celui de gauche est gravé l'inscription "JHS" et sur celui de droite 1646, l'année de la précédente restauration au milieu du XVIIe siècle. Le tympan est constitué d'un bas‑relief triangulaire. Il est enrichi de symboles et d'extraits bibliques dont l'un est étonnant et ne peux laisser les visiteurs et les fidèles insensibles :

TERRIBILIS   EST
LOCUS   ISTE


Ce lieu est terrible...

Et pour  comprendre la référence, il faut ajouter deux textes situés sur la voûte de la porte :

 

HIC DOMUS DEI EST                   ET PORTA COELI

 

   Il s'agit d'un extrait biblique à la Genèse 28 verset 17 : le combat de Jacob et de l'Ange et que l'on retrouve peint par Eugène Delacroix dans la chapelle des Saints Anges de l'église Saint‑Sulpice de Paris...

   Le 20 décembre 1891, les villageois se pressent devant la porte comme le fera remarquer Saunière dans ses notes... 


Le porche et le tympan
"Terribilis est locus iste"... Ce lieu est terrible

 

1892 ‑ Des curieux fossoyeurs...

 

   Les travaux en secret de Saunière ne s'arrêtent pas là. C'est par un pur hasard que le curé et sa servante Marie Dénarnaud furent observés discrètement par un villageois en pleine nuit. Marie Dénarnaud, une lampe à la main, et Saunière muni d'une pioche, s'agitent dans le petit cimetière derrière l'église. Les cercueils sont déplacés, ouverts, et les os entassés près de l'ossuaire. La scène remplit d'effroi un villageois, témoin de la scène. Ce manège n'est d'ailleurs pas le premier et d'autres nuits aussi sordides ont lieu notamment autour de la tombe supposée de la marquise de Hautpoul.

 

   Comment un Homme d'Église peut‑il agir de la sorte en pleine nuit ? Et que cherche‑t‑il exactement ? Désire‑t‑il trouver une autre "oule", un chaudron rempli d'or ? Ou cherche‑t‑il un accès extérieur à la crypte ? Un mystérieux isoloir muni d’un faux placard naîtra en tout cas, collé à l’église. Le prêtre aime décidément les secrets...

 

   Saunière sera suspecté plus tard d’avoir mystérieusement buriné quelques épitaphes dont celle de la stèle de Blanchefort, mais ceci n'a jamais été démontré.

 

   Le maire est très vite alerté sur ces opérations sordides et c'est avec un aplomb habituel que le prêtre justifie ses actes, répondant qu'il devenait nécessaire de remanier le cimetière étant donné que la municipalité n'avait encore rien entrepris. Les autorités l'obligeront toutefois à remettre tout dans l'état, ce qui fut fait. Suite à cet épisode, il achetera une concession pour lui et Marie Dénarnaud le long du mur au fond du petit cimetière.

 


Le petit cimetière accolé à l'église Marie‑Madeleine

 

1892 ‑ Les fausses grottes se mettent en place  

   Comme s'il était investi d'une mission qu'il faut absolument poursuivre, Saunière entreprend une autre tâche tout aussi laborieuse : construire dans le jardin du calvaire une grotte. Il l'érige à l’aide de pierres de rivière disposées sans mortier et dépose à l'intérieur une représentation de Marie‑Madeleine agenouillée en prières. Un banc est également édifié sur lequel on peut lire à l’aide de petits cailloux cimentés, une bien curieuse inscription.
    Pour construire cette grotte, la rumeur populaire prétendit qu’il partait tous les matins avec
Marie Dénarnaud, une hotte sur les épaules, chercher des pierres sur le bord du ruisseau des Couleurs
, près de "La grotte du Fournet", maintenant appelée "La grotte Marie‑Madeleine".


La grotte artificielle principale reconstruite aujourd'hui

   Il construira en réalité trois grottes. La première et la plus connue est ronde située dans l'axe du grand portillon. La seconde, aujourd'hui presque disparue, était située à la pointe du jardin. Des pierres éparses témoignent encore de son emplacement. La troisième est une arche ouverte au‑dessus du grand portillon.

 

   La hotte contenait‑elle que des pierres à son retour ? On ne le saura jamais… Il faut néanmoins noter les qualités du randonneur Saunière qui, chaque jour, parcourait plusieurs kilomètres à pied dont la moitié avec des roches dans sa hotte...

 

   1892 fut en tout cas la dernière année où Bérenger Saunière resta discret sur son train de vie, n'affichant aucun signe extérieur de richesse. Les années suivantes se révèleront bien différentes... 

 

Juillet 1891 ‑ Début des intentions de messes

    Parallèlement aux travaux de l'église, une autre activité couve et va occuper Bérenger Saunière jusqu'à devenir bien mystérieuse au fil du temps : les intentions de messes.
   En effet, entre juillet 1891 et janvier 1898 des demandes de messes vont déferlées par courrier à Rennes-le-Château accompagnées de dons, et ceci nous le savons à partir de l'analyse du carnet de messes du prêtre.
  
   Ces notes qui débutent le 9 juillet 1891 et qui se terminent en janvier 1898 couvrent une période de 7 années durant lesquelles Saunière se mettra dans l'illégalité ecclésiastique en n'effectuant pas ces demandes de messes trop nombreuses. Une annotation « arreté là - » portée dans son cahier dès septembre 1893 montre l’impuissance de Saunière face au retard qu’il prit pour dire les messes dont le nombre reçu allait croissant au fil des mois.

   Ces intentions de messes feront dire bien plus tard aux détracteurs de l'affaire : le mystère Saunière est en réalité un banal trafic de messes... On sait aujourd'hui que cette conclusion simpliste ne vaut plus compte-tenu de la cascade de découvertes historiques, littéraires et topographiques faites depuis l'année 2005...


Le carnet de messes de
Bérenger Saunière

Année 1893 page 4 et 5 ... "arreté là -"

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