L'histoire d'une pierre gravée |
La dalle
dite "des Chevaliers" fut
découverte en 1891 durant les
premiers travaux de restauration engagés par
Bérenger Saunière
dans son église Marie‑Madeleine à Rennes‑le‑Château.
Elle était placée au pied de l'ancien
maître‑autel, la face gravée contre terre, et elle recouvrait
semble‑t‑il un tombeau, celui des Seigneurs de Rennes. Pour
d'autres, cette dalle dissimulait des marches taillées dans
le roc et une entrée vers une crypte. Saunière replaça la
dalle à l'extérieur au pied du
calvaire, la face gravée tournée vers le ciel, au risque d'abîmer
le relief sculpté, ce qui malheureusement fut le cas... La
dalle mesure 1,31 m sur 0,72 m et elle a 8 cm d'épaisseur.
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La dalle des Chevaliers
(musée de Rhedae) |
Son emplacement d'origine est d'ailleurs
décrit
à la page 10
des "Cahiers de Rennes‑le‑Château N°11",
des informations issues du vieux registre de la paroisse des
années 1694 à 1726. |
"... on est porté à croire que c'était la
chapelle (l'église Sainte Marie‑Madeleine) des Seigneurs du
lieu, d'autant plus qu'un parchemin indique qu'en 1705, "a
été inhumée dans l'église de ce lieu, au Tombeau des Seigneurs,
qui est auprès du Balustre Dame Anne Delsol et en 1724, Noble
Messire Henry du Vernet"... / ... Ce tombeau des seigneurs
fut découvert par l'abbé Saunière "en septembre 1891 lors
des travaux exécutés pour changer la chaire en bois par une
chaire neuve, en terre cuite, et lors du carrelage des couloirs
de la nef. Ce tombeau, dit l'abbé Saunière à ses visiteurs,
"était recouvert d'une pierre tombale placée à plat, très
friable"... / ... Ce tombeau se trouvait au milieu du
couloir de la nef "au bas de ces deux marches en pierre de
taille, qui avaient été mises en 1827 pour monter au sanctuaire".
Cette dalle mortuaire est appelée "la Dalle du Chevalier". |
C'est la Société d'Étude
Scientifique de l'Aude (S.E.S.A.) qui remarqua pour la première fois cette curieuse pierre,
comme l'indique Élie Tisseyre,
un érudit local, dans un extrait du
bulletin de 1906 (tome 17 page
98‑105) : |
"...cependant dans un petit jardin contigu à
l'église, un des nôtres a reconnu dans une dalle grossièrement
sculptée ou plutôt gravée un ancien vestige qui daterait du
Ve siècle ; il est regrettable que cette dalle serve de
marche d'escalier et soit exposée dehors à toutes
les intempéries. Sa place serait bien mieux à l'intérieur de
l'église et remplacerait avantageusement quelque panneau verni
ou doré."
Elie Tisseyre |
Par la suite, dans un autre
bulletin de la S.E.S.A. 1909 tome 20 page 128,
Antoine
Fagès signale : |
De
Campagne‑les‑Bains à Rennes‑Le‑Château
Bulletin de la Société d'Études Scientifique de
l'Aude,
Tome 20, 1909, p128‑133
"... au pied de la Croix de Mission, on
remarque une pierre tombale qui fut découverte, lors du dallage
de l'église, placée à plat devant le maître‑autel. Elle est en grès très friable
et le travail qui en forme la beauté aurait disparu depuis
longtemps si, lors de sa découverte, le dessin n'eut été en
dessous.
On y voit deux
cavaliers la lance au poing, dans un décor ogival : serait‑ce la
reproduction d'un tournoi ? "
Antoine Fagès |
L'emplacement extérieur de la
Dalle du Chevalier ne semble pas choisi au hasard comme le
montre le plan des jardins ci‑dessous.
L'abbé Saunière plaça
en effet la Dalle mortuaire dans la position
inversée, relief vers le ciel, alors qu'il la trouva
face contre terre. De plus, il la positionna au même niveau que
l'ancien autel. Ceci est très nettement visible si l'on applique la fameuse
translation du plan de
l'église dans le jardin. |

Rien n'a été
disposé au hasard. Le contour exact de l'église Marie‑Madeleine
est retrouvé
dans le jardin.
La Dalle du Chevalier (en jaune) suit la même logique |
C'est grâce au bulletin 31 de la
Société des Études Scientifiques de l'Aude en
1927 et à son dessin que nous connaissons l'état
de la dalle lors de sa découverte par l'abbé
Saunière. C'est également cette note qui confirme l'exposition
de la dalle aux intempéries et l'origine de sa dégradation. Par contre, il
faut aussi signaler que l'auteur, Henry Guy, commet
une erreur grossière puisque la date de la découverte n'est pas 1884,
Saunière étant
arrivé à Rennes‑le‑Château en 1885... |
Reproduction d'une pierre tombale
carolingienne
découverte à Rennes‑Le‑Château
Bulletin de la Société d'Études Scientifiques de
l'Aude
Tome 31, 1927, p 197
Pierre tombale
carolingienne (771) trouvée en 1884‑5 sous l'Autel de
l'église romane de Rennes‑Le‑Château, ancienne capitale bien
déchue du comté du Razès.
Actuellement dans le jardin qui précède le cimetière posée à
plat où elle s'effrite, couverte de terre et de feuilles, et
sert de plate‑forme au monument du souvenir.
Détail curieux, la partie sculptée était à l'intérieur, la
partie unie à l'extérieur.
Henry Guy, 12 quai d'Alsace à Narbonne
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Extrait original du bulletin de la
société scientifique de l'Aude en 1927
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Après son
relevé, Henry Guy fit déplacer la Dalle et la retira du
Calvaire pour la protéger. En 1955,
Pierre Embry transféra la précieuse Dalle au musée lapidaire de
Carcassonne, et en 1970 elle rejoignit le musée de
Rennes‑le‑Château. |

La Dalle du Chevalier est exposée actuellement au musée
de Rhedae à Rennes‑le‑Château |
La scène
perceptible sur la pierre est divisée en deux. À gauche, une
femme vêtue d'une robe d'apparat monte en amazone un cheval qui boit dans une auge.
À droite, un cavalier monte un cheval avec selle et étriers.
Il est armé d'une lance et d'un petit bouclier rond en
usage à l'époque carolingienne. Au‑dessus, deux voutes
et
des animaux stylisés décorent l'ensemble de la scène.
Son usure due à
une exposition aux
intempéries pendant de longues années et au grès friable rend son
interprétation difficile. Il est aujourd'hui admis que
la dalle est d'époque carolingienne.
Certains auteurs
virent dans la scène de
droite une allusion aux Templiers chevauchant à deux un même
cheval, mais la pierre est largement antérieure. Une autre
interprétation classique de la scène est celle du
dernier
descendant des rois mérovingiens, Sigebert IV, sauvé et
amené enfant dans le Razès.
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Cette dernière thèse non prouvée
historiquement est importante à la compréhension de l'affaire
et conforte l'idée une descendance mérovingienne
qui
aurait continué dans le Razès.
En effet, lors des travaux conduits par
Saunière dans son église, et selon la
légende, l'abbé aurait découvert
des parchemins roulés dans des tubes de bois scellés à la cire.
Ces documents permirent de reconstituer la généalogie des
Comtes de Rhedae de descendance mérovingienne semble‑t‑il,
depuis Sigebert IV dit le Rejeton Ardent (ou "Le
plantard"), fils de
Dagobert II
roi d'Austrasie, et ramené à Rennes‑le‑Château le
17 janvier 681
après l'assassinat de son père dans la forêt des Ardennes près
de Stenay. |
Cette thèse est également reprise par
l'opuscule de Stublein où l'on peut voir le commentaire :
"Dalle de la sépulture des
princes
Sigebert IV, Sigebert V et Béra III
dans l'église St Madeleine"
Tout ceci reste
néanmoins des hypothèses si l'on se fie à la dalle montrant à droite un bouclier et
non un enfant roi comme l'aurait souhaité
Pierre Plantard...
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Opuscule de Stublein ‑ Le bouclier
s'est transformé en enfant...
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La Dalle
du Chevalier fait partie de la mythologie de Rennes‑le‑Château et
sa gravure a fait
fantasmer de nombreux auteurs et chercheurs de la première
époque jusqu'à modifier les relevés du dessin. Il est
aujourd'hui admis que la pierre est de facture carolingienne du VIIIe siècle
et qu'elle servit soit de pierre tombale, soit de décor à un
chancel, soit de couverture à un sarcophage. Toutefois, il ne
faut pas oublier que cette dalle était aussi, selon la légende,
proche de l'entrée d'une crypte, un lieu qui reste
mystérieux et dont l'existence a été prouvée par écho radar. |
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