David
Téniers le Jeune
(également appelé Téniers II)
Né le
15 décembre 1610 à Anvers mort le 25 avril 1690 à Bruxelles
Artiste peintre flamand, surdoué et recherché, du XVIIe
siècle.
Il reste peu connu du public malgré l'exécution de plus
d'un
millier de toiles de très grande qualité.
Surtout, ce peintre hollandais est lié à Rennes‑le‑Château
d'une façon certaine. Il utilisa son art pour élaborer une toile
et coder un message
que l'on commence à découvrir...
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David Téniers le Jeune
(1610‑1690) |
Peintre méconnu et
pourtant présent parmi les plus grands maîtres de son siècle,
David Téniers le Jeune conserve une place de choix dans l'énigme
des deux Rennes. Non seulement il est cité sans ambiguïté dans une
phrase clé issue du
Grand Parchemin, mais il
est l'auteur d'un tableau
codé, équivalent aux
Bergers d'Arcadie
pour Nicolas Poussin.
Paradoxalement, si les Bergers d'Arcadie et la vie de Poussin
ont été
étudiés
sous tous ses angles,
Téniers eut moins d’attrait pour les chercheurs. Peintre souvent
délaissé du grand public, il figure pourtant parmi les plus
grands Maîtres du siècle des Lumières. La raison fondamentale de
ce désintérêt des chercheurs est simple : Téniers est
l'auteur de plus d'un millier de toiles ce qui le rend
insaisissable.
C'est Gérard de Sède le premier qui souligna cet artiste en
faisant monter
Bérenger Saunière à Paris pour, soi‑disant aller acheter les copies
de trois tableaux au Louvre. Malheureusement, les indications
qu'il donne ne
sont pas suffisamment précises et l'identité de l'œuvre
resta très longtemps inconnue. Des pistes furent toutefois particulièrement
intéressantes s'orientant vers une toile énigmatique : "Saint‑Antoine et Saint Paul dans le désert". L'histoire de ce tableau vient
d'ailleurs croiser le récit d'un autre
épisode castel rennais situé au Royaume‑Uni, celui de
Shugborough Hall
et de la famille Anson.
Les recherches actuelles montrent l'implication certaine dans
l'énigme d'un tableau particulier archivé au musée du Prado : "Saint‑Antoine
et les 7 péchés capitaux"
L'énigme de
Rennes est ainsi faite. Certaines pistes rebondissent sur
d'autres, prouvant que l'affaire comporte de multiples facettes
qu'il faut étudier, sans quoi on risque de passer à côté d'une
clé importante...
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Sa vie et sa carrière de peintre |
David Teniers le Jeune (Téniers II)
naquit le 15 décembre 1610 à Anvers. Il est le fils aîné d'un père
également peintre, surnommé David
Teniers le Vieux ou l'Ancien (1582‑1649) et élève d'Elsheimer. Sa mère est Dymphna de Wilde
et son fils David était l'aîné des six enfants qu'elle eut. Le
père et le fils David ont longtemps été confondus,
leurs œuvres étant souvent très ressemblantes dans le style et
dans les scènes choisies. Pourtant tous ses frères commencèrent
aussi à travailler dans la peinture, initiés par leur père.
David était tout simplement le plus doué et c'est lui
que l'histoire de l'art retiendra, surtout pour la qualité de
son trait, la variété des sujets et la maîtrise des lumières. Il deviendra l’un des
plus grands maîtres de la peinture de genre du Siècle d’or en
Flandre. |

David Téniers père
(1582‑1649) |
Il commença à peindre avec son père dans son atelier et très
vite il fut remarqué par la ville d'Anvers qui le reçut comme
"Franc maître" à la corporation de Saint Luc en
1632. Car
les
Téniers furent membres de la Guilde de Saint‑Luc, une
célèbre et très puissante confrérie de peintres et de sculpteurs
d’Anvers. Des artistes flamands aussi célèbres que Rubens,
Van Dick, Bruegel et Vermeer en firent
partie.
Les
commandes ne tarderont pas. Au cours d'un voyage en Angleterre
en 1635, Chrysostoom Van Immerseel, un marchand d'art,
lui commanda 12 toiles religieuses. C'est le début de sa
carrière fortement influencée par la peinture néerlandaise et
par Adriaen Brouwer, un grand peintre aimant également
les lieux populaires d'Anvers et ses environs. Mais malgré son
influence, Téniers possédait déjà son propre style et une grande force
interne prouvant la naissance d'un
grand maître.
En
1637, Téniers le
Jeune épousa Anna Brueghel, fille richement dotée du peintre
Jan Bruegel le
Vieux (1568‑1625). Il devint ainsi un notable d'Anvers. Assistent au mariage en tant que témoin, le
tuteur d’Anna, Peter Paul Rubens, et Paul van Halmale.
Ils auront un premier fils en 1638.
Ce fait est peu connu, mais Téniers le
Jeune et Rubens (le peintre) possèdent de nombreux points communs.
Tous deux grands maîtres hollandais, ils se connaissaient tout
simplement par des liens familiaux étroits. Rubens, né à Siegen
en 1577 et mort à Anvers en 1640, fut lui aussi un maître
incontesté de son temps pour la réalisation de grandes peintures religieuses
et ses portraits d'un réalisme inouï.
Lorsque
Rubens disparut en
1640,
Téniers le Jeune
recueillit sous sa
tutelle ses enfants Ambrosius et Clara‑Eugenia ainsi que
la sœur de son épouse Anna. Il se vit aussi confier des œuvres de
Jan Brueghel l'Ancien
(1568‑1625) dit
de Velours
et
de Pieter Brueghel le Vieux. La mort de Rubens le mit aussi au‑devant de la scène.
En
1644, Téniers
devint le doyen de la corporation de Saint‑Luc d’Anvers
et acheta la maison de Jan Brueghel le Vieux dans la
Lange Nieuwstraat. Il continuera à travailler sans interruption
et ses clients furent par exemple Antonius Triest, évêque de Gand
qui lui acheta
plusieurs tableaux entre 1645 et 1647. |

Téniers le Jeune
Autoportrait |
Comme quelques très grands
artistes, Téniers ne peignait pas uniquement, il excellait aussi
dans la musique et il jouait admirablement du violoncelle, l'une
de ses distractions favorites. Plus qu'un mélomane, c'était un
musicien reconnu et réputé. Il aimait notamment, malgré son rang
de directeur de la Chapelle du Saint Sacrement St Jacques
d'Anvers, apporter une voix supplémentaire aux chorales...
Mais en 1651 un nouveau virage se dessina puisqu'il devint le peintre attitré et chambellan du
gouverneur des Pays‑Bas espagnols (du sud), l’archiduc
Léopold‑Guillaume de Habsbourg.
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Il
devint ainsi, peintre de genre, excellant dans la représentation
de scènes paysannes et peintre de cour, mais
ceci l'obligea à déménager d'Anvers à
Bruxelles. Sa
fortune considérable lui permit d'acheter le manoir de Dry Toren
près du village de Perck, entre Anvers et Malines
(les Trois Tours). À ce stade, Téniers possédait une renommée et des
fonctions élevées. Il devint en effet conservateur des importantes collections
du gouverneur qui comprennent des maîtres
néerlandais et italiens du XVIe siècle.
Léopold Guillaume constitua ses collections uniques par des
ventes aux enchères organisées par la noblesse anglaise et que le
puritanisme bien établi avait appauvrie.
Nous avons ici un lien entre Téniers le Jeune et la famille de Habsbourg. Ceci n'est pas à négliger lorsque l'on connaît
l'influence et les connexions de cette famille, aussi grande que
puissante, dans l'affaire de
Rennes... |

David Téniers dans sa galerie de Bruxelles
avec
Léopold Guillaume de Habsbourg |
Léopold‑Guillaume légua ces
magnifiques
collections à Léopold Ier son neveu,
laissant ainsi ce patrimoine dans la famille impériale. Les
toiles sont visibles aujourd'hui au musée d'Histoire de l'art à
Vienne.
Installé à
partir de 1953 à Bruxelles près du palais du Gouverneur,
dans une splendide demeure, Téniers fréquentait alors tous les
illustres de son époque qui connurent l'exil et qui se
réfugièrent aux Pays‑Bas. Il rencontra ainsi
Charles II
d'Angleterre et ses frères,
le duc de Glocester et le duc
d'York. C'est aussi le temps où ses œuvres devinrent très
appréciées en Flandre puis dans l'Europe entière. Le roi d'Espagne fit
même construire une galerie particulière pour
y présenter ses œuvres. Une anecdote amusante raconte que
la reine
Christine de Suède, pensant que le prix des tableaux n'était
pas suffisant, envoya à Téniers, selon un usage assez fréquent, son portrait en médaille avec une chaîne en or.
Une autre anecdote resta célèbre, puisqu'elle concerne
Louis XIV
protecteur de tous les arts. Alors que la renommée de Téniers ne
cessait d'augmenter, on plaça dans
les appartements du roi quelques tableaux du maître hollandais. Mais en les
voyant, Louis XIV s'écria : "qu'on m'ôte ces magots..."
En fait le roi ne disgraciait point le talent de Téniers, mais
plutôt l'Espagne et la Flandre, pays contre lesquels il était en
guerre... |

Autre peinture de Téniers avec l'archiduc dans sa Galerie Léopold ‑ 1653
(Madrid musée Lazare) |
Le
9 mai 1656, l'archiduc
Léopold Guillaume quitta
finalement ses fonctions et Bruxelles. Mais Téniers continua à
travailler pour lui sur un catalogue d'inventaire gravé
représentant une partie de la collection de l'Archiduc, le "Theatrum Pictorium",
le premier catalogue illustré de gravures d’une collection de
peintures.
Ce
catalogue qu'il commença en 1651 constitue une œuvre colossale et sa réalisation
aujourd'hui serait inimaginable. Afin de rendre plus aisée la
gravure des tableaux, Téniers réalisa lui‑même la copie de 244
tableaux, des chefs‑d'œuvre italiens appartenant à la
collection de l'archiduc. C'est le premier catalogue de ce type
en Europe, mais cette tâche ne fut qu'un épisode artistique dans la vie du
maître...
Son successeur, le Gouverneur
espagnol Don Juan d’Autriche, le frère de
Philippe IV,
confirmera David Téniers dans ses fonctions, tandis qu'Anna Brueghel,
son épouse, disparaissait. David Téniers
épousera dans la même année Isabella de Fren à Bruxelles et de
cette union naîtront 4 enfants. |

David Téniers dans sa galerie de Bruxelles
avec Léopold de Habsbourg |
Les gouverneurs se
succèdent et en 1659 c'est au tour du
marquis de Caracena de régner, mais il ne conserva pas
Téniers à sa cour. Malgré tout, il accepta d’être le parrain
de son fils en
1662.
En s' éloignant de la cour, Teniers ne fut pourtant point abandonné des courtisans qui
continuèrent à le visiter dans sa somptueuse demeure.
En 1660 paraît son catalogue, le "Theatrum
pictorium Davidis Teniers Anterwerpiensis" à Bruxelles,
mais un autre projet lui tient à cœur. Il a l'ambition de
fonder une Académie des Beaux‑arts à Anvers. Pour cela il sera
appuyé par le marquis de Caracena qui le soutiendra auprès de la
cour espagnole. En 1662
Téniers écrivit directement une lettre au roi
Philippe IV
d'Espagne à Madrid. Après autorisation, l'académie fut créée et
inaugurée officiellement à Anvers en
1664.
Mais contrairement aux attentes, Téniers participera très peu aux assemblées, préférant débattre de peintures.
Le roi Philippe IV d’Espagne, bienfaiteur et protecteur de
Téniers, disparut le 17 septembre
1665.
Le fils de David Téniers le Jeune,
David Teniers III mourut à Bruxelles
(avant son père) le 11 février 1685. Isabella, la seconde femme de Téniers
disparut en
1686. Ces décès familiaux proches l'affecteront
irrémédiablement.
D'ailleurs cette
fresque présentant Téniers comme un personnage riche et côtoyant les plus
grands cache en réalité un drame familial où des querelles
entre familles et héritages déclenchent procès et règlements de
compte. Téniers n'a pas que des amis surtout dans sa famille et
son argent attire les convoitises. Voulant calmer ces tensions chroniques,
Téniers accepta même
de redistribuer une partie de son train de vie. Mais la mort de
sa seconde femme l'enferma dans une dépression.
La fin de sa vie est
pathétique et la ville d'Anvers qu'il aima tant paie les traités
de Westphalie. C'est un désastre pour son prestigieux port et
son économie.
Les
traités de Westphalie mirent fin à la guerre de 30
ans et à la guerre de 80 ans le 24 octobre 1648.
Catholiques et protestants ayant refusé de se
rencontrer, les négociations se tinrent à partir de
décembre 1644 à Münster pour les premiers et à partir de
1645 à Osnabrück, pour les seconds. Le traité de
Westphalie fut la base de la construction de l'Allemagne
jusqu'à la suppression du Saint Empire en 1806. Ce
dernier se trouva ainsi divisé en 350 Etats, marquant la
fin de la puissance des Habsbourg...
Devant
un tel désastre politique et familial, devant une fortune qui
s'évanouit, David Teniers le Jeune s'enferma dans son
domaine de Dry Toren. Oublié et seul, il mourut finalement à Bruxelles le
25 avril 1690. Il
fut enterré
à Saint‑Jacques‑sur‑Coudenberg, dans l'église de Perck, où reposent déjà sa première
femme Anna et son fils David Téniers III.
Anvers,
une ville maltraitée...
Anvers est une ville, un
grand port et une ancienne place forte de Belgique, située sur la
rive droite de l'Escaut, à 44 kilomètres au nord de Bruxelles.
On y trouve l'église Notre‑Dame avec sa haute tour et la
Descente de croix de Rubens.
Anvers fut le siège principal de l'école flamande de peinture et
vit les maîtres comme Van Dyck, Jordaens, Téniers, Rubens, le
graveur Edelinck, le géographe Ortelius ou le philologue Gruter.
Saccagée par les Vikings en 836, décimée par les pestes, les
incendies et les orages, Anvers devint néanmoins aux XIIe,
XIIIe et
XIVe
siècles une des principales places marchandes mondiales. Mais le
traité de Westphalie la ruina en fermant les bouches de l'Escaut
en 1648. Anvers
fut ensuite assiégée par le duc de Parme en 1576 et en 1584,
puis prise par les Français en 1746, 1792, 1794. En 1814 elle
fut de nouveau prise
par les Français pour les Belges... |

Les Œuvres de Miséricordes ‑ par Téniers
le Jeune 1640 |
Des scènes de son
époque
Téniers est
avant tout un peintre qui décrit des tranches de vie de son
époque et de son entourage. A ses débuts, les sujets sont choisis
dans le quotidien moralisant les scènes et
les personnages. Les auberges, les tavernes et les granges sont des décors
privilégiés. Il
les présente entouré d'une vie populaire et exagérée afin de
multiplier les détails et les anecdotes de la vie quotidienne. Les
paysans sont peints presque en les caricaturant, une manière de
montrer la démesure là où il y en a et d'accentuer le ridicule. On trouve
aussi des médecins, des barbiers et des dentistes que l'on appelait en son
temps, les arracheurs de dents. Téniers est attiré par la vie en
mouvement, mais aussi par les petites souffrances humaines et
les métiers où l'émotion des visages est présente,
permettant à l'artiste de saisir des instants et de poser sur la toile une ambiance forte
et pesante. |

L'alchimiste par Téniers II |
Un autre thème
plus étrange est celui de l'alchimiste, savant fou perdu au fond
d'une pièce sombre ou d'une chambre insalubre, et entouré d'un
désordre à la Prévert. Nous sommes toujours en pleine
caricature, se moquant certainement des rebouteux, des
guérisseurs et des faiseurs d'or. |

Téniers le Jeune ‑ Le chirurgien barbier
(détail) |
Une œuvre
extrêmement
variée
Au fil du temps
Téniers s'assagit et ses peintures caricaturales sont remplacées
lentement par des scènes plus douces, moins exagérées et plus
conformistes. Les
métiers ruraux sont mis en valeur et sont décrits d'une façon plus
réaliste. On y trouve des paysans faisant la moisson, les
semailles, la cueillette ou la coupe du bois. Il y a aussi les
joueurs de cartes, de boules, de tric trac, les fumeurs et les bagarreurs qui
passent leurs temps à converser et à s'amuser devant une bonne
table. Les tâches
ménagères sont aussi présentes, avec des femmes affairées à la
blanchisserie ou à la cuisine. Les fêtes de village et les
mariages sont prétextes à détailler une vie exubérante et
idyllique.
On
trouve aussi des scènes de cabaret où règnent joie euphorique et
insouciance. L'observation de ces toiles ressemble à des contes
populaires où la tristesse et l'horreur des maladies et des
guerres ont été évacuées pour ne laisser qu'insouciance et
bonheur de vivre.
Téniers s'est‑il
intéressé uniquement à la vie populaire ? Non. Il peindra
également la noblesse et les aristocrates néerlandais. Les seigneurs de son temps sont
représentés avec ou sans leurs familles et dans de riches propriétés
où la vie s'écoule sans heurt.
Téniers peut
être comparé à un photographe, saisissant des instantanés au
travers d'un prisme très personnel. Ses peintures sont d'une telle richesse dans les détails, les couleurs et les
situations, qu'elles sont une source inépuisable
d'enseignement pour les chercheurs et les historiens
aujourd'hui. Pourtant l'un des paradoxes du maître est que la
richesse de ses toiles cache un artiste qui ne voyagea jamais.
En effet, les paysages sont souvent identiques et sans influence
étrangère. On peut alors se demander ce que l'œuvre de Téniers
serait devenue s'il avait eu le goût des voyages... |

La taverne par Téniers (1658) |
Une production
immense
Téniers étonne
aussi par le volume de sa production. Si la réalisation du
catalogue de 244 tableaux a de quoi surprendre par sa qualité et la
quantité
de travail qu'il a nécessité, le maître est à l'origine
de plus d'un
millier d'œuvres d'une finesse qui fera sa renommée dans toute
l'Europe. On estime
d'ailleurs que son nombre est sous‑estimé si l'on considère qu'il
débuta très jeune. Pourtant
cette virtuosité n'est pas qu'innée. Téniers était doué,
même surdoué, mais derrière cette facilité apparente se cache un
apprentissage immense de son art. Téniers se perfectionnait en permanence
et son travail associé à un don a fait de lui un artiste qui
composait très rapidement et avec un talent incomparable. Il arrivait
fréquemment qu'il réalise des toiles en une après‑midi et même
en quelques heures. Passionné, il peignit jusqu'à l'âge de
80 ans. Le nombre important de toiles rend
d'ailleurs la tâche difficile aux collectionneurs et rares sont
ceux qui connaissent exactement toute son œuvre. |
Une technique aboutie
Téniers est un perfectionniste et son travail incessant lui
permit de maîtriser à la perfection le clair‑obscur, une
technique que seuls les grands maîtres osaient aborder. Teniers était
d’une habileté démoniaque réunissant dans une même pièce, non
pas un, mais plusieurs clairs‑obscurs.
Il
aimait non seulement multiplier les personnages, mais aussi les
plans. Comme le ferait un metteur en scène, il composait sa
toile par la superposition de plusieurs scènes indépendantes,
chacune ayant son histoire et ses lumières différentes. Nous ne sommes pas
dans une seule image avec une profondeur de champ limitée au premier
plan. L’arrière‑plan est aussi important que le premier et ses
détails participent à la compréhension et à l’harmonie de
l’ensemble. L'utilisation du nombre d'or dans ses toiles n'a
jamais pu être démontrée et pourtant une harmonie est
indiscutablement présente. C'est l'un des mystères de la
technique Téniers. |

David Téniers en plein travail dans son
atelier |
L'art baroque, une discipline où il excelle
Téniers vécut
dans les Flandres
espagnoles et les œuvres
reproduisant des scènes de genre intimistes et des intérieurs étaient très
appréciées. Mais Téniers explore aussi un autre style, celui des
personnages étranges, des caricatures, des bouffons et des monstres.
On appelle cela des tableaux "paraboles" car ils représentent
des sujets par la dérision et le décalage.
C'est aussi à cette époque qu'apparaît l'art baroque qui envahit
toute l'Europe. Nous connaissons notamment son influence au travers de la
vie de Louis XIV et de son style si particulier. C'est l'art de
toucher à la sensibilité de chacun, de saisir le
spectateur par l’émotion et d'atteindre le sacré. Le baroque (barocco) désigne une idée insolite, amusante,
ce que Téniers adorait traiter.
L'art baroque fut introduit à partir de deux courants picturaux : la Renaissance
et le maniérisme. À la fin du XVIe siècle, les
peintres travaillaient selon Raphaël et Michel Ange. L'art baroque
dépasse le monde naturel en utilisant une mise en scène dramatique
accentuée par l'emploi des 3 couleurs
fondamentales : le rouge, le jaune et le bleu et par la technique du clair‑obscur.
Les Bergers d'Arcadie
II sont un très bel exemple où les 3 tuniques
rouge, bleues et jaune d'or ajoutent à l'atmosphère à la fois
solennelle et insolite.
Aux Pays‑Bas, deux peintres seront
les représentants du baroque : Rubens (1577‑1640)
spécialiste religieux des corps et des couleurs, et
Rembrandt
(1606‑1669) qui peint la lumière et les portraits de groupe.
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Les singes en cuisine ‑ David Téniers
(Du bleu, du rouge et du jaune pour accentuer le baroque...) |
Téniers et la
religion
Téniers, maître du
XVIIe siècle,
vécut dans
un contexte religieux difficile.
Les Pays‑Bas sont divisés en deux avec au nord les
protestants et au sud les catholiques.
En effet, depuis le XVIe
siècle, les Flandres sont divisées entre les Provinces‑Unies (comprenant la Hollande) et les Provinces
du Sud (comprenant la Belgique) qui se
sont placées sous l’autorité espagnole. Durant ces siècles
d’intolérance, deux cultures religieuses s'opposaient et
Téniers, issu de la Flandre Sud, avait le devoir comme tous les
intellectuels et les artistes de sa province, de glorifier le
catholicisme. On aurait pu alors s'attendre à ce que, dans ce contexte
de foi autoritaire, l'artiste consacre son talent à une peinture
nettement religieuse.
Curieusement non. Téniers possédait une croyance plutôt tiède. Alors que Rubens
s'inscrivait parfaitement dans ce
courant religieux, Téniers créa un style très différent dépourvu
de tout mysticisme. L'évènement
sacré est mis en second plan et ses études ne font apparaître
aucun état de grâce envers les saintes Écritures. Son regard se
tourne plutôt vers les détails qui
entourent la passion du Christ, créant ainsi
une autre émotion. Il s'intéresse plus
aux épisodes de la vie, qu'au sacré lui‑même qui devrait être
sublimé. C'est en cela que le maître, sortant de la banalité de
son siècle, inventa un genre décalé et anticonformiste
suffisamment talentueux pour qu'il ne soit pas inquiété.
En réalité, Téniers était un artiste passionné par son art. Il
peignait pour lui, avec son style, son regard et les
sujets qu'il affectionnait. Par‑dessus tout, il n'aimait pas les scènes
imposées ou conventionnelles et préférait celles qui le
guident. Mais cette manière de peindre ne rend pas ses
toiles absentes de symbolisme. Bien au contraire, certaines sont, comme pour
Nicolas Poussin, difficiles à intégrer
sans comprendre le contexte...
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Jésus couronné d'épines ‑ David Téniers |
Si l'on pouvait
résumer son œuvre...
David
Téniers est un amoureux du travail et un passionné de son art.
Il y consacra sa vie en inventant
un style propre et abouti.
Il inventa un genre
par une composition
très poussée, fondant une multitude de
personnages et d’objets dans un ensemble harmonieux et naturel,
un exercice difficile. C’est aussi un perfectionniste et un
érudit, créant des toiles à plusieurs lectures. L’ambiance
dégagée par chaque scène est chargée d’émotions et l’observateur
ne peut rester indifférent devant une telle allégresse à la fois
naïve et rude. Téniers nous décrit son pays plat comme une
véritable Arcadie où règne la bonne humeur et où la vie s’écoule simplement. La
grande variété des genres abordés, paysages, portraits, natures
mortes, scènes populaires, kermesses, scènes intimistes ou
religieuses, caricatures et ambiances fantasques, a finalement
contribué Téniers à devenir l’un des maîtres les
plus recherchés et les plus appréciés du XVIIe
siècle.
Mais il y a une
obsession qui lui est propre et qui n'a pas encore été abordée
dans cette présentation :
Saint‑Antoine
avec ou sans ses tentations. On en dénombre plus d'une
trentaine parmi les plus connus. Il en peindra même
une composition en
1666
pour l'autel de l'église de Meerbeck, un village près d'Anvers.
C'est curieusement ce thème qui le rendra célèbre auprès du
public et qui l'entraînera
finalement dans la légende des deux Rennes...
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