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Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Téniers le jeune 3 - Rennes-le-Château Archive

David Téniers le Jeune               3/3
Le Saint‑Antoine de Rennes...

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

David Téniers le Jeune
(également appelé Téniers II)

 

Né le 15 décembre 1610 à Anvers mort le 25 avril 1690 à Bruxelles

 

  

Artiste peintre flamand, surdoué et recherché, du XVIIe siècle.
Il reste peu connu du public malgré l'exécution de plus d'un millier de toiles de très grande qualité.


Surtout, ce peintre hollandais est lié à Rennes‑le‑Château d'une façon certaine. Il utilisa son art pour élaborer une toile et coder un message que l'on commence à découvrir... 


David Téniers le Jeune en 1655

(1610‑1690)

 

    Peintre méconnu et pourtant présent parmi les plus grands maîtres de son siècle, David Téniers le Jeune conserve une place de choix dans l'énigme des deux Rennes. Non seulement il est cité sans ambiguïté dans une phrase clef issue du Grand Parchemin, mais il est l'auteur d'un tableau codé, équivalent aux Bergers d'Arcadie pour Nicolas Poussin.

 

   Paradoxalement, si les Bergers d'Arcadie et la vie de Poussin ont été étudiés sous tous ses angles, Téniers eut moins d’attrait pour les chercheurs. Peintre souvent délaissé du grand public, il figure pourtant parmi les plus grands Maîtres du siècle des Lumières. La raison fondamentale de ce désintérêt des chercheurs est simple : Téniers est l'auteur de plus d'un millier de toiles ce qui le rend insaisissable.

 

   C'est Gérard de Sède le premier qui souligna cet artiste en faisant monter Bérenger Saunière à Paris pour, soi‑disant, aller acheter les copies de trois tableaux au Louvre. Malheureusement, les indications qu'il donne ne sont pas suffisamment précises et l'identité de l'œuvre resta très longtemps inconnue. Des pistes sont toutefois particulièrement intéressantes, s'orientant vers une toile énigmatique : "Saint‑Antoine et Saint Paul dans le désert". L'histoire de ce tableau vient d'ailleurs croiser le récit d'un autre épisode castel rennais situé au Royaume‑Uni, celui de Shugborough Hall et de la famille Anson.

 

   Les recherches actuelles montrent l'implication certaine dans l'énigme d'un tableau particulier archivé au musée du Prado : "Saint‑Antoine et les 7 péchés capitaux"

 

   L'énigme de Rennes est ainsi faite. Certaines pistes rebondissent sur d'autres, prouvant que l'affaire comporte de multiples facettes qu'il faut étudier, sans quoi, on risque de passer à côté d'une clé importante... 

 

 

Je veux remercier ici Franck Daffos et Didier Héricart de Thury sans qui le Téniers de Rennes nous serait encore inconnu. Ce tableau représente en effet une avancée majeure dans l'énigme tant il prouve la réalité de l'affaire de Rennes et ses mystères... 

 

Sommaire

 

     David Téniers le Jeune ‑ Sa vie et son œuvre

     Téniers et ses secrets ‑ A la recherche du Saint‑Antoine

     Le Téniers révélé ‑ Saint‑Antoine et les 7 péchés capitaux du Prado

 


"Saint‑Antoine et les 7 péchés capitaux" par Téniers le Jeune ‑ 1670
Version Ektachrome Franck Daffos
L'original est au Musée du Prado (Madrid)

 

Le Téniers de l'énigme de Rennes enfin révélé

"Saint‑Antoine et les 7 péchés capitaux" (1670)
par David Téniers le Jeune (1610‑1690)

 

   Il fallut attendre 2011 et une querelle de chercheur pour que le Téniers de Rennes soit enfin révélé au public. On aurait pu croire, comme d'habitude lors d'une nouvelle étude, que ce tableau aurait fait l'objet d'une farouche opposition, qu'il soit rejeté par l'ensemble des chercheurs refusant d'admettre tout lien avec l'énigme. En fait, cette toile comporte tellement de détails concernant l'affaire qu'elle fut immédiatement adoptée.

 

   C'est la phrase clé "BERGERE PAS DE TENTATION QUE POUSSIN TENIERS GARDENT LA CLEF..."  issue du grand parchemin, qui nous fournit le nom de l'artiste. Mais une autre indication existe : "Pas de tentation". Il faut donc déterminer une œuvre sans tentations ou en tout cas une peinture marginale à toutes les tentations de Saint‑Antoine peintes par Téniers. C'est le cas avec cette toile particulièrement intrigante.

  

   L'œuvre de Téniers visée par la formule et donc liée à l'énigme de Rennes, a été révélée en juillet 2011 par Franck Daffos et Didier Héricart de Thury ("L'Or de Rennes, quand Poussin et Téniers donnent la clef de Rennes‑le‑Château" paru aux éditions ARQA). Sa composition est extrêmement complexe et contient un véritable rébus allégorique.

 


David Téniers Le Jeune – La Tentation de Saint‑Antoine du Prado vers 1670
(ref. 1618 ‑ année 1849)  Peinture sur cuivre 55 x 69 ‑ Signé D. Teniers fec.

 

 Peinture provenant de la collection de Don Luis de Benavides, marquis de Caracena, Gouverneur et capitaine général des Flandres
Collectionneur des Œuvres de David Teniers le Jeune

 

   Remarquons au préalable que cette peinture a été faussement classée par le musée du Prado sous le terme "Tentation" alors qu'il ne s'agit pas d'une tentation... En effet...

Qu'appelle‑t‑on exactement
une tentation de Saint‑Antoine ?

Tentation :  Au sens religieux, c'est une impulsion qui pousse au péché, au mal. Dans le cas de Saint‑Antoine, ses tentations sont instrumentalisées par des démons et par un bestiaire très varié.

   Lorsque l'on étudie les différentes tentations de Saint‑Antoine de Téniers, des constantes apparaissent. La tentation la plus évidente est celle de la coupe de vin qu'un démon présente délicatement au saint impassible. Pour démontrer sa foi et son abnégation, Saint‑Antoine reste concentré sur sa lecture pieuse. Rien ne peut le perturber, malgré une animalerie particulièrement exubérante et fantasque qui essaie de l'extraire de sa foi.

   Tentation n.f. est emprunté (v.1280) d'abord sous la forme temptacion (1120)au latin temptatio dérivé de temptare, signifiant «attaque de maladie» et «essai, expérience» spécialisé en latin ecclésiastique dans son sens religieux. Dans un contexte chrétien, le mot désigne le mouvement intérieur portant l'homme au mal. Par extension, il se dit de ce qui incite a une action en éveillant le désir (1637). Il a été employé comme en latin au sens d'essai (1450) jusqu'au XVII° siècle, en concurrence avec tentative. Tentateur, Trice n. et adj. est emprunté, sous la forme temptateur (1495), au dérivé latin temptator qui désignait en latin classique le séducteur avant de prendre en latin ecclésiastique le premier sens de « démon ».
   Tentateur a supplanté la forme ancienne dérivée du verbe temptere (XIII° siècle puis tenteur XVI° siècle) ; il désigne le démon et plus généralement (1636) celui qui induit en tentation.

 


Tentations de Saint‑Antoine
par Téniers le Jeune

"Grande tentation"
(Musée du Louvre)
huile acquise en 1816
 


Tentations de Saint‑Antoine
par Téniers le Jeune

"Petite tentation"
(Musée du Louvre ‑ Legs du docteur Louis La Caze en 1869)

 

   La toile ci‑dessous est particulièrement intéressante puisqu'elle se rapproche du Saint‑Antoine de Rennes. La tentation est toujours représentée par une coupe de vin, mais cette fois‑ci, elle est amenée par une femme. En réalité cette femme est aussi un démon indiqué par ses pieds griffus et une queue. Une mégère démoniaque se charge des présentations et incite Saint‑Antoine à prendre ce breuvage. Impassible, ce dernier reste concentré sur sa lecture et devant la croix. Tous les autres personnages assistent à cette scène. C'est une tentation, il n'y a aucun doute.

   Remarquez que l'on retrouve déjà ici quelques personnages du tableau de Rennes comme ceux en haut de la toile, l'un pourfendant le second de son bâton effilé...


Un célèbre Saint‑Antoine avec tentations... de D. Téniers le Jeune

 

   Nous avons ci‑dessous une scène équivalente où une mégère démoniaque présente à Saint‑Antoine une courtisane et une coupe de vin, symboles mêmes de la tentation que sont la luxure et la gourmandise. C'est aussi une tentation...


Saint‑Antoine et ses tentations par Téniers le Jeune

 

   Autre exemple, une mégère présente une courtisane à Saint‑Antoine, en fait un démon aux pieds griffus. C'est une tentation...


"La tentation de Saint‑Antoine" par David Téniers le Jeune
Collection musée du Prado  ref 1296 ‑ année 1849

 

PAS DE TENTATION...

  
La sentence "BERGERE PAS DE TENTATION QUE POUSSIN TENIERS GARDENT LA CLEF..."  issue du grand parchemin nous indique qu'il faut chercher un tableau de Saint‑Antoine sans tentation...

   Observons le tableau des 7 péchés capitaux. Saint‑Antoine n'est plus concentré dans sa lecture religieuse, mais il est absorbé par un détail qui semble littéralement l'obsédé. Ses yeux sont inquiets, affolés, et son regard est tourné sur sa droite. Il n'est d'ailleurs pas le seul. La plupart des personnages ont les yeux rivés sur le coin inférieur gauche de la toile. Nous sommes en présence d'une peinture où un drame se prépare et Téniers fige cet instant.

   Il est clair que nous ne sommes pas en présence d'une tentation, mais de toute autre chose. Téniers veut nous confier un message complexe et il utilise son bestiaire pour y parvenir. Mieux, la scène traite des 7 péchés capitaux, mais c'est une façon détournée de nous inviter à lire la toile d'une autre manière...

 



David Téniers le Jeune en 1655
et sa clé

 

Le Saint‑Antoine de Rennes en HD


 

Les 7 péchés capitaux (et non principaux...)

 

   "Les 7 péchés capitaux" est un concept créé par la religion catholique.  La liste fut remise en question au Ve siècle par Jean Cassien, puis par le pape Grégoire le Grand vers 590. Ce fut lors du 4ème concile du Latran en 1215 que la définition fut adoptée. Elle sera confirmée par Thomas d'Aquin au XIIIe siècle.

 

   Le principe est de lister les comportements humains qu'il faut éviter afin de ne pas commettre de péchés. Le terme "capital" vient du fait que ces comportements sont ceux d'où déclinent toutes les autres déviances. Notons tout de suite que capital ne veut pas dire majeur, le meurtre n'étant pas listé, mais le meurtre peut découler de la colère, l'un des 7 péchés...

 

Chaque péché est personnifié par un démon :

 

   1.  La Paresse est associé à Belphégor

   2.  L'orgueil (la vanité) est associé à Lucifer

   3.  La gourmandise est associée à Belzébuth

   4.  La luxure est associée à Asmodée

   5.  L'avarice est associée à Mammon

   6.  La colère est associée à Bélial

   7.  L'envie (la jalousie) est associée à Léviathan

 

Décryptons simplement...

Localisons les 7 péchés

Il est très facile de repérer les personnages liés à chaque péché. Les voici :

 


La vanité symbolisée par le paon


L'avarice



La paresse



La gourmandise... Vins et charcuteries


La luxure représentée par une courtisane

La colère


L'envie et la jalousie

L'envie et la jalousie ‑ Le personnage au nez pointu regarde l'avarice compter ses pièces et jalouse sa richesse, mais il porte aussi son regard vers la colère... Aurait‑il avec elle un différend ? Et que contient ce coffre qu'il protège tant entre ses mains ? 

    Notons que chaque personnage représentant l'un des 7 péchés capitaux est en fait un monstre aux pieds griffus ou aux oreilles de démon, excepté la paresse qui chevauche une mule...

   La colère, un personnage étrange, porte une boucle d'oreille et chevauche un lion. Sous les pattes du lion un autre personnage visiblement affamé croque dans une tomate...


La colère chevauche un lion écrasant un malheureux affamé

 

Suivez les regards...

   Un exercice simple consiste à suivre les regards appuyés. On peut remarquer immédiatement que plusieurs personnages, dont Saint‑Antoine sont absorbés par l'action qui est en train de se dérouler à gauche de la toile. Ils regardent la colère chevauchant un lion, un couteau à la main. Le lion prêt à bondir est retenu par sa crinière. Visiblement, ce démon cherche querelle vers une autre direction du tableau.
   Suivons son regard qui est aussi celui du lion. Ils ont clairement un compte à régler avec un mystérieux petit personnage, blotti derrière l'avarice, plutôt inquiet et tenant fermement un coffre dans ses mains... Nous voici donc dans une scène tragique et sans aucun doute historique que Téniers nous révèle de façon allégorique et imagée

   Remarquons aussi que les deux seules femmes présentes dans la scène ne regardent pas l'action qui se prépare, comme si elles ne se doutaient de rien, ou comme si l'histoire de Rennes leur était indifférente.

 


Suivons les regards... (sens de lecture, du bleu au vert)

 

Les 7 détails qui relient le tableau à l'énigme de Rennes

    Le profil montagneux en toile de fond montre le Bugarach sans aucun doute possible, vu dans la direction Nord‑Ouest / Sud‑Est


Le Bugarach de Téniers


Le Bugarach domine l'Aude

 

    Le tableau porte la référence 1618 rappelant le fameux 681 de la phrase BERGERE PAS DE TENTATION... mais aussi le Nombre d'Or   φ = 1,618

 

Se reporter à la rubrique sur la Géométrie sacrée du Nombre d'Or

   Notons que 1618 est pointé, alors que ce point n'a aucune signification à part s'il représente une virgule qu'il faut replacer...

 

     Deux initiales P F sont inscrites sur le sac d'or de l'avarice. Connaissant l'histoire de Rennes et ses démêlées au XVIIe siècle avec certains grands personnages de l'époque, il est plus que tentant d'y associer les deux Nicolas, Nicolas Pavillon et Nicolas Fouquet qui se partagèrent quelques richesses...


Le sac d'or à gauche porte les initiales P et F 

 

     Un personnage porte sur sa tête une poule. La coïncidence est trop belle puisqu'il suffit de compléter P et F par les deux Nicolas, Nicolas Pavillon et Nicolas Fouquet, avec un troisième personnage qui fut le dindon de la farce, le baron d'Hautpoul. En effet, un long procès opposa Nicolas Pavillon à quelques barons dont le baron d'Hautpoul, l'enjeu étant un droit de passage sur les terres des Hautpoul par les hommes de Pavillon. L'objectif était de certainement récupérer un dépôt à la barbe du baron. A ce titre on peut dire qu'il porta la chandelle puisque quelques richesses lui passèrent probablement sous son nez...

 

   Les allégories continuent avec la scène de gauche. Un personnage en colère, les yeux globuleux, menace de son couteau les personnages de droite, l'avarice et l'envie. Ce personnage chevauche un lion et écrase un malheureux affamé. Téniers, représente en réalité la France du XVIIe siècle vue depuis son pays flamand. Traduction : Louis XIV et son pouvoir royal représenté par le lion, écrase son peuple, la France en pleine famine. Le malheureux n'a pas d'autre ressource que celle de se nourrir d'une tomate, un fruit qui à l'époque ne se mangeait pas. Le roi, impuissant, assiste à la scène, et est furieux de voir ce partage du dépôt entre Pavillon et Fouquet...

 


Le personnage chevauchant le lion
et écrasant un affamé

une allégorie représentant Louis XIV furieux


Le porte chandelle et la poule en forme d'œuf
En fait le baron de Hautpoul
 

 

     En haut de la peinture, deux personnages fantasques s'affrontent. L'un semblant sortir d'une grotte, porte une épée à la ceinture et se protège dans un pot en terre. L'autre, un bâton à la main le pourfend, où plus exactement inscrit sur son torse des chiffres... Serait‑ce une date ?

 

   En zoomant sur le torse du volatil des chiffres sont discrètement tracés au milieu de la toile, et il reste bien sûr à les interpréter...


Image prise depuis la reproduction Ektachrome ‑ Franck Daffos

 

   Les chiffres 1 ... 9 4 semblent apparaître rappelant une date importante : 1294, l'année de l'élection et de l'abdication du pape Célestin V


Après traitement d'image
les contours sont nettement visibles
  

 

   Rappelons que le troisième tableau signalé par Gérard de Sède est celui de Célestin V, le 192e pape élu. Pierre Angeliner de Morron (1215‑1296), italien, fut élu en effet le 5 juillet 1294 et abdiqua le 13 décembre, s'estimant incompétent. Il mourut deux ans plus tard.  

 

     Une pierre aux formes  particulières orne l'entrée de la grotte supérieure. En laissant promener le regard, on devine une tête de cheval ou de mule vue de face avec son sabot... Hasard des formes peintes ?


Une pierre aux contours curieux


Une brebis ? Une mule ?

 

   Il est à noter que ce tableau n’est plus visible aujourd'hui au musée du Prado, et il est en outre plus possible d’obtenir un ektachrome ou une copie…

 

Un autre Téniers fortement ressemblant

   C'est en réexaminant d'autres toiles du même thème qu'un tableau de Téniers m'est apparu sortant du lot. En effet, il traite également des 7 péchés capitaux.

   Il fallait s'y attendre. Un peintre aussi prolifique que Téniers ne pouvait se contenter de traiter ce sujet qu'une seule fois. Nous avons peut être ici une version antérieure et tous les personnages sont déjà installés, la gourmandise (le buveur en rouge), la paresse (la femme en noir), etc... Plus étonnant nous retrouvons l'avarice avec ses sacs, et la colère, une mégère échevelée tenant le balai de sorcière et la chandelle, chevauchant un lion. Sur ce dernier point, nous verrons plus loin quelques explications sur son origine.  En haut les deux personnages sont dans la même position, l'un embrochant l'autre...

   Serais‑ce une première version destinée l'énigme de Rennes avant la version finalisée que l'on connaît aujourd'hui et enregistrée au musée du Prado sous la référence 1618. ?

 


Tableau "Les 7 péchés capitaux" seconde version par Téniers le Jeune
 pouvant être assimilé à celui de 1670 (étude ©  RLC Archive)

 

   Tout comme le tableau de Rennes, on peut se livrer au même exercice d'analyse. Suivons les regards...

   Saint‑Antoine est alerté par un personnage derrière lui qui montre du doigt une direction et plus vraisemblablement l'entrée de la grotte. Un monstre ailé, au fond, invite également à porter l'attention sur le même endroit. La colère est elle‑même attirée par cette direction. Sur ce dernier point il faut pour comprendre, connaître la légende de la Dulle Griet abordée plus loin. "La colère" serait‑elle inquiète que son dépôt soit retrouvé ?

 

Allons plus loin...

   Téniers n'en finit pas de fasciner tant son œuvre est gigantesque et mal connue. Les toiles comportent une telle richesse de symboles et de personnages récurrents qu'il devient difficile de ne pas relier certains tableaux entre eux. Nous allons aussi voir que les monstres et le bestiaire démoniaque n'appartiennent pas qu'à Saint‑Antoine. Ainsi, compte tenu de ce qui a été vu précédemment, l'œuvre ci‑dessous devient déconcertante, car elle permet de comprendre l'évolution de l'artiste dans sa mythologie bestiaire.

 


Margot la folle par Téniers le Jeune ‑ 1640  huile sur bois (collection privée)

 

    En 1640 Téniers peint le mythe de Margot la folle ou l'enragée. Son inspiration provient en réalité de "La Dulle Griet", un personnage du folklore flamand qui a la réputation d'être une mégère. Ceci a d'ailleurs donné lieu à un tableau flamand extrêmement célèbre peint par Bruegel l'ancien en 1562. Téniers revisite donc ce thème en y ajoutant son bestiaire favori.

   Dans un paysage de guerre, une femme en armure munie d'un panier de victuailles, l’épée à la main, se précipite vers la gueule des Enfers. Elle se nomme Griet (Margot ou Marguerite) et on la surnomme « la folle » ou « l’enragée ». Derrière ce personnage, d’autres femmes luttent contre des démons inspirés de Jérôme Bosch. L'œuvre reste toutefois une énigme et son message divise les spécialistes de l'art...

   Intégrée en 1384 aux domaines du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, la Flandre passe aux Habsbourg à la mort de Charles le Téméraire en 1477, puis elle devient possession des Habsbourg d'Espagne en 1526.

    Les Pays-Bas espagnols étaient les États du Saint-Empire romain germanique rattachés à la couronne espagnole sous le règne des Habsbourg, entre 1556 et 1714. Cette région comprenait les actuels Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, ainsi que des territoires situés en France et en Allemagne.

   Ces différentes principautés peu à peu rassemblées par les quatre ducs de Bourgogne successifs, passent par héritage à la maison de Habsbourg du fait du mariage de l'empereur Maximilien Ier de Habsbourg avec Marie de Bourgogne, fille et héritière de Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne. En 1556, leur petit-fils Charles Quint lègue cet héritage bourguignon, lors de son abdication, à son fils Philippe II roi d'Espagne.

    La période « espagnole » des Pays-Bas est marquée par la guerre de soulèvement menée contre le roi d'Espagne : la guerre de Quatre-Vingts Ans. Le conflit aboutit à la scission des 17 provinces en deux États. Les sept provinces du nord obtiennent leur indépendance et se regroupent au sein des Provinces-Unies qui deviendront les Pays-Bas actuels ; les dix provinces du sud restent sous contrôle espagnol et deviendront bien plus tard vers 1830 la Belgique.
   La période 1640 fut donc particulièrement trouble et très violente dans la Flandre. Il y règne un climat de guerre civile dû à la famine, à la misère et aux guerres de religion suite à la réforme catholique et la montée des mouvements protestants et indépendantistes.

   La Flandre est aussi marquée par des périodes fastes. Au XIVe siècle, c'est l'apogée des grandes communes comme Lille et Douai... Et au milieu du XVe siècle, c'est la gloire du "grand duc d'Occident", Philippe le Bon, comte de Flandre et duc de Bourgogne qui installe à Lille sa chambre des Comptes et y réunit les Chevaliers de la Toison d'Or...

   Au XVIIe siècle, de nombreuses villes flamandes sont annexées par Louis XIV, et en 1713 la Flandre passe à l'Autriche. Envahie par les Français sous la Révolution, elle forme alors deux départements français en 1794. Mais, en 1815, la France ne garde de la Flandre que les conquêtes de Louis XIV correspondant au département du Nord. Le reste forme le royaume des Pays‑Bas, puis après 1830, le royaume de Belgique.


La Dulle Griet par Bruegel ‑ 1562 ‑ Museum Mayer van den Bergh à Anvers

"Margot est perçue par Bruegel comme une figure folklorique de l'incarnation de l'avidité furieuse. Emportant son butin, elle se dirige en courant vers la gueule de l'enfer, les démons hissent un pont‑levis et il est impossible de déterminer si Margot la Folle veut mettre son bien en sécurité
ou si elle veut partir à la conquête de l'enfer."

 

De  Marguerite de Bourgogne à Margot l'enragée...

   Le mythe flamand de Dulle Griet s'est probablement inspiré de Marguerite de Bourgogne. Il faut se rappeler que les États qui se constituèrent autour de la Bourgogne et des Flandres furent une des grandes puissances européennes du XIVe et du XVe siècle. Cette puissance économique vint de la monnaie ducale et de la prospérité des Pays‑Bas qui étaient alors les territoires les plus riches de l'Europe.

   Philippe le Hardi (1363‑1404) hérite en 1384 de son épouse Marguerite de Flandre d'immenses territoires dont les comtés de Flandre, de Bourgogne, d'Artois, de Nevers, de Rethel, les seigneuries de Salins, de Malines et d'Anvers. Philippe le Bon (1419‑1467) continue cette expansion en achetant des terres, par des mariages et par des héritages des comtés de Namur, de Hainaut, de Hollande, de Frise et de Zélande. Il y aura aussi les duchés de Brabant, de Limbourg et de Luxembourg, puis par Charles le Téméraire, le duché de Gueldre et la Lorraine.

  On voit donc que la Bourgogne et la Flandre sont intimement liées par l'Histoire. Il existe d'ailleurs à Gand (Flandre) une bombarde de 5m d'époque bourguignonne et nommée la Dulle Griet. Ce rapprochement entre la Bourgogne et la Flandre est important dans le cadre de l'affaire, car c'est aussi le rapprochement entre Charles le Téméraire et Téniers, entre Van der Weyden et Téniers, et donc entre Téniers et Maurice Leblanc.   

   Marguerite de Bourgogne (1290‑1315) était une princesse de la première branche bourguignonne de la dynastie capétienne. Elle est la fille de Robert II (1248‑1306), duc de Bourgogne, et d'Agnès de France (1260‑1325). Elle est donc par sa mère la petite‑fille de Saint‑Louis. Marguerite de Bourgogne fit édifier un couvent à Saint Pardoux la Rivière pour se racheter de tous ses péchés. En 1314 Philippe IV le Bel, roi de France, fit arrêter ses trois belles‑filles Marguerite de Bourgogne, Jeanne et Blanche, sur dénonciation. Elles auraient été prises en flagrant délit d'adultère avec deux jeunes chevaliers, Philippe et Gauthier d'Aunay. Ce scandale qui ébranla le pouvoir royal passa à la postérité sous le nom d'affaire de la Tour de Nesle. Sous la torture, les deux chevaliers avouèrent leurs relations avec les princesses qui duraient depuis trois ans. Ils furent, à Pontoise, écorchés vifs, châtrés, décapités, puis suspendus à un gibet. Marguerite, enfermée dans la forteresse de Château‑Gaillard sera tenue au secret dans sa prison.

   Elle devint reine de France à la mort de son beau‑père Philippe IV le Bel, le 29 novembre 1314, mais elle resta enfermée. Elle sera retrouvée morte le 30 avril 1315 peut‑être de froid, ou simplement assassinée pour libérer le trône...

   Ainsi nous pouvons lié à la Bourgogne plusieurs symboles forts, une grotte, un trésor, et des monstres. C'est aussi la légende de la Vouivre, la vipère ou le Serpent (rouge), comme l'on voudra...

 

   Selon la légende la Vouivre est un monstre dragon habitant dans une grotte. Il garde un trésor qu'on cherche a lui dérober. Mais le plus étonnant est qu'il existe plusieurs variantes de ce récit, de la Bourgogne à la Provence où l'on retrouve la Vouivre sous le nom de "la Tarasque"...

 


La Dulle Griet par David Ryckaert

 

   Ceci permet d'arriver au mythe de la sorcière, un autre thème également traité par Téniers le jeune. On retrouve évidemment les personnages favoris du peintre et quelques éléments de sorcellerie comme le bouc, le crane, et un balai de sorcière assortit de sa chandelle. Une femme nue ajoute un sens démoniaque et indécent à la scène en ce siècle puritain...

   Mais le plus intéressant est ce personnage surmonté d'une poule, que l'on retrouve dans le tableau de Rennes devenant le Baron d'Hautpoul. Faut‑il penser que Téniers avait par pure coïncidence déjà créé ce personnage ? Où le conserva‑t‑il après l'avoir introduit dans le tableau de Rennes ? Que de questions en suspend...

    La jeune femme assise est certainement l'épouse de Téniers, Anna, fille du peintre Bruegel, et qui servait de modèle pour différente toile du maître.

 


La sorcière par Téniers le Jeune

 

   Ci‑dessous un autre tableau de Téniers concernant la sorcellerie. La scène est reprise, mais de façon moins intimiste. Remarquez le personnage en haut chevauchant un monstre volant et tenant un bâton comme pour pourfendre un ennemi, un personnage également présent dans le tableau de Rennes...

 


"Les sorcières" par Téniers le Jeune

 

   Téniers possédait décidément un art secret tant son œuvre est parfois hermétique et à plusieurs degrés de lecture. Voici ci‑dessous deux tableaux particulièrement intrigants, à mi‑chemin entre sorcière et mégère. À gauche une mégère apporte un sac, un flambeau à la main. Une autre femme creuse, sans doute pour enterrer le magot. La scène est assistée par des monstres dont l'un tient le fameux balai de sorcière et sa chandelle qu'un poisson volant essaie d'éteindre. On retrouve ici le troubadour du tableau de Rennes, mais plus intéressant encore, un petit personnage (probablement une racine de mandragore) près d'une lanterne, semble suivre un cercle tracé au sol. Ce cercle n'est pas sans rappeler le cercle au bénitier du Mucha... On devine d'ailleurs à gauche un diable, le tout se déroulant près d'une ancienne potence...


Scène de sorcière par Téniers le Jeune

 

   Le même thème a été repris par un artiste graveur, un tableau décidemment pas destiné à être accroché dans une chambre d'enfant... Pas même d'adulte...

   Téniers est décidément un artiste où l'on va de surprise en découvertes... Cette fois‑ci la potence est bien réelle. Le troubadour et le diable à droite surveillent le trou fraîchement creusé où sera enterré un mystérieux sac...

 


Scène de sorcière, gravure d'après Téniers le Jeune