Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Port-Royal, Longueville, Pavillon - Rennes-le-Château Archive

L'Abbaye de Port‑Royal    2/4
Le cercle Longueville ‑ Pavillon

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

     Que l'abbaye de Port‑Royal des Champs devait être belle du temps de sa splendeur ! Située au sud‑ouest de Paris, elle reste peu connue, même des Parisiens. Pourtant ce monastère fondé en 1204 fut le creuset où se mélangèrent de façon intense, vie religieuse, vie politique et vie intellectuelle.

 

   De célèbres érudits y résidèrent, un enseignement innovant y fut créé et des ouvrages philosophiques et théologiques y furent écrits. Cet épisode des lumières est encore évoqué aujourd'hui comme une référence. Mais les historiens abordent peu la destinée de ce lieu tant son histoire est complexe, tumultueuse et violente en cette période centrale du XVIIe siècle. Des débats théologiques controversés s'invitèrent dans la politique royale et s'opposèrent à Rome, provoquant des tensions extrêmes jusqu'au désastre de 1609.

 

    Mais surtout des connexions flagrantes existent avec l'affaire des deux Rennes. Ce cœur janséniste fut évidemment en relation avec le célèbre prélat d'Alet, Nicolas Pavillon, et certaines relations entre la Cour et le Razès deviennent troublantes, voire évidentes. Déclarée comme hérétique, l'abbaye sera finalement rasée par Louis XIV en 1710. Décidément, après l'affaire Fouquet déjà liée à l'énigme, voici que la malédiction du Razès rattrape le Roi‑Soleil avec les jansénistes de Port‑Royal...

 

   Située au cœur de la vallée de Chevreuse, au Sud‑ouest de Paris, dans la commune de Magny‑les‑Hameaux (Yvelines), l’abbaye de Port‑Royal témoigne d'une histoire passionnée, violente et cruelle, elle témoigne de l'intolérance et de la difficulté à faire progresser une société, elle témoigne aussi de l'incompréhension des hommes face à des idées trop en avance sur leur temps...

 


L'abbaye de Port‑Royal des Champs au XVIe siècle

 

La piste janséniste a été ouverte avec Nicolas Pavillon, prélat indépendant hors norme et que nous savons impliqué dans l'énigme de Rennes. Cette piste nous conduit bien sûr à l'abbaye de Port‑Royal, creuset janséniste,
à Blaise Pascal, Philippe de Champaigne et Nicolas Poussin,
mais aussi à la duchesse de Longueville,

au prince de Conti, à Jean Loret et bien d'autres...

 

Je veux remercier ici Franck Daffos qui a tant œuvré dans ses recherches autour
du XVIIe siècle, et qui a su donner cette impulsion pour que
l'énigme de Rennes poursuive sa quête de la vérité...

 

 

 

 

La Fronde, une rébellion contre la monarchie (1648‑1652)

Les guerres civiles de France ont été plus longues, plus cruelles, plus fécondes en crimes que celles d’Angleterre ; mais, de toutes ces guerres civiles,
aucune n’a eu une liberté sage pour objet.
(Voltaire, Lettres philosophiques)

  

   Voici un sujet d'Histoire que l'on enseigne peu dans nos écoles. Il est vrai que l'on veut nous montrer aujourd'hui Louis XIV, notre cher roi Soleil, sous son plus beau jour. Le château de Versailles est visité par le monde entier et il ne serait pas de bon ton de critiquer ce pouvoir royal qui nous enchante tant maintenant. Pourtant l'épisode de la Fronde est plus qu'une révolte de quelques familles princières, comme on veut souvent nous le faire croire. C'était un véritable vent de liberté d'un peuple qui aspirait à plus de justice et plus d'équité fiscale, contre un pouvoir intransigeant, abusif, attaché au luxe de la Cour et aux projets démesurés d'un roi. La période de la Fronde constitue la dernière grande opposition nobiliaire à la montée en puissance de l’absolutisme royal.

 

   Né d’une imposition trop importante mise en place par le ministre Mazarin, ce mouvement que l’on appelle la Fronde marqua profondément le jeune Louis XIV. Conscient de la gravité des faits, il mettra cependant tout en œuvre pour qu’une telle crise ne se reproduise plus.
Durant 4 ans de 1648 à 1652 la Fronde fera vaciller le pouvoir royal...

 

   Le mouvement est issu du parlement dans un contexte particulier. Depuis 1643, le royaume de France est gouverné par Anne d’Autriche, épouse du défunt roi Louis XIII et mère de Louis XIV. C'est une période de régence et le jeune roi ne peut gouverner. Anne d'Autriche dirige donc le pays avec Mazarin qui s'est illustré auprès de Richelieu. Mais le peuple ne voit qu'un ministre italien et une régente qui veut augmenter les impôts pour payer la guerre de Trente Ans.

   De plus Mazarin a recours à des intendants pour prélever l'impôt, mais la noblesse et le parlement craigne une dérive et un affaiblissement de leurs privilèges.

 


Anne d'Autriche (1601‑1666)


Le cardinal Mazarin (1602‑1661)

 

   En mai 1648 un arrêt d'Union est proclamé destiné à braver le pouvoir et ils   décident de se rassembler pour envisager la réforme de l’État. L'objectif est de réduire le pouvoir absolu du roi. Au cours de l'été,  les représentants soumettent à Anne d'Autriche 27 articles exigeant la suppression des intendants et le principe de ne percevoir aucun nouvel impôt sans le consentement parlementaire.

 

   La reine‑mère ne signe pas immédiatement pour préparer une riposte. En août 1648, le principal conseiller du parlement, Pierre Broussel, est arrêté. C'est ce qui mettra le feu aux poudres.
   La population parisienne se révolte immédiatement et la Cour est contrainte de fuir la capitale. La régente n’aura pas d’autres choix que de confirmer le programme de réformes des parlementaires.

 

   Mazarin est lui aussi inquiété. Mal aimé, le peuple souhaite qu'il parte et le pouvoir monarchique s'inquiète de cette situation explosive. Un espoir pourtant, la guerre de Trente ans s'achève et devrait libérer des troupes. Mais la capitale est pour le moment abandonnée par la gouvernance qui se rend à Saint‑Germain en janvier 1649. Anne d'Autriche peut ainsi préparer son retour. Elle installe des parlements en province, mais rien n'y fait et la bourgeoisie locale lève une armée dirigée par des nobles. Quant à Mazarin il recrute le prince de Condé (l'un des frères de la duchesse de Longueville) pour assiéger Paris. La révolte parisienne s'étouffe et finira par accepter la paix de Rueil.

 

   La Fronde serait terminée ? Pas vraiment, car les princes prennent le relais. Le prince de Condé, déçu par une totale non‑reconnaissance de son dévouement au roi, est prêt lui aussi à s'insurger. Mazarin le sait et complote alors avec le prince de Conti (le second frère). Le 18 janvier 1650, le prince de Condé est arrêté et emprisonné à Vincennes. Mais Mazarin fait un mauvais calcul, car ne tenant pas ses promesses envers Conti, ce dernier exige la libération immédiate des princes. Anne d'Autriche va s'y opposer.

 

   En février 1651, lorsque la population parisienne découvre d'autre part que la famille royale tente de s’enfuir de la capitale, c'est la révolte. Elle envahit le palais et bloque la ville. Une fois de plus, la reine n’a plus le choix et libère les princes. Condé ne songera alors qu'à se venger. Mazarin, quant à lui, se rend en Rhénanie pour plus de prudence...

 

   Lorsque Louis XIV arrive à sa majorité, la situation est explosive. Le prince de Condé a rejoint le mouvement de révolte de l'Ormée et s'allie même à l'Espagne. Mazarin sort alors de l’exil pour soutenir le jeune roi à Poitiers, alors même que la tête du ministre détesté est mise à prix.

 

   La situation tourne alors au désastre. La France devient  le terrain de multiples ravages. Les campagnes sont pillées et les plus pauvres meurent de faim.
   Louis XIV veut mettre un terme à l'insurrection et lève des troupes. L'armée marche contre Condé et des batailles font rage jusqu'au jour du 2 juillet 1652Condé et le commandement de Turenne s'affrontent aux portes de Paris. Mais à deux doigts de la défaite, Condé reçoit le secours de la cousine du roi, dite la Grande Mademoiselle. Elle fait ouvrir la porte Saint‑Antoine pour y faire entrer ses troupes et fait tirer des coups de canon contre les forces royales.

   Condé peut alors s’emparer de Paris qui sombre irrémédiablement dans l’anarchie, mais les Parisiens finiront par le renverser.

 

   Pour réinstaller Louis XIV à Paris Mazarin quitte la France pour la Belgique. Le Roi peut alors faire son entrée triomphante dans la capitale le 21 octobre 1652 et Mazarin sera rappelé en février 1653. La dernière insurrection est étouffée à Bordeaux en août.

 

   La Fronde aura finalement laissé un goût amer à tout le monde. Le Roi, bien décidé à ce que cela ne se reproduise plus renforcera son pouvoir absolu : il n'aura pas de ministres, privera le parlement de pouvoir, et amènera la Cour à Versailles pour mieux surveiller ses ennemis. Le roi du Siècle des lumières aura été aussi celui du règne sans partage durant 54 ans...


Louis XIV terrassant la Fronde
Château de Chantilly par Guérin

 

 

 

Autour de Port‑Royal un cercle puissant et influant...

Port‑Royal et deux personnages fondamentaux,
Nicolas Pavillon et la duchesse de Longueville...

 

   Lorsque l'on étudie Port‑Royal, on se rend vite compte qu'il existe plusieurs cercles d'influence. Le premier et le plus proche de l'abbaye, est formé par les religieuses et l'abbesse dont Mère Angélique fut l'initiatrice, l'abbé de Saint‑Cyran et la famille Arnauld, puis on trouve les Solitaires et les maîtres des Petites Ecoles.

 

    Mais au‑delà, il existe un troisième cercle, plus discret et en même temps plus puissant, plus influent. On y trouve en son centre deux personnages clés qui vont user de leurs talents pour mener chacun une révolte contre le pouvoir intransigeant et intolérant du roi et de ses ministres. Les deux d'une intelligence rare, ils vont s'associer et s'apprécier pour mener à bien un vent de rébellion qui souffle en ce milieu du XVIIe siècle. Le premier, homme religieux charismatique, va avec sa foi janséniste rallier à sa cause un mouvement profond qui fera même douter Rome. Le second, une femme aventurière et diplomate va utiliser sa puissante famille pour mener les révoltes. Le premier est bien sûr Nicolas Pavillon (1597‑1677), puissant évêque d'Alet que l'on sait opposé à Louis XIV, le second moins connu est la duchesse de Longueville (1619‑1679) qui œuvra avec les partisans de la Fronde.    

 

   En guise de trame de fond de l'histoire de Port‑Royal, il y a donc bien sûr l'énigme de Rennes dont on sait que le puissant évêque d'Alet, Nicolas Pavillon, en est un acteur de premier plan. Janséniste et donc relier à Port‑Royal, il tira assurément quelques ficelles entre sa province du Razès et Paris...

La duchesse de Longueville
(1619‑1679)

 

Anne Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville était la sœur du Grand Condé et du prince de Conti. Intelligente, raffinée, très cultivée et aventurière, elle eut une vie tumultueuse durant la Fronde. Elle fut aussi l'ardente égérie du jansénisme et de Port‑Royal.
Surtout elle eut d'étroites relations avec Nicolas Pavillon...

 

Anne Geneviève de Bourbon naquit dans la prison d'Etat du Château de Vincennes le 28 août 1619. Elle était l'unique fille d'Henri II de Bourbon, prince de Condé (emprisonné pour complot contre Concini), et de son épouse Charlotte Margueritte de Montmorency. Elle était aussi la sœur du Grand Condé et du prince de Conti.


La duchesse de Longueville (1619‑1679)
sœur du Grand Condé
et du prince de Conti

proche de Nicolas Pavillon

 

   Sa jeunesse se déroula à Paris près de sa mère. Elle fut éduquée de manière stricte au couvent des Carmélites par les jésuites et trouva rapidement un grand intérêt pour la littérature.

 

La duchesse de Longueville et la Fronde

 

   A la sortie du couvent elle fut introduite dans la société en 1635 et devint une personnalité des salons auprès de Madame de Rambouillet. Elle finit par épouser Henri II d'Orléans (1595‑1663), duc de Longueville et gouverneur de Normandie.

 

   A la mort de Richelieu et de Louis XIII, son père devint le chef du Conseil de régence sous Louis XIV. La duchesse est alors une conseillère en politique importante. En 1646 elle rejoignit son mari à Munster envoyé par Mazarin pour négocier la fin de la Guerre de 30 ans. Elle réussit alors à charmer tous les diplomates qui négociaient le traité de Wesphalie, prouvant ainsi sa capacité dans la politique. De retour à Paris elle devint la maîtresse du prince de Marcillac, le futur duc de La Rochefoucauld.

 

   En 1648, elle poussa son second frère Armand de Bourbon‑Conti et son mari à se rallier à la cause des frondeurs et à s'enfermer dans Paris, mais elle ne convînt pas Condé. 

   Après l'arrestation de Condé, Conti et de son mari le duc de Longueville, le 18 janvier 1650, la duchesse s'enfuit en Normandie pour soulever la province mais échoue. Poursuivie par les troupes royales, elle parvient à rejoindre La Haye sur un vaisseau hollandais, puis Stenay où elle se réfugiera auprès de Turenne en mars 1650. Elle va alors négocier avec les Espagnols et pousser Turenne à se révolter contre le cardinal Mazarin. La chute de ce dernier au début de l'année 1651 sera le résultat de l'alliance des deux frondes. Elle conduit ainsi non seulement à la libération des princes et à la restitution des honneurs, mais aussi à des accords matrimoniaux entre Conti et Mademoiselle de Chevreuse, la fille de la duchesse.

 

   A la fin de l'été, la situation de Condé se dégrada. Il quitta Paris à la veille de la majorité de Louis XIV et rejoignit la Gascogne accompagnée de sa famille et de ses partisans. C'est au cours de ce voyage que la duchesse serait devenue la maîtresse du duc de Nemours.
   Le 24 mars 1652, Condé se dirige vers Paris laissant la garde de Bordeaux à Conti, à Anne‑Geneviève et à sa femme. La ville est en état d'insurrection. De plus, des dissensions se produisent entre Conti et sa sœur. La ville se rendra finalement aux troupes royales en juillet 1653.  

 


La duchesse de Longueville
(musée de Port‑Royal)

   Abandonnée et en disgrâce à la cour royale, elle fut assignée à résidence à Montreuil‑Bellay puis à Moulins avant de rejoindre son mari en Normandie. Elle est alors victime d'une dépression qui l'emmènera vers la religion, le jansénisme et la charité. Elle devint ainsi jusqu'à sa mort la protectrice de l'abbaye de Port‑Royal des Champs qui n'eut rien à craindre du pouvoir royal tant qu'elle fut en vie.
   Elle décède le 15 avril 1679 à Paris, au couvent des Carmélites, déclenchant ensuite la répression violente du roi.

   On trouve aujourd'hui à l'abbaye de Port‑Royal son portrait, peint sur une boiserie de la bibliothèque.

 

La duchesse de Longueville et ses deux frères célèbres,
le prince de Conti et le prince de Condé (duc Enghien),
ses liens avec Port‑Royal et Nicolas Pavillon
...

Le prince de Conti
Armand de Bourbon‑Condé
(1629‑1666)

 

   Les liens étroits entre la duchesse de Longueville et Nicolas Pavillon se concrétisent en la personne d'Armand  de Bourbon‑Condé (1629‑1666) l'un de ses frères. En effet la duchesse avait un frère célèbre, marquis puis prince de Conti, comte de Pézenas, seigneur de La Fère‑en‑Tardenois et seigneur de l'Isle‑Adam, Grand maître de France.

   Baptisé le 23 décembre 1630 en l'église Saint‑Sulpice, Armand de Bourbon‑Conti eut pour parrain le cardinal de Richelieu et pour marraine la duchesse de Montmorency.


Armand de Bourbon‑Condé
(1629‑1666)
prince de Conti

 

   Il obtiendra son titre de prince de Conti en 1629. Très vite il se destina à une carrière ecclésiastique et se forma chez les jésuites au collège de Clermont où il rencontra dans la même école Molière. Le 12 décembre 1641 il dirigea l'abbaye de Saint‑Denis puis, nommé abbé de Cluny, il prit en charge sept autres abbayes et cinq prieurés. Le 6 août 1643 il obtint le diplôme de maître ès arts et en 1646 il devint bachelier en théologie à Bourges.

 

   Dès janvier 1649, il se rallia à la Fronde parlementaire et prit le commandement avec son beau‑frère le duc de Longueville. Il sera battu à Charenton en février par son frère, le prince de Condé, ce dernier étant fidèle au roi. L'histoire rebondit puisque le prince de Condé se rapprocha finalement de la Fronde formant l'association Conti, Condé et Longueville. Ils seront arrêtés au Palais‑Royal le 16 janvier 1650 puis emprisonnés au château de Vincennes.

 

   En 1651, Mazarin s'exila face à la Fronde et Conti fut libéré. Ce dernier se retirera à Pézenas dans le Languedoc et se réconciliera avec le roi et Mazarin en 1653. C'est aussi à cette période jusqu'en 1656 qu'il devint le protecteur de la troupe de Molière.

 

   En juin 1654, le prince de Conti se maria avec la propre nièce de Mazarin puis il prit le commandement de l'armée et envahit la Catalogne pour revenir en 1656 à Pézenas.

 

Le prince de Condé
Louis II de Bourbon,

duc d'Enghien
(1621‑1686)

 

   Le prince de Condé, second frère de la duchesse, fut un défenseur de la monarchie et un opposant farouche à la Fronde des parlementaires issus de la bourgeoisie parisienne. Mais il sera déçu par l'absence de reconnaissance du pouvoir royal. Mazarin finira par l'arrêter, craignant qu'il agisse avec les frondeurs.

 

Portrait par
David Téniers le jeune

   Cette décision vaudra à Mazarin d'être la cible de la Fronde même après la libération du prince, jusqu'en 1659...Le duc d'Enghein était aussi premier prince de sang du royaume puisqu'il est le grand cousin du Roi, duc de Montmorency, Bellegarde, Châteauroux et de Fronsac. Il fut marié avec Claire‑Clémence de Maillé‑Brézé, la nièce du Cardinal de Richelieu. 

   Le titre de duc d'Enghien fut porté par plusieurs descendants de la famille Condé. C'est ainsi qu'il existe un autre duc d'Enghien célèbre, fils du Duc de Bourbon et petit‑fils du prince de Condé. Ce dernier est curieusement lié à une affaire de trésor dont l'un des indices serait son testament codé et rédigé avec son sang avant d'être exécuté en 1804 sur ordre de Bonaparte.

 

   1655 sera pour le prince de Conti une année de transition et suite à une maladie vénérienne, il décida de se convertir sur les vifs conseils de Mgr Nicolas Pavillon qu'il rencontra cette même année. Il devint alors confrère de la Compagnie du Saint‑Sacrement puis se dirigea vers le jansénisme. Dés lors, il s'en remettra entièrement à l'évêque d'Alet et n'agira plus que sur ses conseils comme le montre cette lettre retrouvée dans les archives :

 

  "Je vous supplie très humblement, Monsieur et cher Père, de vouloir bien me dresser un mémoire de mes obligations comme gouverneur de province..."   Lettre à Nicolas Pavillon ‑ Archives nationales

 

   En 1657 il fut nommé Grand maître de France et renonça à sa vie plutôt libertine. Le 16 janvier 1660, Louis XIV lui accorda une pension annuelle de 60 000 livres. Nommé Gouverneur du Languedoc, il fonde des collèges et convertit les protestants.

 

   A partir de 1660, un nouveau mystère apparaît dans sa biographie. Sa vie va de nouveau basculer. En effet il décide de redistribuer sa fortune. On le voit progressivement se ruiner en tentant de racheter sa conduite et toujours guidé par Nicolas Pavillon. Même après sa mort, sa jeune épouse, qui entretemps avait hérité d'une partie de l'immense fortune de son oncle, continua l'œuvre de redistribution...

   Durant l'été 1661, le prince de Conti et sa jeune épouse vinrent à Alet auprès de Pavillon pendant plusieurs semaines et seront hébergés à l'Evêché. La duchesse de Longueville, qui eut depuis toujours une véritable relation fusionnelle avec son frère, les y rejoindra...

 

   Le 5 septembre 1661, Louis XIV ordonne à d'Artagnan d'arrêter le surintendant Nicolas Fouquet pour malversations... Ce sera l'autre affaire d'Etat, véritable résurgence de l'énigme de Rennes au XVIIe siècle...

 

   Le prince de Conti mourut en 1666. Son tombeau sera profané à la Révolution et ses ossements seront transférés dans la crypte de l'oratoire de Port‑Royal des Champs en 1906.

 

La duchesse de Longueville et Nicolas Pavillon ...

   Ces biographies montrent clairement, comme s'il fallait le démontrer, l'imbrication politique et religieuse entre le pouvoir royal, plusieurs familles princières,  Port‑Royal et les jansénistes. Vous aurez deviné qu'un fil rouge est discrètement tiré entre le Haut‑Razès et la vallée de Chevreuse, entre un évêque charismatique, Nicolas Pavillon, janséniste pur et dur qui usa de son influence sur certains cercles familiaux et aristocratiques, et les cercles jansénistes de Port‑Royal. Vous aurez aussi compris qu'en guise de décor, on trouve la fronde, une rébellion aristocratique et populaire contre le pouvoir du roi et soutenue par on ne sait quel financement d'origine mystérieuse...

   Une preuve de l'attachement que la duchesse de Longueville portait à M. d'Alet, Nicolas Pavillon, existe dans une lettre qu'elle écrivit durant la maladie de son cher évêque d'Alet vers 1675 :


Nicolas de Pavillon (1597‑1677)
Evêque d'Alet

   « La maladie de M. d'Alet me tient dans une peine incroyable, non seulement pour le bien de l'Église et le bien en général, mais pour le mien en particulier. J'aurais des consultations à lui faire encore que je ne pourrais confier à la poste. Je les lui allais envoyer, et, s'il meurt, je serai toute ma vie en scrupule sur des choses bien importantes... Si Dieu ne permet pas que j'aie les avis de ce saint prélat, je craindrai que ce ne soit un jugement sur mes péchés, car, comme M. d'Alet savait la suite de toutes mes affaires, joint à ce que ses avis sont toujours plus droits que tous les autres et calment mieux mon esprit, j'attendais beaucoup de repos par cette voie, de sorte que je suis dans une extrême inquiétude. »

 

Bibliothèque de Troyes, ms. 2271
Extrait "Un prélat indépendant au XVIIe siècle"

 

La duchesse de Longueville et Jean Loret

   La duchesse de Longueville, véritable trait d'union entre tous les personnages de notre intrigue au XVIIe siècle, était aussi la protectrice de Jean Loret, un personnage particulièrement important pour les historiens puisqu'il constitue un témoin extrêmement pertinent de son temps et de cette période trouble.

 

   Jean Loret était journaliste avant l'heure. Durant la Fronde, il collectionna les faits politiques, les rumeurs, les intrigues et les histoires de son temps pour écrire des lettres hebdomadaires en vers durant 15 ans entre le 4 mai 1650 et le 28 mars 1665. Ce sont : "Les lettres de Loret".

 

   D'abord destinées à la duchesse de Longueville, elles connurent très vite un vif succès, obligeant Loret à les publier. C'est ainsi que la gazette "La Muse historique" naquit. Sur un ton à la fois naïf, burlesque et caricatural, elle amusait toute la cour et le jeune roi.

    Jean Loret travailla d'abord pour la duchesse de Longueville, puis pour Mazarin, et enfin pour le surintendant Nicolas Fouquet.


Jean Loret (?‑1665)

 

    Les lettres apportent aujourd'hui un témoignage fondamental sur cette période troublée de la Fronde. Jean Loret disparut quelques jours après la parution de sa dernière lettre en 1665

 

   Il est donc facile d'admettre que Mme de Longueville était tout simplement la protectrice de Jean Loret puisqu'il était au début son gazetier personnel.

 

   Au cœur de la Fronde et du mouvement janséniste, Jean Loret était obligatoirement au fait des principales nouvelles et des moindres rumeurs qui circulaient non seulement à Port‑Royal mais aussi dans le Razès. C'était un proche de la famille de Longueville, de Conti et donc de Pavillon, mais aussi de Nicolas Fouquet puisqu'il travailla pour lui..

 

   Comment alors ses lecteurs réagirent lorsqu'il fit paraître dans deux lettres datées la première du 24 septembre 1661, et la seconde du 29 octobre 1661, l'information qu'un trésor exceptionnel avait été trouvé dans le diocèse d'Alet... Fable diront certains...

 

   Rappelons que la mystérieuse lettre parlant du projet de Nicolas Poussin date du 17 avril 1656. Elle fut envoyée de Rome et rédigée par l'abbé Louis Fouquet, ecclésiastique âgé de 23 ans. Son destinataire n'est autre que son frère Nicolas Fouquet, alors surintendant des finances du roi Louis XIV. Or il est troublant de constater que le château de Vaux le Vicomte fut commandé par Nicolas Fouquet en 1656, année de la lettre mystérieuse...

 

   Nicolas Fouquet n'eut pas le temps de profiter de son château.  3 semaines plus tard, le 5 septembre 1661 à Nantes, sur ordre de Louis XIV, d'Artagnan, capitaine des mousquetaires du Roi, arrêta le Surintendant pour le déférer devant les juges d'une cour d'exception spécialement constituée. L'affaire Fouquet qui commença dans le Haut‑Razès éclata finalement au grand jour générant l'une des plus belles résurgences de l'énigme de Rennes.

 

Jean Loret écrivait dans sa 38ème lettre du 24 septembre 1661 ces quelques vers...

 

   Jean Loret était visiblement très prudent et avait bien compris que l'arrestation du surintendant Fouquet cache en réalité une importante affaire d'Etat dont il vaut mieux se taire...

« la soudaine infortune,
maladie et captivité
de Monsieur Fouquet arrêté :
tous m’en demandent des nouvelles,
mais je n’en ay bonnes, ny belles ;
Et mesmes, quand bien j’en aurois,
Je ne sçay si je les dirois :
Car c’est un important chapitre
Qu’on ne doit traiter qu’à bon titre »

 

   Il n'était pas facile durant cette époque troublée de conter des faits subversifs même en vers. Certains mots étaient bannis de crainte de subir les représailles du roi et il valait mieux détourner en dérision le propos comme savait si bien le faire Molière. Voici un exemple où habilement et de façon burlesque Jean Loret cite Port Royal en s'amusant autour d'un bonnet de cardinal...

 

 

   Plus proche de l'énigme, une première lettre du 24 septembre 1661 contient un court extrait annonçant clairement la couleur. Il pleut des écus d'or dans la région toulousaine et ils seraient généreusement distribués à des amis toulousains. Bien sûr Jean Loret, à l'affut des moindres rumeurs, prend des précautions et comme il le dit lui‑même, il préfère s'arrêter là craignant le ridicule de la fausse annonce...
Mais qui donc est ce boiteux qui seul pourrait confirmer ce fait ?

 

   Dans sa lettre du 29 octobre 1661 Jean Loret est plus précis, possédant certainement des informations de la province du Razès. Ce n'est pas à Toulouse mais à Alet qu'il pleut des écus et l'évêque concerné est bien sûr Nicolas Pavillon.

 

    D'autre part notre journaliste du XVIIe siècle confirme qu'un procès a été nécessaire dans cette affaire. Il s'agit bien sûr du conflit entre le baron d'Hautpoul propriétaire des terres et Pavillon, ce dernier se considérant dans son droit de récupérer les précieux écus puisque c'est un don de Dieu... Nicolas Pavillon usa visiblement de cette richesse pour améliorer le quotidien des pauvres et des souffrants...

 

 

   Devant de telles révélations incompréhensibles pour la Cour et le Roi, soupçonné de jouer le jeu de Pavillon et des jansénistes, protégé par la duchesse de Longueville, la réaction ne se fit pas attendre : Colbert le raya aussitôt de la liste des pensionnés et le Roi le chassa de la Cour. 4 ans plus tard, juste après la parution de sa dernière lettre, Jean Loret décédait dans la disgrâce et la misère... Le journaliste du Siècle des lumières avait perdu définitivement son éloquence...

 


Le jansénisme foudroyé en 1653

 

   En 1653 et à la demande de la Sorbonne, les 5 propositions sont déclarées officiellement hérétiques par une bulle papale (Bulle Cum occasione d'Innocent X). La gravure "Le jansénisme foudroyé" d'Albert Flamen est une allégorie représentant le climat du moment. En haut le pape et à gauche le Roi foudroient une chimère à plusieurs têtes symbolisant le jansénisme. Mais le plus intéressant se situe à droite où l'on aperçoit 2 personnages. L'un porte un coffre et l'autre, un diable ailé qui n'est pas s'en rappeler le bestiaire de Téniers le jeune, emporte un plat plein de pièces. A leurs pieds, un tas de richesses, vaisselles, pierreries et monnaies...

 

Y avait‑il déjà en 1653 des rumeurs de richesses détenues par les jansénistes ?

 


Un trésor janséniste ? Rumeur populaire ? Rumeur du pouvoir ?
Rumeur des jésuites ? Réalité ou fiction ?
Gravure d'Albert Flamen ‑ © rennes‑le‑chateau‑archive.com

 

 La Boîte à Perette

 

   « La Boîte à Perrette » fut créée en 1695. Nous l’appellerions aujourd’hui « la caisse noire ». Selon la légende, c’est Pierre Nicole qui aurait confié à sa servante Perrette des fonds destinés à soutenir les jansénistes lors des persécutions. La servante aurait alors caché l'argent dans son pot à lait rappelant bien sûr la fable de Jean de la Fontaine. Il est plus probable qu'à la fin du XVIIe siècle une caisse de secours fut mise en place dans le milieu janséniste. Après la condamnation et la destruction de Port‑Royal les jansénistes furent pourchassés et s'exilèrent en Hollande ou dans le diocèse d'Auxerre. Cette somme d’argent qui se transmettait de personne à personne permit d’assurer des aides, les charges du mouvement et un journal « Nouvelles Ecclésiastiques ». Un système fiscal appelé la Tontine permettait le transfert de fonds par legs testamentaires. Dans son testament, le gestionnaire des fonds léguait une somme à une personne étrangère à sa famille. Les fonds étaient placés de manière sûre en rente sur l'État. Très important au XVIIe siècle, ces fonds furent dispersés à la Révolution puis reconstitués pour être aujourd’hui gérés par la Société de Port‑Royal, une association qui regroupe les descendants des familles jansénistes et des chercheurs attachés à Port‑Royal‑des‑Champs.

 

   La Boîte à Perrette a nourri au cours des XVIIIe et XIXe siècles de nombreux fantasmes car personne ne connaissait exactement son montant ni son affectation. On l’appelait le « trésor de guerre » des jansénistes...

 

 Nicolas Pavillon disparaît et Port‑Royal pleure...

 

   Nul doute que le célèbre évêque d'Alet avait des relations très étroites avec Port‑Royal. Non seulement il représentait parmi les 4 évêques  un leader incontesté du jansénisme, mais l'abbaye de Port‑Royal le considérait comme un apôtre... Il suffit de lire pour s'en convaincre l'extrait d'un journal manuscrit de Port‑Royal après son décès.

 

   L'émoi fut grand surtout à Port‑Royal qui, depuis l'affaire de la signature, regardait Nicolas Pavillon comme son apôtre extérieur, et le suivait comme l'ombre le corps : « Le dimanche 19 décembre nous apprîmes la mort de Mgr l'évêque d'Alet arrivée le 8 du mois à huit heures du matin. Le mercredi 22 on avança vêpres d'une heure. Après les avoir chantées à l'ordinaire, on chanta vigiles en entier pour le dit seigneur évêque. Les ecclésiastiques dirent les leçons du troisième nocturne, Ce fut M. de Sainte‑Marthe, l'aumônier de Mme de Longueville, et M. Borel qui officièrent. Six heures sonnèrent comme on sortait de l'église. Le jeudi 23, après tierces, on chanta laudes, la messe et le Libéra. Ce fut M. de Sainte‑Marthe qui officia, M. de Saci qui avait été malade n'étant pas encore en état de le faire. »

Extrait d'un journal manuscrit de Port‑Royal, p. 334. (Archive d'Amersfoort.)

 

   Nicolas Pavillon était vénéré en tant qu'évêque janséniste affilié à Port‑Royal, mais aussi en tant que simple prêtre d'Alet. Avec une richesse inespérée aux origines sulfureuses, il fit des travaux conséquents à Alet et il savait être généreux.

   Mais cette richesse insolente et sa position de rebelle envers le pouvoir participa certainement à la haine que Louis XIV montrera quelques années plus tard en détruisant Port‑Royal.

      Pavillon représentait certainement pour le Roi le plus haut responsable des rebellions. Entre le procès Pavillon‑Hautpoul, la Fronde, l'affaire de la Régale, l'affaire Fouquet, les jansénistes et Port‑Royal, Louis XIV ne pouvait qu'être excédé.

 

   Il laissera éclater sa colère à partir de 1679 sur les malheureux de Port‑Royal...


Nicolas de Pavillon (1597‑1677)

 

  [...] Mais hélas Port‑Royal n'était pas la maison de Dieu. Le roi allait bientôt le lui prouver, et comme, malgré le désaccord momentané de la régale, il ne devait cesser, pendant tout son règne, de faire les affaires de la papauté, et que celle‑ci, malgré son accord d'un jour, en cette question de la régale, avec le saint patron de Port‑Royal, n'était point portée d'une affection particulière pour les amis de la maison qui avait vu Saint‑Cyran et Pascal, il se trouvera finalement que Nicolas Pavillon ne restera un saint que pour les descendants de ses diocésains d'Alet. Qu'évêque repose toujours, depuis deux siècles, dans ce petit cimetière du village, au pied de la croix de pierre noircie par le temps, sous une dalle de granit à demi recouverte par les hautes herbes (2). Il est devenu après la mort le simple curé de campagne, qu'il aurait voulu être pendant la vie. Mais encore aujourd'hui, après tant et tant d'années, les paysannes d'Alet, à qui les récits de veillée ont transmis cette grande figure, viennent mystérieusement, comme l'eût fait peut‑être Mme de Longueville, prendre un peu de la terre moussue qui entoure la vieille pierre, et la conservent pieusement, comme une relique. Pour elles, qui ne connaissent ni Port‑Royal, ni Louis XIV, et qui savent seulement que la Révolution, plus respectueuse des tombes que le royal pénitent du père Le Tellier, n'a point touché à celle‑ci, Nicolas Pavillon est toujours l'objet d'une vénération particulière : en leur expressif langage, « sa tombe porte bonheur ». Si sensé à la fois et si humble, si rigoureux surtout en fait de miracles, lui protesterait, s'il pouvait être entendu, contre cette canonisation irrégulière; mais qu'il vive encore, après si longtemps, dans la mémoire de ces petits et de ces humbles, « les premiers dans le royaume du ciel », et qu'il leur apparaisse un peu plus et mieux encore qu'un saint du calendrier, n'est‑ce pas la revanche du « prétendu jansénisme? »

 

Extrait " Un prélat indépendant au XVIIe siècle " par Etienne Dejean

 

  

 

    Port‑Royal c'est aussi une rébellion contre la politique totalitaire d'un roi.
Mais derrière cet épisode tourmenté, un évêque particulièrement aimé de ses partisans et de ses fidèles d'Alet, menait une bataille dans l'ombre.

 

Nicolas Pavillon, grâce à des ressources financières bien mystérieuses
a‑t‑il participé au financement de la Fronde et du courant janséniste ?
On pourrait le penser... Quand on sait tout ce qu'il fit pour
sa région d'Alet, le contraire serait étonnant...