Van der Weyden
2/2 Lorsqu'un triptyque
mène à Arsène Lupin
Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand
secret
L'énigme des deux
Rennes est aujourd'hui tournée vers deux tableaux codés et fondateurs : "Les Bergers d'Arcadie II"
de Nicolas Poussin et "Les 7 péchés capitaux"
(improprement appelé Tentations de Saint‑Antoine)
de Téniers le Jeune. Leur
implication est largement démontrée aussi bien du point de
vue historique que par leur composition. Or, il existe bien
d'autres oeuvres intrigantes, souvent délaissées, car
difficiles à analyser, ou tout simplement oubliées par les
chercheurs.
Parmi les tableaux remarquables liés de
près ou de loin à l'énigme, certains sont
particulièrement étonnants et prennent de l'importance au
fur et à mesure que les recherches se précisent. C'est le
cas d'une toile élaborée par Van der Weyden, un
maître flamand du XVe siècle, en fait un triptyque pour lequel des indices ont été
insérés de
façon criante et qui mène à
Maurice Leblanc,
alias Arsène Lupin,
et à l'Aiguille creuse...
Venons‑en aux liens avec
l'affaire des deux Rennes. Parmi les triptyques peints
par Van der Weyden, l'un d'eux présente des particularités
incontestables. Ce triptyque dénommé "le Retable de Sainte‑Colombe"
était destiné à l’église Sainte‑Colombe de Cologne. Actuellement conservé à Munich,
il représente trois épisodes
de la vie de la Vierge et de l’enfance du Christ. Sur le volet
gauche, l’Annonciation : l’archange Gabriel annonce à Marie
la venue du Christ. Sur le panneau central, l’Adoration des Mages : trois mages offrent à Jésus l’or, l’encens et la myrrhe.
Ils symbolisent les
trois
fonctions du Christ : roi du monde, prêtre et
prophète. Sur le volet droit, la présentation au
Temple de Jésus, l'équivalent
juif du baptême. Les scènes chrétiennes sont transposées au
XVe siècle, aussi bien pour le mobilier que pour les
architectures, un style réaliste typiquement flamand.
Triptyque de l'Adoration des Mages, appelé aussi
"Retable de Sainte‑Colombe"
par Van der Weyden, vers 1450‑1455 (Alte
Pinakothek, Munich)
À
gauche "l'Annonciation",
au centre "l'Adoration",
à droite "La présentation au
Temple" Huile sur bois, panneau central :
138×153 cm,
chaque volet : 138×73 cm
Rapportée par
l’évangéliste Luc dans le Nouveau Testament (I,26‑38),
l’Annonciation est le moment où l’ange Gabriel, envoyé de Dieu,
annonce à Marie qu’elle a été choisie par Dieu pour porter son
Fils et où s’opère la conception miraculeuse.
Le nombre grandissant d’œuvres consacrées à Marie, en particulier à
l’Annonciation, reflète la dévotion dont elle était l’objet à la
fin du Moyen Âge. En l’absence de toute précision de lieu dans
la Bible, les peintres flamands situaient leurs représentations
de l’Annonciation dans une église ou dans un intérieur privé.
Van der Weyden représente ici les personnages dans une maison
bourgeoise du XVe siècle. Le lit nuptial fait allusion à l’union
mystique entre le Christ et l’Église, incarnée par sa mère. Le
lis évoque la pureté de Marie.
Le volet gauche (138×153 cm)
présente "l'Adoration"
par Van der Weyden
Le volet droit affiche la scène de la présentation au
Temple. Joseph, un cierge à la main, et Marie présente l'Enfant
Jésus aux officiels religieux. Richement vêtue et présentée de
trois quarts dos, légèrement en retrait, la femme en vert
introduit par son regard le spectateur dans le tableau.
Ce personnage aux cheveux roux et tressés n'est autre que
Marie‑Madeleine basée sur le même
modèle que celle du Triptyque Braque (voir plus haut).
Elle porte dans sa main un panier contenant un couple de
colombes, signe de paix.
Van der Weyden a pris visiblement ici une liberté avec les Évangiles
en affichant Marie‑Madeleine avec l'Enfant Jésus au Temple.
Quant à l’église qui sert de décor à la Présentation au Temple,
elle semble être inspirée du transept roman de la cathédrale de
Tournai.
Le volet droit (138×153 cm)
illustre "la
présentation au Temple"
par Van der Weyden
Le
retable fut longtemps présenté à l'église Sainte‑Colombe de Cologne,
une
ville que l'artiste visita sans aucun doute, et aurait
été commandé
par un citoyen de Munich, Johann Dasse.
C'est essentiellement un travail d'atelier pour lequel le
maître serait intervenu ponctuellement sur un dessin sous‑jacent.
C'est en tout cas ce que prétendent les critiques, mais nous
allons voir que ce tableau est bien plus qu'un simple dessin
achevé par des élèves.
La composition de ce retable eut
une influence
considérable, notamment sur Hans Memling qui aurait
participé à son élaboration. Considéré comme l'un des points culminants de la maturité artistique de
Rogier Van der Weyden, l’œuvre fait
partie, avec le "Triptyque des Rois mages" de Lochner
(vers 1440‑1445), des premiers triptyques de l’histoire de
la peinture européenne dans lesquels ce thème est développé
comme scène principale. Certaines concordances de motifs
semblent en tout cas confirmer l’hypothèse selon laquelle Van der Weyden
aurait vu l’œuvre de
Lochner à Cologne. Le style plein d’aisance et la maîtrise
de l’espace permettent de croire qu’il s’agit d’une des
dernières œuvres du maître.
Le panneau central
Triptyque de l'Adoration des Mages, appelé aussi
"Retable de Sainte‑Colombe"
par Van der Weyden, vers 1450‑1455
Le volet central "l'Adoration"
138×153 cm
Le
panneau central est de très loin le plus intéressant. Riche de
détails, il comporte des anomalies et des curiosités
indéniables.
La scène est celle de la venue et de l'Adoration des trois rois
mages face à l'Enfant Jésus arrivé au monde.
Le groupe principal est constitué de la Vierge à l’Enfant au centre.
Agenouillé près d’elle et baisant la main de l'Enfant
se trouve le
mage Melchior.
Derrière lui se tient Balthasar prêt aussi à s'agenouiller. Le plus jeune des mages,
Gaspard, se trouve à droite. Les trois rois mages sont
vêtus de riches manteaux en étoffes précieuses et chacun
apporte un présent : un calice.
À gauche, et habillé d'une tunique rouge, Joseph
assiste à la scène.
Une première curiosité réside dans le personnage
debout à
l’extrême droite, en pourpoint de brocard rouge et
or, et qui a ôté son couvre‑chef. Car il ne s'agit pas d'un roi
mage, mais
d'un
portrait de Charles le Téméraire,
fils et héritier de Philippe le Bon.
Un autre portrait de
Charles le Téméraire (ci‑contre) également effectué par Van
der Weyden prouve la troublante ressemblance avec le
triptyque. Charles le Téméraire est régulièrement représenté
avec son collier de l'Ordre de la Toison d'or.
Charles de Valois‑Bourgogne, dit Charles le Hardi, plus
connu sous son surnom posthume de Charles le Téméraire,
né le 10 ou
à Dijon, mort le
près de Nancy, est le quatrième et
dernier duc de Bourgogne de la branche des Capétiens‑Valois
(descendant de Saint‑Louis, par Charles de Valois)
Charles le Téméraire (1433‑1477) par Van der Weyden
L'indépendant duché de Bourgogne était
extrêmement puissant entre le IXe et le XVe siècle avec Dijon
comme capitale de ce fief féodal. La Bourgogne était alors un
gouvernement du royaume de France.L’Ordre de la Toison d’Or,
institué en 1430 par Philippe Le Bon, Duc de
Bourgogne, était le plus illustre ordre de chevalerie
de cette époque.Il a pour
modèle Jason, symbolisant la bravoure et la vaillance de sa
quête de la Toison d’or de Chrysomallos et représente un bélier
ailé à la toison et aux cornes d'or.
Derrière
les personnages principaux, une étable, en fait une ruine faite d'arches et
de briques rouges accueille la
scène de la crèche. Son toit en parti détruit évoque une
coupole. À l’intérieur de
l’étable, se trouvent selon la tradition le
bœuf et l’âne. En arrière‑plan, on
découvre un paysage urbain,avec sur la gauche et au fond derrière l’étable, une
ville flamande et sur la droite une cathédrale gothique.
Derrière l’étable une
prairie situe l’étable en
dehors de la ville.
Toujours en respectant la tradition, Venus, l'étoile du berger qui
servit de guide aux rois mages éclaire le ciel.
Or, noyés dans cette image d'Épinal, d'autres détails sont
surprenants. Situées dans la partie inférieure gauche du panneau
central, ces anomalies ont été insérées dans un parfait respect
de la scène chrétienne, signe d'une intelligence artistique
particulière.
"Le retable de Sainte‑Colombe"
de Van der Weyden ‑ Détail du panneau central
Il
y a tout d'abord aux pieds de Joseph et Marie une structure
creuse suggérant une crypte ou une pièce souterraine.
Il y a aussi l'abreuvoir gris recouvert de peau et qui suggère
un tombeau, l'effet est saisissant. La simple étable devient alors un édifice plus complexe avec une
partie à ciel ouvert et une autre sombre et mystérieuse. Au bord
de cette cavité, le chapeau de Melchior jonche le sol et dessine
avec son liseré blanc un M très lisible,
M comme Marie, M
comme Marie‑Madeleine. Le chapeau porte une
couronne...
Symbole de la Reine couronnée...
"Le retable de Sainte‑Colombe"
de Van der Weyden
Une crypte et un chapeau couronné dessinant un M
Parmi les
détails étranges de ce triptyque, il faut signaler la présence
d'une herbe‑araignée derrière le talon de
Joseph.
En vieux
languedocien, la prononciation "À Rennes"
rappelle la phonétique du mot "Araignée", un
jeu bien connu des experts de la langue des Oiseaux.
Ce symbole a également été utilisé dans le tableau "Le Christ au lièvre"
où une plante prend la forme d'une araignée.
Aux pieds de Joseph, une araignée ?
Pour rappel, deux détails rendirent célèbre le
tableau. Pour qui sait la voir,
juste au‑dessus du pied droit du Christ, une
légère végétation prend la forme d'une
araignée. Le symbole est pointé par la tunique bleue.
Or, l'oeuvre
présente un autre point commun : la présence d'un accès
souterrain aux pieds du Christ.
Quatre siècles séparent l'oeuvre de Van der
Weyden de celle de l'église de Rennes‑les‑Bains,
et pourtant des convergences existent.
Détail du tableau "Le Christ au lièvre" (église de
Rennes‑les‑Bains)
Un
personnage mystérieux se tient derrière Joseph. Situé à
l'extérieur de l'étable, il adopte une position qui l'empêche d'observer la
scène. Cette curieuse posture est d'ailleurs accentuée par
l'aspect de son visage montrant un complet détachement à
l'évènement sacré. Dans ses mains, un chapelet suggère que nous
sommes en présence d'un homme d'Église.
Un personnage discret
tient un chapelet
Le chapelet s'apparente
à un fil à plomb et désigne
l'entrée d'une crypte
Or,
ce chapelet prend aussi la forme d'un fil à plomb
qui marque une verticale, un fil rouge qu'il faut suivre du regard. Une verticalité
qui mène directement à l'entrée d'une crypte située plus bas, et
dont les marches sont repérées par l'araignée...
À Rennes...
La verticalité est aussi le signe du
méridien, un méridien qui sert de guide et qui mène aussi
aux deux Rennes. Quant au fil à plomb, il est
également un symbole alchimique reliant le plomb à l'or. Ici
le fil à plomb montre l'or...
L'alchimie peut se
définir comme un ensemble de pratiques en rapport avec la
transmutation des métaux. L'un de ses objectifs est le grand
œuvre, c'est‑à‑dire la réalisation de la pierre philosophale
permettant la transmutation des métaux « vils » comme le plomb,
en métaux nobles comme l'argent ou l'or.
On ne peut alors s'empêcher de relire un extrait du
Serpent Rouge :
A ceci, Ami Lecteur, garde toi d'ajouter
ou de retrancher un iota ... médite, Médite encore, le
vil plomb de mon écrit
contient peut‑être l'or le plus pur.
La curiosité continue avec ce petit mobilier triangulaire
sur lequel est posé le précieux calice de Melchior. Observez bien
l'étrange objet couleur or. Sa forme oblongue se termine par une
pointe acérée, une aiguille... L'objet qui est l'un des trois
présents offerts à Jésus est censé contenir de l'or...
Car il faut savoir que le prénom Melchior est cité dans le récit de la Nativité dans le
Nouveau Testament et l'Évangile selon Matthieu.
Considéré comme le roi des Perses, Melchior
apporte comme présent symbolique de l'or à Jésus,
signe de royauté.
Une aiguille contenant de l'or posée sur un triangle...
L'allusion
est bien trop belle pour n'être qu'une simple image esthétique
et artistique.
Le chapelet
"fil à plomb"
dessinant une verticale,
la petite table triangulaire et l'aiguille d'or posée dessus semblent être une invitation à
un exercice de Géométrie sacrée
basé sur une triangulation, le tout dirigé vers un mystérieux caveau.
Un curieux objet posé sur un tabouret
triangulaire... Un calice rempli d'or et son aiguille
On appelle
traditionnellement Rois mages les visiteurs qui figurent
dans un épisode de l'Évangile
selon Matthieu, lesquels, ayant appris la
naissance de
Jésus, viennent de l'Orient guidé par une
étoile pour rendre hommage « au roi des Juifs » et lui
apporter à
Bethléem des présents d’une grande richesse symbolique :
or,
myrrhe et
encens. l'or
évoque la royauté de Jésus, l'encens sa dimension sacerdotale et sa divinité, et la
myrrhe, un parfum qui servait à embaumer les morts dans l'Antiquité.
Enfin, comme pour attacher la scène de la Nativité
à un évènement prédestiné, Van der Weyden crée une anomalie
chronologique. Le destin et l'Histoire sont tracés d'avance par
Dieu, un concept religieux classique.
La prédestination
est un concept théologique chrétien selon lequel Dieu aurait
choisi de toute éternité, dans le secret de la foi, ceux qui
seront graciés et auront droit à la vie éternelle. L'idée de
prédestination est étroitement associée aux débats
philosophiques concernant le déterminisme et le nécessitarisme.
Un crucifix au‑dessus de l'Enfant
Jésus et dans la scène de la Nativité.
Une curiosité de plus...
Comparons le
triptyque du maître
avec les oeuvres d'un élève,
Hans Memling
Observons maintenant un triptyque similaire et postérieur au retable de
Sainte‑Colombe. Le triptyque "l'Adoration
des mages" peint 20 ans plus tard par
Hans Memling présente des similitudes
évidentes et l'explication est simple : Van der Weyden est le
maître de Memling.
Triptyque "l'Adoration des mages"
par Hans Memling 1470
(musée du Prado à Madrid)
Peintre primitif flamand, Hans Memling est un
né à Seligenstadt en Allemagne vers 1435‑1440
et mort à Bruges en 1494. Il est l'un des plus
grands représentants de la peinture brugeoise du
XVe siècle,
aux côtés de Jan Van Eyck, Petrus Christus et Gérard David.
Avant de s'installer à Bruges, Memling travaille dans l'atelier
bruxellois de Van der Weyden, et il n'ouvrira son propre atelier
qu'après la mort de Van der Weyden en 1464.
Triptyque "l'Adoration des mages"
par Hans Memling 1470
Le panneau central
Observez la scène et comparez avec le retable de
Sainte‑Colombe. La Vierge à l'Enfant tient la même position
centrale et l'étable est très similaire. Les Rois mages
richement habillés sont dans la même adoration, et Joseph
est toujours reconnaissable à sa tunique rouge.
Pourtant, toutes les anomalies ont été estompées : le
chapeau au M se fait
très discret ; le crucifix a été
effacé ; la crypte a pratiquement disparu et l'araignée n'est
plus ; du fait des peaux qui ont disparues l'abreuvoir
n'est plus un tombeau ; le meuble triangulaire n'est plus mis en valeur, et le
calice d'or ne porte plus d'aiguille. Quant au personnage au
chapelet, il se fond littéralement à gauche sans son
chapelet.Hans Memling n'a visiblement
retenu aucune anomalie de Van der Weyden. Était‑il initié comme son maître ? À l'évidence,
non... Et cette analyse montre à quel point les indices
fournis par Van der Weyden sont révélateurs d'un
codage élaboré
et très ciblé.
Chez Hans Memling,
le calice et son
aiguille ont été remplacés par un style plus traditionnel, et le
meuble triangulaire n'est plus
mis en valeur.
Passons à une autre oeuvre plus tardive d'Hans
Memling. Peint en 1479, le thème est
repris sans grande modification, et comme dans la version
précédente, toutes les anomalies ont été soigneusement écartées.
Le triptyque "la Nativité"
par Hans Memling 1479
(musée Memling de l’hôpital Saint‑Jean à Bruges)
"La Nativité"
par Hans Memling 1479 ‑ Panneau central
(musée Memling de l’hôpital Saint‑Jean à Bruges)
Les anomalies de Van der Weyden ont disparu
Même constat sur une autre oeuvre présumée d'Hans
Memling. Décidément, le triptyque de Van der
Weyden est bien unique.
Version inspirée du retable de
Sainte‑Colombe
par Hans Memling (artiste présumé) ‑ Musée du Prado
Le retable Bladelin par Van
der Weyden
Il existe un autre retable de Van der Weyden qui
amène quelques remarques. Peint dix ans plus tôt, le maître
évoque déjà un indice : la présence d'une crypte sous une
chapelle ou une église en ruine qui sert d'étable.
Triptyque de la Nativité, appelé aussi
Retable de Bladelin
par Van der Weyden, vers 1445‑1450 (Staatliche
Museen, Berlin)
Commandée par Pieter Bladelin, Receveur
général des finances de Philippe le Bon, la partie
centrale représente la naissance du Christ dans une
ruine.
Sur le volet gauche, la Sibylle de Tibur (divinité
grecque jouant un rôle de prophète) montre l’apparition
de la Vierge à l’empereur Auguste. Le volet droit
représente l’apparition de l’Enfant Jésus aux Rois
mages.
"Retable de la Nativité Bladelin" par Van der Weyden
1445‑1450
Van der Weyden s’est inspiré, 20 ans plus tard, de la
Nativité de Campin avec un même angle de vue pour
la crèche, une même position de Saint Joseph
protégeant la bougie de sa main. Pour la première fois dans
l’Histoire de l’Art, est représentée la colonne
à laquelle, selon les Apocryphes, Marie se serait adossée
pendant l’accouchement. L'autre détail est cette crypte
clairement indiquée aux pieds des personnages, et qui est
dans cette première version une allusion au démon. C'est
sans doute de cette version que Van der Weyden
puisera quelques éléments qui serviront au codage.
Allons plus loin...
C'est en analysant de près la scène qu'une composition astucieuse
apparaît. Le personnage au chapelet ne regarde pas l'Enfant
Jésus, mais le calice d'or. Le meuble triangulaire est orienté
de façon à accentuer le regard de l'observateur vers les deux
entrées de la crypte. La canne de Joseph est strictement alignée
en haut sur l'Aiguille du calice et se prolonge vers la crypte.
Quant au chapelet, sa verticale montre aussi l'entrée. Par ce
jeu visuel subtil, le maître manipule notre inconscient pour
nous amener vers une entrée souterraine.
"Le
Retable de Sainte‑Colombe"
par Van der Weyden ‑ Un premier décodage
Les regards et le meuble triangulaire montrent la crypte
La canne montre aussi le chemin à partir de l'Aiguille d'or
Le message peut se lire ainsi : l'Aiguille contenant l'or
(le calice) est posée sur une triangulation, le
Triangle d'Or (le meuble
triangulaire) près de Rennes (l'araignée) et il faut emprunter
un escalier pour pénétrer dans la crypte, le tout repéré par un
méridien (le chapelet). La Reine
couronnée y est cachée (le chapeau
couronné de Melchior signé d'un M).
Mais de quelle aiguille s'agit‑il ?
Quand Arsène Lupin nous
murmure le
secret
C'est évident, le triptyque de Sainte‑Colombe cache un secret.
Bien sûr, à ce stade, la possibilité d'une coïncidence entre
la mouvance artistique d'un maître du XVe siècle,
l'agencement de quelques objets peints sur un retable, et
l'énigme de Rennes est toujours possible. Néanmoins, il reste encore un
élément à prendre en considération, et pas des moindres. Compte
tenu de l'implication aujourd'hui prouvée de
Maucice Leblanc
dans l'affaire de Rennes‑le‑Château, l'indice ne
peut être pris à la légère...
D'autant qu'il est question de son roman
culte, celui sur lequel le mythe d'Arsène Lupin s'est
construit... "L'Aiguille creuse" paru
en 1909.
Alors qu'Isidore Beautrelet est retenu par
Arsène Lupin dans l'Aiguille creuse, ce dernier
lui dévoile le secret des rois de France... Mais le temps
presse, car Ganimard s'apprête à entrer...
– Je perds mon temps. Jamais Ganimard ne saisira
l’utilité de mes paroles historiques.
Il prit un morceau de craie rouge, approcha du mur un escabeau,
et il inscrivit en grosses lettres :
Arsène Lupin lègue à la France tous
les trésors de l’Aiguille creuse, à la seule condition
que ces trésors soient installés au Musée du Louvre, dans des
salles qui porteront le nom de « Salles Arsène Lupin ».
extrait "L'Aiguille creuse"
par Maurice Leblanc
Nous sommes presque à la fin de l'aventure
du gentleman cambrioleur, et pourtant un détail va surgir sous la plume de
Maurice Leblanc et nous être livré comme une véritable
confidence. Une référence à la fois très précise et anodine, tellement innocente que tous les critiques et les
fervents lupinistes n'y ont vu que du feu.
Le triptyque des Rois mages de Sainte‑Colombe est bel et bien
cité dans le roman "L'Aiguille creuse"
et aucune confusion n'est possible...
Maurice Leblanc
Il sauta sur la serrure et enleva
la clef.
– Crac, mon vieux, cette porte‑là est solide... J’ai tout mon
temps... Beautrelet, je te dis adieu... Et merci !... car
vraiment tu aurais pu me compliquer l’attaque... mais tu es un
délicat, toi !
Il s’était dirigé vers
un grand triptyque de Van den Weiden, qui représentait les Rois
Mages. Il replia le volet de
droite et découvrit ainsi une petite porte dont il saisit
la poignée.
– Bonne chasse, Ganimard, et bien des choses chez toi !
Un coup de feu retentit. Il bondit en arrière.
– Ah canaille, en plein coeur ! T’as donc pris des leçons ?
Fichu le roi mage ! En plein
coeur ! Fracassé comme une pipe à la foire...
extrait "L'Aiguille creuse"
par Maurice Leblanc
On comprend alors que le retable sacré de Van der
Weyden sert de décors à une scène policière et les
panneaux dissimulent une entrée. Il faut
donc plonger dans le roman avec un second degré de lecture et
interpréter :
Le triptyque est la clé et il cache une porte, un accès
vers l'Aiguille creuse...
Analysez la description et pesez ces mots : en "repliant
le volet de droite" seule la scène gauche reste visible, celle où les anomalies se concentrent.
Et en dégageant l'issue, un escalier apparaît... des marches
signées par une araignée... À Règnes...
...la petite
porte du triptyque, s’ouvrait en face de Ganimard.
Il avait reculé rapidement vers
le triptyque. Tenant d’une
main Beautrelet plaqué contre sa poitrine, de l’autre il dégagea
l’issue et referma la petite porte. Il était sauvé... Tout de
suite un escalier s’offrit à eux, qui
descendait brusquement.
extrait "L'Aiguille creuse"
par Maurice Leblanc
En dégageant l'issue et en refermant la porte, un escalier apparaît...
Les marches que l'on voit aux pieds de Joseph, et qui sont
signées par une araignée... À Règnes...
Ainsi, le calice rempli d'or amené par Melchior et portant une
longue aiguille devient naturellement l'Aiguille
creuse contenant les trésors. Elle est posée sur un
triangle, le Triangle d'Or du Haut‑Razès repéré
par trois sommets : le Cardou, le Bézu et la Pique Grosse. C'est
aussi le Triangle d'Or dessiné par le fond montagneux des
Bergers d'Arcadie.
C'est enfin "le Triangle d'Or" titre d'une aventure d'Arsène
Lupin... Un Triangle d'Or
que l'on appelle aussi le Triangle d'Isis...
Comment et par qui
Maurice Leblanc a‑t‑il été initié à propos du retable
de Sainte‑Colombe ? Comment connaissait‑il son
existence ? Jean Jourde
a‑t‑il informé le romancier de l'importance du triptyque à
partir d'une connaissance occulte et lazariste ? Une
connaissance transmise entre érudits depuis le XVe siècle ?
Voilà des questions fondamentales qui restent encore aujourd'hui sans
réponse...
Étretat avec l'Aiguillle,
l'Arche et ses grottes (Normandie)
le repère d'Arsène Lupin...
« Ici,
dans ce sanctuaire, tout est sacré. Rien que du choix, de
l’essentiel, le meilleur du meilleur, de l’inappréciable.
Regarde ces bijoux, Beautrelet, amulettes chaldéennes, colliers
égyptiens, bracelets celtiques, chaînes arabes... Regarde ces
statuettes, Beautrelet, cette Vénus grecque, cet Apollon de
Corinthe... Regarde »