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Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Christine de Suède 1 - Rennes-le-Château Archive

Christine de Suède                     1/2
Le règne d'une femme libre et passionnée

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

La reine Christine de Suède
(1626‑1689)

 

Inconnue dans l'Histoire de France,
ce personnage exceptionnel du XVIIe siècle facilita pourtant l'échange entre des artistes,
des intellectuels et des religieux de toute l'Europe, en créant de réels forums de discussion et en développant une vraie
culture scientifique et littéraire
qui dépasse les frontières.

 

Elle fut un trait d'union très important entre
les scientifiques et les érudits des pays
nordiques, la France et l'Italie. A ce titre,
elle eut des échanges étroits avec
Descartes, Pascal.

 

Installée à Rome à la fin de sa vie, la ville de Nicolas Poussin, elle rencontre les plus grands artistes de son temps. Elle est aussi l'initiatrice d'une Académie qui deviendra à son décès l'Académie d'Arcadie...



Christine de Suède (1626‑1689)

surnommée la reine Christine
une femme libre,
en avance sur son temps,

passionnée des arts et des sciences

     Nous sommes au XVIIe siècle, le siècle du classicisme, de l'ordre et de la grandeur. C'est aussi une période que l'on sait au cœur de l'énigme de Rennes.

 

   Durant le début du siècle, la France domine l'Europe par les arts, les lettres et les armes. C'est le temps où artistes, intellectuels, théologiens, religieux, savants, échangent et s'affrontent. C'est le siècle où l'on se pose des questions sur tout, c'est le temps de la philosophie et de la théologie, c'est le temps des architectes, du baroque et de la préciosité. Versailles rayonne et devient l'un des plus beaux joyaux du monde. Les découvertes scientifiques vont aussi de bon train, Louis XIV prendra même l'initiative de commander une Académie des Sciences qui deviendra l'Observatoire de Paris, construit par Claude Perrault en 1668, un observatoire qui sublime un méridien, celui de Paris, une référence dans le monde. En plein règne du roi Soleil, une ère resplendissante de la monarchie absolue s'installe. La cour du roi est alors le plus grand centre intellectuel de France et tout est pensé pour cultiver la grandeur et la magnificence divine de Sa Majesté.

 

   C'est aussi le temps des grands maîtres qui décorent les plus beaux bâtiments de Paris, c'est le temps de Nicolas Poussin et Téniers le Jeune qui deviendront deux grandes figures du siècle, et bien plus tard, de l'énigme de Rennes.

 

   Mais toute période prestigieuse possède aussi ses excès. Le XVIIe siècle représente l'intolérance, l'affaiblissement du protestantisme et des Grands du royaume. La monarchie absolue de droit divin fait place à une religion obscure. C'est le siècle de Bossuet, de Pascal, de Descartes, d'Arnault, du cardinal de Bérulle, de saint Vincent de Paul… Les théologiens se réaffirment et des querelles théologiques naissent entre jésuites et jansénistes.
 

    Le XVIIe siècle est le temps de l'intransigeance et du totalitarisme royal. Ce sont les guerres qui n'en finissent pas, qui affaiblissent le pouvoir et qui ruinent les caisses de l'Etat. Ce sont aussi des révoltes comme la Fronde dénonçant l'impôt injuste et la misère, face à une caste plus préoccupée par l'apparence et le luxe. Ce sont la pauvreté populaire, les famines et des fléaux comme la peste qui décimeront des cités. Toulouse fut de celles‑ci. Ce sont des crises d'Etat avec l'affaire Fouquet, véritable résurgence de l'énigme, des condamnations pour hérésie avec le jansénisme et des révoltes d'évêques menées par Nicolas Pavillon. C'est enfin Port‑Royal, ses religieuses et ses Messieurs les solitaires qui paieront très cher l'intransigeance d'un roi...

 

   Derrière cette fresque intense et trouble, l'affaire de Rennes est présente et incontournable. Tout nous ramène immanquablement au Haut‑Razès et à sa mythologie. Si quelques personnages impliqués dans l'affaire ne semblent pas avoir officiellement de lien historique, il suffit de chercher dans leurs entourages et des surprises vous y attendent... Des surprises que certains appelleront comme d'habitude "de belles coïncidences"...

  

   Voici un bel exemple avec Christine de Suède, un personnage qui manquait à étudier pour tirer des liens entre tout ce petit monde du XVIIe siècle castel‑rennais...

 

Sommaire

 

   Sa vie, le règne d'une femme libre et passionnée

   Ses intrigues et ses mystères, Descartes, Pascal, Poussin, l'Arcadie

 

La reine Christine de Suède, une féministe libre de penser

Une très jeune Reine  

   Kristina Vasa (son nom suédois) naquit le 18 décembre 1626 à Stockholm. Son Père est Gustave II Adolphe, et sa mère, Marie‑Éléonore de Brandebourg, est la fille de Jean III Sigismond de Hohenzollern. Son père disparut malheureusement alors qu'elle n'avait que 6 ans lors de la bataille de Lützen en 1632. Elle fut élevée comme un garçon et accéda très vite au trône.

    Gustave II, son père, avait bien préparé cette succession puisqu'ayant perdu deux enfants en bas âge, il avait pris soin de supprimer la dévolution masculine avec l'accord des nobles dès 1627.

   Kristina Vasa devint ainsi sans contestation la très jeune reine Christine, sous la tutelle du chancelier Axel Oxenstierna.


Christine de Suède à 6 ans

 

   Dès lors, la jeune souveraine reçut un enseignement très strict de son précepteur Johannes Matthiae, lui‑même dirigé par un grand maître de la maison royale, Axel Baner. Elle étudia le français, l'italien, le grec, le latin, l'Histoire, la pratique des arts, le dessin, la peinture, la musique ainsi que plusieurs sports comme l'équitation et l'escrime. Elle se passionnera plus tard pour la chasse à l'ours mais une seule formation est absente : les armes. Aimée de son père, elle fut détestée par sa mère, Marie‑Éléonore de Brandebourg. A demi folle, elle fut écartée du conseil de régence.

 

    En 1632, l'Europe se déchire. Nous sommes alors en pleine guerre de Trente Ans (1618‑1648) et Axel Oxenstierna (équivalent au cardinal de Richelieu pour la France) largement occupé avec ce conflit, dût rester en Allemagne jusqu'en 1636, laissant la jeune reine relativement seule. Sa tante Catherine, comtesse des Deux‑Ponts, prit la relève.

 

1644 ‑ Une reine pour la paix

 

   Le contexte politique et sa sagesse vont alors favoriser la construction géopolitique de la Suède. Dès 1644, la reine qui a sa majorité prend le pouvoir et met rapidement à l'écart le chancelier Oxentierna dès le traité de Westphalie signé.

 

   Son absence d'éducation militaire lui permit aussi de choisir très facilement les options de paix. Elle mit donc fin  aux conflits armés avec le Danemark en 1645 grâce au traité de Brömsebro. La Suède obtint alors lors de la négociation, les îles de Ösel et de Gotland, le Jämtland et le Hegedalen en Norvège. La paix de Westphalie signée en 1648 donne aussi à la Suède l'île de Rügen, Wismar, Verden et Brême, ainsi qu'une partie de la Poméranie et l'embouchure de l'Oder. La Suède devint ainsi la première puissance nordique.

 

   C'est en 1650 qu'eut lieu son couronnement. Son entourage sera alors occupé à lui chercher un roi et surtout une dynastie, car avec elle, la lignée des Vasa s'arrête. Charles X Gustave de Suède est le premier prétendant dans la liste, mais la reine Christine qui a été éduquée avec des valeurs de liberté et d'indépendance, déteste les liens du mariage. Même si elle se rapprocha de Magnus‑Gabriel de La Gardie, elle finit par le marier avec la sœur de Charles‑Gustave, sa cousine. Dès lors, son entourage comprend que la souveraine mène son destin et non celui qui était prévu par ses devoirs de reine...

 

1648 ‑ Une reine passionnée par les arts et les sciences

 

    Enfin installée dans la paix, la Suède peut s'épanouir économiquement. La reine qui marque un désintérêt à la politique va alors se consacrer entièrement à ses passions, les arts et les sciences. C'est une femme de caractère et elle impose son rythme.

 

   Ce changement de politique intérieur et sa passion eurent alors des conséquences parmi la communauté des grands intellectuels d'Europe. En effet, artistes, savants, théologiens et philosophes, vont trouver là une occasion précieuse de favoriser l'échange et la réflexion, le tout orchestré par une souveraine assoiffée de connaissance dans tous les domaines. Des grands noms français y participeront...

 

   Attirée par les lettres, les mathématiques, les sciences, la peinture et la sculpture, elle invite en Suède des célébrités comme le philosophe scientifique René Descartes, le père Marin Mersène, l'érudit Samuel Bochard, le poète français de Saint‑Amant, l'humaniste Claude Saumaise, l'architecte Simon de la Vallée, ou le documentaliste Gabriel Naudé qui fonda sa bibliothèque. Elle avouera d'ailleurs dans ses mémoires avoir été fortement impressionnée par Descartes.

 

   D'un esprit curieux et universel, elle correspond aussi avec les plus grands esprits français dont l'astronome Pierre Gassendi, Leibnitz, Spinoza et surtout Blaise Pascal avec qui elle échangera de nombreux courriers.

 

   Tous ces savants, intellectuels et religieux vont alors défiler dans son royaume auprès de sa cour. On découvre aussi des personnages inattendus comme le prince de Condé ou la princesse Palatine. Les journées sont consacrées à la tenue de salons permettant à ce petit monde érudit d'échanger et de créer, à l'image d'un véritable forum d'idées. On débat sur les dernières découvertes, les projets artistiques en cours ou les dernières thèses philosophiques et théologiques. Les sujets ne manquent dans ce milieu du XVIIe siècle...

 

   La reine invita René Descartes à sa cour en octobre 1649, et lui demanda même des leçons régulières de philosophie et de géométrie. Les cours avaient lieu dans la bibliothèque glaciale de son palais, à 5 heures du matin...

   Ces leçons se finiront tragiquement puisque Descartes tombera malade d'une pneumonie et mourra le 11 février 1650 à l'âge de 53 ans. Du moins, c'est la thèse officiellement admise, car, nous le verrons plus loin, un réel mystère entoure sa disparition, un mystère impliquant l'entourage de la reine et peut‑être même un religieux...

 


Christine de Suède et sa cour dans la bibliothèque de son Palais en Suède
(la reine est à la table de gauche en robe sombre)

Tableau exécuté par Dumesnil Louis Michel (1680‑1746)
au début du 18e siècle et exposé à Versailles

 

A droite, la reine Christine de Suède (robe sombre) avec Descartes
qui donne une leçon de géométrie,
A ses côtés, la princesse Palatine et le prince de Condé,
à gauche, le père Marin Mersenne

 

   Dans ce tableau exposé au château musée de Versailles, on y découvre Descartes, debout à droite, faisant une démonstration de géométrie à la reine Christine de Suède (face à lui). A ses côtés se tient le prince de Condé, frère de la duchesse de Longueville impliqué dans la Fronde, la princesse Palatine (Elisabeth de Bavière) et le père Marin Mersenne.   

 

   La scène est très représentative des réunions de salon qui se déroulaient sur invitation de la reine. Sa cour très variée était composée aussi bien de savants que de religieux ou d'intellectuels. L'échange est alors à son comble et porte sur tous les sujets en plein mouvement.
   Il faut rappeler que nous sommes vers l'année 1650, une date très symbolique pour l'énigme de Rennes. C'est une époque riche en évènements, une période où les Bergers d'Arcadie II de Nicolas Poussin prennent certainement naissance...

 

   Notons aussi que 18 ans plus tard Louis XIV créa l'Académie des sciences à l'Observatoire de Paris, l'objectif étant de rassembler les plus grands savants de l'époque. La reine Christine était en avance sur son temps...    

 


De gauche à droite, la reine Christine de Suède, le prince de Condé,
la princesse Palatine, et Descartes

 

1654 ‑ La reine Christine abdique et se convertit

 

   Ce détournement de la vie politique coutera à la reine en crédibilité et favorisera les critiques, d'autant que l'anoblissement en masse qu'elle prodigue vide les caisses de la Suède. Son caractère intransigeant va toutefois permettre d'éviter les conflits politiques internes. Son mode de vie et sa liberté d'expression ne sont pas non plus du goût des protestants luthériens. Opposée au mariage malgré une liaison avec le comte Magnus de la Gardie, la reine Christine s'opposera à la noblesse suédoise, soucieuse des intérêts nationaux.

 

   En 1650 le problème de la succession reste entier pour le pouvoir royal suédois, d'autant que la reine semble vouloir conserver sa liberté à tout prix. Elle se désintéresse peu à peu de la gouvernance et envisage finalement l'abdication dès 1651. C'est alors son cousin Charles‑Gustave qui sera désigné comme successeur et prince héritier.

 

   Cette décision publiée le 11 février 1654 devint effective le 6 juin 1654. Les raisons exactes ne furent jamais clairement expliquées, la thèse officielle étant une lassitude du pouvoir et des difficultés financières qui l'amèneront à être discréditée.

Le 6 juin 1654, après dix ans de règne, Christine de Suède qui a 28 ans, abdique solennellement à Uppsala au profit de son cousin, Charles X Gustave.
La dynastie des Vasa est définitivement éteinte...

 

   Mais ceci n'explique pas sa conversion brutale au catholicisme alors que la Suède protestante est opposée aux traditions de Rome. Les évènements vont en tout cas se précipiter. Pour assurer ses futures ressources financières, la reine Christine négocia d'abord son abdication contre des donations (les villes de Norrköping et de Wolgast, les îles de Gotland, Öland et Ösel, et quelques domaines de Poméranie).

 

   Après son abdication, sous l'influence de son médecin personnel Pierre Bourdelot et des Jésuites, elle quitta la Suède pour de longues pérégrinations à travers l'Europe, gagnant le surnom de « reine ambulante ». Habillée en homme, voyageant avec une suite réduite de douze personnes, elle traversa l'Allemagne et la Hollande protestante pour parvenir en août aux Pays‑Bas espagnols, premier pays catholique de son itinéraire. Elle sera reçue par l'archiduc Léopold, le commanditaire de Téniers le Jeune.

 

   Son séjour de 11 mois à Anvers et à Bruxelles lui vaudra une réputation de femme libertine et scandaleuse. C'est à Bruxelles qu'elle se convertit au catholicisme, la ville où Téniers le Jeune était installé depuis 1653. Passionnée par la peinture, elle rencontra très certainement le maître. Elle lui acheta même des toiles. Une anecdote raconte que le prix ayant été jugé par la reine insuffisant, elle envoya à Téniers, selon un usage fréquent, son portrait en médaille avec une chaîne en or.

 

1655 ‑ La reine Christine arrive à Rome
pour la première fois

 

   La rupture avec sa religion natale ne se déroula pas sans poser quelques problèmes. La conversion d'une reine protestante symbolise la victoire du catholicisme et le nouveau pape Alexandre VII ne put rater l'occasion d'exiger de sa part une abjuration publique.

 

   La cérémonie terminée, elle fut accueillie avec faste à Rome le 20 décembre 1655. Le pape lui déroula le tapis rouge et le collège des cardinaux qui l'attendait à la porte de la ville l'accompagna avec la noblesse romaine jusqu'à la basilique de Saint‑Pierre où elle se prosterna devant l'autel.

 

   Dès lors, elle habitera au palais Farnèse que le duc de Parme mettra à disposition. Elle rencontrera également le cardinal Decio Azzolino avec lequel elle entretiendra une relation sentimentale jusqu'à la fin de sa vie.


Accueil festif de la reine de Suède à Rome en 1656

 

1656‑1657 ‑ La reine Christine, une femme intrigante...

 

   Malgré quelques précautions lors de son abdication, les rentes que lui versait la Suède étaient très espacées et irrégulières. Ce problème financier l'obligea à retourner dans son pays natal pour renégocier, mais il faut traverser la France pour rejoindre Hambourg.


   Elle obtint l'autorisation de Mazarin et quitta Rome le 20 juillet 1656 sur une galère papale. Son arrivée se fit à Marseille et elle finit par atteindre Paris le 8 septembre.

 

   La reine Christine est un  personnage gênant pour le pouvoir royal de France. Son caractère insoumis, ses critiques contre les répressions et son contact étroit avec les intellectuels et les religieux d'Europe en font une personne qu'il faut ménager et installer hors de France rapidement. Un projet entre elle et Mazarin est alors échafaudé pour lui offrir le trône de Naples, mais il faut pour cela rallier le pape à cette idée.  Mazarin avait en tête un plan secret : récupérer ce territoire de Naples à la mort de la reine. Une autre solution aurait été d'installer Philippe d'Anjou, frère de Louis XIV, pour fonder une dynastie Bourbon qui aurait ainsi servi de contrepoids à la puissance de l'Espagne.

 

   Mais ce projet n'aboutit pas. Elle fut écartée du trône de Naples et en compensation, la reine Christine retourna en Italie après avoir emprunté d'importantes sommes d'argent à Mazarin...

 

   Son voyage fut de courte durée puisqu'elle resta bloquée à Pesaro, une peste sévissant dans la capitale romaine. Prétexte ou non, c'est en tout cas à cette occasion que la reine douta de la sincérité de Mazarin et décida de revenir une nouvelle fois en France. Elle sera accueillie, en août 1656 à Lyon par le duc de Guise, avant de se rendre à Paris qui lui consacrera une semaine de cérémonies et de divertissements.

 

   Une autre affaire va alors devenir célèbre dans la vie de cette reine. En effet, des soupçons de trahison naissent dans son entourage. En parfait détective elle va alors surveiller certains courriers et finalement tendre un piège au traitre. Il s'agit de son grand écuyer Monaldeshi qui alerta les Espagnols de son alliance avec les Français.


Au château de Fontainebleau
La reine de Suède fait assassiner son
grand écuyer Monaldeschi

   Pris avec des lettres compromettantes, l'écuyer sera condamné par la reine et assassiné sans pitié au château de Fontainebleau.

 

Le 10 novembre 1657, la reine Christine fait venir le père Le Bel, supérieur du couvent des Mathurins d'Avon, dans la galerie des Cerfs pour qu'il confesse le malheureux marquis. Mais ce dernier clame l'indulgence de sa souveraine. Christine de Suède, intransigeante, confirme son verdict. L'écuyer est alors mis à mort à trois reprises par l'épée et par trois de ses gardes. Il agonisera dans d'atroces souffrances dans la galerie des Cerfs.

   Ce crime lui vaudra le surnom de "Sémiramis suédoise" et embarrassera Louis XIV et Mazarin. Pourtant les rapports entre la France et la reine ne seront pas modifiés...

 

   S'il n'est absolument pas démontré que Christine de Suède soit impliquée de près ou de loin à la disparition de Descartes, elle montre en tout cas ici sa froideur face à une décision de condamnation à mort. Assassinat ou jugement d'une souveraine dans un cas de haute trahison ? La question continue de partager les historiens...


L'écuyer Monaldeschy quelques instants avant son exécution ‑ Fauveau 19e siècle

 

1660 ‑ La Reine Christine décide de revenir en Suède

 

   En quittant la France pour l'Italie, le pouvoir royal de Louis XIV est soulagé.
Le 15 mai 1658, elle est de nouveau à Rome, mais elle a perdu beaucoup de sa popularité.

 

   Le 3 février 1660, un fait imprévu va pourtant lui faire changer ses plans immédiats. En effet, son cousin Charles‑Gustave disparut subitement laissant la couronne de Suède à son fils qui n'a que 5 ans. A nouveau, le problème de succession se pose. La reine Christine est alors obligée de retourner en Suède. Elle quitte Rome le 20 juillet 1660 pour la Suède.

 

   Mais sa conversion au catholicisme va embarrasser le chancelier suédois et sa demande de rétablissement des droits héréditaires fut un échec. Elle fit une nouvelle tentative en 1666 sans succès. En 1668, Jean Casimir, roi de Pologne, décida d'abdiquer. La monarchie polonaise étant élective, Christine de Suède posa sa candidature comme dernier rejeton de la dynastie Vasa. Ce sera encore un  échec.

Christine de Suède est une reine sans pouvoir et sans trône.

 

1668 ‑ La Reine Christine reste à Rome

 

   En octobre 1668 elle décida de s'installer définitivement à Rome au Palais Mazarin, puis au Palais Riario dans le quartier "Trastevere au Riario alla Lungara" qui est aujourd'hui le Palais Corsini et qu'elle transformera en musée. C'est à cet endroit qu'elle put certainement contempler l'œuvre du Guercin "ET IN ARCADIA EGO" , une toile qui inspira peut‑être Nicolas Poussin

 

   En effet, Poussin visita Venise et très certainement Bologne où il ne put manquer d'admirer l'œuvre du Guercin qui sera plus tard transportée au Palais Corsini à Rome.

ET IN ARCADIA EGO
du Guerchin
(peint entre 1618 et 1620)

 

   C'est sans doute la première peinture connue où apparaît la devise :
"ET IN ARCADIA EGO".

 

Elle fut réalisée par Giovanni Francesco Barbieri dit "il Guercino" car il louchait.

 

Peintre italien né à Cento en 1591, il mourut à Bologne en 1666. L'œuvre est aujourd'hui exposée dans la Galleria Corsini à Rome.


ET IN ARCADIA EGO" de Guercino ou
Le Guerchin
(peint entre 1618 et 1620)

   On suppose que la formule "ET IN ARCADIA EGO" fut inspirée par le prélat Giulio Rospigliosi, grand amateur protecteur des arts et qui deviendra le pape Clément IX mais il s'agit d'une hypothèse.

 


Le Palais Corsini où habitait Christine de Suède à Rome en 1668

 

   C'est un lieu extraordinaire pour les expositions et en tant que généreuse protectrice des arts, elle y installa ses plus belles collections. Peintures, tapisseries, sculptures, dessins, médailles, viendront enchanter le public. Elle côtoie des artistes italiens comme Le Bernin et de nombreux musiciens renommés. Elle ouvrira même un théâtre public romain, le Tor di Nova. Sa collection d'art et sa cour d'artistes lui vaudront une grande renommée à travers l'Europe. Cette collection inestimable sera d'ailleurs après son décès récupérée par le Vatican.

 

   Attirée aussi par les sciences alchimiques, elle aménagea plusieurs laboratoires pour elle‑même et ses invités spécialisés dans ce domaine. Elle se rapprocha des travaux de Borelli et de Campiani, des travaux qui touchent à l'astrologie et à l'alchimie.

 

   En 1674, elle créa en s'inspirant du poète napolitain Holstenius, l'Académie Clémentine (Académie du Riario) basée sur le modèle de l'Académie française et qui deviendra juste après sa mort l'Accademia dell' Arcadia (L'Académie d'Arcadie), une société savante composée de poètes et d'érudits.

 

   Mais l'absorption de la reine Christine pour les arts ne l'empêchait pas de rester consciente des conflits de son époque. Elle s'inquiéta notamment à partir de 1679 de la politique menée en France contre le protestantisme et le jansénisme. Elle sera aussi très critique envers le pouvoir royal français et les persécutions destinées à abjurer les familles protestantes.


Christine de Suède

   Elle écrit notamment à Louis XIV pour dénoncer les régiments de dragons qui commettent des excès envers le protestantisme, une religion qui s'apprête à révoquer l'Edit de Nantes. Connus sous le nom de "dragonnade" ces régiments n'hésitaient pas à violer et à tuer pour exiger la conversion au catholicisme...

   «Puisque vous désirez savoir mes sentiments sur la prétendue extirpation de l'hérésie en France, je suis ravi de vous les dire, et comme je ne fais profession de ne craindre et de ne flatter personne, je vous avouerai que je ne suis pas fort du succès de ce grand dessein, et que je ne saurais m'en réjouir comme d'une chose fort avantageuse à notre sainte religion; au contraire, je prévois bien le préjudice qu'un procédé si nouveau fera naître partout... Je considère aujourd'hui la France comme une malade à qui l'on coupe bras et jambes pour la guérir d'un mal qu'un peu de patience et de douceur auraient entièrement guéri. Mais je crains fort que ce mal ne s'aigrisse, qu'il ne devienne enfin incurable... Rien n'est plus louable que le désir de convertir les hérétiques et les infidèles, mais la manière dont on s'y prend est fort nouvelle, et puisque Notre Seigneur ne s'est pas servi de cette méthode pour convertir le monde, elle ne doit pas être la meilleure...»      La reine Christine

 

   A la fin de sa vie, la reine sombre dans le mysticisme et protège Miguel de Molinos jusqu'à son arrestation et sa condamnation en 1685, ce qui lui vaudra d'être accusée de quiétisme par l'ambassadeur de France.

 

   Elle décéda le 19 avril 1689 à Rome en léguant tous ses biens au cardinal Azzolino auquel elle vouait un amour platonique.. Finalement, elle aura été reine de Suède de 1632 à 1654.  Le pape, en reconnaissance de sa conversion, lui accorda contre sa volonté des funérailles grandioses et une sépulture au Vatican, dans la crypte de la basilique Saint‑Pierre de Rome. 

 

   La reine laissa de nombreuses lettres et quelques écrits dont ses mémoires "Ma vie dédiée à Dieu" qu'elle n'acheva pas. La plupart ont été recueillis dans les Mémoires de Johann Archenholz, Amsterdam 1751‑1759

 

   Il est important de noter qu'il s'agit de la seule femme qui fut autorisée à être déposée dans la crypte des papes à la basilique Saint Pierre de Rome, ce qui représente en soi en fait extraordinaire.

  La reine Christine de Suède représenterait donc pour les autorités du Vatican un personnage si particulier qu'elle eut le droit de reposer pour l'éternité, et contre son gré, auprès des papes ? Voici un fait historique qui doit nous faire réfléchir...

 

Le monument funéraire de la reine Christine de Suède
à Saint‑Pierre de Rome

par Carlo Giuseppe Fontana
et Jean‑Baptiste Théodon


Le tombeau de la reine Chistine de Suède au Vatican, dans la crypte papale
de la basilique Saint‑Pierre de Rome

 

 

  

 

Femme de caractère, intelligente et passionnée, sa vie cache en réalité
certains mystères que l'on ne peut connaître qu'en étudiant en détail
ses relations et ses influences. Protégée par les papes, appréciée par
les érudits, attachée à un lien culturel entre les pays du nord
et du sud de l'Europe, finalement installée à Rome,
elle représente un chainon manquant entre plusieurs
personnalités marquantes de l'affaire de Rennes comme
Blaise Pascal et Nicolas Poussin...

 

La présence de son tombeau dans la crypte papale du Vatican, la seule femme, et contre sa volonté, prouve qu'elle eut un rôle très important
au regard de l'Église de Rome... Mais lequel ?