L'église
Marie‑Madeleine fut certainement l'œuvre centrale et la plus
grande fierté de Bérenger Saunière.
Elle concentre à elle seule un ensemble de symboles et
de métaphores que Saunière,
Boudet et sans aucun doute d'autres prêtres nous léguèrent à la postérité.
Pour tous les curieux et les passionnés, elle témoigne de
plusieurs passés tumultueux comme celui des Wisigoths et des
Carolingiens, celui du XVIIe siècle avec Nicolas Pavillon et la baronnie des
Hautpoul, ou celui du 19e siècle
avec Bérenger Saunière,
sa vie insolite et ses grands travaux inexpliqués.
Comment un
prêtre sans le sou a‑t‑il pu mener à bien un tel projet ?
Comment a‑t‑il pu entreprendre de telles rénovations si couteuses ? Car le résultat
ne peux laisser indifférent. Non seulement la paroisse démontre l'exécution d'un projet énorme et financièrement lourd, mais elle est aussi la
preuve que l'objectif était d'étonner les fidèles en utilisant une décoration riche et voyante. Enfin, la paroisse cache des détails
difficilement observables à l'œil nu, ce qui renforce l'idée d'un codage particulièrement étudié. Le plus bel exemple est celui donné
par la
fresque de la Montagne Fleurie.
Surtout elle représente un réel défi pour tous les chercheurs qui depuis
50 ans tentent vainement de décoder son message... |
Une Marie‑Madeleine bien étrange |
Sous l'autel,
entre les deux enfants Jésus qui se font face, très
légèrement éclairée, une curieuse
décoration accroche le regard. On ne peut l'éviter. Il s'agit de
Marie‑Madeleine agenouillée, patronne du lieu. Il s'agit d'un bas relief serti sur une fresque et qui n'a
malheureusement aucune signature. Personne
ne connaît avec certitude le ou les artistes qui
élaborèrent la scène peinte. Comme tout le reste dans
cette église, cette décoration possède aussi ses codes, ses
allégories et ses secrets...
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Les deux Jésus et le bas-relief
Marie‑Madeleine sous l'autel |
L'œuvre est
en fait une composition artistique mélangeant un statuaire
et une peinture de fond. Le tout donne une impression
de profondeur qui accentue le rendu des formes et des
couleurs. A priori tout est normal et l'image semble
parfaitement en accord avec les attributs
classiques religieux. Pourtant quelques détails
intriguent, et c'est bien l'objectif. Il faut, comme d'habitude
dans cette affaire, attirer l'attention des curieux avertis
et cela fonctionne bien car l'important est autour.
Il fallut
tout de même de nombreuses années avant de découvrir les
signes évidents d'une peinture codifiée, preuve que ces prêtres avaient plus d'un
tour dans leur sac...
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Le bas relief Marie‑Madeleine sous l'autel
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On sait aujourd'hui que
la sculpture utilisée fut spécialement réalisée par les
Ets Monna de Toulouse, à partir d’un profil de statue Marie Madeleine obtenu par une coupe verticale et
qui fut rapporté sur le panneau sous l’autel. La statue a donc été coupée dans
sa hauteur puis posée sur le futur décor. La photo ci‑dessous montre
comment fut constitué cet assemblage.
Les artistes ont œuvré avec beaucoup d'intelligence et de
savoir faire pour obtenir un effet original et émouvant.
Mais comme pour la fresque l'important est ailleurs...
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Le bas relief Marie‑Madeleine vu de profil
‑ Photo Jean Brunelin |
Le bas‑relief montre
Marie‑Madeleine priant dans une grotte. Elle est agenouillée, les doigts
exagérément croisés devant une croix rustique composée de deux rameaux
de bois vert mal ébranchés liés par un nœud. La grotte
est sombre et sert de cadre à cette scène étrange. Un paysage
énigmatique se dessine à l'horizon.
Si l'on s'en tient à la représentation
de Marie‑Madeleine,
celle‑ci reste classique. Selon la légende et la tradition, la grotte
serait celle où la Sainte vint finir ses jours... la
Sainte‑Baume
mais ceci n'est qu'une hypothèse sans fondement, le paysage extérieur nous indiquant tout autre chose... |
Un détail intéressant est la position des
mains et des doigts entrelacés qui ne reflètent pas une
position naturelle. Certains auteurs veulent y voir l'évocation
d'une grille, d'un quadrillage, d'un échiquier ou d'un signe
ésotérique...
Or cette position des doigts n'est pas unique. On la retrouve dans beaucoup d'autres représentations de Marie‑Madeleine.
Marie‑Madeleine est représentée ici avec ses
attributs classiques : une
croix de bois vert mal ébranché, un crâne,
un livre ouvert et ses long cheveux roux... Il manque toutefois
son vase, baume
guérisseur.
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Détail du bas relief
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La statue a été réalisée par les Ets Monna,
cette maison réalisait de nombreuses commandes sur mesure et à des prix très
avantageux. Mais la pose agenouillée et
ces
traits artistiques ne sont pas uniques et ont été souvent repris pour d'autres
statuaires.
Un exemple
peut être cité avec la statue ci‑contre de
la Maison Giscard et qui était placée en ornementation sur un
maître‑autel à Belpech (Aude).
Si nous savons aujourd'hui que la statue posée sur la fresque provient de
la Maison Monna, il en va pas de même avec la peinture. Le bas‑relief, une fois installé et le décor auraient ensuite été
peints
selon des directives très précises, surtout pour le paysage et
le fond de la grotte.
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Une autre Marie‑Madeleine étrangement
ressemblante
est située à Belpech (Aude)
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Il faudra attendre une étude très détaillée sur photos haute résolution
pour s'apercevoir que le fond de la grotte contient en réalité de nombreuses curiosités. |
Une peinture source d'inspiration ?
C'est en août 2009 qu'un
chercheur autrichien, Christof Summer,
découvrit dans une église de sa région, à Nofels
(Vorarlberg, Autriche) une peinture de Marie‑Madeleine
particulièrement évocatrice pour les chercheurs de Rennes.
La toile occupe la partie centrale d'un grand panneau
derrière l'autel. L'œuvre est signée par un artiste local,
Florus Scheel
(1864‑1936) et elle aurait été produite en 1898.
On retrouve encore une
fois Marie Madeleine agenouillée, les doigts exagérément
croisés et ses attributs classiques.
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Le bas relief Marie‑Madeleine sous l'autel |
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A gauche, la
peinture de
Florus Scheel (1864‑1936) crée en 1898
(Image aimablement fournie par
Corjan de Raaf) |
Saunière ou Boudet ont‑ils utilisé
comme source d'inspiration cette représentation autrichienne ? Peu probable. L'une des raisons est que
l'église de Rennes fut achevée en
1897 et que
Mgr Billard vint la visiter le
6 juin de cette même année (la peinture de Florus Scheel a été
crée en 1898). D'autre part le bas relief est une
composition complexe où se mélange une production des
Ets
Monna (la statue de Marie‑Madeleine) et une peinture qui
fut achevée sur place. Il faut donc admettre qu'il existe
un autre modèle plus ancien et qui servit de base à tous ces artistes de la fin du 19e
siècle.
Il semble que
cette peinture autrichienne semble être née d'une gravure
identique de Julius Allgeyer d'après une peinture plus ancienne de
1850 et produite par
Johann Gebhard Flatz, Karlsruhe.
La ressemblance
reste en tout cas frappante. On retrouve les doigts croisés, la
même position agenouillée en prière, la même croix de bois vert, les mêmes
drapés, les mêmes couleurs de tissu. On observe même une
montagne pyramidale (assimilée au Cardou sur le bas
relief). Mais la grande différence avec la peinture autrichienne
réside dans le fait que les secrets du bas relief se trouve dans
les fonds de la grotte et dans son horizon extérieur... |
L'inscription disparue
Il y a quelques années, un texte dans une
calligraphie étrange était inscrit sur une plaquette de bois
posée au‑dessous du bas‑relief. Cette plaquette installée
par Bérenger Saunière fut malheureusement dérobée
en 1970. Par bonheur, il reste quelques
photos prouvant son existence. Une copie est de nouveau visible
aujourd'hui.
Dans un de ses
ouvrages, Gérard de Sède publie une photo et en
donne la traduction.
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Le bas relief vers 1960, au temps où
l'inscription
sous le bas-relief Marie‑Madeleine existait encore |
Noël Corbu montrant le
bas‑relief Marie‑Madeleine sous l'autel de l'église de Saunière.
La plaquette de bois
originale visible au‑dessous et portant une inscription en latin n'existe
malheureusement plus aujourd'hui. Une copie la remplace. |
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Cette inscription est également
reprise dans les notes d'Alain Feral. Et c'est grâce
à ces relevés que l'on peut prendre conscience de
l'importance du message qui comporte des anomalies
visiblement volontaires et des curiosités calligraphiques. Le bas‑relief et l'inscription qui
s'y rapportent sont importants pour plusieurs raisons :
Cette plaquette a été posée par Saunière en plus de
la peinture codée. Fallait‑il ajouter un message au message ?
Cet ajout est donc de toute évidence important.
L'inscription présente des
anomalies latines ainsi que des signes curieux : croix,
points, majuscules à osselets...
L'inscription
est retrouvée au bas du
Grand parchemin
(rappelons que les parchemins ont sans doute été créés entre
1890 et 1915)
Si l'on retranscrit l'inscription en
respectant la ponctuation, les accents, les lettres jumelées
et les majuscules,
on obtient le texte suivant :
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JÉSU.MEDÈLA.VULNÉRUM +
SPES.UNA.PŒNITENTIUM.
PER.MAGDALANÆ.LACRYMAS
+
PECCATA.NOSTRA.DILUAS. |
Et qui peut se
traduire par :
Jésus remède aux blessures, seul espoir du
pécheur.
Par les larmes de Madeleine, qui dissout nos
péchés.
Il est important de noter que cette sentence
provient de l'Hymne Ad Laudes dédié à
Marie‑Madeleine et placé dans
l'office de Marie-Madeleine dans les bréviaires de
l'Eglise catholique. Le chant comporte cinq couplets
de quatre vers (quatrain). Il fut écrit par le moine
Odon de Cluny au Xe siècle
avant l'an 942 et a pour titre Summi parentis
unice. Quatre vers sont repris en épilogue du Grand parchemin.
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Extrait de l'Hymne Ad
Laudes par Odon de Cluny (Xe siècle) |
Une autre
question se pose. L'inscription placée par Bérenger
Saunière sous la forme d'une plaquette de bois est en
tout point identique aux deux dernières lignes du
Grand parchemin. On retrouve même les deux trèfles
marquant les césures de l'hymne. Saunière a-t-il
recopié les lignes du parchemin ce qui sous entend
qu'il connaissait l'existence du document ? Ou le
Grand parchemin a-t-il été composé en reprenant la
plaquette ? En réalité, il faut comprendre qu'il
s'agit des mêmes indices mis en valeur sous
différentes formes et codifiés par les prêtres du
Razès.
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Extrait du Grand parchemin.
Les deux dernières lignes sont identiques à la
plaquette |
Comme indiqué plus
haut on retrouve cette
inscription au bas du
Grand parchemin
(voir ci-dessus et ci‑contre au niveau des deux dernières lignes)
Manifestement,
Saunière,
Boudet ou
Jourde ont voulu nous laisser à la
postérité un élément semble‑t‑il important. C'est en tout
cas un astucieux moyen de prouver la relation entre le
Grand parchemin et le bas relief.
C'était sans compter sur les actes de
vandalisme qui devaient apparaître dans le siècle suivant.
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Le grand parchemin
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Le paysage de
fond
Le bas‑relief est
troublant à plus d'un titre et le paysage peint à gauche
soulève bien des questions. A l'horizon, plusieurs objets
ressemblants à des constructions sont
perceptibles. A droite, une montagne pyramidale rappelle
le Cardou. Or si on compare cette scène avec une vue de
Coustaussa depuis la route conduisant à
Rennes‑Le‑Château, la ressemblance est saisissante.
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Les constructions étranges à gauche et la
montagne pyramidale à droite |

Le château de Coustaussa et le Cardou, vus
depuis la route
menant à Rennes‑le‑Château |

Les constructions à gauche pourrait‑être le château de Coustaussa
La montagne pyramidale serait alors le Cardou... |
Pour
comprendre la composition, il faut imaginer que la
peinture gauche représente le château de Coustaussa mais observé depuis depuis
Rennes‑le‑Château.
Si l'on contemple le château de Coustaussa depuis Coustaussa
(Rennes‑le‑château est au fond) alors, la ressemblance est très
lointaine. |

Le château de Coustaussa vu de Coustaussa
(Rennes‑le‑Château au fond) |
Mais en
inversant l'image, la ressemblance devient évidente. On
reconnait les trois éléments principaux avec le pilier gauche,
la façade et ses ouvertures et un reste de construction à droite
sur l'image inversée. |

Le château de Coustaussa vu de Coustaussa
(IMAGE INVERSEE) |
Si cette
interprétation est admise, une question évidente vient à
l'esprit. Pourquoi nous montrer avec une telle insistance
le château de Coustaussa inversé et le Cardou ?
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Un autre hypothèse
doit être considérée. Les deux constructions vu de près sont
étranges. Dans une première analyse on pourrait les interpréter
comme des initiales:
J ‑ M et A entrelacés
ce qui pourrait nous donner
Jésus ‑ Avé Maria.
L'entrelacement du M et du
A
est caractéristique.
Mais ces lettres pourraient aussi être tout simplement la
signature du peintre, bien que si la volonté était de coder le
bas relief, il semble peut probable que l'artiste se soit risqué
à ajouter un signe personnel risquant de brouiller le
message codé. |
C'est en
2007 qu'une étude initialisée par
Jean Brunelin
devait se révéler riche en surprises. L'idée était de
photographier la peinture avec une très haute résolution. Ce
procédé sera poursuivi sur la
fresque de la Montagne Fleurie, ce qui nous donnera dans
la même année une moisson de découvertes toutes plus belles
les unes que les autres. Le bas‑relief est codé et plus
précisément le fond de la scène. C'est maintenant une
certitude. La preuve nous est fournie par cette analyse qui montre effectivement des détails
étonnants.
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De loin, rien ne paraît et le
fond de
la grotte semble tout à fait normal. Mais en agrandissant
certains détails il est difficile de ne pas admettre que cette peinture
cache un vrai rébus. En fait tout le fond est composé dans un
style abstrait de toute beauté où l'agencement des couleurs
et des coups de pinceaux font apparaître des formes étonnantes
qui font travailler notre imaginaire. |

Deux livres dans la roche
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Une station du chemin de croix
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Une station
du chemin de croix ?
© rennes‑le‑chateau‑archive.com
Photo Jean Brunelin
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La station 14
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Voici par exemple à côté de
Marie‑Madeleine une forme qui pourrait rappeler une station du
chemin de croix comme par exemple la station 14. Sa forme et
ses bords sont délicatement suggérés.
Si certains auteurs ont cru pendant
longtemps que la qualité artistique de cette peinture ne
pouvait désigner qu'un artiste de second rang, la subtilité du trait montre au
contraire une parfaite maîtrise du pinceau et un art certain
pour le camouflage. L'idée d'un Saunière artiste est donc
totalement exclue.
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Un livre fondu dans la roche de la
grotte
On peut même en distinguer un second à côté
© rennes‑le‑chateau‑archive.com ‑ Photo Jean
Brunelin
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On peut aussi deviner un livre fondu
dans la voûte de la grotte. S'agit‑il d'un rappel à "La vraie langue
celtique" de
Boudet...
Ce travail d'artiste n'est pas
l'œuvre d'un peintre occasionnel mais plutôt d'un artiste confirmé que Saunière recruta très certainement à
la Maison
Giscard. Cet artiste a aussi peint
la fresque gauche et droite autour de la Montagne Fleurie
et possédait un cahier des charges extrêmement précis. D'ailleurs on retrouve sur ces peintures les même traits et la même
température de couleurs...
C'est en
2007 suite à la fin des travaux et
de l'étude de ces peintures que nous avions enfin la certitude que l'église possède un message parfaitement homogène et cohérent.
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