Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Jules Verne, initié - Rennes-le-Château Archive

Jules Verne                          3/3
Un grand initié aux deux Rennes

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

Jules Verne
(1828‑1905)

 

Jules Gabriel Verne


Il naquit le 8 février 1828 à Nantes
et disparut le 24 mars 1905 à Amiens

 

Ecrivain français reconnu dans le monde entier, il consacra son œuvre aux romans d'aventures et d'anticipations.

 

Il est aussi mystérieusement impliqué dans
le Secret des deux Rennes
comme le prouve l'un de ses voyages
«
Clovis Dardentor »


Jules Verne
initié aux secrets de

Rennes‑le‑Château


   Après des études en lettres et en droit à Paris, il se consacre au théâtre grâce aux Dumas père et fils. Secrétaire du théâtre lyrique jusqu'en 1854, il élabore des pièces écrites en collaboration avec Michel Carré. C'est en 1863 que Jules Verne fait paraître son premier roman "Cinq semaines en ballon". Le succès est incontestablement immense et dépasse très largement les frontières. L'auteur a su toucher les lecteurs avec une histoire extraordinaire qui excite l'imagination, le tout à une époque où l'on découvre des contrées lointaines et où la photographie commence à naître. L'éditeur est Pierre‑Jules Hetzel (1814‑1886) et c'est le début d'une longue collaboration puisqu'il offrira à Verne un contrat sur 20 ans et ses lettres de noblesse. Surtout, il apportera à son œuvre une superbe reliure rouge et or, unique et reconnaissable, des ouvrages devenus aujourd'hui légendaires et très prisés.

 

   Jules Verne est un auteur infatigable. Dévoré par l'écriture, passionné par les voyages, les découvertes, et les nouvelles technologies, il multiplie ses nouvelles toutes plus incroyables les unes que les autres. Il se consacrera durant 40 ans à l'une de ses œuvres majeures : les "Voyages extraordinaires", un ensemble colossal composé de 62 romans et 18 nouvelles. "Le Tour du monde en 80 jours" est publié en feuilletons en 1872 et devient son plus grand succès. Il faut aussi ajouter des œuvres théâtrales, des romans historiques, des études et des ouvrages posthumes. Autre atout important qui éveille aussi les jeunes lecteurs : ses pages sont agrémentées de nombreux dessins et gravures qui illustrent les épisodes et amènent naturellement au rêve et à l’imaginaire.

 

   On ne compte plus les titres célèbres qui ont enchanté notre enfance ; Les Enfants du capitaine Grant (1868), Le Tour du monde en quatre‑vingts jours (1873), Michel Strogoff (1876), L'Étoile du sud (1884), De la Terre à la Lune (1865),Vingt mille lieues sous les mers (1870), Robur le conquérant (1886), etc...

 

   Jules Verne est aujourd’hui l'auteur le plus traduit dans le monde juste après Agatha Christie…


Sommaire

 

   Jules Verne, sa vie et son œuvre

   Quelques notions pour lire Verne

   Jules Verne, initié aux deux Rennes ‑ Clovis Dardentor


"Clovis Dardentor"   (1896)
Une œuvre phare, basée sur l'énigme de Rennes

   Quelle étrange nouvelle que celle‑ci. Alors que Jules Verne ne cesse d’orienter ses aventures vers l’anticipation, les technologies les plus avancées, les mystères, la science‑fiction et les voyages, alors que ses romans se veulent avant tout passionnants et remplis de suspens, voilà qu’un livre sort tout à coup du lot.


Le roman intégral est disponible ici :

Clovis Dardentor Jules Verne (1896)

Edition numérique RLC Archive sous licence libre


   Tous ses Voyages Extraordinaires font appel à des scénarios palpitants mêlant à la fois des personnages hauts en couleur et des situations hors normes imprégnées d’un fort dépaysement. Mais quelle mouche l’a piqué en décidant d'écrire un roman plutôt banal, Clovis Dardentor ?

 

   L’histoire est plutôt classique, sans saveur, presque ennuyeuse. Pas de machines futuristes ni d’invention surprenante, peu de suspens et aucune surprise. Le génial visionnaire semble lassé, épuisé, et à court d’idées. Classé dans le genre « roman humoristique », inconnu du grand public, l'ouvrage est présenté comme un vaudeville par les spécialistes de Verne. Il faut dire, que l’auteur lui‑même, dans sa conclusion, ne se cache pas de comparer son livre à une pièce de théâtre.

   Que s’est‑il passé ? Pourquoi subitement l’illustre écrivain se mit‑il à concevoir un récit ennuyeux et sans le moindre filon à l'origine de son succès ?

 

   Clovis Dardentor paraît en 1896 et le roman est d'abord édité sous la forme de feuilletons entre le 1er juillet et le 15 décembre dans le Magasin d'Éducation et de Récréation, puis il paraît sous la forme de volume dès le 23 novembre chez Hetzel.

 

   L’auteur a déjà connu ses plus grands succès et malgré son âge avancé et des problèmes de santé, sa passion pour l’écriture ne faiblit, bien au contraire. Il vient de publier « les Mirifiques aventures de Maître Antifer » et « L’île à hélice », et rien ne laisse présager la sortie d’une histoire très classique portant sur l’adoption.


Un synopsis plutôt classique...

 

   Marcel Lornans et son cousin Jean Taconnat s'embarquent pour l'Algérie avec l'intention de s'engager dans les chasseurs d'Afrique. Sur le même paquebot, les époux Désirandelle, petits bourgeois bornés, et leur fils Agathocle rejoignent sa future fiancée, Louise Elissane à Oran. Ils sont accompagnés par Clovis Dardentor, un ancien industriel de Perpignan au caractère exubérant, et possesseur d'une fortune confortable. Des liens amicaux se tissent entre ce dernier et les deux jeunes gens. A l'arrivée, Dardentor présente Marcel et Jean à la famille Elissane. Louise est vite conquise par le charme de Marcel, au détriment de son fiancé. Il est vrai qu’Agathocle est nul en tout et même en galanterie.

 

   Jean, quant à lui, poursuit une idée: sauver la vie de Dardentor afin de se faire adopter par lui. Il s'évertue à créer une occasion propice, mais, ironie du sort, c'est Dardentor qui joue les héros, en sauvant Marcel, puis Jean. Ce dernier n'arrivera jamais à ses fins, car Louise tuera un lion qui menaçait Dardentor, et c'est elle qui deviendra la fille adoptive du Perpignanais. Elle épousera Marcel. Quant à Jean, il le prendra sous sa tutelle comme « neveu adoptif ». Seuls les Désirandelle rentreront chez eux, furieux et déconfits.


Les personnages

 

Clovis Dardentor, ancien tonnelier de Perpignan, 45 ans

Marcel Lornans, 22 ans

Jean Taconnat, son cousin, 22 ans

Louise Elissane, 20 ans

Mme Elissane, sa mère, veuve

M. Désirandelle, 55 ans

Mme Désirandelle, son épouse, 50 ans

Agathocle Désirandelle, leur fils, 21 ans, fiancé à Louise Elissane

Eustache Oriental, président de la Société Gastronomique de Montélimar, pris tout le long du roman pour un astronome

Patrice, 40 ans, domestique très stylé de Clovis Dardentor

le capitaine Bugarach, commandant du navire l'Argèlès

Le docteur Bruno, médecin de l'Argèlès

Moktani, le guide

M. Derivas, agent de la Compagnie des Chemins de fer algériens

Le commandant Beauregard, ancien officier des chasseurs d'Afrique, ami des familles Lornans et Taconnat


Une trame inspirée d'un vaudeville célèbre...
Mr Perrichon

 

   Aucun doute en lisant rapidement le roman. Vous classerez immanquablement le style et le scénario dans un vaudeville long et ennuyeux. C’est d’ailleurs comme cela que le livre fut reçu à sa publication, et qu’aujourd’hui encore les plus grands spécialistes de Verne le caractérisent. Il faut dire que l’auteur lui‑même avoue le genre théâtral dans sa conclusion :

 

« Eh bien, qu'est ce récit sinon un vaudeville sans couplets, et avec le dénouement obligatoire du mariage à l'instant où le rideau baisse ? »

 

   En clair, l'auteur semble avouer que son œuvre ne présente que peu d'intérêt, mais à la manière de Boudet, sa remarque est destinée au contraire à attirer l'attention. On pourrait croire que l’auteur s’essaya dans une nouvelle forme d’écriture, inventant une trame originale issue de son expérience du théâtre. Depuis sa jeunesse, l'auteur a en effet été un amoureux des planches comme le montre un grand nombre de pièces qu'il a écrites. L’élaboration d’une nouvelle pièce pourrait donc s’expliquer, et pourtant non. Celui qui sut nous plonger dans les eaux profondes à 20 000 lieux sous les mers, celui qui nous fit pénétrer au centre de la Terre, celui qui nous fit voyager sur la Lune, le créateur de tant de personnages dont le Capitaine Grant ou Nemo, a tout à coup sorti de son chapeau une œuvre à contre courant de ses succès. Voici que cet auteur génial à l’imagination débordante perd brusquement son inspiration pour dresser une comédie légère et sans grand intérêt. Plus incroyable, Jules Verne qui d’habitude n’a besoin d’aucune aide dans le montage de ses scénarios, s’inspire d’une trame déjà existante : « Le voyage de Mr. Perrichon »  une pièce écrite par Eugène Labiche et Edouard Martin.

 

   Cette comédie en 4 actes fut représentée pour la première fois à Paris au théâtre du Gymnase en 1860. Mr Perrichon est devenu Clovis Dardentor, le commandant Mathieu est remplacé par le capitaine Bugarach. Le domestique de Perrichon, Jean devient Patrice, etc... La trame est simple et efficace.

 

Il est en tout cas amusant de mettre en parallèle le synopsis de Mr Perrichon :


   L’histoire débute à Paris, gare de Lyon, en 1860. Monsieur Perrichon, sa femme et sa fille, prennent pour la première fois le train, pour aller en vacances à Chamonix. À la gare, ils sont abordés par deux jeunes hommes, Armand Desroches et Daniel Savarie, charmés par la fille de Monsieur Perrichon, qui les avait rencontrés à un entretien. Une lutte acharnée commence alors entre les deux jeunes hommes, chacun voulant faire route avec la famille Perrichon pour gagner sa confiance et la main d'Henriette. L'un des deux hommes sauve la vie de monsieur Perrichon tombé dans une grotte, et en est chaleureusement félicité par la famille, mais l'évocation de l'épisode semble gêner le beau‑père en puissance. Voyant cela, l'autre jeune homme a une idée : il fait à son tour semblant de tomber dans une grotte et se fait au contraire sauver par M. Perrichon, qui ‑ très fier de lui ‑ le prend désormais en affection et sous sa protection. Monsieur Perrichon se retrouve aussi dans une situation dangereuse lorsqu'il répond de façon insultante, par livre d'or interposé, à un ancien commandant ayant ironisé sur son orthographe. Ce militaire le retrouve douze jours plus tard, pour le défier en duel. Grâce au premier des deux gendres en puissance, ce duel sera évité, mais avec un résultat inattendu de celui‑ci. Le second prétendant se trouve donc en position de victoire et explique au premier la liste de ses erreurs : monsieur Perrichon n'est pas un esprit supérieur, et sa réaction mesquine était donc prévisible. Il ignore que celui‑ci entend toute leur conversation et, détrompé, va changer pour le coup d'avis.


   Eugène Labiche, créateur des vaudevilles les plus célèbres du XIXe siècle, cherche, au travers de Mr Perrichon, une caricature de la bourgeoisie pleine de vanité et de paradoxes. L'intrigue de la pièce est basée sur la rivalité de deux hommes qui veulent épouser la fille de M. Perrichon. L'un sauve la vie de Mr  Perrichon et l'autre se fait sauver par Mr Perrichon.

 

   Curieusement, si la pièce "Le voyage de Mr Perrichon" connut un vif succès, l'ouvrage de Verne "Clovis Dardentor" fut boudé par le public et ignoré des critiques et des experts. La raison est évidente : en rompant avec les ingrédients qui ont fait le succès de Verne, le public ne reconnaît pas le génie de l'auteur, preuve que son œuvre resta parfaitement incomprise. Mais fallait‑il qu’elle le soit par tout le monde ?


Une inspiration encore plus ancienne

 

   Plus étrange, outre le pastiche de "Clovis Dardentor" à partir du "Voyage de Mr. Perrichon", Verne écrivit dans sa jeunesse une pièce qui est un véritable prélude au roman « Un Fils adoptif » une pièce écrite en collaboration avec Charles Wallut vers 1853. Sa découverte remonte à la fin des années 40, et René Escaich y consacra une note dans son livre : « … Nous croyons devoir signaler cette pièce, car son sujet sur les différents chefs d'adoption, est le même que celui de Clovis Dardentor ».

 

   Le manuscrit fut déposé à la Bibliothèque de l'Arsenal, mais il disparut mystérieusement pour réapparaître en avril 2001 lors du réaménagement de la collection Rondel. On y retrouve un thème similaire : « Isidore Barbillon (héros de la pièce) veut se faire adopter par un baron richissime afin d'obtenir un statut social élevé, à condition de lui avoir sauvé la vie ! ». Jules Verne reprendra 40 ans plus tard ce thème en mettant en scène un certain Clovis… Il faut d’ailleurs noter que Clovis Dardentor est le seul exemple d'un roman rédigé à partir d'une pièce.


Des indices et des clés

 

   L'objectif n'est pas ici de décoder entièrement le roman, le résultat présenté ici serait trop long et fastidieux. Il est par contre intéressant de dresser les grandes articulations du récit et de donner quelques clés qui démontrent comment Jules Verne a utilisé au mieux son verbe au profit de l'énigme de Rennes.

 

   C'est par ces exemples que l'on peut comprendre la démarche de l'auteur et sa technique, mais il faut savoir que Clovis Dardentor possède un codage extrêmement précis qui va bien au delà de la Langue des Oiseaux. Incontestablement, son but est d'emmener le lecteur dans le Haut‑Razès et à quelques endroits très particuliers...


   Le samedi 23 mai 1981, Michel Lamy, un auteur finlandais, envoie une communication à l'Assemblée de la Société Jules Verne à propos du roman Clovis Dardentor :

 

   « Lorsque je lus pour la première fois le roman de Jules Verne intitulé Clovis Dardentor, j'éprouvai un choc, une impression curieuse, un semi‑malaise. En tout cas, l'impression très nette que quelque chose clochait. Cette histoire n'avait guère d'intérêt; par rapport aux autres romans du maître, elle semblait vide. Et puis il y avait ce nom d'un personnage qui m'étonnait bougrement : le capitaine Bugarach. Pourquoi diable Jules Verne était‑il allé chercher un nom pareil, fort original ma foi, et qui ne pouvait manquer de me faire penser au Pic de Bugarach près de Rennes‑Le‑Château. »

 

   La bouteille était jetée à la mer pour qui saura la récupérer et traduire le message qu’elle contient. Il faut dire qu’en 1981 les chercheurs de Rennes n’en étaient pas à étudier la littérature et encore moins Jules Verne. Quant à l’assemblée de la société du célèbre auteur, elle fut bien incapable de se prononcer... on le comprend facilement… Pourquoi diable Jules Verne aurait‑il eu le besoin de coder une œuvre et pour quelle raison ? Piqué au vif, Michel Lamy exposera plus explicitement ses idées dans son livre "Jules Verne, initié et initiateur". En guise de résumé on peut lire ceci:

 

   Porte‑parole d'une société secrète qui infiltra une bonne partie du monde littéraire et artistique du XXe siècle, Jules Verne a caché derrière le texte apparent des romans un message que seuls pouvaient découvrir à l'époque ceux qui étaient dans le secret : les initiés. Au‑delà des aventures, au‑delà des inventions, ce sont les mystères de la franc‑maçonnerie et des sociétés rosicruciennes qui se dévoilent à qui sait lire et décoder l'œuvre du maître.

 

   Nous y voilà. Le roman cache une réalité qui ne demande qu’à être mise en valeur et traduite, un avis qui sera partagé par Franck Marie en 1982. Mais comme dans toute l’affaire de Rennes, il faut parfaitement connaître les bases de l’énigme et surtout le terrain du Razès, pour pouvoir naviguer avec le capitaine Bugarach… un capitaine qui fait bien sûr référence au célèbre Pech de Bugarach


    L’analyse du roman commence avec son titre « CLOVIS DARDENTOR ».

 

Clovis évoque naturellement le plus célèbre des rois mérovingiens dont les descendants hypothétiques portaient précisément le titre de Rejetons Ardents. Ainsi ce roman pourrait avoir pour véritable titre :

 

« L’OR ARDENT DE CLOVIS »     ou sous une autre forme :
« L'OR DES REJETONS ARDENTS DES MEROVINGIENS »


   L’œuvre est incontestablement importante et doit être lue avec minutie. D'ailleurs un détail, peut‑être involontaire, indique clairement qu'il s'agit d'un travail très particulier. Voici en effet le seul ouvrage que Jules Verne dédicacera à ses petits‑enfants, Michel, Georges et Jean Verne...

   


   La première page pose sans tarder une balise préliminaire fournissant au lecteur initié une alerte. Inutile de préciser que le récit n’a aucun rapport avec un roman historique et encore moins avec le XVIIe siècle. Pourtant deux mots clés sont cités : Louis XIV et Languedoc. Un premier paysage est installé.

 

« Qu’allons‑nous faire, s’il te plaît, en attendant le départ du paquebot ?...

‑ Rien, répondit Jean Taconnat.

‑ Cependant, à s’en rapporter au Guide du Voyageur, Cette (Sète) est une ville curieuse, bien qu’elle ne soit pas de haute antiquité, puisqu’elle est postérieure à la création de son port, ce terminus du canal du Languedoc, dû à Louis XIV...

‑ Et c’est peut‑être ce que Louis XIV a fait de plus utile pendant toute la durée de son règne ! répliqua Jean Taconnat. Sans doute, le grand roi prévoyait que nous viendrions nous y embarquer aujourd’hui, 27 avril 1885...

 

   1885… l’année où Bérenger Saunière arrive pour prendre sa cure à Rennes‑le‑Château… Coïncidence ? Le roman a été publié dix ans plus tard. Les pages suivantes vont rapidement lever le doute.


   Pour un lecteur averti il est alors relativement simple de détecter les quelques astuces que Verne utilise pour planter le décor.

 

‑ Comme tu dis, mon cher Jean, la rivale de la superbe cité provençale, après elle, le premier port franc de la Méditerranée, qui exporte des vins, des sels, des eaux‑de‑vie, des huiles, des produits chimiques...

‑ Et qui importe, repartit Jean Taconnat en détournant la tête, des raseurs de ton espèce...

‑ Et aussi des peaux brutes, des laines de La Plata, des farines, des fruits, des morues, des merrains, des métaux...

 

   Francs, sels, huiles, produits chimiques, et métaux… Voilà de quoi alimenter les faiseurs d’or, les alchimistes et les chercheurs d’huiles précieuses. On trouve même un mot savoureux et incongru... Raseurs... pour Razès évidemment...


   Le voyage démarre à Sète, une ville antique dans laquelle une célèbre colline domine le port… le Mont Saint‑Clair… Le hasard n'est pas de la partie. Ce mont évoque la famille de Saint Clair, une famille dont Pierre Plantard se réclamait héritier... Car c'est à partir de 1975 que le sulfureux chercheur se faisait appeler  Pierre Plantard de Saint‑Clair.

 

   Mais alors, comment Jules Verne, en 1896, aurait‑il pu utiliser ce nom apparu bien plus tard dans l'affaire de Rennes ? En réalité, la référence est plus ancienne, car les Sinclair est une très ancienne famille écossaise. Sinclair est le nom du clan écossais qui lui est rattaché et dont font partie les Rosslyn et les Caithness.

Le Mont Saint Clair et le port de Sète... Là d'où partit Clovis Dardentor...


   Sète a vu naître des artistes comme Paul Valéry, Georges Brassens, Manitas de Plata, Jean Vilar, Pierre Nocca, ou les frères Hervé et Richard Di Rosa. Avant 1666, le futur port de Sète se trouvait sur le territoire de la commune de Frontignan, et le mont Saint Clair faisait partie du diocèse de Montpellier jusqu'au bas de la colline. En 1666, sous le règne de Louis XIV, commença l’édification du port. Sète (que l'on écrivait aussi Cette) est surnommée « l'île singulière » ou encore « l'île bleue ».


   [...] sans parler de ses ateliers de salaison pour les anchois et les sardines, de ses salines qui produisent annuellement de douze à quatorze mille tonnes...

 

   Tiens ! Tiens ! « Les salines »… cela ne vous rappelle‑t‑il rien ? Tout près de la source de la Salz… au nord du Bugarach… ? Ces échanges sont prononcés par Marcel Lornans et Jean Taconat, deux jeunes garçons désireux de s’engager au 7e chasseur d’Afrique.

   Il ne faut pas manquer d’analyser également les patronymes… Lornans renvoie à l'aire d'ORNAN dont parle La Bible, le lieu où fut construit le Temple de Salomon à Jérusalem. Inversez le mot à la manière de la langue des Oiseaux et vous obtenez… EN OR

 

1 Chroniques 21:24

Mais le roi David dit à Ornan: Non! je veux l’acheter contre sa valeur en argent, car je ne présenterai point à l’Eternel ce qui est à toi, et je n’offrirai point un holocauste qui ne me coûte rien.

 

1 Chroniques 21:25
Et David donna à Ornan six cents sicles d’or pour l’emplacement.
 

2 Chroniques 3:1
Salomon commença à bâtir la maison de l’Eternel à Jérusalem, sur la montagne de Morija, qui avait été indiquée à David, son père, dans le lieu préparé par David sur l’aire d’ Ornan, le Jébusien.


   Le voyage en direction d’Oran en Algérie va être entrepris à bord d’un bateau, L’Argélés… commandé par le capitaine Bugarach… Inversez « L’Argélés » et vous obtenez « Sélégral » ou plus exactement « C’est les Graal » … Inversez « Oran » et vous obtenez une nouvelle fois « En Or »

 

   Voilà donc la trame… Un voyage vers l’or porté par les Graals qui se fera avec deux guides : Bugarach et Clovis… Tout le génie de Verne est en pleine ébullition pour suggérer sans dévoiler, pour attirer sans révéler, pour attiser la curiosité sans trop donner au premier degré…  Et il ne cessera tout au long du roman de s’amuser avec le verbe, les expressions et les mots pour mieux faire passer ses messages.

 

    Il est d'ailleurs amusant de relire les critiques littéraires aussi bien de l'époque que d'aujourd'hui pour découvrir comment tous les soit disant experts sont complètement passés à côté de l'œuvre géniale...


    Il eût fallu se rendre à l’étang de Thau, près du grau à l’issue duquel elle est bâtie, gravir la montagne calcaire, isolée entre l’étang et la mer, ce Pilier de Saint‑Clair au flanc duquel la ville est disposée en amphithéâtre,

 

   Verne utilise parfaitement toutes les possibilités toponymiques pour mettre son roman au goût de l'énigme du Razès. Continuons avec l’étang de Thau, rappelant immanquablement Saint Antoine de Thau que l'on retrouve dans l'énigme sous la forme des tentations avec "BERGERE PAS DE TENTATION QUE POUSSIN TENIERS..." ou tout simplement à ND de Marceille. Des ingrédients de l’énigme viennent peu à peu s’ajouter à la trame…

 

   Les fouilles archéologiques du bassin de Thau mirent à jour des traces d’habitation datant de l’âge du bronze, sous deux mètres d’eau au large du quartier du Barrou. L’endroit fut habité par les Celtes, puis les Grecs et les Romains.


   Voici enfin la phrase désormais culte…

 

   «D’ailleurs, sous le commandement du capitaine Bugarach, rien à craindre. Le vent favorable est dans son chapeau, et il n’a qu’à se découvrir pour l’avoir grand largue ! »

 

   Le chapeau du capitaine Bugarach… Bien sûr… aucun doute possible. Verne connait parfaitement le Haut Razès et ses curiosités météorologiques, comme ce fameux chapeau nuageux fréquemment posé sur le Pech de Bugarach

  

   Et pour renforcer son idée, Verne utilise le nom d’un hameau tout proche du pic… « Les Capitaines »… A croire que la toponymie des lieux a été choisie à partir du roman… A côté, une butte « La Vialasse » à la forme exacte d'un navire…


Le Bugarach et son chapeau légendaire que Verne connaissait parfaitement


   Plus loin une remarque anodine fait référence à un discours aux accents religieux… Mais de quoi veut nous parler l’auteur de 20 000 lieues sous les mers en évoquant la Trinité… ?

 

[...] Cette famille présentait le groupe trinitaire du père, de la mère et du fils.


   Et comme il faut commencer à entrer peu à peu dans l’énigme, Verne apporte quelques précisions sur le but de ce voyage initiatique, un itinéraire vers l’inconnu

 

« Nous voici en route, dit Marcel Lornans, en route vers...

L’inconnu, répliqua Jean Taconnat, l’inconnu qu’il faut fouiller pour trouver du nouveau, a dit Baudelaire !

‑ L’inconnu, Jean ?... Est‑ce que tu espères le rencontrer dans une simple traversée de la France à l’Afrique, un voyage de Cette à Oran ?...

 

« L’inconnu qu’il faut fouiller pour trouver du nouveau… » Voilà une belle formule qui résume l'œuvre Clovis Dardentor et ce quelle désigne…
Verne insiste quelques lignes plus loin…

 

‑ C’est le décor mystérieux sur lequel va se lever le rideau d’avant‑scène...


   De manière astucieuse, en faisant partir les voyageurs de Sète, le bateau ne peut que croiser les Baléares… L’Argèlès ira accoster à Majorque dans la baie de Palma… Mais pour quelle raison Verne prévoit‑il une visite dans cet archipel… ?

 

"L’Argèlès marchait à une vitesse de dix milles à l’heure, cap au sud‑sud‑est, dans la direction de l’archipel des Baléares."

 

"S’il est une contrée que l’on puisse connaître à fond sans l’avoir jamais visitée, c’est ce magnifique archipel des Baléares. Assurément, il mérite d’attirer les touristes, qui n’auront point à regretter d’avoir passé d’une île à l’autre, lors même que les flots bleus de la Méditerranée auraient été blancs de fureur. Après Majorque, Minorque, après Minorque, ce sauvage îlot de Cabrera, l’îlot des Chèvres. Et, après les Baléares, qui forment le groupe principal, Ivitza, Formentera, Conigliera, avec leurs profondes forêts de pins, connues sous le nom de Pityuses."


Palma de Majorque et sa cathédrale (archipel des Baléares)


   La découverte de Majorque sera l'occasion de visiter sa cathédrale. Verne en profite pour glisser quelques belles allusions castel rennaises...

 

‑ Va pour la cathédrale, répliqua le Perpignanais, et je ne serais pas fâché de grimper à l’une de ses tours, afin d’avoir une vue d’ensemble...

‑ Je vous proposerai plutôt, reprit le guide, d’aller visiter le château de Bellver, en dehors de la ville, d’où l’on domine la plaine environnante.

 

   La tour sur laquelle il faut monter pour avoir une vue d'ensemble rappelle inévitablement la Tour Magdala. Quant au "Belver" d'où l'on peut admirer la plaine environnante, il devient le Belvédère du Domaine, un véritable balcon sur le Bal des Couleurs et la vallée en contrebas.

 

   Le château de Bellver n’est pas loin, et aucun voyageur ne se pardonnerait de quitter Palma sans s’y être transporté...

‑ Et de quelle façon irons‑nous ?...

‑ En prenant une voiture à la porte de Jésus.

 

   Comment se rendre au Belvédère? Il faut bien sûr traverser le Domaine de l'abbé, là où Jésus accueille les visiteurs en haut de la Villa Béthanie, juste au dessus de la porte d'entrée... à la porte de Jésus... 

 

   La petite équipe continue la visite à la cathédrale. Située au centre de Palma, elle forme avec le palais tout proche de la Almudaina, le symbole de la ville. Après avoir repris l'archipel des Baléares aux musulmans, le roi d'Aragon Jacques Ier le Conquérant décida de démolir l'ancienne grande mosquée de Madina Mayurqa pour construire en 1229 une grande cathédrale dédiée à la Vierge Marie. Consacrée en 1346 les travaux ne se termineront qu'en 1601.


La cathédrale de Palma à Majorque, un édifice impressionnant

   Il y eut lieu de s’arrêter devant la chapelle royale, d’admirer un retable magnifique, de pénétrer dans le chœur, qui est assez singulièrement situé au milieu de l’édifice.

 

   Il faut alors s'intéresser à ce retable (Corpus Christi) du XVIIe siècle et à deux chaires,  et qui ont pour origine le sculpteur Jaume Blanquer et Juan de Salas... Les trois scènes de la partie centrale sont de haut en bas : la tentation de Saint Antoine, la présentation de l'enfant Jésus au Temple, et la cène

 

   Combien d'heures a‑t‑il fallu à Verne pour trouver cette extraordinaire coïncidence ramenant à la toponymie autour de Rennes‑les‑Bains ?

 

   Blanquier rappelle la Blanque et Salas rappelle la Sals, deux rivières importantes de la région et qui trouvent leur source non loin du Bugarach...

 

Le retable Corpus Christi évoqué par
Jules Verne dans "Clovis Dardentor"


   Voici l’une des raisons de cette escale, puisqu'elle permet à Verne de rebondir sur le mystérieux Jean Orth, frère de l’archiduc Louis Salvador d’Autriche.

 

Il suffirait de s’enfermer dans une bibliothèque, à la condition que cette bibliothèque possédât l’ouvrage de Son Alteste l’'archiduc Louis‑Salvator d’Autriche [Louis‑Salvator d’Autriche, neveu de l’empereur, dernier frère de Ferdinand IV, grand‑duc de Toscane, et dont le frère alors qu’il naviguait sous le nom de Jean Orth, n’est jamais revenu d’un voyage dans les mers du Sud‑Amérique.] sur les Baléares, d’en lire le texte si complet et si précis, d’en regarder les gravures en couleurs, les vues, les dessins, les croquis, les plans, les cartes, qui font de cette publication une œuvre sans rivale.


  Troisième des quatre fils  de l'empereur, le grand‑duc de Toscane, Léopold II, et de son épouse Marie‑Antoinette de Bourbon‑Siciles, Louis Salvador d'Autriche (de Habsbourg‑Loraine) est un personnage fascinant. Alors qu’il se préparait à de hautes fonctions, il préféra l’aventure au pouvoir. Congédié en 1867 par l’empereur, il prit alors la mer pour découvrir le monde, les Baléares et Majorque.

   Pour ce faire, il acheta un bateau de 51 m (la Nixe) et se mit à sillonner la Méditerranée des décennies avec tout un équipage. Véritable maison flottante, il se consacrera entièrement à ses passions scientifiques, littéraires et artistiques. En se rendant pour la première fois aux Baléares dans le cadre d’un voyage d’étude scientifique, la beauté sauvage de la plus grande des îles, Majorque, l’impressionna si fort que, 3 ans plus tard, il considéra cette île comme sa patrie d’adoption.

  

En 1876 il acheta aussi une magnifique villa à Zindis (Trieste), où il reviendra chaque été jusqu'en 1914. Il servit de modèle à Jules Verne pour son héros « Mathias Sandorf ».


   Quant à son frère, le personnage est bien plus mystérieux. Pour une raison obscure, ce personnage qui se faisait appeler Jean Orth, se mit également à fuir la cour de l’empereur d’Autriche et prit la mer. Il disparaitra sans donner de nouvelle. Jean Orth serait aussi selon Gérard de Sède le mystérieux visiteur de Bérenger Saunière comme il l’indique dans « L’Or de Rennes » :

 

 

   « L’Hôte le plus mystérieux est celui que les habitants du village surnomment l’Étranger et qui se fait appeler « monsieur Guillaume ». Derrière son incognito se cache un archiduc de Habsbourg, cousin de l’empereur d’Autriche‑Hongrie » 


   C'est un fait. Saunière recevait et menait grand train. Il invitait notamment des personnages importants tel ce Mr Guillaume à l'apparence aristocratique.

 

   Il s'avèrera être un membre de la famille des Habsbourg, ou plus exactement Jean Népomunène Salvator de Habsbourg‑Toscane (il se fera appeler plus tard Jean Orth). Les villageois témoignèrent notamment de son accent très germanique et ils finirent par l'appeler l'étranger...     

 

   Cette fréquentation eut d'ailleurs des conséquences néfastes pour Bérenger Saunière, car il fut très vite soupçonné d'espionnage au début de la Première Guerre mondiale.


Johan‑Népomunène‑Salvator d'Autriche jeune (1852‑1890)


 Jean‑Népomucène‑Salvator de Habsbourg‑Toscane naquit en 1852 et disparut (présumé mort) en 1890. L'archiduc d'Autriche est également connu sous le nom de Jean Orth, un nom qu'il prit lorsqu'il quitta le royaume des Habsbourg.

   Il est le fils du grand‑duc Léopold II de Toscane (1797‑1870) et de sa seconde épouse Maria‑Antonietta Princesse des Deux‑Siciles (1814‑1898)


Jean de Habsbourg

   Un étrange mystère plane sur l'archiduc Jean Salvator de Habsbourg‑Toscane et sur sa supposée tentative de coup d'État fomentée avec l'aide de son cousin l'archiduc Rodolphe de Habsbourg‑Lorraine. Le 30 janvier 1889 c’est en effet le drame : le prince Rodolphe et sa maîtresse Marie Vetsera sont retrouvés morts dans le relais de chasse de Mayerling. On ne retrouvera jamais les assassins, mais Jean Salvator sera accusé de complot d'Etat. Il finira par disparaître de façon étrange en mer en 1890.

 

   On sait peu de choses sur sa vie réelle et son histoire est troublante. Officiellement, il quitta la famille des Habsbourg pour partir en tant qu'aventurier. N'ayant plus aucune nouvelle de lui on estima alors qu'il disparut en mer. Mais lorsque l'on s'intéresse de près à sa vie, les faits sont bien plus complexes et étranges...


   Pour décrire aussi bien les îles Baléares que Jules Verne ne visita pas durant ses voyages en Méditerranée, l'auteur utilisa l'ouvrage de Louis‑Salvador de Habsbourg‑Lorraine, Les Baléares.

François Arago (1786‑1853)

Mais la vraie raison de cette escale concerne surtout un épisode historique et scientifique qui eut lieu aux Baléares et qui concerne un certain méridien de Paris. Parmi tous les personnages impliqués dans l'aventure durant plus d'un siècle, l'un d'eux marqua son époque par ses travaux sur la ligne sacrée: François Arago...

 

   Effectivement, l'illustre astronome vint en 1808 aux Baléares afin de compléter la mesure d'un arc de méridien entre Dunkerque et Formentera. Jules Verne, conscient de l'importance du méridien de Paris et de son histoire dans l'affaire de Rennes, ne pouvait passer sous silence quelques allusions clairement notifiées à propos de cette France savante...


    « Oui ! déclara le Perpignanais, il faudrait séjourner ici des semaines... des mois...

‑ Eh ! répondit le guide, très fourni d’anecdotes, c’est précisément ce qui est arrivé à l’un de vos compatriotes, messieurs, un peu malgré lui, par exemple...

‑ Qui se nommait ?... demanda Marcel Lornans.

François Arago.

Arago... Arago... s’écria Clovis Dardentor, l’une des gloires de la France savante ! »

Effectivement, l’illustre astronome était venu en 1808 aux Baléares, dans le but de compléter la mesure d’un arc du méridien entre Dunkerque et Formentera.

« Arago, répétait Clovis Dardentor, Arago, le célèbre enfant d’Estagel, le glorieux fils de l’arrondissement de mon Perpignan, de mes Pyrénées‑Orientales »


François ARAGO et le méridien de Paris

 

  Jean‑Baptiste Biot et François Arago furent désignés par Napoléon Bonaparte pour poursuivre le travail de Delambre et Méchain sur le méridien de Paris jusqu'aux Baléares, au Sud de l’Espagne. Sur place, José Rodriguez, mathématicien fidèle, les aidera à la réalisation de 17 triangulations nécessaires au tracé de la méridienne.

 

   François Arago a 9 ans et vit à Estagel lorsqu'il est impressionné par le passage de Pierre Méchain. En 1806, alors qu'il a 20 ans et qu'il sort de l'école polytechnique, il demande et obtient de pouvoir prolonger la mesure du méridien jusqu'aux Baléares. Les travaux se terminent en 1809 et il devient à son retour membre de l'Académie royale, puis Secrétaire perpétuel de la division des sciences mathématiques et physiques en 1830. Enfin il est Directeur des observations de l'Observatoire de Paris en 1834.

     Le 27 février 1848, François Arago est un des signataires de la Proclamation de la République. Membre du gouvernement provisoire, il est nommé Ministre de la Marine et des colonies puis de la guerre et signe le décret d'abolition de l'esclavage.

Il meurt à l'Observatoire de Paris en 1853

 

   En 1893, la France reconnaissante lui dresse une statue place de Sein (sur le méridien, près de l'Observatoire) qui sera inaugurée par  Jules Ferry, ministre de l'instruction publique. Mais en 1942, comme beaucoup d'autres, la statue est déposée et fondue pour fabriquer des canons. Aujourd'hui des médailles de bronze marquant le méridien de Paris portent son nom.


François Arago (1786‑1853)



Le méridien de Paris traverse les Iles Baléares par l'extrême ouest (image Google Earth)


   Jules Verne revient aussi très souvent sur le château de Belver à Formentera (Baléares), mais il faut savoir qu'il fut lié au destin de son héros François Arago. En effet, suspecté par la population majorquaise et menacé de mort, il fut emprisonné dans ce château pendant deux mois jusqu'à ce qu'il décide de s'échapper par une des fenêtres du Castillo, puis à fréter une barque qui le conduira à Alger...

 

   Et puis, pourquoi ne pas se servir de la beauté des Baléares et de ses richesses géologiques pour nous parler de grottes et de lacs souterrains… L'Argatha du Bugarach n’est pas loin...

 

   Il ne suffit pas d’avoir parcouru les divers quartiers de sa capitale, il faut visiter les autres villes, et quelles plus dignes d’attirer les touristes, Soller, Ynca, Pollensa, Manacor, Valldmosa ! Et ces grottes naturelles d’Artá et du Drach, considérées comme les plus belles du monde, avec leurs lacs légendaires, leurs chapelles à stalactites, leurs bains aux eaux limpides et fraîches, leur théâtre, leur enfer ‑ dénominations fantaisistes si l’on veut, mais que méritent les merveilles de ces immensités souterraines !


    Pour ceux qui doutent encore que Verne fait bien référence à Rennes‑le‑Château et à ses environs, voici une jolie référence au Fauteuil du Diable et au bénitier de l'église de Saunière, là où un diable presque assis grimace de douleur sous le poids du bénitier. Grace à son sens génial des formules, quelques mots suffisent pour qu'un connaisseur averti réagisse immédiatement...

 

‑ Eh bien ! le conseil dont Monsieur voudra bien tenir compte, c’est de ne plus monter dans une voiture avant que le cocher soit sur son siège... Cela pourrait ne pas finir par une bénédiction, mais par une culbute...

‑ Retourne au diable ! » 



Asmodée dans une posture inconfortable, écrasé par le bénitier... (Rennes‑le‑Château)


Le fauteuil du diable près de Rennes‑les‑Bains
Coordonnées GPS :  42° 54' 43.80"  N    2° 18' 60"  E


   La construction du roman semble puérile et simpliste. Il n'en est rien. Après la traversée de Sète à Oran en Algérie, tout en passant par les Baléares, le voyage se poursuit vers la province algérienne à l'aide d'un train… Tout ceci est non seulement prétexte à rebondir sur les jeux toponymiques, mais aussi permet de décrire un voyage qui se veut initiatique. De temps à autre il faut être très attentif, car Verne s'est amusé à glisser quelques clins d'œil comme ce lieu qui se nomme Sidi‑bel‑Abbès et qui est repris de nombreuses fois... "Bel abbé", un surnom qui s'applique particulièrement bien à Bérenger Saunière. Ce dernier était en effet connu pour être un bel homme au charisme remarqué...

 

Le voyage organisé par la Compagnie des Chemins de fer algériens était de nature à plaire aux touristes oranais. Aussi le public accepta‑t‑il avec faveur cet itinéraire de six cent cinquante kilomètres à travers la province ‑ soit trois cents en wagon, et trois cent cinquante dans les voitures ou autres modes de transport entre Saïda, Daya, Sebdou, Tlemcen et Sidi‑bel‑Abbès.

 

L’itinéraire avait été convenablement choisi. Des trois sous‑préfectures que possède la province d’Oran, Mostaganem, Tlemcen et Mascara, le dit itinéraire traversait les deux dernières, et, des subdivisions militaires ‑ Mostaganem, Saïda, Oran, Mascara, Tlemcen et Sidi‑bel‑Abbès ‑ en comprenait trois sur cinq. Dans ces limites, la province que borne au nord la Méditerranée, à l’est le département d’Alger, à l’ouest le Maroc, et le Sahara au sud, présente des aspects variés, montagnes d’une altitude supérieure à mille mètres, forêts dont la superficie totale n’est pas inférieure à quatre cent mille hectares, puis des lacs, des cours d’eau, la Macta, l’Habra, le Chélif, le Mekena, le Sig. Si la caravane ne la parcourait pas tout entière, du moins en visiterait‑elle les plus beaux territoires.


La région d'Oran et le port aux Poules


   Au fur et à mesure que le voyage avance, le parcourt devient de plus en plus long, pénible, et tortueux. Le train s’enfonce dans des contrées traversées de cours d’eau...

 

À partir du Tlélat, le chemin de fer prit franchement la direction de l’est, en traversant les petits cours d’eau sinueux et murmurants des oueds, fidèles tributaires du Sig. Le train redescendit vers Saint‑Denis, après avoir franchi le fleuve, lequel, sous le nom de Macta, va se jeter dans une vaste baie entre Arzeu et Mostaganem.

 

   Exactement entre Arzeu et Mostaganem se trouve comme par enchantement "Port‑aux‑Poules", là où se jette le Macta…L'occasion pour Verne était effectivement trop belle d'envoyer un clin d'œil à la pauvre baronnie d'Hautpoul, dont Blaise I d'Hautpoul (1610‑1694) fut l'un des seigneurs de Rennes‑le‑Château... celui même qui eut des démêlés avec Nicolas Pavillon...



Près d'Oran (Algérie)... Entre Arzeu et Mostaganem... Port‑aux‑Poules....
Traduisez Hautpoul bien sûr....


   Le voyage se poursuit et la petite troupe est obligée de continuer en caravane...

 

   L’heure était enfin venue où les divers éléments du groupe Dardentor allaient se concréter en caravane. Plus de ligne de chemin de fer à suivre pour aller de Saïda à Sidi‑bel‑Abbès, plus de transport en wagons traînés par la hennissante locomotive. Les routes carrossables se substitueraient aux lignes railwayennes.

 

Il y avait trois cent cinquante kilomètres ‑ soit une centaine de lieues à faire « dans les conditions les plus agréables », répétait M. Dardentor. On irait à cheval, à mulet, à chameau, à dromadaire, en voiture, à la surface de ces territoires exploités par les alfaciers, à travers ces interminables forêts sud‑oranaises, qui sur les cartes coloriées, apparaissent comme des corbeilles verdoyantes, baignées par le réseau des oueds de cette montagneuse région.

 

   Et de temps à autre Verne pose quelques balises permettant de ne pas se perdre. Ici il rappelle à son lecteur que le voyage est évidemment circulaire...

 

Mais le voyage circulaire ne comprenait pas une pénétration si profonde vers le sud. C’est de Saïda que les touristes allaient s’avancer à l’ouest jusqu’à Sebdou, puis remonter au nord jusqu’à Sidi‑bel‑Abbès, où ils reprendraient la ligne d’Oran.

 

Plus loin, Verne insiste à nouveau sur le cercle...

 

   M. Oriental compris ‑ descendus depuis deux jours à Saïda, allaient accomplir cette tournée circulaire, organisée dans les meilleures conditions.

 

   Et même à la fin nous retrouvons ce voyage circulaire... assorti du nombre 14... Cela ne vous rappelle‑t‑il rien ? Notons que 14 est aussi retrouvé aussi dans le jeu de l'oie...

 

 Il était enfin terminé ce voyage circulaire, additionné de quelques incidents que la Compagnie des chemins de fer algériens n’avait point prévus à son programme, et dont les touristes ne perdraient jamais le souvenir.

   Et, tandis que M. Dardentor et les deux Parisiens regagnaient leur hôtel de la place de la République, Mme Elissane, sa fille, les Désirandelle rentraient dans l’habitation du Vieux‑Château, après quatorze jours d’absence.

 

   Il suffit de relire le Serpent Rouge à la 5ème strophe pour comprendre que les notions sont les mêmes...

 

   Rassembler les pierres éparses, œuvrer de l'équerre et du compas pour les remettre en ordre régulier, chercher la ligne du méridien en allant de l'Orient à l'Occident, puis regardant du Midi au Nord, enfin en tous sens pour obtenir la solution cherchée, faisant station devant les quatorze pierres marquées d'une croix. Le cercle étant l'anneau et couronne, et lui le diadème de cette REINE du Castel


   Tout comme de nombreuses œuvres initiatiques et codées, il faut lire et relire Clovis Dardentor pour extraire à chaque détour du langage, une formule, un verbe, une inversion, un jeu de mot. Jules Verne adorait jouer avec les noms en les transformant et en y ajoutant quelques ruses. C'est ainsi que le personnage Louise Elissane trouve une anagramme avec SALINES, un secteur symboliquement important situé non loin du Bugarach.

 

   Les clins d'œil ne manquent pas non plus comme avec l'adresse de Mme Elissane qui habite rue du Vieux‑Château, dans le quartier de la BLANCA.... Vieux château... Blanca... Blancafort... Blanchefort... le château du fort blanc...

 

   Il y a aussi Marcel Lornans et qui trouve une signification plus directe. Car Lornans se rapproche de l'aire d'ORNAN, l'endroit selon la Bible où fut construit le Temple de Salomon...


 

Jules Verne est sans aucun doute avec Maurice Leblanc l'un des auteurs initiés les plus riches et les plus érudits de la fin du 19e siècle. Démontrer son implication aux secrets du Razès devient inutile tant les évidences sont flagrantes. Même les détracteurs habituels ont aujourd'hui
beaucoup de mal à nier les faits.

 

On sait aujourd'hui que Jules Verne, lorsque il était jeune, a habité rue de Sèvres, juste a côté de la Congrégation des Lazaristes. C'est ainsi qu'il fit la connaissance de Leopold Vannier, celui qui allait devenir le supérieur des Lazaristes de Notre-Dame de Marceille... Voici sans doute l'une des explications de son initiation...

 

Verne était‑il seul à manier cette connaissance ? Evidemment non...
Comment supposer que du fait du rapprochement étroit entre Verne et Hetzel, ce dernier puisse ignorer le caractère initiatique des romans ?

 

Pour comprendre tous ces ressorts, il faut se promener dans le vaste univers littéraire de cette fin de siècle et y décoder les trésors
laissés en héritage... Mais ceci est un autre voyage...