CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE
LXXXIIe SESSION
TENUE A PARIS EN 1919
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
Extrait du compte‑rendu
concernant l'église de Saint Germain des Prés
Grégoire de Tours qui cite deux fois la basilique de
Saint‑Vincent et Fortunat et vint en Gaule vers 565, nous a
laissé sous le titre «De ecclesia parisiaca» une description
poétique de cette église cruciforme dont il attribue la
construction à Childebert, en admirant ses colonnes de marbre,
ses lambris et ses fenêtres vitrées.
Ainsi
l'existence de la basilique dans la seconde moitié du Ve siècle
ne saurait être mise en doute. Caribert (f 570), Chilpéric Ier
(f 584), ses deux fils Clovis et Mérovée, Frédégonde (f 597)
dont la tombe plate de mosaïques refaite au Xe siècle se trouve
à Saint‑Denis, Clotaire II (f 628) et la reine Bertrude,
Childéric II (f 673) et la reine Bilihilde y furent enterrés. Un
vaste cimetière où les tombes de pierre voisinaient avec les
cercueils de plâtre s'étendait au sud de la basilique et fut
soigneusement fouillé par M. Yaequer en 1874, quand on perça le
boulevard Saint‑Germain.
Le 25 juillet 754, le corps de saint
Germain qui avait été extrait de la crypte de la chapelle
Saint‑Symphorien fut transféré dans le sanctuaire de l'église en
présence du roi Pépin et de son fils Charles. Une inscription
qui se trouvait dans cette chapelle jusqu'à la Révolution
conservait le souvenir de la translation
des
reliques et de la donation de la terre de Palaiseau. Faut‑il en
conclure que l'édifice avait été rebâti à cette époque ? Cette
hypothèse est d'autant moins plausible que les sources qui
concernent la reconstruction de l'abbatiale de Saint‑Denis par
Pépin le Bref ne font aucune mention de Saint‑Germain
des
Prés.
En 845, les Normands pillèrent le monastère et essayèrent
plusieurs fois d'incendier l'église. Ils se contentèrent de
mettre le feu à un grenier de l'abbaye. Aimoin, moine de Saint‑Germain
à cette époque, raconte qu'ils prirent dans la charpente de la
basilique les bois nécessaires à la reconstruction de leurs
bateaux et que l'un
des
pirates s'étant introduit dans la confession où reposait le
corps du saint essaya treize fois de briser une colonne de
marbre qui se trouvait à droite, lorsque sa main se dessécha. Le
chef
des Normands Régnier montra au roi Horic une poutre de
l'église qu'il avait fait scier pour le convaincre de la
véracité de ses récits.
Les moines qui avaient emporté le corps de leur patron à
Coulaville, dans la Brie, d'où il était revenu à Paris au mois
de juillet 846, furent encore victimes
des
envahisseurs en 857 et en 861. À cette date les reliques de
saint
Germain se trouvaient à Nogent‑l'Artaud, près de
Château‑Thierry. Quand la sécurité sembla rétablie, le corps de
l'évêque descendit la Marne en bateau et arriva à Paris le 19
juillet 863. Les chanoines de Notre‑Dame le portèrent en
procession au milieu d'une foule immense et le déposèrent dans
la crypte de la chapelle Saint‑Symphorien où il avait été
inhumé. Dans la suite le sarcophage fut réintégré derrière le
maître‑autel. Le moine Abbon, historien du siège de Paris en
886. qui avait été moine à Saint‑Germain, fait mention de
l'ancien puits qui se trouvait au fond de l'abside actuelle.
Bien que l'église eut été incendiée par les Normands pendant
leurs dernières invasions, les religieux se contentèrent de la
réparer et de refaire la toiture. Au commencement du Xe siècle,
l'abbé Morard qui fut élu en 990 et qui mourut le 1er avril 1014
démolit la basilique mérovingienne et jeta les fondations d'un
nouvel édifice, comme le prouve son épitaphe jadis placée
derrière le maître‑autel : Morardus.
L'église romane de Saint‑Germain‑des‑Prés,
commencée à la fois par le clocher‑porche où l'abbé Morard avait
fait installer une cloche et par le chevet, fut terminée par la
nef dont la première travée vient se coller sur le revers du mur
occidental et dont le bas‑côté nord se prolonge sur le flanc de
la tour occidentale. L'abbé Ingon, mort en 1025, n'eut qu'à
terminer les travaux, car la dédicace du dimanche 19 novembre,
inscrite en marge du martyrologe avec la mention du vocable de
Saint‑
Germain peut se rapporter à l'année 1021 aussi bien qu'à
l'année 1010.
Dans le martyrologe d'Usuard
des
notes marginales mentionnent deux dédicaces de cryptes le 1er et
le 10 juin. Dom Bouillart était d'avis qu'elles se trouvaient au
nord‑est de l'église sur l'emplacement de la chapelle de la
Vierge bâtie au Xe siècle par Pierre de Montereau, mais on peut
supposer que l'une
des
deux cérémonies se rapporte à la consécration de cinq autels
d'une crypte établie après coup, comme à Saint‑Philbert de
Grandlieu, sous l'abside du Ve siècle (Le moine Aimoin fait
mention de cette crypte dans son récit du pillage de l'abbaye
par les Normands en 845) quand le
tombeau de saint Germain y fut transféré en 754 et que
l'autre dédicace d'une crypte qui renfermait trois autels
concerne celle du Xe siècle.
Vers le milieu du Xe siècle, les dimensions du sanctuaire ne
correspondaient plus aux nécessités du culte. Les moines se
décidèrent à faire démolir l'abside romane et ses tours jumelles
qui furent remontées pour la remplacer par un rond‑point, comme
à La Chanté‑sur‑Loire et à Pontigny. La même opération fut faite
antérieurement à Morien, val où l'étroit déambulatoire est
dépourvu de chapelles. En 1163, cette œuvre importante qu'on
peut considérer comme une réplique du chevet de la cathédrale de
Noyon, incendiée en 1131, était achevée. La cérémonie de la
dédicace eut lieu le dimanche 21 avril en présence du pape
Alexandre III, accompagné de douze cardinaux, de Maurice de
Sully, évêque de Paris, de plusieurs évêques français, italiens
et espagnols comme l'archevêque de Tolède. Le cortège fit trois
fois le tour de l'église, puis le souverain pontife consacra le
maître‑autel sous le vocable primitif de la sainte Croix, de
saint Etienne et de saint Vincent dont les reliques furent
scellées dans la pierre. Humbauld, évêque d'Ostie, fit la
consécration de l'autel matutinal en l'honneur de saint
Germain. Trois autels qui se trouvaient sans doute dans
les chapelles rayonnantes avaient été consacrés la veille et
furent placés comme les autres sous le vocable de plusieurs
saints. À cette époque où
des
tribunes lambrissées régnaient autour de l'abside dépourvue
d'arcs‑boutants doivent se rapporter les tombes en demi‑relief
de Childebert Ier et celle de Frédégonde en mosaïque incrustée
de filets de cuivre qui se trouvent aujourd'hui à Saint‑Denis.
Comme l'abbé Hugues de Monceaux (1162‑1182) concéda l'office de
son père à un charpentier nommé Gilbert qui est mentionné dans
l'obituaire on peut supposer qu'ils avaient travaillé à la
croupe de l'abside.
Au Xe siècle, toutes les ressources de l'abbaye furent employées
à la reconstruction
des
bâtiments monastiques qui commença par le cloître en 1227 et qui
se termina en 1273 par le dortoir bâti au‑dessus de la salle
capitulaire. Au lieu d'adopter le même parti qu'à Saint‑ Germer
où la chapelle abbatiale communique avec le chevet, l'abbé
Hugues d'Ivry chargea le célèbre architecte Pierre de Montereau
qui avait construit le réfectoire en 1239 d'élever en 1245 au
nord‑est de l'église une chapelle de la Vierge, comme à Châalis.
Ce grand artiste, mort le 17 mars 1266, y fut inhumé. Les
derniers débris de son œuvre, démolie en 1802, ont trouvé asile
dans le square de la rue de l'Abbaye et le portail a été remonté
dans le jardin du musée de Cluny. On peut supposer que le
transept fut voûté après coup à la fin du Xe siècle, comme
l'indique le profil
des
bases de trois fines colonnettes engagées dans l'angle
occidental du croisillon nord. Sous l'abbé Richard qui fortifia
le monastère (1361‑1387) un accident, mentionné dans son
épitaphe, nécessita une réparation dans l'église dont je n'ai pu
retrouver la trace. Au commencement du XVe siècle, l'abbé
Guillaume III fit renouveler le mobilier du chœur à l'exception
des
stalles. Après avoir commandé l'aigle du lutrin, il passa marché
avec les trois orfèvres Jean de Clichy, Gautier du Four et
Guillaume Boey [pour la châsse de vermeil de saint
Germain qui ressemblait à une église flanquée de
bas‑côtés, épaulée par
des
arcs‑boutants, couverte de feuilles d'or et surmontée d'une
flèche. Entre les culées, les statuettes
des
apôtres étaient encadrées dans
des
niches polylobées. La quittance du 20 août 1409 prouve que ce
magnifique reliquaire, posé sur quatre colonnes au fond de
l'abside, fut livré dans le délai fixé.
La même année, cet abbé fit refondre le devant d'autel d'argent
exécuté en 1236 pour le remplacer par un retable de cuivre doré
destiné au maître‑autel. Au centre, il s'était fait représenter
au pied du Crucifix flanqué de la Vierge et de saint Jean : à
droite, sous
des
arcades trilobées, on voyait les statuettes de saint
Jean‑Baptiste, de saint Pierre, de saint Jacques, de saint
Philippe, de saint Germain, de sainte Catherine et à gauche
celles de Saint Paul, de saint André, de saint Michel, de saint
Vincent, de saint Barthélemy et de sainte Madeleine. Enfin, il
compléta cet ensemble artistique par une croix processionnelle
enrichie de pierreries.
En 1527, l'abbé Guillaume Briçonnet prit le parti de renouveler
le mobilier du chœur qui subit le même sort au XVIIe, au XVIIIe
et au XIXe siècle. Il remplaça successivement tous les anciens
autels
des chapelles et du transept, jadis isolés et posés sur
des
corps saints, par de nouveaux autels adossés aux murs qu'il
consacra en 527 et en 1528 et il fit établir dans la chapelle de
Saint‑Nicolas, la troisième au nord du déambulatoire, une
tribune réservée à l'abbé. Enfin, il supprima un très haut
chandelier à sept branches placé au milieu du sanctuaire, sous
prétexte que cette belle œuvre de ferronnerie était gênante les
jours de cérémonie.
En 1557, on démolit le maître‑autel, consacré par le pape
Alexandre III, qui devait être porté sur
des
colonnettes et qui renfermait une fiole de verre pleine de
reliques. Le nouvel autel, sculpté par Antoine d'Artois et
inauguré le 21 avril, coûta 2.808 livres. Flanqué de quatre
colonnes de cuivre et
des
statues de saint
Germain et de saint Vincent, il se composait de deux
volets où le peintre Firmin Lebel avait représenté la Nativité
et l'Adoration
des
mages; une crosse centrale soutenait la pyxide. La même année,
les deux cloches fêlées de la tour occidentale furent
descendues
au bas de la nef. Les moines les firent refondre, l'une au mois
de septembre 1580 et l'autre au mois de janvier 1581, par Pierre
Le Roy, fondeur à Paris, pour le prix de 400 livres. Un
maître‑maçon nommé Marcel Le Roy qui demeurait rue de la
Bûcherie travailla en 1607 et en 1608 à enlaidir le portail
occidental du XIIe siècle pour l'abriter sous l'affreux porche
actuel qui coûta 2.000 livres. Il supprima la partie supérieure
du tympan et les statuettes
des
voussures qui furent remplacées par
des
boudins en saillie sur une archivolte en tiers‑point surbaissée.
Guillaume Douglas, prince d'Écosse, qui s'était converti, fut
inhumé dans la chapelle Saint‑Christophe, au sud du
déambulatoire, le 11 mars 1611: sa statue couchée se détache sur
un mausolée de marbre noir.
Le 28 avril 1619, saint François de Sales, évêque de Genève,
consacra le nouvel autel de la chapelle Saint‑Symphorien au sud
du porche qui venait d'être réparé ; son abside était orientée
au midi (2). Du 6 avril 1644 au 26 mai 1646, l'église fut livrée
aux maçons qui commencèrent par voûter d'ogives la nef et les
bas‑côtés recouverts d'un plafond de bois. Antoine Lopinot,
moine de l'abbaye, se chargea de diriger les travaux, de
commander les matériaux et de payer les ouvriers chaque semaine,
comme au moyen âge. Le concours de l'architecte Christophe
Gamare et de Dom Cotton, prieur du monastère, lui fut très
utile. Le salaire hebdomadaire de l'appareilleur se montait à 16
livres, celui
des
vingt‑neuf tailleurs de pierre variait de 7 à 9 livres, celui
des
douze maçons de 5 à 6 livres et celui
des
trente‑sept manœuvres de 3 à 4 livres. On acheta 5.400 pieds de
pierre aux quatre carriers Potery, Saintar, Parvelle et Cousin,
à raison de 10 sous le pied, mais le charroi, qui coûtait 30
sous la voie, fut fait presque entièrement par les chevaux de
l'abbaye. Il est donc probable que la pierre fut extraite
des
carrières de Mont‑rouge ou de Clamart.
En 1644 et en 1645, 1096 tonneaux de pierre de Saint‑Leu furent
livrés sur le chantier, au prix de 4 livres 10 sous le tonneau,
ainsi que de très nombreux sacs de plâtre à 3 livres la voie. En
posant le nouveau dallage de la nef, les maçons découvrirent le
9 décembre 1645 la tombe de l'abbé Guillaume III, mort en 1418.
Les voûtes du transept étaient terminées le 19 avril 1645 : ses
murs de fond furent éventrés pour substituer aux deux baies en
plein cintre une grande fenêtre à meneau central de faux style
gothique. On défonça le mur occidental du croisillon sud et la
dernière travée du bas‑côté méridional pour donner accès dans la
nouvelle chapelle de Sainte‑Marguerite. Le portail latéral sud
dessiné par l'architecte Gamare, s'éleva pendant la même
campagne. Deux sculpteurs, nommés Giot et Leroy, qui sont cités
dans les comptes travaillèrent à l'ornementation intérieure et
extérieure. Les tribunes de l'abside furent supprimées et
remplacées par un triforium dont les baies sont amorties par
des
linteaux, ce qui permit d'allonger les fenêtres hautes ainsi que
leurs colonnettes. Ces importants travaux qui se ralentirent
en 1646 s'achevèrent le 11 juillet de cette année et coûtèrent
60.847 livres. Le 10 mai 1644, le maître charpentier Philippe
Pelletier qui demeurait au Pré‑aux‑Clercs avait signé un marché
de 60.000 livres pour la réfection
des
combles de la nef, de la croisée et du chevet ; il toucha le
dernier acompte le 10 septembre 1645.
Cet entrepreneur avait installé une grue pour démonter la
charpente du XIe et du XIIe siècle et pour assembler les
nouvelles fermes encore en place, mais il réemploya 371 pièces
de vieux bois. L'ancienne toiture de tuiles fut remplacée par
des
ardoises. A la fin de janvier 1656 commencèrent les travaux
destinés à modifier l'ancienne disposition du chœur. On retira
d'abord les huit châsses qui furent transportées dans la
sacristie le 25 du même mois. En arrachant l'ancien dallage pour
le remplacer par
des
carreaux de pierre de liais et en nivelant le sol, ce qui fit
disparaître l'ancien puits de saint
Germain au pied de la seconde colonne à gauche de l'axe
dans l'hémicycle, on découvrit les tombes de pierre de Childéric
II, de la reine Bilihilde de leur fils Dagobert. Violé en 1645
par les ouvriers qui avaient travaillé dans le sanctuaire à
cette époque et qui avaient volé la couronne d'or, le voile
brodé d'or et la ceinture enrichie de plaques d'argent, le
sarcophage du roi ne renfermait plus que deux longues cannes,
une épée, la boucle plaquée d'or du baudrier, une plaque
d'argent ornée d'un serpent qui avait une tête au bout de la
queue,
des
débris de souliers de cuir et un grand vase de verre.
On exhuma ensuite les corps de Childebert Ier (f 558) et d'Ultrogothe,
de Chilpéric Ier (f 584) et de Frédégonde, de Clotaire II (f
628) et de Bertrude, mais les deux premiers cercueils de pierre
qui se trouvaient à droite au pied de deux colonnes de l'abside
avaient été certainement déplacés vers 1160 quand on construisit
le déambulatoire. Les quatre derniers tombeaux ainsi que ceux de
Childéric II et de Bilihilde furent ramenés entre les piles du
carré du transept, à l'entrée
des
croisillons, mais ceux de Childebert et d'Ultrogothe, exécutés
ou retouchés comme les autres par le sculpteur Michel Bourdin
fils qui reçut 400 livres en 1656 et 1.150 livres en 1658 furent
placés au milieu du chœur, devant le maître‑autel qui précédait
l'autel matutinal ou de Saint‑Germain
et l'autel de Saint‑Michel, encadré par les deux colonnes
centrales de l'hémicycle.
Le maître‑autel érigé en 1646 fut démoli le 23 mars 1656 et
remplacé par un autre qui s'élevait à l'entrée du chœur et qui
renfermait le sarcophage de saint
Germain. Les nouvelles stalles, au nombre de soixante et
une posées la même année, coûtèrent 10.000 livres. Elles étaient
ornées de chérubins et le dôme de la chaire abbatiale
ressemblait à une couronne royale. Dom Claude Cotton, ancien
prieur de l'abbaye, qui les avait commandées le 17 février 1655
à Martin Formery, sculpteur sur bois, et à Jean Lepaultre,
menuisier à Paris, contribua pour 1.600 livres à la dépense. Le
16 mars 1663, un marché était passé entre le doyen et Pierre de
Farcy, maître‑menuisier, qui s'engageait à livrer au mois
d'octobre un buffet d'orgue de seize pieds moyennant le prix de
3.200 livres ; le facteur Thierry devait exécuter l'instrument
dont le montage ne fut terminé qu'en 1667. En même temps, Pierre
de Farcy se chargeait de faire appareiller pour 280 livres l'arc
en anse de panier et la tribune destinée à porter les orgues à
la place du jubé « qui estoit au fond de l'église » et qui fut
supprimé le 26 juillet.
Après la mort de Jean‑Casimir, roi de Pologne, décédé à Nevers
le 16 novembre 1672, qui était abbé commendataire de Saint‑Germain‑des‑Prés,
on lui éleva un mausolée dans le croisillon nord, œuvre du
sculpteur de Marcy et du frère Jean Thibaut. L'autel à colonnes
de ce bras du transept fut consacré en 1683 sous le vocable de
saint Casimir, en même temps que celui de Sainte‑Marguerite dans
l'autre croisillon, œuvre du sculpteur Laurent Magnier qui donna
quittance de 2.580 livres en 1679 et du frère Jacques Bourlet,
auteur de la statue de sainte Marguerite posée en 1705. L'abbé
de Castellan, mort en 1677, avait ordonné par son testament
l'érection d'un
tombeau à son père et à son frère qui fut mis en place en
1683 dans la chapelle de Sainte‑Marguerite à l'angle du bas‑côté
nord et du transept. Le célèbre artiste François Girardon qui en
sculpta les figures et les médaillons signa en 1678 un marché de
10.000 livres pour l'autel de cette chapelle.
Le 29 septembre 1684, une cérémonie solennelle eut lieu dans
l'église pour la réception
des
reliques de la Passion léguées aux moines par Anne de Clèves,
princesse palatine. La pièce la plus importante était une croix
byzantine à double traverse qui renfermait du bois de la vraie
croix et dont l'inscription grecque mentionnait le nom de
l'empereur Manuel Comnène (1143‑1180). Le peintre Lebrun avait
dessiné les deux anges d'orfèvrerie qui la soutenaient dans
leurs mains. A cette époque, la chapelle de Saint‑Symphorien
tombait en ruines : Dom Bernard Joli, sacristain de l'abbaye,
obtint les fonds nécessaires en 1690 pour réparer les murs, la
charpente et la toiture. Il fit ériger un nouveau
tombeau sur l'emplacement de celui de saint
Germain où il encastra l'inscription commémorative de la
translation
des
reliques en 754. Cinq ans plus tard,
des
ouvriers suspendus à
des
cordes repiquèrent les murs de la tour occidentale et du clocher
de Saint‑Placide, nom donné à la tour jumelle du nord.
Après la mort du comte Ferdinand de Furstemberg, neveu du
cardinal, le 6 mai 1696, Coysevox fut chargé de sculpter le
tombeau qui se trouve dans la chapelle de
Sainte‑Marguerite et où le prélat fut inhumé en 1704 après avoir
fait restaurer le palais abbatial construit vers 1586 par le
cardinal de Bourbon. Un nouveau maître‑autel elliptique fut posé
en 1704 à l'entrée du chœur. Gilles Openord, architecte du duc
d'Orléans, qui l'avait dessiné, le surmonta d'un baldaquin
soutenu par quatre colonnes de marbre cipolin. Entre ces
supports deux anges tenaient la châsse de saint
Germain. La nouvelle sacristie bâtie au nord du chœur en
1717 par Jacques Philippe, maître‑maçon, coûta 6.886 livres.
L'ouvrage de Dom Bouillart, qui parut en 1724, fait mention de
treize tableaux accrochés aux murs du chœur et de la nef, peints
par Van Mol, Halé, Cazes, Leçlerc, Bertin, Retout, Van Loo,
Lemoine, Christophe et Verdot. Le plan relevé par J. Chaufourier
qui y est inséré indique au milieu de la nef, dans la seconde
travée, l'autel de Saint‑Gervais et de Saint‑Protais et ceux qui
s'adossaient au jubé en avant du transept. L'autel de
Saint‑Thomas se trouvait dans le bas‑côté nord, au droit de la
troisième pile et le chœur qui renfermait quatre autels était
flanqué au nord de deux grandes sacristies en hémicycle et au
sud d'une ancienne chapelle dédiée à saint Julien. De chaque
côté du porche s'élevaient au nord la chapelle Saint‑Pierre et
au sud celle de Saint‑Symphorien contiguë au cimetière
des
religieux qui s'étendait jusqu'au portail méridional.
La fonte du gros bourdon par Louis et Jean‑Charles Gaudiveau le
6 octobre 1771 qui coûta 5.054 livres fut le dernier fait
intéressant pour l'histoire du monument avant la Révolution si
fatale à l'abbaye. Le 4 février 1791, l'édifice était affecté au
service paroissial, mais dès le 29 mars, l'architecte Bélanger
détruisit les tombeaux
des
rois mérovingiens refaits par Michel Bourdin au XVIIe siècle. Il
put heureusement sauver la curieuse tombe plate de Frédégonde.
L'église fut fermée le 13 février 1792. L'adjudication
définitive
des
bâtiments monastiques à M. Ledoux pour la somme dérisoire de
8.120 livres eut lieu le 13 novembre 1792. En 1793, les statues
du portail occidental furent brisées et le 12 février 1794 une
raffinerie de salpêtre qui fonctionna jusqu'au 10 février 1802
fut installée dans l'église. On enleva tout le mobilier ; on
arracha le dallage et les chapelles rayonnantes furent remplies
de terres lessivées.
Des
fourneaux et
des
chaudières encombraient le bas‑côté sud :
des
bassins de cristallisation et un grand réservoir avaient été
établis dans la nef et dans le transept. Les prisons de
l'abbaye, tristement célèbres par les massacres de septembre,
s'élevaient à l'angle de la rue Sainte‑Marguerite et du
Petit‑Marché, au sud du jardin abbatial qui entourait le chevet.
L'église échappa heureusement à l'incendie de la bibliothèque
des
religieux le 20 août 1794.
Quand le décret du 31 mai 1795 autorisa le rétablissement du
culte, l'abbé de Pierre officia dans la chapelle de la Vierge
jusqu'en 1802, date de sa démolition par le Dr Salbrune qui
encastra quelques fragments de sculpture dans sa nouvelle
maison, au coin de la rue de l'Abbaye et de la place
Furstemberg. Il fallait donc se décider à utiliser l'église,
mais la nef menaçait ruine, car les eaux salpêtrées qui
coulaient dans
des
rigoles avaient rongé les piles. On avait songé à mettre
l'édifice en vente, puis à le démolir, comme le proposait
Petit‑Radel au Conseil
des
bâtiments civils le 20 avril 1802, mais ses collègues furent
d'avis de conserver la tour occidentale en raison de son
ancienneté, tout en déclarant que l'architecture du monument «
n'offre rien de bien intéressant sous le rapport de l'art » .
Néanmoins, l'église fut rendue au culte le 29 avril 1803.
Alexandre Lenoir qui découvrit deux tombes mérovingiennes sous
le maître‑autel, en
1799,
avait fait transporter au Musée
des
Monuments français les principaux tombeaux qui furent restitués
à Saint‑Germain
des
Prés
en 1817. Le curé Lévis réclamait, en 1803,
des
tableaux au musée de Versailles, un orgue provenant de
Saint‑Victor,
des
dalles de l'abbatiale de Sainte‑Geneviève. Un peu plus tard
l'église s'enrichit de la belle Vierge de marbre à l'enfant
donnée à l'abbaye de Saint‑Denis en 1340 par la reine Jeanne
d'Evreux, tandis que le musée du Louvre recueillait les colonnes
de marbre de l'autel de 1704. En 1819, la chapelle rayonnante
centrale qui n'était pas plus profonde que les autres fut
démolie et remplacée par une construction d'un style déplorable.
L'architecte Lahiteau signalait l'état dangereux de certaines
parties de l'église. Le 4 mai 1820, l'inspecteur général Mazois
attirait l'attention du Conseil
des
bâtiments civils sur l'écrasement
des
piles du nord rongées par le salpêtre. La nef avait été
interdite aux fidèles qui entraient dans le chœur par une porte
voisine de la sacristie. Les architectes Rondelet, Molinot,
Rohault et Debret visitèrent l'église avec leur collègue Guy de
Gisors qui fut d'avis que la démolition de la nef et de ses
bas‑côtés s'imposait, mais le 18 mai Mazois ralliait le Conseil
à l'idée de conserver le chœur et de restaurer la nef . Le
système d'étais et de chevalements posés par l'architecte Godde
fut jugé insuffisant. C'était en effet une nouveauté que la
reprise en sous‑œuvre d'une église en 1820, tandis que cette
opération était familière aux architectes du moyen âge, comme à
la cathédrale du Mans et à Saint‑Gilles d'Etampes. Le préfet de
la Seine décida qu'on réserverait au culte l'abside qui était en
bon état, en l'isolant par un mur de clôture. Dès qu'il eut
approuvé le projet de Godde le 21 juillet 1821, on commença les
travaux de la nef qui coûtèrent 219.080 francs et qui étaient
terminés le 15 mars 1822.
Dans une lettre du préfet de la Seine, datée du même jour, Hély
d'Oissel, directeur
des
travaux de Paris, énumère les réparations terminées, à savoir la
reconstruction de dix piliers de la nef en roche dure sur
des
fondations de 1 m. 50 de profondeur, le ravalement
des
colonnes,
des
chapiteaux et
des
voûtes, la reprise
des
colonnes engagées dans le mur du bas‑côté nord, la réfection de
la chapelle
des
fonts‑baptismaux, la construction d'une sacristie au nord du
porche, l'agrandissement
des
fenêtres romanes qui furent re‑vitrées, la réparation
des
étages inférieurs de la tour occidentale dont les haies furent
déshonorées par un horrible remplage, l'incrustation de moellons
dans les murs extérieurs de la nef, le renouvellement de la
charpente
des
bas‑côtés et la pose d'un chéneau de plomb au pied du grand
comble. Il restait à décider quel serait le sort
des
petits clochers de Saint‑Casimir au nord et de Sainte‑Marguerite au sud que Godde avait fait chaîner par précaution.
Cet architecte proposait de démolir la tour du nord très
dégradée et de restaurer la tour du sud, mais comme leur poids
était inquiétant vu la nécessité de les reprendre en sous‑œuvre,
on prit le parti de démonter les trois étages supérieurs de
chaque clocher pendant l'été de 1822, puis on répara les
chapelles rayonnantes et les six arcs‑boutants du chevet furent
remaniés en 1823. Ce second chapitre du devis était évalué à
100,764 fr., ce qui fit monter la dépense totale à 319.844 fr.
d'après le procès‑verbal de la séance du Conseil
des
bâtiments civils, en date du 19 mars 1823.
En 1824, la fabrique obtint
des
marbres pour l'autel,
des
colonnes provenant du
tombeau du connétable Anne de Montmorency et
des
vitraux gothiques déposés au musée
des
Monuments français. Godde fit exécuter en 1827 la chaire de
marbre dessinée par Quatremère de Quincy qui coûta 33.500 fr. En
1843, Hippolyte Flandrin commença par le chœur la série de ses
peintures justement célèbres où les scènes de l'Ancien Testament
annoncent celles de la vie du Christ : son œuvre s'acheva dans
la nef peinte de 1856 à 1861. Mal éclairées et noircies par la
poussière, ces fresques d'un si doux coloris et d'une très
grande valeur artistique auraient été mieux placées dans une
église moins obscure, mais ce qui fut désastreux c'est
l'ornementation dessinée par Denuel et jugée nécessaire pour les
encadrer. Etoiles d'or sur voûtes d'azur, dorure
des
chapiteaux neufs de la nef et
des
chapiteaux romans du sanctuaire, peinturlurage
des
colonnes et
des
murs, rien ne fut épargné pour dénaturer les lignes de
l'architecture. Seul le déambulatoire et ses chapelles
échappèrent au pinceau
des
décorateurs.
Au milieu de cette période, Baltard avait fait sculpter de
nouveaux chapiteaux dans la nef et les collatéraux, déplorables
pastiches de ceux du XIe siècle, comme le prouvent les originaux
déposés au musée de Cluny. Il dessina les stalles, tandis que
Lassus faisait entourer l'abside d'une clôture de bois. Gérente
exécuta les vitraux du chevet d'après les cartons de Flandrin.
De 1848 à 1853, Baltard restaura le dernier étage de la tour
occidentale raboté par Godde. Il déboucha les baies, mais il eut
tort de refaire les colonnes, les chapiteaux, les archivoltes et
le parement extérieur, sans laisser aucun témoin de l'œuvre du
XIIe siècle. Les réparations faites à l'église dans la seconde
moitié du XIXe siècle par le service
des
Monuments historiques ne furent que
des
travaux d'entretien sans aucun intérêt archéologique.
Aucune fouille n'ayant été faite dans la nef et le transept, il
est impossible de donner aucune indication sur le plan de la
basilique mérovingienne. Néanmoins, le fragment de chapiteau
corinthien en marbre blanc, décoré d'une petite croix, qui fut
trouvé dans la nef en 1794, la
découverte de tombeaux de Childéric II, de la reine
Bilihilde et de leur jeune fils Dagobert dans le chœur actuel,
en 1650, au pied de la tour du nord et celle de plusieurs
sarcophages mérovingiens ornés de croix pattées dans le bas‑côté
sud en 1853 suffisent à prouver que l'église du VIe siècle
occupait le même emplacement. En 1876, les travaux de
terrassement du square mirent au jour les fondations d'un
hémicycle à l'intérieur, entre les deux contreforts méridionaux
du croisillon sud. M. Vacquer qui avait noté cette
découverte suppose qu'un autre hémicycle devait exister
au nord du transept et que le plan primitif de la basilique
ressemblait à celui de l'église de Germigny‑des‑Prés,
mais c'est bien invraisemblable. Je serais porté à croire que
cette petite abside faisait peut‑être partie de la chapelle
primitive de Saint‑Symphorien où saint
Germain fut enterré en 576.
Le plan de l'édifice du XIe siècle, facile à reconstituer,
offrait la plus grande analogie avec celui de l'église abbatiale
de Morienval. La nef, précédée d'un porche et flanquée de deux
bas‑côtés, communiquait avec un large transept qui renfermait
clans chaque bras deux absidioles de profondeur inégale.
L'abside s'élevait entre deux tours, car l'étage inférieur de
celle du nord fut conservé par L'architecte du XIIe siècle qui
rebâtit le sanctuaire flanqué de quatre chapelles latérales et
de cinq chapelles rayonnantes, comme à la cathédrale de Noyon.
L'axe de la nef ne coïncide ni avec celui du chevet qui dévie
vers le sud‑est, ni avec celui du porche.
La nef de cinq travées qui remonte dans son ensemble au premier
quart du XIe siècle vint se coller contre le clocher‑porche plus
archaïque bâti par l'abbé Morard avant 1014, mais elle a subi
tant de remaniements au XVIIe et au XIXe siècle que les témoins
de ses dispositions primitives sont presque tous invisibles. Dom
Bouillart nous apprend que le 6 avril 1644 on commença une série
de travaux qui durèrent deux ans pour construire
des
voûtes sur la nef et refaire la charpente qui fut recouverte
d'ardoises. C'est donc à cette époque qu'il faut attribuer les
six voûtes d'ogives ornées d'une arête entre deux tores comme
les doubleaux en tiers‑point qui surmontent le vaisseau central.
Leur profil identique à celui
des
nervures du chevet ne ressemble pas à ceux
des
voûtes qui furent également lancées au XVIIe siècle sur la nef
romane de Morienval, mais le style médiocre
des
clefs de voûte, la retombée non prévue
des
ogives,
des
doubleaux et
des
formerets toriques sur un gros chapiteau moderne garni de
feuilles d'acanthe suffiraient à prouver que les voûtes ne
furent pas ajoutées au XIIe siècle.
Au XIe siècle, la nef était recouverte d'un plafond de bois
formé de planches de chêne qui mesuraient 3 m. 44 de longueur
sur m. 42 de largeur et dont quelques‑unes fuient utilisées
comme pannes dans la charpente du XVIIe siècle. En examinant les
encoches visibles sur dix entraits réemployés, M. Deneux est
parvenu à reconstituer la charpente primitive qui se composait
d'une série de fermes très rapprochées dont les bois mesuraient
0,33 sur 0,21. Les traces de peinture sur les pannes qui
alternent avec le bois nu correspondant aux entraits permettent
d'évaluer leur espacement à 0,60. La forme primitive de cette
charpente, la plus ancienne de la France et du type de celle de
Saint‑Pierre de Montmartre, se déduit de témoins encore intacts.
Le poinçon était flanqué de six contre‑fiches qui venaient
s'assembler à mi‑bois et à pieuté d'aronde dans les arbalétriers
reliés par un extrait retroussé et inclinés à 45 degrés, comme
l'indiquent les traces
des
solins sur la face orientale du clocher‑porche et sur le pignon
du XIIe siècle qui correspond à l'entrée du chœur. La charpente
beaucoup plus haute du chevet, montée en 1163, venait s'adosser
à ce pignon percé de deux barbacanes d'aération qui dominait le
toit de tuiles de la nef.
Références principales :
‑ Archives Historiques
Nationales
‑ Bulletin de la
Société Histoire de Paris, 1874
‑
Martyrologe d'Usuard dans Migne : Palrologic latine,
‑
Dom Bouillart : Histoire de l'abbaye de Saint‑Germain
des
Prés |