Depuis sa première étude, le Domaine de Saunière a été pressenti comme le support d'un
message caché. Tout ou presque a été dit sur les constructions étonnantes, leur architecture et leur symbolique. Mais curieusement,
une piste de recherche a été depuis toujours sous‑estimée, sans doute pour son côté difficile à appréhender, improbable et surtout
hermétique : sa géométrie.
Le plan du Domaine semble s'inscrire dans une logique qui nous échappe. Des formes
harmonieuses et régulières dessinent les chemins, les allées, les escaliers et les différentes parties des jardins. S'agit‑il d'une
simple volonté d'esthétique ou de toute autre chose ? |
La tour Magdala
symbole du Domaine |
Une petite partie du Domaine de Saunière, le calvaire et son jardin triangulaire |
Lorsque l'on s'y promène, une sensation étrange vous envahit, mais il faut prendre de
la hauteur pour comprendre. A la manière de l'ancienne Egypte qui bâtissait selon des règles symboliques et des codes sacrés très
précis, le Domaine respecte un équilibre basé sur le compas et la règle. C'est d'ailleurs en observant attentivement d'anciennes
photos que l'on se rend compte de l'extrême rigueur qui fut appliquée au plan des jardins et à leur réalisation.
Certes, ce principe n'est pas nouveau. Les jardins à la française dessinés par
Le Nôtre sont de pures merveilles d'intelligence et tout y est réfléchi. Constamment orientés vers la recherche de la beauté et de
l'harmonie, ces jardins d'exception utilisent les perspectives et les trompes l'œil pour mieux cacher les défauts, éloigner les
horizons et sublimer les statues, les jeux d'eaux et les lumières.
Mais chez Saunière, l'esthétique ne fut vraisemblablement pas l'objectif principal. Il fallait tout d'abord étonner, surprendre et
peut‑être même guider celui qui saura lire le jardin envouté. Ce pari basé sur la surprise et l'érudition est avant tout comme un
livre ouvert ou la forme est aussi importante que le fond. Ce pari sur l'avenir fut en tout cas largement réussi puisqu'un siècle plus
tard nous voici tous réunis autour de cette œuvre mystérieuse qui commence à nous parler...
Cette étude inédite est le résultat de nombreuses heures de travail et de
recherche.
C'est pourquoi elle est protégée.
Je tiens aussi à remercier tout particulièrement,
Patrick Merle, qui fut l'initiateur de cette idée originale et qui participa
à l'élaboration du plan de référence du Domaine.
Copyright © RLC Archive ‑ Jean‑Pierre Garcia et Patrick Merle
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Le mystérieux cadastre de 1831 |
Quel curieux document que ce cadastre
de 1831 ! C'est en étudiant de prés les anciens cadastres de la commune que fatalement mon attention s'arrêta sur celui‑ci.
Plusieurs bizarreries avaient déjà été soulignées par
Féral en son temps, mais dans la confusion et la profusion des recherches
faites a cette époque, ce document fut certainement occulté puis oublié.
Le cadastre de
1831 est particulièrement intéressant, d'une part, parce qu'il est issu d'une période largement antérieure à Saunière et donc non
pollué par ses travaux ou par ses projets et, d'autre part, parce qu'il est le résultat d'un travail professionnel effectué à
l'époque.
Mais ce n'est pas tout. Pour le curieux, attentif, il recèle des détails et des
enseignements étonnants. Comme le raconte Féral, ce document provient d'un original archivé à la Mairie. Existe‑t‑il encore ?
Peut‑être... Mais il est tout de même singulier que depuis le temps, ce témoignage important soit resté dans les archives au lieu de
venir enrichir le musée de Rhedae. S'agit‑il d'un faux ou d'un vrai faux (document authentique retouché) ? C'est aussi une
possibilité que l'on ne peut écarter. Son étrangeté mérite en tout cas largement une petite étude car même si ce cadastre fut l'objet
de rajouts, les questions demeurent :
Pourquoi ces rajouts ? Par qui ? Et pour dire quoi ? Mais jugez plutôt...
Comme on peut le lire dans les extraits des
compte‑rendu municipaux ci‑dessous, cet inventaire cadastral devenait en
1831
indispensable : |
Extrait des compte rendu des délibérations du conseil municipal de
Rennes‑Le‑Château
Samedi 17 décembre 1831 ‑ Lettre de la sous préfecture de Limoux :
"M., d'après la demande que vous m'en avez faite par votre
lettre du 14 de ce mois, je vous autorise à réunir le conseil municipal pendant une cession de 6 jours en le renforçant des dix plus
forts contribuables afin qu'il délibère pour qu'il soit procédé à la vérification et à l'examen du compte rendu par le sieur Cardon ex
percepteur receveur municipal de votre commune de sa gestion de 1830 et de celui que vous avez à rendre de votre administration
pendant le même exercice et à la vérification des opérations cadastrales qui ont commencées dans votre commune à l'effet de prendre
les moyens pour prévenir les erreurs dont on se plaint généralement dans les communes cadastrées. Je renouvelle M. l'assurance de ma
considération."
Lundi 26 décembre 1831 ‑ Étude du cadastre :
"Il se trouve que beaucoup de cultivateurs ont pris
l'habitude d'agrandir leurs terrains sur les terres communales, et ce d'autant plus que les géomètres qui ont fait le cadastre l'ont
fait sans guide. Il est proposé de faire revenir les géomètres et suivent des pages et des pages de conseils à ceux ci et de décisions
d'indemnisations demandées pour les terrains squattés." |
Quoiqu'il en soit, le cadastre proposé en
1831 et
visible ci‑dessous ne satisfaisait visiblement pas tout le monde.
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Extrait du feuillet 2 "Clef du Royaume des Morts"
de Alain Féral ‑ Ed. Bélisane |
Le feuillet 2 représente une copie de ce
cadastre. La partie du haut est consacrée au plan de Rennes et à ses parcelles numérotées de 1 à 255. Un titre décoratif "Village
de Rennea" souligne le dessin. Une rose des vents bien visible donne le Nord sans le préciser clairement. Oublions la petite
signature en dessous appartenant à Alain Féral. Le reste est un cartouche ancien donnant la date du relevé, le
25 août 1831.
On y trouve aussi l'échelle et le nom du géomètre "Bel Cyprien".
Si on compare son aspect général avec un ancien cadastre napoléonien d'une autre
région, on retrouve une rose des vents et un cartouche similaire. Un code cadastral normé existait déjà et celui appliqué à Rennes
semble absolument classique. |
Exemple de cadastre de 1817 ‑ Felletin dans le Limousin (Creuse) |
Trois repères sur le plan cadastral
Une première anomalie est la présence sur le plan de
3
repères dont l'un est clairement situé sur
le clocher de
l'église Marie‑Madeleine. Ce point est aussi à la croisée de deux lignes en pointillés matérialisant une longitude et une
latitude. Le clocher a t‑il servi de référence pour le repérage des géomètres ? Le second point est situé complètement à l'Est du
village et le troisième, au Sud‑ouest. Ces deux derniers pourraient être tout simplement des défauts du document d'origine seulement
voilà. Les coïncidences (s'il s'agit de coïncidences) se révèlent ici particulièrement intéressantes. |
Des majuscules bien curieuses
Une autre curiosité réside dans les
2 lettrines qui décorent le titre "Village
de Rennea". Mais pour l'apprécier, il faut agrandir les arabesques et les dépouiller de la texture du fond. On remarque alors
qu'une flèche discrète se cache dans chaque lettrine et leur direction pointe vers l'église de Rennes. On distingue également un
5
dans le R
et 5 traits sur le côté gauche...
Ces flèches pourraient d'ailleurs expliquer
pourquoi le titre "Village de Rennea" suit une courbe sous le plan et s'étale sur toute sa largeur. Il fallait sans doute
orienter les flèches et donc les lettrines correctement. De plus cette calligraphie ne s'accorde pas avec le style napoléonien de
l'époque. Est‑on en présence d'un document plus ancien ?
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Le V de Village et une flèche |
Le R de Rennea, une flèche |
Village de Rennea (Rennes)
Vous l'aurez certainement remarqué. Le nom de Rennes "Rennea" est inusité et il
est pratiquement introuvable dans la littérature castel rennaise. Sa présence sur le cadastre prouverait que le document est ancien
car un faussaire aurait plutôt utilisé un nom comme
Rhedae ou Redea.
Un autre élément très juste signalé par un internaute amateur en paléographie est le
suivant : Le S final s'écrivait entre le
16e
et le 19e siècle presque comme un
A minuscule. La preuve en image : |
Exemple de lettre (Inventaire des archives d’une justice locale) ‑ seconde moitié du XVIIe
siècle
Le s final a la forme d'un a (en jaune)
Mémoire et inventaire des sacqz d’aucuns tiltres
et anseignemens concernans la
terre et seigneurie d’Argy
qui sont dans le tresor du chateau dudict Argy, lesquelz
ne sont compris ny emploiez dans
le registre et inventaire
general des tiltres et enseignemens de lad. terre
d’Argy, pour estre iceux de peu de
consequance. |
|
L'exemple ci‑dessus montre clairement ce
s final
est très différent du s
classique que l'on retrouve également, mais au milieu des mots. Il faut donc lire Rennes et non pas Rennea. Ceci permet d'apporter une
indication importante. Ce document cadastral a de forte chance d'être authentique car seul un expert en paléographie aurait pu penser
à ce détail.
Intéressons nous maintenant au cartouche. Il faut tout d'abord remarquer cette croix
(en jaune) sous le R
majuscule. Sa présence est parfaitement inexpliquée. Mais surtout il faut observer la calligraphie de
Rennea et surtout les 2 N formés par
4 bâtons très clairement dessinés. S'agit‑il d'un clin d'œil pour laisser le
lecteur inverser les N s'il le souhaite ? De toute façon il y a une erreur typographique puisque deux N majuscules ne vont pas
au milieu d'un nom écrit en minuscule.
J'aime aussi cette petite astuce soulignée par Féral :
4 bâtons peuvent aussi
représenter le chiffre 4, or ce chiffre est la valeur numérale de la lettre
D ce qui donne, en remplaçant les bâtons par
D : Redea, ancien nom de la cité.
Ainsi
Rennea = Redea
Autre particularité, le nom Rennea inscrit dans le titre "Village de Rennea" comporte aussi 4
traits à la place des 2 n minuscules.
Oui mais nous avons vu qu'il ne faut pas lire
Rennea mais Rennes or cette petite gymnastique
marche aussi car :
Rennes = Redea = Rhedes ou Redes qui vient de Rhedesium
comme le signale Louis Fédié, célèbre historien du Razès.
Décidemment ce cadastre multiplie les anomalies comme pour nous attirer vers le
mystère de Rennes. Nous sommes pourtant en
1831,
54 ans avant l'arrivée de Saunière, Bien sûr, tout ceci suppose que ce cadastre soit un original, mais rien ne prouve qu'il s'agit
d'un faux ou d'un vrai modifié postérieurement. |
Extrait du cadastre 1831 "Clef du Royaume des Morts" de Alain Féral ‑ Bélisane |
Une direction où cours la Rennes (la Reine ?)
Les flèches des lettrines étant débusquées, il est naturel de tracer leur direction.
Le tracé le plus simple et le plus déterministe est celui qui relie le point du clocher à ces flèches. |
Une idée vient alors tout de suite à
l'esprit. L'une des deux directions est connue et elle a été matérialisée de plusieurs manières. Il s'agit bien sûr de l'allée qui
mène à l'entrée de l'église et qui se termine sur Asmodée ou sur la statue de Marie‑Madeleine du tympan. Cette direction est marquée
par le côté Ouest du triangle du calvaire. |
Le jardin et son calvaire ‑ L'allée qui mène à Asmodée marque une direction
On la retrouve sur le cadastre de 1831 |
Cette idée rejoint d'ailleurs celle de Féral qui préféra relier la flèche de la
lettrine R au chemin d'entrée de la paroisse. On découvre alors cette image ci‑dessous qui circule régulièrement sur le net
sans amener la moindre signification ni référence.
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Extrait du cadastre 1831 "Clef du Royaume des Morts" de Alain Féral ‑ Bélisane |
La flèche droite et le bord du triangle du calvaire situé dans
le jardin de l'église
serait‑ils les seuls indices pointant dans cette direction ?
Non, car un troisième élément nous souffle le même refrain et pas des moindres. Il s'agit de
Ste MARIA MAGDALENA ou Marie‑Madeleine qui, perchée sur le tympan de l'église, nous invite également à regarder dans ce sens...
Ce lieu serait donc bien terrible ?
La Sainte patronne de la paroisse tient effectivement une croix à l'horizontale et pointe dans la
fameuse direction :
Approximativement 143° Sud‑est
(Voir la démonstration plus bas)
Cette ligne orientée semble fondamentale, j'y reviendrai dans un autre sujet...
Mais le plus troublant est que cette direction aurait déjà été repérée en
1831.
Voici un constat qui pourrait gêner plus d'une thèse...
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Marie‑Madeleine pointe sa statue dans la direction de l'allée
|
La statue Magdalena sous le porche de l'église. La direction qu'elle pointe avec la croix
définit un angle de 56 ° avec le faîte de l'église auquel il faut soustraire
l'angle de l'Est géographique (3°) donnant 53° d'où 143° Sud Est |
Revenons au cadastre de 1831
Voici donc une belle introduction à l'étude géométrique du Domaine. Car ce cadastre
mystérieux mérite bien que l'on s'y attarde. Résumons et observons.
Les points
A, B, C repérés sur le document forme un triangle particulier
puisqu'il est rectangle en A
(clocher). Nous pouvons donc circonscrire un cercle de diamètre
CB
et de centre E
le milieu du segment.
Mais une autre constatation encore plus inespérée doit être dite. Si l'on repère le
point G centre de la
Rose
des vents et le point
F, la mystérieuse
Croix
sous la lettrine R (Rose‑Croix
!!) il existe un cercle de centre
D et qui passe par les points
A,
B, F, G et cerise sur le gâteau par
la flèche de la lettrine V.
Continuons... |
Le cadastre de 1831 et sa géométrie secrète
© RLC Archive ‑ Jean‑Pierre Garcia |
Les coïncidences continuent puisqu'il est possible de tracer une droite passant
par les points G, C, A. Aucune déduction mathématique ne peut impliquer ce constat. D'autre part nous pouvons tracer une droite
passant par les points F, D, E. De la même manière aucun élément dans ce montage géométrique ne permet d'en déduire cette
propriété.
Or une particularité étonnante vient définitivement prouver que nous avons devant les yeux un début
de cours de géométrie. Les 2 droites
AG et
FE sont parallèles. Conséquence de ceci, la droite
FE
coupe le segment AB en son milieu
I.
Et tout ceci alors que les points
G et F sont à priori sans rapport.
Ce document détient un secret. C'est évident. Il fera l'objet d'une suite car la démonstration
qui en découle nécessite d'introduire des notions qu'il est trop long d'exposer ici. J'y reviendrais.
Par 3 points distincts, il passe obligatoirement un cercle et un seul. Mais la
probabilité pour que 4 points passent par un cercle est infime. |
Le cadastre de 1831 et sa géométrie secrète
© RLC Archive Jean‑Pierre Garcia |
Et si on comparait le plan de référence
avec
le cadastre de 1831
Entre 1898 et 1905,
Saunière se mit à acheter de plusieurs personnes des terrains
non bâtis situés au sud du presbytère et en bordure du plateau
du village. Il achète aussi des vieilles granges au sud‑est du
presbytère... Au total 6 terrains :
Le 22 octobre 1898 parcelle 576 ‑ 200 francs‑or
Le 27 avril 1899 parcelle 581 ‑ 300 francs‑or
Le 20 juillet 1899 parcelle 583 ‑ 110 francs‑or
Le 5 juin 1900 parcelle 593 ‑ 100 francs‑or
Le 20 mai 1902 parcelle 613 ‑ 600 francs‑or
Le 4 avril 1905 parcelle 648 ‑ 200 francs‑or
Le cadastre de
1831
nous apprend beaucoup sur l'aspect des parcelles que
Saunière acheta au nom de
Marie Dénarnaud 60 ans plus
tard.
Les parcelles
9 et 8 formeront le jardin entre le Parc aux
deux Tours et le
presbytère. Les parcelles 6 et 7
seront le Parc et on devine l'arrondie qui donnera la promenade du belvédère. Les parcelles
226 et 224 formeront le jardin
devant la
villa Béthanie et son bassin. Le lot
223 restera communal et les lots
228 et 229
formeront le potager.
Encore plus étonnant le lot
14 qui servira au calvaire et qui possédait déjà en
1831 une forme triangulaire, préfigurant la future géométrie du calvaire. |
Le Domaine en 1831 et donc 67 ans avant sa construction |
Le cadastre de 1831 superposé au plan de référence... Pas si mal... |
Il est naturel de voir une telle
différence. La précision du relevé cadastral en
1831 ne peut rivaliser avec les relevés IGN actuels. Mais surtout il y a
les travaux du Domaine qui ont totalement recomposé le décor. Malgré tout, on retrouve parfaitement le Domaine et ses contours
d'origine.
Le plus étonnant est de constater la présence d'une amorce du triangle du futur
calvaire dès 1831. Ceci prouverait que si le Domaine fut le résultat d'un génial architecte, il utilisa malgré tout les
contraintes et les bornes cadastrales existantes. Le Domaine n'a pas été construit depuis une page blanche mais plutôt, en utilisant
très habilement des lots déjà existants et bornés. |
Et si on comparait le plan de référence avec
le cadastre de 1955 ?
Il existe un plan cadastral de Rennes‑le‑Château datant de
1955 visible au musée de
Rhedae. On y découvre d'ailleurs, collées à la
Tour de l'Orangeraie, les cuisines que
Noël Corbu fit construire pour
son restaurant "La Tour". |
Le cadastre du Domaine vers 1955 |
Le cadastre du Domaine vers 1955 superposé au plan de référence |
La superposition avec le plan de référence montre encore une fois que la précision à
cette époque était toute relative. L'église et le presbytère coïncident mais cet exercice est plus difficile avec le Parc aux 2 Tours
et le jardin au bassin nettement plus court au Sud.
En conclusion il n'existe aucun cadastre satisfaisant qui allie précision et fidélité
de reconstitution à l'époque de Saunière.
Pour finir sur l'étude cadastrale voici une
version du Domaine particulièrement lointaine de la réalité, presque naïve. Elle présente toutefois l'avantage de situer a peu près
l'ancienne église Saint Pierre. Remarquons aussi que sur cette version l'étoile du Parc n'existe pas et la croix celtique du
jardin non plus d'ailleurs...
Nous sommes encore une fois très loin du plan de référence et de la réalité... |
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