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L'église des Augustins à Limoux - Rennes-le-Château Archive

L'église de l'Ordre des Augustins
Une paroisse à Limoux liée aux deux Rennes

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

   Il existe une multitude de richesses méconnues à Limoux, et nombreuses sont celles qui trouvent un lien avec l'affaire de Rennes‑le‑Château. Il ne faut donc pas hésiter à s'y rendre pendant qu'il en est encore temps. Ces chefs d'œuvres sont encore visibles, mais pour combien d'années encore ?

 

   Vue de l'extérieur, la façade de pierre paraît bien triste et bien fragile, écrasée entre deux bâtiments modernes. Cette petite église des Augustins semble résister à des années d'oubli. Pourtant, il faut aller la visiter, car vous serez émerveillé par son charme et ses riches décorations.

 

   Le fronton sculpté date de la fin du XIVe siècle. Au centre, porté par deux anges, un blason célèbre la couronne christique et deux cœurs enflammés.  Nous sommes devant l'une des paroisses de Limoux, celle dédiée aux Augustins.


Le fronton de pierre de l'église
de l'Ordre des Augustins à Limoux


Détail du fronton avec au centre la Couronne d'épines et les deux Cœurs

 

 

Un peu d'histoire...

   L'église fut construite au XIVe siècle. À l'intérieur, le retable, le maître autel et la chaire datant de 1695, sont classés monuments historiques depuis 1970.

 

   Limoux, comme d'ailleurs de nombreuses communes du Razès, possède un passé riche et tourmenté. Son histoire religieuse passe d'abord en l'an 1000 par l'abbaye de Saint‑Hilaire. La région est alors sous le règne du Vicomte de Carcassonne Roger 1er. Mais d'autres épisodes vont marquer la population avec la crise albigeoise. Alors que Limoux dépend du Comte du Razès, elle est prise au XIIIe siècle par Simon de Montfort lors de la croisade contre les Albigeois et rejoint la couronne en 1296. Durant cette guerre sanglante, Dominique de Guzman prie avec ses compagnons dans le monastère de Prouilhe fondé en 1206. Les églises de Saint‑Martin et de ND de Marceille vont naître à cette période. En 1317 le Pape Jean XXII crée un siège épiscopal à Limoux, mais il est déplacé à Alet après l'opposition des religieuses de Prouilhe. Limoux va alors accueillir des couvents mendiants : en 1270 les frères mineurs, en 1306 les Augustins et en 1325 les Dominicains.

 

   Mais les troubles continuèrent. Ce fut au XIVe siècle, le Prince Noir, qui dévasta la ville. Puis au XVIe siècle, les catholiques et les calvinistes s'opposeront, entraînant 30 ans de guerre civile et un ralentissement de son essor industriel. Ce n'est qu'au XVIIe siècle que Limoux retrouve le calme et la prospérité. Les Doctrinaires arrivent en 1640 et la Révolution ferme les couvents et vend leurs biens. ND de Marceille échappera par miracle à ce sort.

 

Une fois franchie l'arcade de pierre, un porche nous attend avec un second fronton. Une inscription latine l'accompagne :

 

DOMUS MEA
DOMUS ORATIONIS EST

 

Il est amusant de retrouver ici une phrase que les passionnés connaissent déjà puisqu'il s'agit d'une formule existant sur le porche de l'église de Saunière :

 

DOMUS MEA DOMUS
ORATIONIS VOCABITUR

 

En fait il s'agit de la même référence, mais extrait de deux évangiles différents.


Sous le porche un second fronton

Traduction : «Ma maison sera appelée maison de prière». Ce sont les paroles prononcées par Jésus lorsqu’il chasse les marchands du Temple, selon l'Évangile de Marc au chapitre 11, verset 17. Et Jésus poursuit : « mais vous en avez fait une caverne de brigands »

 

Qui étaient les Augustins ?

 

   Les Augustins était un Ordre catholique que l'on nomme aussi "Ordre de Saint‑Augustin" et qui rassemble des mendiants religieux. Il fut approuvé définitivement au concile de Lyon en 1274. Bâti sur le modèle dominicain, c'est avant tout un ordre mendiant qui sera confirmé comme tel en 1567 par le pape Pie V.

   L'Ordre se décline en familles regroupant des croyants aux affinités différentes. On y trouve par exemple des chanoines réguliers, les ermites de Saint‑Augustin créés en 1256, les ermites Récollets créés en Espagne en 1588, les Augustins pieds nus créés en 1574, ou les Dominicains.

 

   Les Augustins pieds nus (Augustins déchaussés) se répandirent en Italie et en France où ils formèrent une Congrégation répondant au nom de "Petits pères". Prêchant la pauvreté, la chasteté et l'obéissance ils se consacraient essentiellement à la prédication comme d'ailleurs les autres familles. Cet ordre disparaîtra à la Révolution.

 

   La vie de l'ordre de Saint Augustin est organisée selon un principe communautaire classique, mais les préceptes sont issus de Saint‑Augustin. L'ordre sera reconnu officiellement lors du IIe Concile de Lyon en 1274.

 

   Les Augustines sont la branche féminine de l'ordre. Dédiées entièrement aux malades et aux hôpitaux, on les trouve à l'Hôtel‑Dieu à Paris. Les Ursulines ou les Sœurs de la Visitation sont des déclinaisons de cet ordre.

 

   Les Augustins arrivèrent donc à Limoux vers 1306 et comme beaucoup d'ordres mendiants à cette époque, il était riche, possédant une église, un couvent et même une école. Pierre d'Assalit, augustin du couvent de Limoux, deviendra même évêque d'Alet en 1421.

 

Les guerres de religion et la Révolution signeront la fin de l'ordre. Un incendie violent va aussi contribuer à leur déclin à Limoux.

Une toile située à ND de Marceille témoigne de la violence des flammes. L'incendie eut lieu le 15 septembre 1685 et ravagea la ville.

Tableau sur l'incendie du 15 sept 1685 de Limoux
à ND de Marceille

 

Pourquoi l'Ordre des Augustins est‑il lié à l'affaire ?

 

Il existe de nos jours 4 raisons essentielles (ce qui ne veut pas dire que ce sont les seules) :

 

   Ambroise Frédeau (1589‑1673) ‑ Il fut moine ermite peintre de l'Ordre des ermites de Saint‑Augustin.  Il travailla au couvent des augustins de Toulouse et fut un excellent ami de Poussin. Mais surtout il est habilement cité par Gasc dans l'un de ses opuscules comme étant l'auteur du Saint Antoine à ND de Marceille.

 

   Mathieu Frédeau ‑ Très probablement le frère de lai de Ambroise Frédeau et son ainé. Également moine augustin et peintre itinérant. On retrouve mystérieusement sa signature sur le Saint Antoine contrairement à ce qu'affirme Henri Gasc dans son opuscule.

 

   Saint‑Augustin Considéré aujourd'hui comme le père de l'Église catholique, il était avant tout un philosophe chrétien. Le fait essentiel de sa biographie qui nous occupe est qu'il assista au pillage de Rome par Alaric chef des Wisigoths le 24 août 410.

 

   Le mystère de Valcros ‑ Initialisé par Alfred Weysen après la découverte d'un SaintAugustin bien mystérieux

 

Pour plus de détails sur cet épisode passionnant, se référer à l'aventure du tableau Saint Antoine à Notre Dame de Marceille.

 

À l'intérieur, un écrin de couleur

   À l'intérieur de la chapelle des Augustins, le spectacle est au rendez‑vous. Derrière le portail grisâtre se cache un écrin richement décoré. Malgré le temps et l'humidité qui attaquent les murs et les plafonds, les décorations des voûtes ont conservé tout leur éclat.


La nef


L'entrée

 

   On peut alors admirer ces peintures décoratives qui rappellent ND de Marceille. Elles nous donnent ainsi un échantillon de ce que pouvaient être ces lieux il y a plusieurs siècles.


Les voutes peintes

 

La chaire retrouvée

   Cette église cache un autre lien fort avec Notre Dame de Marceille. La chaire possède en effet une extrême ressemblance avec celle dessinée sur la gravure célèbre de Reynié et Certain datée de 1830.


La chaire de l'église Saint‑Augustin
à Limoux


 

 

 

   La gravure de qualité exceptionnelle détaille l'intérieur de ND de Marceille en 1830. Or un mobilier très important a été remplacé lors des rénovations engagées par Henri Gasc. Il s'agit de la chaire qui n'existe plus aujourd'hui sous cette forme.


Gravure de Notre de dame de Marceille vers 1830 (de Reynié et Certain)
et la chaire à droite

 

   La chaire était à l'origine suspendue au mur à une légère hauteur. On la retrouve positionnée ainsi dans l'église des Augustins à Limoux. D'ailleurs Gasc la décrit de façon très imagée en la nommant "La lanterne des anciens palais de justice".

 

   En la remplaçant, Henri Gasc avait certainement un plan précis. En construisant à ND de Marceille une chaire constituée d'une niche encastrée dans le mur plutôt qu'une corbeille suspendue, il pouvait aménager plus facilement un accès très discret à une pièce fermée située en sous‑sol. Cette cache aurait contenu un dépôt découvert des années auparavant par hasard par Gaudéric Mèche. Il est à noter que ce local existe bien puisqu'il a été confirmé par un chercheur, l'ayant visité. Son accès est malheureusement aujourd'hui condamné.


La chaire de la gravure de 1830
à ND de Marceille


La même chaire retrouvée à Limoux
église des Augustins

   Admirez comme le dessinateur prit un soin extrême à détailler ce mobilier. Ceci permet de mesurer quel niveau d'exactitude nous pouvons accorder à cette gravure artistique. Il ne s'agit pas d'un banal dessin issu de l'imagination de l'artiste, mais plutôt d'un réel instantané de l'époque.


La chaire dans l'église Saint Augustin à Limoux

 

Autres curiosités

   La paroisse est dédiée à l'ordre des Augustins. Il est donc normal de trouver une représentation de Saint‑Augustin. En fait, tout le retable est dédié à la vie du Saint.

 

   Il est par exemple représenté à gauche de l'autel sur un bas relief en plein ravissement.

 

   S'il fallait une confirmation, nous retrouvons la même scène et le même personnage à Notre Dame de Marceille sur la peinture au‑dessus de l'entrée principale.

 

 

Le ravissement de Saint‑Augustin représente l'apothéose du Saint devant le mystère
de la Sainte Trinité.

 

   À la XIIe station du chemin de croix, on peut admirer une belle représentation de Marie‑Madeleine qui complète la scène.

 

 

   Remarquez sa façon de croiser les doigts... un grand classique dans les représentations de la sainte.

 

   Le retable et ses décorations murales sont le clou du spectacle. Son aspect est imposant avec les colonnes de marbre blanc, les bas reliefs et les sculptures gracieuses.

 

   Toute cette décoration semble avoir été construite pour mettre en valeur deux scènes. L'une est en haut sous la forme d'une peinture, la seconde est juste en dessous dans un immense bas relief.

 

   La toile, à elle seule mérite l'attention. La peinture anonyme trône largement en hauteur comme si elle était portée aux anges.

 

 

 

Le haut du retable

 

   En haut, Saint‑Augustin évêque porte une auréole et s'agenouille devant le Christ. À sa gauche, une femme donne le sein à un enfant. Il s'agit de la Vierge Marie allaitant l'Enfant Jésus. Au fond, un paysage imaginaire est visible au travers une ouverture accompagnée d'une inscription latine :

 

HINC  LACTOR  AB  VBERE

 

   Il s'agit d'une inscription mariologique qui se traduit par : « je m'approche de sa poitrine ». Saint Augustin est agenouillé devant le miracle de la vie et de la mort. La Vierge Marie est représentée ici comme une simple mère allaitant son enfant. L'allégorie va jusqu'à ne pas la représenter auréolée... Étonnant pour un lieu hautement religieux.

 

La mariologie est une branche de la théologie chrétienne qui étudie la place qu'il faut donner à Marie, mère de Jésus, dans le mystère du Salut du monde.

 

 

 

 

SaintAugustin évêque est agenouillé face à la mort et à la vie

 

 

Peinture anonyme

 

   Au‑dessous, un bas‑relief en marbre blanc de taille imposante évoque l'extase mystique de l'évêque Saint‑Augustin.

 

   En haut d'un mur latéral, isolé et inaccessible, un curieux blason orne la paroisse.

 

   Ce signe est en fait un chrisme intégrant un "quatre de chiffre", mais il est plus difficile de dire à qui appartient cette signature. 

 

 

   Serait‑on en présence d'un symbole de reconnaissance ésotérique lié aux bâtisseurs de la paroisse ? C'est fort probable puisqu'il s'agit sans doute de la signature des compagnons qui participèrent à sa construction...

   Combien de temps ce témoignage de notre histoire résistera‑t‑il encore ? Impossible de répondre, mais une chose est sûr : la piste de ND de Marceille et des frères Frédeau nous oblige à reconsidérer cette petite paroisse qui conserve toujours la mémoire de l'ordre des Augustin...