Ou l'histoire d'un grand Secret...

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10 ans déjà - Rennes-le-Château Archive

Henry Lincoln
Inventeur du Pentacle des Montagnes

   Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

   Henry Lincoln (son vrai nom Henry Soskin) nous a quittés le 22 février 2022 et sa mémoire restera certainement longtemps dans l’affaire de Rennes‑le‑Château. Je me devais de lui rendre hommage.


Henry Lincoln en août 2006 me confiant quelques anecdotes...

 

   Auteur britannique né à Londres en 1930, il fut présentateur de télévision, scénariste et acteur. Son œuvre créatrice est chargée. Après avoir étudié au théâtre de la Royal Academy of Dramatic Art, il se tourne vers la télévision et écrit plus de 200 scénarios dramatiques dans les années 1960.  Il écrit ainsi pour des séries comme "Les Champions" et "Chapeau melon et bottes de cuir", apparaissant dans des séries télévisées comme « The Avengers » (1961, 1963) eh oui déjà… ou « The Saint » (1967), « Man in a Suitcase » (1968), ou encore « The Champions » (1969).

   En 1967, il coécrit avec Mervyn Haisman trois épisodes de la série Doctor Who, dont The Abominable Snowmen et The Web of Fear à l'occasion desquels ils créent "les Yétis" et "la Grande Intelligence". Néanmoins, ils entrent en désaccord avec la production à propos de coupes sur l'épisode The Dominators, qu'ils signent sous le pseudonyme de « Norman Ashby ».

 

   Sa fascination pour l'Égypte et les hiéroglyphes l'amène à une exploration des mystères historiques, des mythologies et des religions.
   Or, c’est en 1969 que sa vie va basculer. Alors qu’il passe des vacances dans les Cévennes, sa flânerie va l’amener à lire « Le Trésor Maudit de Rennes‑le‑Château », le second ouvrage culte de Gérard de Sède après "L'Or de Rennes", et c’est immédiatement la révélation.

   Il est vrai que cette histoire merveilleuse de trésor mêlée à un pauvre curé de l’Aude, Bérenger Saunière, découvrant des parchemins latins codés est une invitation à aller plus loin. L’auteur comprend très vite que le récit est perturbant, déroutant.
   Le livre publie les parchemins et un code apparaît très vite à ses yeux, amplifiant le mystère d’un secret ancestral historico‑religieux. Intrigué par le mystère du village et de son trésor caché, il entreprend ses propres recherches et commence à écrire plusieurs livres présentant ses théories sur les Templiers.
  
   Il présente très vite trois documentaires pour la BBC2 dont « Le trésor perdu de Jérusalem » en 1972. Le sujet en appellera d'autres, notamment "The Man of the Iron Mask", "Nostradamus" et "The Curse of Toutankhamon".


Henry Lincoln et Jean‑Luc Robin à Rennes‑le‑Château


   Le public va surtout découvrir Henry Lincoln avec un best‑seller publié en 1982 « The Holy Blood and the Holy Grail » (Le Saint‑Sang et le Saint Graal) puisqu’il est coauteur avec Richard Leigh, un écrivain de fiction américain, et Michael Baigent, un journaliste néo‑zélandais. L'ouvrage traduit en français portera un tire évocateur : "L'Enigme sacrée".  
   Passionnés par les Templiers, les trois auteurs vont utiliser les mystères de Rennes‑le‑Château pour développer une thèse controversée : Jésus‑Christ marié à Marie‑Madeleine est à l’origine d’une lignée qui s’est rapprochée de la dynastie mérovingienne.

   Et le discours ne s'arrête pas là puisque le livre aborde également le Saint Graal, les cathares, le Prieuré de Sion et les francs‑maçons...
  
   Autant dire que la thèse dérange, et les attaques ne manquent pas. L’ouvrage est pourtant une superbe caisse de résonnance à l’affaire de Rennes‑le‑Château.
   De façon inattendue, Henry Lincoln va surtout obtenir ses lettres de noblesse grâce à un auteur que le public ne connaît pas encore. Il me vient en mémoire ce mail reçu d’un internaute américain m’avertissant d’un succès littéraire aux États‑Unis et qui devrait rapidement déferler en Europe…
Son titre : « The Da Vinci Code ».

   Un an plus tard, le livre est effectivement présent sur toutes les gondoles. Alors que le public est pris d’hystérie passionnelle pour ce récit à suspense mystico‑religieux, la déception est profonde parmi les chercheurs de Rennes. Si Dan Brown affirme que son roman est basé sur des faits bien réels, rien n’est écrit sur les véritables sources de son ouvrage, à savoir les chercheurs de Rennes‑le‑Château et leurs publications… Un comble lorsque l’on découvre que le roman débute par l’assassinat du conservateur du Louvre, un certain Mr Saunière...

   Or, les surprises ne s’arrêtent pas là. Le récit de Dan Brown est fondé sur la même thèse développée par Lincoln et ses deux complices. Des plagiats sont même repérés. Un procès en 2006 pour violation du droit d’auteur contre l’éditeur ni fera rien, le juge statuant que les idées qui y sont présentées ne sont pas nouvelles. La plainte sera finalement rejetée, mais tout le monde aura compris que d’autres enjeux sont présents… Un film attend de sortir sur les écrans : « Da Vinci Code »

   Les trois auteurs de "Holy Blood Holy Grail" en 1982. Parmi eux, Henry Lincoln qui s'est rendu célèbre pour sa découverte des alignements sacrés dans le Razès.

 

   Ce dernier, âgé de plus de 70 ans, préféra ne pas s'associer à la plainte pour plagiat, compte tenu de sa santé fragile.


De gauche à droite :
Richard Leigh, Henry Lincoln
et Michael Baigent en 1982

   Très critiqué par les historiens et les détracteurs, Lincoln deviendra pourtant le troisième personnage le plus important dans l’affaire de Rennes après Gérard de Sède et Pierre Plantard. Deux ouvrages cultes suivront toujours coécrits avec Michael Baigent et Richard Leigh  :

1982 : L'Énigme sacrée (The Holy Blood and the Holy Grail)
1986 : Le Message (The Messianic Legacy)
1997 : La Clé du mystère de Rennes‑le‑Château (Key to the Sacred Pattern)

 

 

   Henry Lincoln poursuit en 1993 avec une série télévisée « The Secret ». Le sujet concerne un prétendu lien entre Rennes‑le‑Château et un célèbre tableau de Nicolas Poussin « Les Bergers d’Arcadie ». Il va même plus loin, évoquant une mystérieuse géométrie sacrée dans le Haut‑Razès basée sur des lieux topographiques espacés de plusieurs kilomètres. Des églises seraient en effet alignées et dessineraient des cercles révélant un temple monumental aussi bien sacré que discret. Malheureusement, le chercheur est trop en avance sur son temps, et les critiques fusent.

Henry Lincoln dans le petit cimetière de Rennes‑le‑Château
militant pour la sépulture d'origine de Bérenger Saunière 

 

   Prenant le train de Rennes dans les années 2000, je découvre alors les débats incisifs et les détracteurs comparant Rennes‑le‑Château à un asile à ciel ouvert pris en otage par des tireurs de traits. Comment Nicolas Poussin, un maître du XVIIe siècle, peut‑il être lié à une région méconnue du Haut‑Razès ? Comment a‑t‑il pu peindre un tombeau présent près des Pontils alors qu’il n’est jamais venu dans l’Aude ? Et comment imaginer que des édifices religieux participent à une construction topographique ?

   Le mouvement est pourtant lancé, et le fameux pentacle du Haut‑Razès deviendra le Pentacle des Montagnes de Lincoln.

Le Pentacle des Montagnes mis en lumière par Henry Lincoln
Le tracé topographique est construit sur 6 sommets remarquables :

        Le château de Blanchefort
        La Tour Magdala à Rennes-le-Château
        Le sommet de la Serre de Lauzet
        Le château dit des Templiers au Bézu
        Le sommet de La Soulane

 

   Son apport dans l’affaire est inestimable, n’en déplaise à tous les détracteurs et les esprits chagrins qui n’eurent de cesse que de caricaturer et dénigrer ses travaux. Le temps a heureusement fait son œuvre et nul n’ose aujourd’hui nier le lien du maître Poussin avec l’affaire, de même que tous les alignements topographiques aujourd’hui démontrés et qui prouvent notre ignorance.

   Je me rappelle d’une discussion mémorable avec Lincoln sur le parapet des Pontils, et alors que nous regardions le monticule rocheux, l’une de ses remarques m’interpela : « Le jour où nous saurons pourquoi le tombeau de Poussin a été édifié à cet endroit, nous aurons résolu l’affaire… » Je mesure aujourd’hui à quel point il avait raison… Quelques années plus tard, je devais découvrir l’importance de la Tête de l’Indien méditant sur une majestueuse aiguille située en arrière‑plan du tombeau et ouvrant sur les gorges du Bézis…

Le Tombeau des Pontils et en arrière‑plan la vallée du Bézis
(à gauche la Tête de l'Indien et à droite le Roc di Quiloutié)

 

   C’est le 8 novembre 2003 que Lincoln reçoit le titre de Chevalier honoraire de l'Ordre des Militi Templi Scotia, en reconnaissance de son travail dans les domaines de la géométrie sacrée et de l'histoire des Templiers, une reconnaissance tardive qui devenait indispensable...

                   Merci, Mr Lincoln, de nous avoir fait tant rêver…
                   Jean‑Pierre Garcia

 


Article paru dans L'Indépendant de Carcassonne du 1er mars 2022