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Les Cathares - Rennes-le-Château Archive

La tragédie des Cathares    2/3        
Les croisades albigeoises et l'Inquisition

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

    Le Grand Sud-Ouest français qui regroupe aujourd’hui l’Aquitaine et l’Occitanie est une région extrêmement riche en patrimoines et en Histoire. Des personnages très célèbres ont forgé sa culture, son passé et ses traditions comme Aliénor d’Aquitaine, duchesse d’Aquitaine et comtesse de Poitiers, Reine de France et d’Angleterre, Napoléon III et ses constructions révolutionnaires à Saint-Jean-de-Luz, Biarritz ou Pau, Henri IV, roi béarnais de France et de Navarre, Henry Russel et sa grotte du Vignemale, Riquet et son exceptionnel Canal du Midi… Le Sud-Ouest possède aussi des trésors comme la grotte de Lascaux, le gouffre de Padirac, la cité médiévale de Carcassonne, le Gers gallo-romain ou la Gascogne et son fameux garde d'Artagnan... La liste est longue...

   Mais le Sud-Ouest a aussi été marqué par des tragédies et l’histoire des Cathares et du catharisme en est une. Entre le Xe et XIIe siècle, une mystérieuse « hérésie » fait son apparition dans le Midi de la France. Son expansion et sa menace sont telles que l'Église catholique est contrainte de mener une guerre pour l'éradication de cette religion. Trois croisades seront menées par le royaume de France, et il s'agit surtout pour le Roi de dominer tout le Languedoc et l'Aquitaine. La lutte contre les Cathares alias les Albigeois s'achèvera officiellement par la chute de la forteresse de Montségur en 1244, mais elle se poursuivra jusqu'au XIVe siècle.

   Q
ui étaient les Cathares ? Pourquoi ont-ils été persécutés ? Pourquoi cet épisode tragique de l'Histoire de France est-il resté si méconnu ? Quels sont les liens subtils avec l'affaire de Rennes-le-Château ? Qu'en est-il de leur prétendu trésor ? De leurs légendes ? Qui était vraiment Déodat Roché ? Les questions ne manquent pas autour de cette page que l'Histoire tente d'oublier et qui demeure encore pour beaucoup mal comprise.

    D'autant que quelques historiens (1) réfutent aujourd'hui l'existence même des Cathares, prétendant qu'il ne s'agirait que d'un mythe construit sur une absence totale de source historique. Mieux, la chasse à l'hérétique aurait été organisée par le pouvoir royal pour uniquement intervenir brutalement dans le Midi de la France, un pays dissident. Or, il faut savoir que l'Église de Rome a très largement encouragé le déclenchement de la croisade albigeoise, une guerre cruelle qui se termina par l'Inquisition jusqu'en 1321, date à laquelle fut brûlé le dernier Cathare connu...

   Assisterait-on aujourd'hui à une révision de l'Histoire occitane afin d'adoucir quelques rugosités de la chrétienté médiévale ? Voici quelques rappels historiques afin que chacun puisse construire son propre jugement...

(1) Dans ce contexte, l’Université Paul-Valéry de Montpellier a proposé via son centre d’études médiévales et durant les années 2018-2019, l'exposition "Les Cathares : une idée reçue" qui fut présentée dans plusieurs villes, dont Béziers.

 

 


Enluminure montrant le pape Innocent III excommuniant des Cathares
et à droite des croisés les massacrant

Bibliothèque royale britannique (BL Royal 16 G VI, fol. 374v)

 

La période des croisades
De 1208 à 1218 - La première croisade albigeoise

  
Si la période cathare fascine aujourd'hui pour son aspect mystico-religieux et ses mystères, elle est aussi synonyme d'un drame humain effroyable. Cette période qui s'étale sur trois siècles représente en effet l'une des plus sombres de notre Histoire, marquée par un génocide qui fera plus d'un million de morts et que l'on habille sous l'appellation "croisade albigeoise"...

   En 1177, le comte Raymond V de Toulouse demande à l'abbaye de Cîteaux une aide pour combattre l'hérésie qui ne cesse de croître. Il s'associe alors avec l'abbé Henri de Marsiac pour organiser une expédition et assiéger Lavaur, l’un des centres de l'hérésie. Lorsque la cité se rend, deux Cathares sont capturés et abjurent leur foi, mais l'hérésie reprend de plus belle. Et lorsque son fils, le Comte de Toulouse Raymond VI, succède à son père en 1194, l'hérésie est trop installée pour envisager une quelconque action. De plus, une partie de la classe dirigeante est déjà convertie au catharisme.


  
La première croisade est déclenchée par un évènement qui aurait pu passer inaperçu. Le 15 janvier 1208, le légat du pape, Pierre de Castelnau, est assassiné par un écuyer de Raymond VI comte de Toulouse. Cet assassinat va mettre le feu aux poudres, et à l’appel du pape Innocent III, les seigneurs du Nord prennent la croix contre les albigeois. La première croisade albigeoise est lancée et elle va vite s'apparenter à une opération guerrière brutale et extrêmement répressive.
 Innocent III, un pape à l'origine du massacre des Albigeois

   176ème
pape de l'Église catholique, élu le 8 janvier 1198 sous le nom d’
Innocent III, il est considéré comme l’un des plus grands papes du Moyen Âge. Pourtant, sous son règne qui commença en 1158, il organisa un véritable massacre qui ravagea tout le Languedoc.

   Cette première croisade de catholiques contre des chrétiens provoqua notamment le sac de Béziers et des milliers de morts. Cette répression sanguinaire durera jusqu'à la fin de son pontificat et se poursuivra avec l'Inquisition tout aussi meurtrière.

Le pape Innocent III (1160-1216)
Détail d’une fresque du cloître
du sanctuaire du Sacro Speco à Subiaco

    Innocent III fut aussi un chef d'Église impitoyable et autoritaire, exaltant au mieux la puissance du Saint-Siège. À partir de 1199, il organisa la lutte contre les hérésies et confia cette tâche en 1213 à l’Inquisition, un tribunal ecclésiastique d’exception. L'une de ses idées majeures fut d'apporter un soutien à Dominique de Guzmán (Saint Dominique) et à Saint François d’Assise en validant leur première règle.
   Ce pape est également celui qui géra le plus important concile du Moyen Âge, le IVe concile du Latran. Ce concile est resté célèbre pour les thèmes qui furent statués comme : les dogmes, les sacrements, la réforme de l’Église, la croisade, le statut et la discrimination des Juifs et des Sarrasins.
    Enfin, c’est sous son pontificat qu’eut lieu la quatrième croisade qui échappa à son contrôle et se termina par le sac de Constantinople, un évènement qui creusa le fossé entre les orthodoxes et les catholiques romains.


La tombe du pape Innocent III - Basilique Saint Jean de Latran à Rome

 

   Le pape Innocent III va pourtant tenter de parlementer, mais ses démarches resteront vaines, d'autant que les seigneurs du Pays d'Oc ont une attitude plutôt favorable envers les Cathares. Cette situation va fortement l'irriter, n'hésitant pas à excommunier Raymond VI. La force devient alors de son point de vue la seule solution pour remédier à l'hérésie. L'assassinat du légat Pierre de Castelnau le 15 janvier 1208 va servir de prétexte au déclenchement des hostilités.  
    Dans un premier temps, le pape convainc le roi de France, Philippe Auguste et ses barons du nord, d'engager une répression dans le sud de la France.

   Consulté, le Roi se montre hésitant à l'idée d'une campagne contre les États du Comte de Toulouse, mais il répond finalement à l'appel. C'est le début de la croisade des Albigeois... Nous sommes en 1209.

   Arnaud Amaury et Guy des Vaux de Cernay parcourent alors le royaume de France afin d'inciter les barons à prendre part à la croisade.

Innocent III brûlant des hérétiques
(miniature 1416)

 


Arnaud Amaury au pied
du pape Innocent III
   Le duc de Bourgogne Eudes III annonce son engagement à la croisade, suivi d'Hervé IV de Donzy, comte de Nevers, et de Gaucher III de Châtillon, comte de Saint-Pol. D’autres barons vont aussi se rallier à la cause, et pour diriger l'expédition le Pape désigne comme chef de la croisade le légat Arnaud Amaury.

   Les puissants vassaux sont alors à la tête de 300 000 croisés qui se rassemblent à Lyon et descendent par la vallée du Rhône. Une autre armée est également levée pour aller combattre l'hérésie en Quercy et en Agenais. Elle est dirigée par le comte Guy II d'Auvergne accompagné de l'archevêque de Bordeaux.
     Trois principaux féodaux dominent alors le Languedoc : le roi Pierre II d'Aragon (comte de Barcelone, de Gévaudan, de Roussillon, seigneur de Montpellier), Raymond VI (comte de Toulouse) et Raimond-Roger Trencavel (vicomte de Béziers, de Carcassonne et d'Albi). Soupçonné d'avoir encouragé le meurtre du légat Pierre de Castenau, le comte de Toulouse Raymond VI se rallie à l'Église et malgré une mésentente avec Trencavel, il rejoint la croisade le 18 juin 1209 à Saint-Gilles.

   Les États du puissant roi Pierre II d'Aragon sont faiblement touchés par le catharisme et les croisés décident de ne pas l'attaquer. Arnaud Amaury va par contre choisir les fiefs de Raimond-Roger Trencavel qui abritent de nombreux Cathares. Alors que la croisade atteint Montpellier, Raimond-Roger Trencavel demande une entrevue à Arnaud Amaury et tente de négocier, mais le légat exige une soumission complète. Trencavel refuse...

 

Raimond-Roger Trencavel

  
Il naquit en 1185 et disparut le 10 novembreembre de la Maison Trencavel, il était vicomte d'Albi, d'Ambialet et de Béziers (fiefs tenus du comte de Toulouse), et vicomte de Carcassonne et de Razès (cité de Redae ou Rennes-le-Château), fiefs tenus du comte de Barcelone qui était dans le même temps roi d'Aragon. Raimond-Roger est le fils de Roger II Trencavel et d'Adélaïde de Toulouse, neveu du comte de Toulouse Raymond VI. Il fut l'un des héros, et en même temps l'une des premières victimes de la croisade des albigeois.

   Raimond-Roger vécut au château comtal de Carcassonne construit par ses ancêtres au XIe siècle. Comme Raymond VI, il avait adopté l'attitude permissive et libérale des seigneurs du Languedoc en matière de religion, ce qui lui vaudra d'être aussi excommunié par le Pape. Tolérant, il comptait sur la communauté juive pour administrer Béziers, sa capitale et son principal fief.

 

 

 

   Raimond-Roger Trencavel veut protéger sa ville, Béziers. La cité est mise en alerte et il y fait amasser des armes et des vivres tout en prévoyant que le siège ne pourra pas aller au-delà de quarante jours, une limite correspondant à l’engagement des croisés dans cette bataille. Alors que la ville se tient prête, Trencavel se rend à Carcassonne afin de réunir une armée. Heureusement, les fortifications de Béziers sont solides et la résistance doit pouvoir durer longtemps. Pour défendre la cité, les habitants se mettent à assaillir les campements ennemis dressés aux pieds des murailles, mais ce n'est que partie remise. Le 22 juillet 1209, profitant d'une ouverture des portes des remparts, les mercenaires et les chevaliers se glissent au coeur de la ville. L'armée suivra très vite.

Arnaud Amaury
   Comment différencier l'hérétique et le catholique ? L'abbé de Cîteaux, Arnaud Amaury avait répondu : " Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! " Béziers est incendié et le massacre est terrible. 30 000 habitants sont passés au fil de l'épée. Hommes, femmes, enfants, vieillards, tous périssent dans un déferlement de violence. Ceux qui ne sont pas morts dans les rues et dans les habitations se réfugient dans la cathédrale en pensant être hors de danger. Mais ce lieu de culte chrétien va devenir un piège effroyable puisque les croisés vont finir par y mettre le feu... Raymond-Roger de Trencavel ira se replier à Carcassonne.

 

   Le 26 juillet 1209, Béziers est en ruines et les croisés se dirigent maintenant vers Carcassonne. Trencavel va se retrancher dans la ville qui abrite habituellement trois à quatre mille habitants, mais le nombre est plus important, car de nombreux paysans sont venus s'y réfugier. L’armée est au pied de la ville le 1er août, et le 3 août, une première attaque permet aux croisés de prendre le faubourg nord. L’eau de la ville est dorénavant sous le contrôle des croisés.
    Le lendemain, un assaut contre le Castellare est repoussé, et le siège de la cité se met en place. Il durera trois semaines. Des actes d’héroïsmes vont alors marquer les batailles comme cette sortie de Trencavel, tuant les soldats se trouvant dans les faubourgs. Néanmoins, le manque d'eau et la surpopulation dans la cité créent des conditions sanitaires déplorables incitant le vicomte à négocier la reddition. Un accord est conclu le 15 août 1209 et Carcassonne est obligée de capituler. La vie sauve est garantie à ses habitants, mais ils doivent quitter la ville en abandonnant tout derrière eux.
Les habitants sont expulsés
de Carcassonne en 1209 
    Raymond Roger de Trencavel finit par se livrer comme otage, mais il mourra le 10 novembre 1209 dans sa prison de la cité de Carcassonne, probablement d'une dysenterie. Il n'aura alors que 24 ans. Simon de Montfort sera alors accusé de l'avoir fait empoisonner, d'autant qu'il prendra ensuite possession des territoires de Trencavel.

Le vicomte Raymond Roger Trencavel arrêté par ordre du légat en 1209
(Histoire populaire de la France, 1862)

 

1209 à 1213 - La croisade continue sur le Languedoc

   Arnaud Amaury doit désigner un successeur à Raimond-Roger Trencavel et il veut confier ses vicomtés à un croisé avec la mission de continuer la lutte contre l'hérésie cathare. Les trois plus importants barons refusent, et le choix se porte sur Simon IV de Montfort qui refuse dans un premier temps, puis accepte à la condition que tous les barons présents fassent serment de venir l’aider s’il le faut. La croisade sera finalement conduite par lui, un personnage qui restera dans l'Histoire pour son sens du stratège, sa bravoure, mais aussi pour sa grande cruauté.
   Après Béziers, les croisés traversent Montpellier et se dirigent vers les terres de Raimond-Roger Trencavel.

 

Simon IV de Montfort
   Simon IV de Montfort naquit entre 1164 et 1175 et fut tué lors d’un assaut le 25 juin 1218 à Toulouse.

   Seigneur de Montfort-l’Amaury de 1
188 à 1218, comte de Leicester en 1204, vicomte d’Albi, de Béziers et de Carcassonne de 1213 à 1218, comte de Toulouse de 1215 à 1218, il s'est rendu tristement célèbre lors de la croisade des Albigeois. Issu de la maison de Montfort-l'Amaury, une baronnie d’Île-de-France, son père, Simon (IV) de Montfort était gruyer royal et son arrière-grand-père Amaury III de Montfort était comte d'Évreux et sénéchal de France.

Simon IV de Montfort
(entre 1164 et 1175, 1218)

    À la mort de son père en 1188, il se retrouva à la tête de la seigneurie de Montfort, mais il ne prit pas immédiatement part à la rivalité franco-anglaise. Par contre, il apparaît dans la vie politique en 1188, au cours de l'entrevue de Gisors entre Philippe Auguste et Henri II d'Angleterre.
   Saladin ayant pris Jérusalem, une réunion fut en effet organisée par l’Église près du château de Gisors pour sceller la paix et permettre le départ de la troisième croisade. Or, cette réunion est aussi en relation avec une affaire plus occulte puisqu'il s'agit de l'affaire de " la coupure de l'orme de Gisors " évoquée par les dossiers secrets du Prieuré de Sion. Cet épisode marqua, semble-t-il la rupture entre deux ordres, celui de Sion et celui du Temple. Ce schisme dont on ne connaît pas les réelles causes semblerait avoir été provoqué par la perte de Jérusalem. 


Entrevue de Philippe‑Auguste avec Henri II à Gisors le 2ar Gillot Saint‑Evre en 1839 (salles des croisades - Versailles)

    Simon de Montfort ne se joignit pas à la troisième croisade, au contraire de son fils Guy qui accompagna le roi de France et le nouveau roi d'Angleterre Richard Coeur de Lion. Alors que ce dernier rentra de croisade en 1194, la guerre reprit et Simon de Monfort rejoignit Philippe Auguste.

    C'est en 1209 que Simon de Montfort fut choisi par quatre barons pour diriger la croisade albigeoise. Reconnu pour sa bravoure lors de la quatrième croisade, il mena la guerre contre les Albigeois avec courage, mais aussi avec une grande cruauté comme le massacre de Bram où il fit aveugler tous les défenseurs de la ville. Un autre exemple est celui de dame Guiraude de Lavaur jetée au fond d'un puits et lapidée. Il est aussi responsable de nombreux bûchers, femmes et enfants compris.
   Après avoir gagné la bataille de Muret le 12 septembre 1213 et occis Pierre II Roi d’Aragon, Simon de Monfort fut tué devant Toulouse par un jet de pierre  le 25 juin 1218. Sa mort souleva alors des cris de joie, les Cathares voyant disparaître le plus cruel de leurs ennemis.

    Bon soldat et fin stratège, il remporta la victoire en Albigeois, mais il fut également vaincu. Alors que son ennemi, Raymond IV de Toulouse est le symbole du Méridionnal libertin, Simon de Montfort représente le puritanisme du Nord, deux cultures totalement opposées.

 


La croisade albigeoise de Simon de Montfort entre 1209 et 1212

 

   C'est avec l'aide du duc de Bourgogne que Simon de Montfort prend Fanjeaux, puis il s'installe à Alzonne. Après avoir reçu une délégation de la ville de Castres, il reçoit sur place l'hommage de ses habitants. Les châteaux de Lastours sont sa future cible et un siège est organisé, mais il doit abandonner cette position après le départ du duc de Bourgogne. Une trentaine de chevaliers et une troupe de 500 soldats restent avec lui, et Mirepoix est pris sur la demande de l'abbé de Saint-Antonin de Pamiers. Il donne la ville à son beau-frère Guy de Lévis. La maison de Parfaits implantée à Pamiers par la sœur du comte de Foix est détruite et Simon de Montfort prend Saverdun. Les hommages à Simon se poursuivent et il reçoit les habitants d'Albi, puis prend Preixan. Plusieurs seigneurs locaux vont alors lui rendre également hommage...
   Alors que l'Église reconnaît à Simon de Montfort l'investiture des nouvelles terres conquises, la confirmation doit aussi venir du roi Pierre II d'Aragon, suzerain des vicomtés. Ils se rencontrent à Narbonne, mais le roi d'Aragon n'accepte toujours pas Simon comme son vassal. Nous sommes le 10 novembre 1209, Trencavel meurt dans sa prison, et les ennemis de Simon de Montfort font courir le bruit que Raimond-Roger Trencavel a été assassiné par lui. La révolte gagne alors la région et Giraud de Pépieux, l'un des seigneurs qui avait prêté serment à Montfort, se rebelle contre ce dernier, assiège et reprend le château de Puisserguier. Les soldats et deux chevaliers ont la vie sauve, mais à l'arrivée de Montfort, Giraud de Pépieux fait exécuter les cinquante soldats. Quant aux chevaliers, ils ont les yeux crevés, le nez et les oreilles coupés. D'autres châteaux seront également repris par les Languedociens et leurs garnisons seront massacrées.
Pierre II d'Aragon
dit "le catholique" (vers 1174-1213)

 

    Simon de Montfort comprend alors que la conquête du pays ne peut se faire que dans la brutalité extrême. Albi est malgré tout restée fidèle à la croisade et Montfort prend Bram à côté d'Alzone. Les seigneurs qui trahissent la cause de la croisade et qui ne tiennent pas leur serment sont traînés derrière un cheval puis pendus. D'autres ont les yeux crevés et le nez coupé. Montfort continue et prend le château de Miramont près de Carcassonne.   

    En parallèle, alors que Simon de Montfort, à la tête d'une armée de croisés, extermine les Albigeois par le fer et par le feu entre 1205 et 1215, le dominicain Dominique de Guzman opère un grand nombre de conversions par la seule persuasion.

   L'homme de foi ne prend aucune part à la guerre, ne voulant d'autres armes que la prédication et la prière. Il sera canonisé par l'Église en 1234.

   Toutefois en créant un corps chargé de combattre les hérétiques albigeois, il sera aussi considéré comme le fondateur de l'Inquisition papale et donc à l'origine des tortures et des bûchers futurs.

Dominique de Guzman
et Simon de Montfort

       En juin 1210, Narbonne propose son aide contre la ville de Minerve qui protège de nombreux Cathares. Montfort fait construire une immense pierrière (la Malvoisine), assiège la ville et détruit un chemin donnant un accès à l'eau. Minerve capitule le 22 juillet 1210. Les habitants qui abjurent leur foi ont la vie sauve, mais 140 parfaits refusent et sont condamnés au bûcher.
   Montréal craint de subir le même sort et se rend. Conforté par cette avancée, Montfort assiège le château de Termes qui sera pris au bout de 4 mois.

    Compte tenu de ces succès, le roi Pierre II d'Aragon veut négocier la paix avec Arnaud Amaury, Simon de Montfort, Raymond de Toulouse et Raymond Roger de Foix. Une entrevue est organisée en janvier 1211, mais le comte de Foix refuse. Quant à Montfort, il parvient à confirmer ses vicomtés par le roi. La négociation de paix reprend à Montpellier et Raymond de Toulouse doit rendre les armes de ses États. Il refuse et une sanction tombe : il est excommunié. Sa réaction va alors être immédiate : ses vassaux sont alertés et son armée se réunit.

    Simon de Montfort continue la croisade avec l'arrivée d'un bataillon de croisés et assiège les châteaux de Lastours. Le seigneur des citadelles, Pierre Roger de Cabaret, se rend. Or, une autre bataille importante va s'engager. Encouragé par le comte de Toulouse qui a réuni son armée, Aimery de Montréal se rebelle et se retranche à Lavaur. Pas moins de 5000 soldats se mettent sous les ordres de l'évêque de Toulouse, Foulques, et rejoignent Montfort à Lavaur. Alors qu'une troupe de croisés allemands stationnée à Carcassonne vient renforcer Montfort, elle est massacrée en avril 1211 à Montgey par Raymond Roger de Foix et Giraud de Pépieux.

   Le siège de Lavaur durera un mois et demi avec des assauts répétés et des jets intensifs de pierres. Le 3 mai 1211, une brèche dans les remparts permet à Montfort de prendre la place et la punition est brutale. Aimery de Montréal et ses chevaliers sont pendus pour trahison. La soeur d'Aimery, dame Guiraude est jetée au fond d'un puits et lapidée. Pas moins de 400 parfaits sont brûlés vifs.
Dame Guiraude à Montréal
jetée au fond d'un puits
    Après les prises de Minerve, Termes, Lastours et Lavaur, Simon de Montfort contrôle suffisamment la région pour enfin penser à attaquer le comte de Toulouse qui vient d'être excommunié à nouveau. Il obtient également de Raimond II Trencavel la renonciation de ses droits sur les terres de son père.

 

   Raimond II Trencavel naquit en 1207 et décéda entre 1263 et 1267. Membre de la maison Trencavel, il chercha des années à reprendre les possessions de son père Raimond-Roger Trencavel dont la Croisade des Albigeois l'avait spolié. Il s'opposa à plusieurs reprises à Amaury de Montfort alors établi sur les anciens domaines Trencavel. En 1246, Raimond II fut contraint à renoncer définitivement à ses droits. L'année suivante, il brisa son sceau de vicomte de Béziers et de Carcassonne en gage de soumission au roi de France qui est alors Saint Louis. En 1248, il fit partie de la septième croisade.

 

Simon de Montfort dans l'Aude

et son étrange comportement avec le seigneur du château du Bézu

 

   Après avoir assiégé le château de la Pomarède au diocèse de Toulouse, Simon de Montfort entre dans la vallée de l'Aude. Le château de Coustaussa étant abandonné, il poursuit vers le château du Bézu, Albedun, et trouve Bernard Sermon II prêt à abandonner sa forteresse. Or, contre toute attente, ce dernier est curieusement autorisé à rester. Pourtant l'enjeu est de taille, car la famille des seigneurs d'Albedun se rapproche peu à peu de la foi cathare. Bernard Sermon II laisse finalement son château à Simon de Montfort en 1210. La position stratégique de la fortification toute en hauteur et dominant les vallées fut sans doute l'une des raisons de cette prise. Pour autant, Bernard Sermon II ne sera nullement inquiété et sera même autorisé à rejoindre son château.

L'itinéraire de Simon de Montfort en 1210 lors de la croisade albigeoise.
Coustaussa, Albedun (le Bézu) et Puivert sont les dernières étapes

   Bernard Sermon II alla même jusqu'à cacher sur ses terres en 1229 un important évêque cathare, Guilhabert de Castres, ainsi qu'un parfait, Guillaume Bernard Hunaud. Une première confiscation de ses biens intervint, mais lors d'un procès en 1229 les représentants du Pape et du Roi rendirent à Bernard Sermon tout ce qu'il possédait et que le vicomte de Béziers possédait à Espéraza. L'affaire continua malgré tout et en 1231, le Roi de France confisqua le château d'Albedun et le donna à Pierre de Voisins, lieutenant de Simon de Montfort. Cette donation sera confirmée en 1248. Pourtant Bernard Sermon ne fut jamais accusé d'hérésie et fut même autorisé à garder des terres. Les raisons profondes restent obscures...

 

   Le 15 juin 1211, Montfort se présente devant Montaudran avec des croisés et Thiébaut Ier à la tête, et assiège la ville de Toulouse. Mais, la cité est difficile à prendre d'assaut, et le siège est levé pour aller attaquer à Pamiers le comte de Foix. La défaite de Montgey doit être réparée. Pendant ce temps, Raymond de Toulouse se prépare à passer à l'offensive alors que le pape destitue quelques évêques trop proches du catharisme.

   Au printemps 1212, le nord de l'Albigeois (territoires du Tarn) et l'Agenais sont envahis par une nouvelle arrivée de croisés. Montfort prend Muret, achevant sa stratégie d'encerclement de Toulouse, tandis qu'un de ses alliés occupe le Comminges, neutralisant ainsi le comte de Comminges.

   Ayant réduit à l'impuissance le comte de Toulouse, Montfort profite d'une période de paix relative pour convoquer les seigneurs de ses domaines à Pamiers et leur faire rédiger des statuts. Une charte décrit notamment l'organisation militaire, civile et religieuse de ses états. Pendant ce temps, Raymond VI négocie une alliance avec Pierre II d'Aragon qui vient de remporter la victoire contre les musulmans à "Las Navas de Tolosa", et plaide sa cause devant le pape Innocent III. Ce dernier réunit un concile pour examiner le cas du comte de Toulouse et tranche en décidant la fin de la guerre contre les hérétiques le 15 janvier 1213.

   Alors que le roi Pierre II d'Aragon vient de remporter la bataille de "Las Navas de Tolosa" contre les Maures, il ne peut cacher son inquiétude et prend les comtes de Toulouse, de Foix et de Comminges sous sa protection tout en préparant une nouvelle guerre. L'enjeu devient en effet de plus en plus clair : les seigneurs du Nord veulent maîtriser le Midi.

   En août 2013, le roi d'Aragon franchit les Pyrénées et rejoint les comtes de Toulouse pour attaquer Simon de Montfort au château de Muret. Malgré un avantage numérique, l'assaut tourne court. C'est "la bataille de Muret", et l'entente languedocienne subit une cuisante défaite le 12 septembre 1213. Pierre II d'Aragon y trouvera la mort. Son fils sera fait prisonnier par les croisés, et les milices toulousaines seront massacrées. Quant à Raymond IV, il ira se réfugier dans sa ville de Toulouse.
  
   En gagnant cette bataille, Montfort marque le début de la domination française sur l'Occitanie et la fin de l'expansion de la couronne d'Aragon au Nord. Les villes de Foix, Narbonne et le Comminges tombent dans ses possessions. Les terres provençales de son ennemi, le comte de Toulouse, commencent à être sous son influence.

 

1214 à 1215 - Une paix relative et le concile de Latran

   En avril 1214, l'Église prend la décision d'arrêter provisoirement la guerre en attendant qu'un concile décide du sort de Raymond de Toulouse. Les Languedociens acceptent cette alliance avec le royaume de France, mais le roi Jean sans Terre, trop occupé par une campagne contre la France, ne peut les soutenir.
   Un concile régional se réunit à Montpellier en janvier 1215 et attribue les terres de Raymond de Toulouse à Simon de Montfort, mais il doit se référer au pape. L'attribution est alors modifiée et le marquisat de Provence devrait revenir à Guillaume des Baux, le duché de Narbonne à Arnaud Amaury, et le reste à Montfort. Autres décisions importantes : les religions cathares et vaudoises sont définitivement condamnées. La discrimination du peuple juif est approuvée. Une nouvelle croisade est décidée.
    Le concile de Latran va pourtant continuer jusqu'au 30 novembre 1215 et le sort de Raymond de Toulouse est examiné à la dernière séance. Finalement, le marquisat de Provence est attribué à son fils, Raymond VII de Toulouse. Le comté de Toulouse, les vicomtés de Carcassonne, de Béziers et le duché de Narbonne vont à Simon IV de Montfort. Le légat Arnaud Amaury, archevêque de Narbonne, contestera la possession du duché de Narbonne, mais Montfort finira par le soumettre.

   Au final, Simon de Montfort contrôle le Languedoc. Il ira ensuite à Paris le 10 avril 1216 pour rendre hommage au roi Philippe Auguste et confirmer ses nouveaux domaines.

Simon de Montfort sur la Tour de
l'Horloge à Leicester (Royaume-Uni)

 

1216 à 1218 - La révolte languedocienne

   La paix décidée par l'Église ne dure pas. Raymond VI de Toulouse réfugié à Gênes et son fils parcourent la Provence et réussissent à lever une armée de partisans qui vont rejoindre les faydits, des chevaliers seigneurs languedociens dépossédés de leurs fiefs et de leurs terres lors de la croisade albigeoise. Son fils Raymond VII commence par revendiquer Beaucaire, une ville confiée à Lambert de Limoux par Montfort. La ville est stratégique posée au bord du Rhône et face à Tarascon. Raymond VII entre dans la cité en mai 1216 et est acclamé par la population. Lambert de Limoux tente de s'opposer, mais face à la foule, il se retranche dans le château de Beaucaire qui se retrouve alors assiégé.

   Le fils de Simon, Guy de Montfort, seigneur de la Ferté-Alais et de Castres, marche sur Beaucaire et assiège la ville. Apprenant la nouvelle, son père Simon quitte Paris et arrive le 6 juin. Trois assauts dont le dernier le 15 août, n'arriveront pas à bout des défenseurs, et Lambert de Limoux dans son château manque de vivres. Finalement, Simon de Montfort humilié abandonne la place et négocie la vie sauve pour sa garnison... Nous sommes le 24 août 1216.

 


La mort de Simon de Montfort au pied des remparts de Toulouse en 1218
(gravure du XIXe siècle)
   Cet échec crée l'agitation dans le Languedoc, et alors que Montfort rejoint Toulouse, la ville se révolte et prend des otages. Simon de Montfort réclame des indemnités, mais attise la haine de la population contre lui.
   Il intervient ensuite dans le comté de Foix, mais Raymond VII est en train de rallier plusieurs villes languedociennes.

   Quant à Raymond VI, il est revenu à Toulouse le 13 septembre 1217. La ville est gagnée aussi par la révolte et relève ses murailles. Guy de Montfort débute le siège le 22 septembre, et alors que la situation s'éternise, un évènement dramatique va changer le cours de l'Histoire. Le 25 juin 1218, Simon de Montfort est atteint à la tête par un jet de pierre et meurt.

    La révolte est terrible et la population se rue sur la garnison. C'est un massacre et les rescapés se réfugient au château, résidence des comtes de la ville et de l'épouse de Simon de Montfort. Ce dernier, absent pour cause de combat dans la vallée du Rhône, revient sans attendre et entame un long siège entrecoupé de combats. On l'avertit d'une sortie des Toulousains. Recevant une dernière fois la communion, il enfile son heaume et monte au combat. C'est alors qu'il est blessé à mort : une machine de jet utilisée en contrebatterie sur les remparts de la ville et actionnée par un groupe de femmes lance dans sa direction une pierre d'une demi-douzaine de kilos à une vitesse telle que sa protection de tête explose en même temps que son crâne ! Des cris de joie s'élèvent alors des remparts, le chef cruel de la croisade n'est plus... Privés de Montfort, les croisés lèvent le siège. Raymond VI et son fils Raymond VII arriveront à reconquérir peu à peu l'essentiel de leurs terres.

1219 à 1225 - La seconde croisade

    C'est Amaury VI de Montfort, son autre fils, qui va succéder à la tête des croisés, mais son habileté n'est pas comparable à celle de son père. Les barons languedociens se rallient aux comtes de Toulouse et reprennent leurs fiefs.

   Devant cette situation insurrectionnelle, le pape Honorius III se met à prêcher en 1218 une nouvelle croisade. Le roi de France Philippe Auguste envoie alors son fils Louis pour tenter un arbitrage royal dans le Languedoc, et son armée rejoind Amaury VI de Montfort qui assiège Marmande le 2 juin 1219. La ville est prise et sa population est massacrée. Les croisés marchent ensuite sur Toulouse et débutent un siège le 17 juin, mais il est finalement abandonné le 1er août et le prince Louis retourne dans le Nord.

   Entre juillet 1220 et février 1221, Amaury assiège Castelnaudary et c'est encore un échec. Le 2 août 1222, Raymond VII succédant à son père tente de faire allégeance au roi, mais il doit aussi obtenir la reconnaissance de l'Église. Roger-Bernard de Foix reprendra Fanjeaux, Limoux, Pieusse et Mirepoix en juin 1223. 

 

La royauté intervient

   La paix semble revenir après le victoire de Raymond VII, mais alors qu'un concile se prépare à Paris, le roi Philippe Auguste meurt le 14 juillet 1223. La paix est remise en cause par les envoyés du pape et Blanche de Castille, la femme de Louis VIII, convainc ce dernier d'intervenir. Amaury n'a plus en sa possession que Carcassonne, Minerve et Penne-d'Agenais, et retourne à Paris en 1224. Ruiné, il ne peut plus payer d'armée et abandonne tous ses droits en Languedoc au roi de France en février 1224.

   Compte tenu de cette situation, le roi veut s'engager dans une nouvelle croisade, mais il demande au pape des garanties. Les archevêques de Bourges, Reims et Sens devront être les responsables religieux de la croisade et auront tout pouvoir pour excommunier et jeter l'interdit. Les croisés devront aussi recevoir une contribution financière de l'Église.

   Pendant ce temps, les comtes de Toulouse, de Foix, et le vicomte Trencavel s'engagent devant des évêques à éradiquer l'hérésie et à restituer les biens spoliés au clergé. En retour, les actes de cession des Montfort doivent être annulés.
   Le 25 août, le pape accepte, mais le roi Louis VIII veut annexer le Sud et envoie Guy de Montfort auprès du pape pour qu'il reviennent sur sa décision. Un nouveau concile se réunit à Bourges le 29 novembre 1225 sur la question cathare et le comte Raymond VII est à nouveau excommunié en janvier 1226 et flagellé publiquement.

 

1226 - La troisième croisade

   Le 30 janvier 1226, tout est prêt pour une nouvelle croisade contre les Cathares et elle est conduite par Louis VIII, le père du futur Saint Louis. Or, le Roi va se montrer plus implacable que Philipe Auguste. Son armée arrive à Lyon le 28 mai et suit le Rhône, alors que plusieurs villes provençales et languedociennes envoient leur délégation. De nombreuses cités se soumettent et le 6 juin, l'armée est aux portes d'Avignon, mais la population refuse l'entrée craignant des représailles. Un siège est engagé, et après un assaut repoussé le 8 août, la ville capitule le 9 septembre 1226.

   Louis VIII reçoit la soumission du comte de Comminges qui était le seul allié de Raymond VII, et les vicomtés Trencavel sont annexées. Carcassonne sait que l'armée approche et la population bourgeoise se révolte contre Trencavel qui y est installé. Forcé de se replier sur Limoux avec Roger-Bernard de Foix, ils organisent la résistance, mais le pays tombe peu à peu sous le contrôle du roi et les anciens domaines de Simon de Montfort sont repris. Humbert V, sire de Beaujeu, est nommé gouverneur des vicomtés, mais le roi ne parvient pas à prendre Toulouse. De retour par l'Auvergne, il tombe malade et meurt le 8 novembre 1226.

   Pendant de temps, Raymond VII et ses alliés regagnent des terres. Pour contrer l'hérésie, l'archevêque de Narbonne réunit un concile et renouvelle l'excommunication des comtes de Toulouse, de Foix et de Trencavel.

   Au cours de l'été 1227, Humbert de Beaujeu assiège Labécède dans le Nord ouest du Languedoc. Le château est pris et les Cathares sont conduits au bûcher. Fort de ce succès, Humbert attaque Toulouse en 1228, mais la ville est trop bien défendue. De rage, il finira par massacrer la campagne environnante.

 


Cathare dénoncé et mis au bûcher par des soldats du roi

 

    L'année 1227 est aussi marquée par la disparition le 18 mars du pape Honorius III, et son successeur Grégoire IX sait que la régente Blanche de Castille est en difficulté pour régler le problème des seigneurs insoumis dans le Languedoc. Sur ce constat, le pape envoie son légat Romain de Saint-Ange à Paris pour négocier la paix.
   Raymond VII se résigne finalement à signer le traité de Paris le 12 avril 1229, et par cet acte, le comte de Toulouse s'engage à rester fidèle au roi et à l'Église. Il devra également mener la guerre contre les hérétiques et marier sa fille unique au frère du nouveau roi de France, Louis IX, afin de préparer le rattachement du Languedoc à la France. Il cède également les anciennes vicomtés Trencavel au roi de France. Et pour montrer sa bonne volonté, il se rend sur le parvis de ND de Paris pour y faire pénitence.

 

De 1230 à 1321 - L'Inquisition et la fin du catharisme

   Cette période sombre oblige l'Église à une nouvelle stratégie dans la lutte contre l'hérésie. En effet, le comte de Toulouse soutient très moyennement la lutte, et les évêques sont trop occupés à gérer leur diocèses. Même les récompenses sur dénonciations sont peu efficaces. Quant aux églises cathares, elles entrent dans la clandestinité.

   En février 1231, le pape Grégoire IX pose les bases de l'Inquisition en confiant la mission à des prêtres dépendant du Saint-Siège. La prison à vie et la mort par le feu de viennent des moyens de lutte reconnus officiellement par l'Église.
   Le 11 septembre 1231, Grégoire IX nomme le premier Inquisiteur, Conrad de Marbourg. Les suivants seront recrutés chez les Dominicains et les Franciscains.

   C'est le 20 avril 1233 que le pape Grégoire IX institue finalement cette arme redoutable, une nouvelle juridiction : "Inquisitio hereticae pravitatis" ou Inquisition. Elle débute en France et décharge effectivement le clergé séculier. Le tribunal d'exception est confié à une poignée de Dominicains, les Frères prêcheurs, un ordre franciscain fondé par Dominique de Guzman, et qui jouit d'un pouvoir sans limite.  
    Ce tribunal dénommé "Inquisitio hereticae pravitatis" et qui relève seulement du pape a pour mission d'enquêter, de démasquer et de condamner dans tout le royaume de France les hérétiques, les mauvais chrétiens et les catholiques non sincères. Les juges ont également tout pouvoir et peuvent engager des procédures en cherchant eux-mêmes les suspects d'hérésie sans attendre une dénonciation ou une plainte de quiconque. Même les complices et les prôches peuvent être inquiétés et les délations suffisent à la condamnation.

   C'est le début du règne de la terreur et des bûchers,  et tout est fait pour débusquer l'hérésie et le mauvais chrétien.

Le pape Grégoire IX instaurant une nouvelle juridiction "l'Inquisition"
le 20 avril 1233

 


"Le pape et le grand Inquisiteur" par Jean-Paul Laurens - 1882
Musée des Beaux-arts Bordeaux

 

   Les Inquisiteurs sillonnent alors le Midi et les diocèses méridionaux sont témoins de nouvelles horreurs. Ils interrogent et recueillent les confessions des habitants, encouragent les délations, notent toute parole suspecte et arrêtent sans preuve. Dès qu'un hérétique est arrêté, il est implacablement livré aux flammes après d'innombrables tortures. Les biens sont confisqués et les maisons détruites. Des bûchers sont régulièrement allumés, n'hésitant pas à brûler les Cathares et leurs complices. Les femmes et les enfants ne sont pas épargnés. Le zèle des Inquisiteurs est tel qu'ils n'hésitent même pas à déterrer les cadavres considérés hérétiques pour les brûler. Certains diront que les bûchers sont si nombreux qu'ils finiront par éclairer le ciel languedocien. Malheureusement, l'Histoire officielle ne retiendra que celui de Montségur.

   Le 13 mai 1239, Robert le Bougre, symbole de la violence arbitraire de l'Inquisition, jette dans les flammes 183 personnes en Champagne. C'est le bûcher du Mont-Aimé et les excès de ce personnage sont tels qu'il sera condamné par le pape à la prison à perpétuité.

Cathares mis au bûcher

 

    Devant ce massacre annoncé et institutionnalisé, les Languedociens sont épuisés et se révoltent au cours de l'été 1240.
    C'est alors que Raymond Trencavel revient à la tête de faydits du Razès, du Carcassonnais et du Fenouillèdes. L'objectif est de reprendre ses anciens domaines, mais le siège de Carcassonne est un échec et il s'enferme dans Montréal, puis rejoint l'Aragon.
   Accusé par le roi d'être trop passif, le comte de Toulouse doit alors faire sa soumission le 12 mars 1241, et pour se racheter, il assiège en juillet 1241 le château de Montségur sans succès.

Le château de Montségur

 

    En 1241, Alphonse de France est investi du comté de Poitiers, et la noblesse poitevine attachée aux Plantagenêts dont Hugues X de Lusignan, marié à Isabelle d'Angoulême, ancienne reine d'Angleterre, commence à nouer des alliances avec le roi d'Angleterre, le roi d'Aragon et Raymond VII comte de Toulouse. Le complot semble bien préparé puisque Raymond VII se marie avec Marguerite de Lusignan, mais le roi comprend et prend des dispositions pour éviter une nouvelle révolte.
   La maison de Lusignan est une très ancienne famille féodale française originaire du Poitou, et attestée depuis le Xe siècle. Elle a donné des comtes de la Marche, des comtes d’Angoulême, de Jaffa, d'Eu, de Porhoët et de Pembroke, des rois de Jérusalem, de Chypre et d’Arménie.
   Le premier seigneur de Lusignan est Hugues II le Cher (av. 950-980) qui fit construire le château de Lusignan. La légende lui prête pour auteurs la fée Mélusine et son mari Raymondin. L'un des personnages les plus célèbres est Guy de Lusignan (1153-, noble poitevin de la Maison de Lusignan, comte de Jaffa et d’Ascalon, roi de Jérusalem (1186-1192) et seigneur de Chypre, impliqué dans la chute de Saint Jean d'Acre.

 

   Pendant ce temps, l'Inquisition continue sa purge, et le 28 mai 1242, des Inquisiteurs du tribunal sont assassinés dans la ville d'Avignonet-Lauragais par une soixantaine de chevaliers cathares de la garnison de Montségur réunis autour de Pierre-Roger de Mirepoix. C'est le signal d'une nouvelle révolte languedocienne.

   De nombreux seigneurs et chevaliers faydits rallient l'armée de Raymond VII. Le vicomte de Narbonne, Amalric, Trencavel et le comte de Foix le rejoignent et s'emparent du Razès en 1242, du Minervois, d'Albi, puis entrent à Narbonne. Néanmoins, le soulèvement n'est pas suivi par le comte de Provence et le roi d'Aragon, et le 21 juillet 1242, Louis IX écrase la noblesse poitevine et le roi Henri III d'Angleterre.

   L'armée royale marche sur le Languedoc et le comte de Toulouse n'a plus d'autre choix que de traiter avec le roi. En janvier 1243, Raymond VII fait acte de soumission à Louis IX suivi par Trencavel, et une paix est signée à Lorris entre le roi de France et le comte de Toulouse marquant la fin de l'Occitanie indépendante.

   En 1244, un autre fait important va se dérouler à Montségur. La citadelle qui sert de refuge aux Cathares est une nouvelle fois assiégée et cet épisode va se terminer dans une véritable tragédie pour les Cathares. La reddition de la forteresse est inéluctable et les Parfaits qui refuseront de renier leur foi finiront dans un gigantesque bûcher.

   En 1252, par la bulle "Ad extirpenda", le Pape Innocent IV décide de légitimer la torture dans le cadre de l’Inquisition qui est désignée sous le nom de "quaestio" (question). Les supposés hérétiques y sont soumis pour avouer leurs croyances et dénoncer d'autres hérétiques. Cette légitimation de la torture contraste avec le discours de l’Église affirmant qu'il ne faut pas user de la force pour lutter contre l’hérésie, une position qui s’incarne d'ailleurs dans la phrase de Bernard de Clairvaux : " La foi doit être persuadée et non imposée "  

 


L'Inquisition par Joaquin Pinto

 

   En 1258, le traité de Corbeil est signé entre les royaumes d'Aragon et le royaume de France. Une frontière est décidée et suit les châteaux qui longent aujourd'hui le sentier cathare. Mais ce traité ne résout rien, et l'Inquisition instaurée en 1233 continue de générer la terreur. Si les enquêtes menées par les Dominicains au cours des XIIIe et XIVe siècles éliminent de nombreux Parfaits, le catharisme est toujours dans les esprits et l'Église le sait. La population est traumatisée et nombreux sont ceux qui fuient vers la Lonbardie et l'Espagne.

   Le 13 février 1278, 200 Cathares sont brûlés à Vérone et la ville est le théâtre de l’un des pires bûchers de l’Inquisition qui est alors à son apogée.
   Un personnage va alors marquer cette période trouble entre 1299 et 1304, Bernard Délicieux, un moine franciscain qui s'opposera ouvertement à l'Inquisition et à sa cruauté... Il finira torturé et emprisonné à perpétuité, prouvant ainsi que l'Inquisition toucha également des chrétiens.

 


"L'agitateur du Languedoc" par Jean-Paul Laurens (1887)
(musée des Augustins de Toulouse)

Bernard Délicieux s'opposant à l'Inquisition. Il est représenté ici lors de son jugement. Au premier rang au centre, face à Bernard Délicieux, le grand Inquisiteur entouré de deux religieux. Derrière siègent les représentants de l’Église avec les cardinaux et les évêques. Il finira torturé et condamné à perpétuité.

 


"Après l'interrogatoire de Bernard Délicieux" par Jean-Paul Laurens (1882)
Les Inquisiteurs dominicains préparent Bernard Délicieux à la torture

 

   Bernard Délicieux naquit en 1260 à Montpellier et décéda après 1319 en prison à Carcassonne. Ce moine franciscain fut l’un des plus virulents opposants à l’Inquisition, lors de la répression menée contre l’hérésie cathare. Il défendit aussi les Parfaits et leurs amis. Pour mener son combat, il réussit à réunir autour de lui des représentants d'Albi, de Cordes, de Carcassonne, de Castres ou encore de Limoux et les mobilisa pour aller dénoncer les abus de l'Inquisition devant le roi de France Philippe le Bel.
   Mais rapidement, avec la pacification du conflit entre Philippe le Bel et la papauté après la mort de Boniface VIII  en , Bernard Délicieux perdit le soutien royal.

   En 1317, Bernard Délicieux fut arrêté sur ordre du pape alors qu'il était venu à Avignon plaider devant lui la cause des "spirituels" de son ordre. Au terme d'un procès mené par Bernard Gui au cours duquel il fut torturé en décembre 1319, Bernard Délicieux fut finalement condamné à la prison à perpétuité et y mourut.

 

   Bernard Délicieux est l'une des sources d'inspiration du romancier Umberto Eco pour son personnage Guillaume de Baskerville dans "Le Nom de la rose".

   Un film de Jean‑Jacques Annaud adapté du roman lui sera consacré. Il fut dévoilé le 17 janvier 1986 pour sortir le 17 décembre de la même année. 

 

Finalement, en 1321, un dernier parfait connu sous le nom de Guilhem Bélibaste est brûlé vif au pied du château de Villerouge-Termenès dans l'Aude. Cet évènement marquera officiellement la fin du catharisme, 77 ans après le drame de Montségur.

   Ne pouvant plus délivrer le "
consolamentum" le catharisme prit fin. Quelques irréductibles subsistèrent malgré tout et ils furent impitoyablement traqués, notamment par Jacques Fournier de l'ordre cistercien, évêque de Pamiers en Ariège et futur pape Benoît XII. On lui attribuera notamment cet acte cruel : l’emmurement en 1328 de 510 Cathares dans la grotte de Lombrives.

 

   Guilhem Bélibaste, l'un des tout derniers parfaits cathares, naquit à Cubières (Aude). Ayant assassiné un berger pour éviter d'être dénoncé, Bélibaste passa sa vie à fuir. Il s'évada de la prison de Carcassonne et se réfugia en Catalogne, à Lérida, où il vécut en fabriquant des peignes de tisserand. Un envoyé de l'inquisition, Arnaud Sicre (un traître) le dénicha à Morella, où il vivait avec quelques fidèles, l'attira et le fit arrêter. Il fut ramené en août 1321 à Carcassonne, et brûlé vif à Villerouge-Termenès. Bien qu'il n'ait pas respecté scrupuleusement les règles de vie cathares, il n'en est pas moins le dernier représentant connu. Avec lui s'éteint l'Église cathare occitane.

Un dernier bûcher aura lieu en 1329 à Carcassonne.

 

    À noter qu'une découverte archéologique récente permit de retrouver à Carcassonne, dans le quartier de la Barbacane, les vestiges médiévaux du "Mur", le nom qui fut donné à la prison de l'Inquisition. De nombreux Cathares y furent enfermés parmi lesquels le dernier Bon Homme connu, Guihem Bélibaste, et le célèbre moine franciscain Bernard Délicieux. Ce dernier y fut emprisonné après son procès en décembre 1319 et y mourut quelques mois plus tard.
   Abandonnée et oubliée entre le XVe et le XVIe siècle, la localisation de la prison inquisitoriale était totalement perdue. Et malgré des recherches menées au XVIIIe siècle dans les abords sud-ouest de la cité, Viollet-le-Duc fut incapable d'interpréter les vestiges de l’ancienne prison. L’emprise du "Mur" et la porte ne furent identifiées qu'au début du XXe siècle et confirmées en 2009.

   Dans un célèbre tableau, Jean-Paul Laurens peint un épisode du "Mur" : "La délivrance des emmurés de Carcassonne" (1879). On y voit Bernard Délicieux, chef de file de la révolte contre l’Inquisition, assistant à la libération des malheureux devant la porte principale de la prison, le "Mur".

"Bernard Délicieux et les emmurés de la prison de Carcassonne"
par Jean-Paul Laurens (1879) Musée des Beaux-Arts de Carcassonne

En 1303, à la suite d'une émeute, Bernard Délicieux intervient et fait transférer ceux qui avaient été enfermés, emmurés dans la geôle de l'Inquisiteur, à la geôle royale, comme le montre cette scène. Délicieux se tient à gauche du centre face à la foule, tandis que Jean de Picquigny avec ses manches rouges emblématiques,
supervise l'ouverture de la prison.

 

 Fin du catharisme, fin de l'Inquisition ? Pas vraiment
  La fin du catharisme ne va pourtant pas arrêter l'Inquisition et son bras séculier. En 1324, l’Inquisiteur dominicain Bernard Gui rédige son célèbre ouvrage "Pratica Inquisitionis" ("la pratique de l’Inquisition") où il donne ses conseils d’Inquisiteur expérimenté. Il est également reconnu pour sa relative clémence.

    L'Institution religieuse servira de nouveau à l'encontre de Jeanne d'Arc. Arrêtée à Compiègne le 23 mai 1430 après avoir libéré la ville d'Orléans l'année précédente, elle est capturée par Jean de Luxembourg, un mercenaire du duc de Bourgogne, et vendue pour 10 000 livres aux Anglais. Transférée devant le tribunal d'Inquisition de Rouen, elle subira un procès sans défenseur pour hérésie, et sera finalement brûlée vive en 1431. Il faudra attendre l'an 1456 pour qu'elle soit réhabilitée. 

   Autre procès resté célèbre dans la mémoire des Hommes, celui de Galilée le 22 juin 1633. Âgé de 70 ans, le savant, géomètre, physicien et astronome italien est condamné par l'Inquisition à la prison à vie après avoir abjuré le système héliocentrique de Copernic mis à l'index 15 ans plus tôt.
   Il sera finalement assigné à résidence après avoir murmuré "
Et pourtant elle tourne...". Considéré comme le fondateur de la physique à partir de 1680, l'Église catholique ne le réhabilitera qu'en 1992 !

Galilée en 1636
   Un peu plus tôt, un certain Bruno Giordano eut moins de chance. Né en 1548 au Royaume de Sicile, il devint célèbre pour avoir développé sur la base des travaux de Nicolas de Cues puis de Copernic, la théorie de l'héliocentrisme. De plus, il montra, de manière philosophique, la pertinence d'un univers infini qui n'a ni centre ni circonférence, peuplé d'une quantité innombrable d'astres et de mondes identiques au nôtre.

   Pour avoir défendu et démontré ce modèle astronomique, il fut condamné par l'Inquisition et livré vivant aux flammes le 17 février 1600 à Rome. Une statue de bronze à son effigie a été érigée au "Campo de Fiori" à Rome, lieu de son supplice.

 

La crise albigeoise entre alors dans une nouvelle étape, tout aussi cruelle que les précédentes. Le pape envoie en Languedoc les tribunaux de l'Inquisition pour poursuivre l'éradication du catharisme et des hérétiques. Elle sera aussi la période des châteaux dits "cathares" et du siège de Montségur, une tragédie qui se terminera par un bûcher effroyable et de nombreux mystères...


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La tragédie de Montségur et ses mystères