Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Fouquet et le Razès - Rennes-le-Château Archive

L'affaire Nicolas Fouquet            2/4
Mystères et liens secrets avec le Haut‑Razès

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

Nicolas Fouquet
1615‑1680

 

Surintendant des finances
de Louis XIV

 

Personnage incontournable du XVIIe siècle, il fascine les historiens, les romanciers et les amateurs de mystères pour sa vie paradoxale partagée entre richesse insolente, déchéance absolue et affaire d'État.

 

Une chose est certaine, il restera une énigme pour les historiens tant que ceux‑ci n'auront pas relié son parcours et ses intrigues avec l'affaire
de Rennes‑le‑Château...


Nicolas Fouquet
(1615‑1680)

 Devenu immensément riche sans explication satisfaisante, arrêté, jugé lors d'un procès interminable manipulé par Colbert et le roi, condamné à l'exil,  puis mis au secret à vie par Louis XIV,  mort dans une geôle humide à Pignerol, celui qui bâtit Vaux‑le‑Vicomte, l'un des plus beaux châteaux de France, disparu dans l'oubli en emportant un secret capital. Le Roi exprimera alors le souhait d'acheter un tableau "Les Bergers d'Arcadie II". Ce sera fait en 1685, cinq ans après la mort de Fouquet. Louis XIV confinera la toile à Versailles dans sa Chambre privée jusqu'à sa mort...

 

   Comprendre sa destinée et les rouages de cette tragédie, c'est assimiler un peu plus l'affaire des deux Rennes lors de l'une de ses plus belles résurgences du XVIIe siècle. L'histoire de Fouquet donnera naissance à une légende sous la plume d'Alexandre Dumas, "Le masque de fer". Ce récit basé sur une histoire véridique est la suite logique d'une affaire d'État, l'affaire Fouquet, conséquence d'un grand secret qui couve depuis des siècles dans l'Aude.

 

Ses mystères et ses démêlés avec Louis XIV ne peuvent être assimilés et compris que lorsque l'on prend la peine de remonter les pièces du puzzle, là où elles sont nées, dans le Haut Razès, non loin de Rennes‑le‑Château...

 

 

Sommaire

 

   Splendeur et déchéance

   Ses mystères et ses liens avec l'affaire de Rennes‑le‑Château

   Le Château de Vaux‑le‑Vicomte

   Allons plus loin dans l'énigme de Fouquet

 

 


L'arbre généalogique des Fouquet

 

Deux frères Fouquet sont postés dans le Razès

   Tout le monde connaît la fin tragique de Nicolas Fouquet. Devenu immensément riche alors qu'il gérait les finances royales, le Roi demande de revoir les derniers embellissements qui ont été effectués dans la demeure de Fouquet. Ce véritable joyau d'architecture est le Château de Vaux‑le‑Vicomte, un lieu de prestige ou trois artistes de grande renommée, trois amis de longue date, vont contribuer à l'excellence : le peintre Le Brun, le jardinier Le Nôtre, et l'architecte Le Vau.

 

   Le 16 août 1661 en l'honneur de son roi et pour lui faire découvrir les derniers embellissements, Fouquet organisa une soirée exceptionnelle : 30 buffets et un repas royal préparé par les plus grands cuisiniers. 1200 jets d'eau animent les bassins et les cascades et deux feux d'artifice viendront couronner le tout. 

 

   La légende prétend que cette fête rendit fou de jalousie Louis XIV. Vexé et agacé par tant de luxe, le roi aurait ensuite signé l'arrêt du Surintendant. Comme l'écrivit Voltaire : "le 17 août, à 6 heures du soir, Fouquet était le roi de France ; à 2 heures du matin, il n'était plus rien".

 

   Mais l'histoire est en réalité tout autre et bien plus occulte. Cette décision avait été prise par le Roi longtemps à l'avance, alimentée par Colbert qui lui rapportait régulièrement les excès de Fouquet et toutes les anomalies financières... Le Roi attendait simplement une occasion et Fouquet la lui apporta sur un plateau d'or. Quittant prestement la fête, Louis XIV refusa l'hospitalité et retourna au Château de Fontainebleau finir sa nuit. Trois semaines plus tard, Fouquet était arrêté.

 

Comment a‑t‑on pu en arriver là ?

 

   Pour comprendre la décision de Louis XIV, il faut se remettre dans le contexte historique. Son long règne est soumis à des agitations en France qui mettent à l'épreuve le pouvoir monarchique et l'État. Hormis les guerres, ce sont autant d'épisodes plus ou moins importants qui trouvent leurs racines dans l'affaire de Rennes et qui vont engendrer l'affaire d'État :

 

  L'affaire du procès de Blaise de Hautpoul contre à Nicolas Pavillon. Le baron se plaint en effet que des gens du Roi (de Nicolas Pavillon) traversent ses terres sans autorisation. Le procès sera long et complexe et obligera Louis XIV à intervenir...

 

  L'affaire de la "régale" (1673). Même si cette affaire est postérieure à celle de Fouquet, elle montre une fois encore les liens étroits entre le pouvoir et le Razès. Seuls deux évêchés refusèrent de payer cet impôt, Nicolas Pavillon, évêque d'Alet, et François de Caulet, évêque de Pamiers, tout deux jansénistes.

 

  Les jansénistes et l'abbaye de Port‑Royal

 

  Jean de Loret, gazetier, écrit dans son journal "La Muze Historique" : "Il pleut des Louis d'or à Alet"... Cette nouvelle parue dans deux lettres a certainement perturbé le Roi et Colbert, Alet étant de plus l'évêché de Nicolas Pavillon.

 

  La Fronde, deux révoltes l'une populaire et l'autre dite "des princes", met à feu et à sang la France

 

  L'affaire Fouquet et sa richesse insolente...

 

   Louis XIV est excédé par une suite d'affaires dont il ne comprend ni les rouages ni les véritables origines, et qui trouvent toutes leurs racines dans l'Aude.

 

   Cette arrestation n'est pas due à la simple jalousie d'un roi, ou comme on le lit trop souvent, pour couper les ailes à un ministre trop zélé et trop ambitieux. Les vraies raisons sont profondes et enfouies du côté des deux Rennes.

 

   Il convient de s'interroger sur la fortune de Nicolas Fouquet. Officiellement, le Surintendant aurait profité de sa position de ministre des Finances pour détourner à son profit les sommes nécessaires à son ambition. Ainsi, il puisait dans ses propres deniers pour faire face aux dépenses de l’État et de son souverain. Il récupérait ses fonds en se payant sur les recettes de l’État, les impôts notamment. Bien sûr, il y trouvait son compte et se rémunérait au passage. Fouquet aurait donc confondu son patrimoine personnel et celui du royaume.

 

   Si on observe les courbes des revenus et des dépenses de l'État, elles s'effondrent entre 1658 et 1661. Elles traduisent clairement un dysfonctionnement des finances de la France qui s'arrête à l'arrestation de Fouquet. S'il n'y a aucune dépense, il n'y a pas non plus de revenu... Comment Fouquet a‑t‑il pu accumuler une telle fortune sans mouvement d'argent enregistré ? Cette question sera au cœur du procès et aucune réponse n'en sortira...

 

   L'autre accusation consiste à l'élévation des fortifications à Belle Ile en Mer dont il était propriétaire. Colbert cria à la trahison alors que Fouquet déclara vouloir simplement doter Belle île du plus grand port fortifié du royaume. Tout ceci ne sera jamais prouvé, malgré les manipulations et la mauvaise foi incessante de Colbert décidé à faire tomber le Surintendant.

 

La famille Fouquet se partage entre Paris et l'Aude

 

   Nicolas Fouquet est issu d'une famille de 15 enfants dont 6 garçons eurent des destinées importantes. Deux d'entre eux vont en plus être impliqués dans l'affaire de Rennes. L'arbre généalogique à partir à partir du grand‑père de Nicolas Fouquet se définit ainsi :

 

François III Fouquet (1551‑1590), conseiller au Parlement de Paris

 

 François IV Fouquet (1587‑1640), fils du précédent, magistrat et homme d'affaires français. Il eut 6 fils, dont Nicolas Fouquet

 

François V Fouquet (1611‑1673), frère aîné de Nicolas, évêque de Bayonne, d'Agde puis archevêque de Narbonne

 

Nicolas Fouquet (1615‑1680), procureur général du Parlement de Paris et Surintendant des finances. Il a deux petits‑fils.

 

Charles Louis Auguste Fouquet de Belle‑Isle (1684‑1761) maréchal de France, petit‑fils de Nicolas Fouquet

 

Louis Charles Armand Fouquet de Belle‑Isle (1693‑1747) petits‑fils de Nicolas Fouquet

 

Louis Fouquet (1633‑1702), évêque d'Agde; en succession de son frère aîné et auteur de la lettre mystérieuse adressée à Nicolas Poussin

 

Basile Fouquet (1622‑1680), dit « l'abbé Fouquet », chef de la police secrète de Mazarin

 

Yves Fouquet (1628‑1651), conseiller au Parlement de Paris, mort précocement.

 

Gilles Fouquet (1637‑1694), Premier écuyer de France

   

   Son père, François Fouquet IV magistrat et homme d'affaires français, fut également ami de St Vincent de Paul, associant ses activités d'affaires à des ordres religieux comme "la Compagnie de Jésus"... (les Jésuites)

 

   Il est étonnant de voir l'intégration de cette famille dans les clés du pouvoir, allant de ministre à évêque et Archevêque, en passant par le renseignement.

 

Nicolas Fouquet a deux frères qui vont jouer
un rôle important dans l'affaire de Rennes

   D'abord François Fouquet qui joua un rôle très important dans le diocèse d'Alet et surtout à ND de Marceille.

 

   Il fut littéralement propulsé en 1656 Coadjuteur de Narbonne par son frère Nicolas, puis en 1659 Archevêque de Narbonne. Il put ainsi récupérer très vite la gestion du canton de Limoux et par voie de conséquence, l'administration de ND de Marceille. Gérant seul le Sanctuaire, il n'eut aucun mal à effectuer tous les aménagements nécessaires dont la crypte sous la chaire.

 

   Un autre frère, Louis Fouquet est l'auteur d'une lettre très mystérieuse parlant de Poussin à propos d'un projet très particulier, et expédié le 17 avril 1656 à l'attention de son frère Nicolas...


Nicolas Fouquet à Belle‑île

   Deux mois plus tard, le 2 août 1656, Nicolas Fouquet signa le marché de Vaux‑le‑Vicomte. Il est évident que cette lettre fut décisive dans son choix de construire Vaux‑le‑Vicomte...

 

François Fouquet

(1611‑1673)

 

Évêque de Bayonne en 1637

Évêque d'Agde en 1643

Coadjuteur de Narbonne en 1656

Archevêque de Narbonne en 1659

 

Frère de Nicolas Fouquet et prélat, il est propulsé coadjuteur et Archevêque de Narbonne par Nicolas Fouquet. Administrant seul ND de Marceille de 1659 à sa  mort, il réalise des travaux importants dans le Sanctuaire dont la réalisation d'une crypte secrète.

 

Emporté par la tourmente de son frère Nicolas en 1661, il est exilé à Alençon, laissant un pouvoir à son vicaire général Jean Dagen, secrétaire particulier de Nicolas Pavillon.

   François Fouquet, frère de Nicolas Fouquet est l'aîné des 12 enfants de François IV Fouquet et de Marie de Maupéou. Ayant acheté un office de conseiller au Grand Conseil en 1632, il le changea pour celui de conseiller au parlement de Paris. Sa famille le destina pourtant très jeune à une carrière ecclésiastique. Nommé évêque de Bayonne en 1637, il fut sacré le 25 mars 1639 dans l'église du Grand‑Jésus de la rue Saint‑Antoine à Paris, par Claude de Rueil, évêque d'Angers. Il combattit alors la coutume basque de la cohabitation avant mariage.

 

   Nommé abbé et baron de Saint‑Sever à la mort d'Étienne de Virazel, évêque de Saint‑Brieuc le 21 juin 1641, il résigna l’abbaye en faveur de François de Rebé en 1656. Il fut de plus prieur de Chassignolles, ainsi que prieur et seigneur de Cassan qu'il réforma et fit entrer dans la congrégation de France en avril 1660.

 

   Le 26 juin 1643, il permuta le siège de Bayonne avec celui de Jean Dolce, évêque d'Agde, ce qui fut confirmé par une bulle d'Urbain VIII. Il prit possession par procureur le 18 janvier 1644 et fit son entrée solennelle dans Agde le 17 avril suivant. Il prêta enfin serment de fidélité au roi au mois de septembre 1648.

 

   Pendant son pontificat on bâtit une nouvelle église sous l'invocation de saint Joseph dans l'île de Sète, achevée en 1652. À Agde, il lança aussi la construction d'un séminaire près de l'église Saint‑André et établit un hôpital.

 

   Le 17 décembre 1656, il fut nommé coadjuteur de Claude de Rebé, archevêque de Narbonne avec promesse de succession. Il céda l'évêché d'Agde à son frère Louis Fouquet qui pour question d'âge ne fut sacré qu'en 1659. François Fouquet succéda à Claude de Rebé à la mort de celui‑ci le 17 mars 1659, et prit ainsi la présidence des États de Languedoc. Il prêta serment au roi pour son nouveau siège le 26 mars, et fit son entrée solennelle à Narbonne le 2 mai 1660. En août 1661, il présida l'assemblée du clergé et visita entre 1659 et 1660 l'ensemble de ses paroisses. Il dirigea les travaux du synode du diocèse de Narbonne.

 

   Enveloppé dans la disgrâce du son frère le surintendant, il fut exilé à Alençon en 1661, laissant un pouvoir général à son vicaire général Jean Dagen, le secrétaire particulier de Nicolas Pavillon. La présidence des États fut désormais tenue par le second ecclésiastique de la province du Languedoc, Charles‑François d'Anglure de Bourlemont puis Pierre de Bonzi, archevêques de Toulouse.

 

   Cependant, François Fouquet continua à se préoccuper de son diocèse : il fonda en 1672 un hôpital pour les incurables. Il poussa l'abbaye bénédictine de Caunes ainsi que le prieuré de Notre‑Dame de Lamourguier à adhérer à la congrégation de Saint‑Maur en 1662. Il avait projeté d'établir un séminaire à Limoux, ainsi qu'une maison de missionnaires pour le Bas‑Razès à Notre‑Dame de Marceille qu'il confia aux Doctrinaires. À Alençon, il fit l'acquisition d'une maison pour les jésuites en 1672.

 

   La famille Fouquet, à commencer par François IV, le père de l'archevêque de Narbonne et du surintendant, était proche de saint Vincent de Paul. On peut rappeler que trois des sœurs du prélat entrèrent chez les Visitandines, dont le couvent de Paris avait pour aumônier Monsieur Vincent, et François Fouquet appellera l'une d'entre elles pour fonder une maison de cet ordre dans son diocèse de Bayonne (1640).

 

   Il ouvrit le premier séminaire du diocèse de Narbonne, qu'il confia à la direction des pères lazaristes, congrégation créée par Vincent de Paul, comme les Filles de la Charité dont il obtint de celui‑ci l'installation à Narbonne en 1659, les premières étant Françoise Carcireux, Anne Denoual et Marie Chesse, pour se consacrer aux malades et aux pauvres de l'hôpital Saint‑Paul. Enfin, comme Monsieur Vincent, il fit partie de la Compagnie du Saint‑Sacrement.

 

   François Fouquet mourut en exil le 19 octobre 1673. Il fut inhumé dans l'église des Clarisses d'Alençon, au pied du maître‑autel. Les États de Languedoc célébrèrent un service en son honneur le 9 janvier 1674 ; le cardinal Pierre de Bonzi officia, et l'oraison funèbre fut prononcée par Hyacinthe Serroni, évêque de Mende. Son tombeau fut détruit durant la Révolution, mais on aurait retrouvé sa dépouille lors de travaux en 1825.

 

Louis Fouquet
(1633‑1702)

 

Évêque‑comte d'Agde en 1659

Aumônier du roi

 

Frère de Nicolas Fouquet et prélat, il est l'auteur d'une lettre énigmatique adressée à Nicolas, son frère, à propos d'un projet très particulier.

 

Il séjourna à Rome
entre 1655 et 1656


Il était Chevalier de l'Ordre du Saint‑Esprit et de l'Ordre de Saint Michel

   Louis Fouquet, frère de Nicolas Fouquet est né le 4 février 1633 et fut évêque‑comte d'Agde et aumônier du roi. Son emprise dans le Languedoc est donc claire. Comme ses frères, il fréquenta les Jésuites du collège de Clermont, puis Saint Vincent de Paul. Il fut ensuite docteur de la faculté d'Orléans, puis conseiller au Parlement de Metz en 1652 où son frère Gilles lui succèdera.

 

   Il séjourna à Rome entre 1655 et 1656. « Fort riche en bénéfices », comme le note Saint‑Simon, il est alors abbé de Saint‑Martin d'Autun, du Jard, de Ham, de Sorèze et de Vézelay. De 1659 à 1702, il devint évêque‑comte d'Agde. À l'assemblée du clergé de 1660 à 1661, il se démarqua pour ses positions antiprotestantes et antijansénistes, dans la stricte orthodoxie prônée par le monarque. 

 

   Après son frère Basile, Louis fut chancelier des ordres du roi, et donc de l'ordre de Saint‑Michel et de l'ordre du Saint‑Esprit. En 1660, il devint aumônier du roi et maître de son oratoire, une charge achetée à un cousin de la famille.

 

   En 1661, l'arrestation de son frère le Surintendant entraîna sa propre disgrâce : il est alors exilé à Villefranche‑de‑Rouergue puis en 1668, à Issoudun. Les vicaires généraux administrèrent son bénéfice, jusqu'à son retour dans son diocèse, où il fut assigné à résidence. Vers la fin de sa vie, âgé et infirme, il dut confier la direction de son diocèse à son neveu, l'abbé Charles‑Armand Fouquet, qui la garda jusqu'à la mort de son oncle. Il disparut le 4 février 1702.

Basile Fouquet
(1622‑1680)

 

Agent de Mazarin

Frère de Nicolas Fouquet

 

   Septième fils de Fouquet, il devint abbé mais sans grande conviction. Agent de Mazarin, celui que l'on appelait "l'abbé Fouquet" était le chef de sa police secrète et avait sous ses ordres une cinquantaine de personnes.

 

   Chancelier des ordres du roi, tant que Mazarin était vivant, il fut disgracié en 1661 avec son frère Nicolas.

 

   Il fut abbé commendataire de la riche abbaye bénédictine de Barbeau où il se retira en 1678 pour y mourir à la fin de sa carrière. Il était aussi abbé de Rigny et de Nouaillé.


Basile Fouquet

 

La lettre mystérieuse de Louis Fouquet impliquant Poussin

   Comment peut‑on relier Poussin à l'affaire Fouquet et à l'énigme de Rennes ? Commençons par une mystérieuse lettre...

 

   C'est à partir d'une lettre énigmatique retrouvée dans les archives de la famille Cossé‑Brissac et de plusieurs faits troublants, que l'on peut entrevoir la fabuleuse trame historique sur fond arcadien et sur fond d'affaire d'État.

 

   Cette lettre, connue depuis 1862, date du 17 avril 1656. Elle fut envoyée de Rome et rédigée par l'abbé Louis Fouquet alors âgé de 23 ans. Son destinataire n'est autre que son frère Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV.
Voici l'extrait :

    « J’ai rendu à M. Poussin la lettre que vous luy faites l’honneur de luy escrire ; il en a témoigné toute la joie imaginable. Vous ne scauriez croire, Monsieur, ni les peines qu’il prend pour vostre service, ni l’affection avec laquelle il les prend, ni le mérite et la probité qu’il apporte en toutes choses. Luy et moy nous avons projetté de certaines choses dont je pourray vous entretenir à fond dans peu, qui vous donneront par M. Poussin les avantages (si vous ne les voulez pas méspriser) que les roys auroient grande peine à tirer de luy, et qu’après luy peut‑estre personne au monde ne recouvrera jamais dans les siècles advenir ; et, ce qui plus est, cela seroit sans beaucoup de dépenses et pourroit mesme tourner à profit, et ce sont choses si fort à rechercher que quoy que ce soit sur la terre maintenant ne peut avoir une meilleure fortune ni peut‑estre esgalle. Comme en luy rendant vostre lettre je ne le vis qu’au moment en passant, j’oubliay de luy dire que vous ferez retirer son brevet renouvelé en termes honorables... »

 

De Louis Fouquet à Nicolas Fouquet le 17 avril 1656

(Archives de l'art français, 2ème série, t.II, année1862)

 

   Cette lettre fait partie de sept correspondances citées par Anatole de Montaiglon, dans lesquelles Louis Fouquet évoque ses rapports et ses projets avec Nicolas Poussin. Ces documents qui avaient été retrouvés sont de nouveau perdus. Jacques Thuillier CNRS. Colloques internationaux Nicolas Poussin, Paris 19‑21 septembre 1958, t.II (1960), p.102

 


Nicolas Poussin (1594‑1665)
Autoportrait 1650
Auteur des Bergers d'Arcadie


Louis Fouquet (1633‑1702)
Evêque‑comte d'Agde en 1659
Auteur de la lettre mystérieuse


Nicolas Fouquet (1615‑1680)
Surintendant des finances

 

Dit autrement : Louis Fouquet informe son frère Nicolas qu'après avoir remis à Poussin son courrier, il projeta avec le peintre "Certaines choses" qu'il promit de détailler. Louis Fouquet confia que ce projet donnerait à Nicolas et par Poussin, un pouvoir que, ni les rois, ni personne à l'avenir, ne pourrait lui retirer. De plus ce projet aurait l'avantage d'être peu coûteux, il pourrait même se révéler être une richesse inégalée sur terre... 

 

   Cette lettre retrouvée dans les archives de la famille Cossé‑Brissac confirme qu’une affaire de la plus haute importance était déjà en route 4 ans avant l’arrestation du Surintendant. Par ailleurs Louis Fouquet séjourna à Rome un an entre 1655 et 1656. Il est alors abbé de Saint‑Martin d'Autun, du Jard, de Ham, de Sorèze et de Vézelay et sa mission dans la capitale italienne est fixée par son frère Nicolas qui le charge de collecter diverses œuvres d'art. Nicolas Poussin va alors l'aider. C'est dans de contexte qu'il va  aussi surveiller l'ambassadeur M. de Lionne et vérifier les acquisitions.

 

   Cette lettre inexplicable est tout simplement ignorée des historiens. Qui initia l'autre ? Poussin ou l'abbé Louis Fouquet ? Et de quel projet pouvait‑il s'agir ? Ce courrier montre en tout cas que Nicolas Fouquet fut mis dans le secret par son frère Louis à propos d'un projet hors norme. Or il est troublant de constater que le marché du Château de Vaux‑le‑Vicomte fut signé par Nicolas Fouquet le 2 août 1656, soit 3 mois après cette fameuse lettre, un marché qui engage le Surintendant pour 600.000 livres (le château) et 257.000 livres (les communs)...

 

   Comment ne pas supposer que le Surintendant prit sa décision de construire le Château suite aux révélations de son frère Louis et de Nicolas Poussin ? Comblé par ce secret qui tombe au bon moment, il prit certainement confiance et décida d'investir...


Le Château de Vaux‑le‑Vicomte

 

Louis XIV achète les Bergers d'Arcadie

La malédiction continue

 

  Après l'arrestation en 1661 et parallèlement à l'instruction de Colbert, le Roi poursuivit également ses investigations. Persuadé que Fouquet est au centre d'un vaste complot impliquant des mouvements d'argent occultes, il se mit à fouiller dans les papiers de son ex‑surintendant. A‑t‑il trouvé quelques éléments intrigants ?

 

   Le fait est que quelques années plus tard, le Roi exprima la volonté d'acquérir la seconde version des "Bergers d'Arcadie" de Nicolas Poussin. Finalement, après 5 ans de recherche, Louis XIV réussit à acheter le tableau en 1685 et il fut baptisé "Pasteurs d'Arcadie" comme l'attestent les comptes des bâtiments du Roi.

  

    Présenté dans son "petit appartement" privé à Versailles de façon à ne pas trop l'exposer au public, le tableau ne quittera plus cet emplacement jusqu'à sa mort en 1715. En fait, il ne fut déplacé quand 1803, date à laquelle le Louvre devint, sous l'empire, le Musée Napoléon.


Les Bergers d'Arcadie ‑ Tableau exposé au Louvre avec son cadre

 

Masque de fer ou loup de velours ?

La création du mythe

 

   Histoire extraordinaire de l'histoire de France, l'homme au masque de fer généra les passions et les romans. Le mystère entourant son existence ainsi que les différents films et romans n'ont cessé d'exciter les imaginations. Surtout, cette affaire serait tombée depuis longtemps dans l'oubli s'il n'y avait pas eu une connexion avec Nicolas Fouquet. L'histoire subit très vite une caricature en ne relevant que son aspect exceptionnel du masque de fer, mais il faut savoir que cette affaire comporte de nombreuses énigmes, une affaire dans l'affaire...

L'Homme au masque de fer

 

   L'énigme démarre le 19 novembre 1703 à la Bastille, au terme d'une longue captivité d'un prisonnier dont nul ne connaissait ni le nom ni le motif de l'incarcération. L'intrigue apparaît lors de son enterrement dans le cimetière de l'église Saint‑Paul sous le nom de Marchiali et sous une fausse indication d'âge. Voltaire amplifiera le fait pour dénoncer l'absolutisme du pouvoir royal. L'homme au masque de fer serait en réalité un homme au masque de velours (on peut facilement imaginer que le port d'un masque de fer entrainerait rapidement une septicémie).

 

   Il faut toutefois remonter au règne de Louis XIV pour trouver une autre trace passionnante. Le 4 septembre 1687, une gazette janséniste informe qu'un officier, M. de Saint‑Mars, conduisit par ordre du roi un prisonnier d'État au fort de l’île Sainte‑Marguerite, en Méditerranée (en face de Cannes). Ordre est donné de ne pas révéler son nom et de le tuer s'il le prononce. Le prisonnier enfermé dans une chaise à porteurs et portant un masque de fer était depuis longtemps à Pignerol...

 


La citadelle de Pignerol et le donjon où était enfermé Fouquet

 

Le lien avec Fouquet

   Parmi les nombreuses thèses sur l'identité exacte du prisonnier, l'une d'elles concerne Fouquet. Selon Paul Lacroix (1836), le Masque de fer ne serait autre que le surintendant Nicolas Fouquet, incarcéré à Pignerol en 1665. Officiellement mort d'une apoplexie à 65 ans le 23 mars 1680 les tenants de cette thèse affirment que cette date serait fausse et le corps d'un codétenu, un certain Dauger qui servait de valet à Fouquet, aurait été donné pour celui du Surintendant. Cette mise en scène aurait été organisée par Colbert et Louvois afin d'empêcher la libération de Fouquet qu'il était sur le point d'obtenir. Cette hypothèse est mise en doute  par le fait que si Fouquet avait survécu jusqu'en 1703, il aurait eu 88 ans ce qui est peu probable pour l'époque.

   Mais une lettre janséniste donne une indication intrigante : "tous les hommes que l'on croit morts ne le sont pas...". Fait remarquable, cette lettre est écrite par Louis Fouquet, frère de Nicolas Fouquet. Placée sous surveillance, la famille Fouquet avait bien sûr tout intérêt à se taire. D'ailleurs aucun certificat de décès ne sera retrouvé...

 

Eustache Danger, simple valet... ?

 

   Eustache Dauger (ou Danger) fut arrêté près de Dunkerque en juillet 1669 et enfermé à Pignerol au secret absolu. Saint‑Mars voulut le donner comme valet à Lauzun, interné dans la forteresse entre 1671 et 1681, mais Louvois refusa. Ce dernier accepta néanmoins qu'il soit employé comme domestique de Nicolas Fouquet, suite à la mort d'un de ses deux valets, Champagne. La consigne était stricte : « Vous devez vous abstenir de le mettre avec M. de Lauzun, ni avec qui que ce soit autre que M. Fouquet ». Louvois écrira même à Fouquet le 23 novembre 1679, en lui promettant un assouplissement de son régime de détention à condition de respecter la consigne : "Sa Majesté est en disposition de donner dans peu de temps des adoucissements fort considérables à votre prison, mais, comme elle désire auparavant être informée si le nommé Eustache que l'on vous a donné pour vous servir n'a point parlé devant l'autre valet (un nommé La Rivière) qui vous sert de ce à quoi il a vu auparavant que d'être à Pignerol..."

 

   À la mort de Fouquet, en 1680, Saint‑Mars découvrit une galerie creusée par Lauzun et qui permettait aux deux prisonniers de se rencontrer. Lauzun et Dauger ont donc pu être en contact. Louvois ordonne alors à Saint‑Mars de faire croire à Lauzun que Dauger et l'autre valet de Fouquet, La Rivière, ont été libérés. Mais en réalité ils furent enfermés. Voici ses mots : "...de les enfermer tous deux dans une chambre où vous puissiez répondre à Sa Majesté qu'ils n'auront communication avec qui que ce soit, de vive voix ou par écrit et que M. de Lauzun ne pourra point s'apercevoir qu'ils sont renfermés ».

 

   Lauzun sera libéré le 22 avril 1681, mais Danger et La Rivière demeureront enfermés au secret absolu. Qu'avait donc appris La Rivière et Danger pour être condamnés au secret ? Dauger fut arrêté sur la base d'une lettre de cachet entachée de nombreuses irrégularités. Tout montre d'ailleurs que son arrestation fut minutieusement organisée par Louvois, alors secrétaire d'État de son père, Michel Le Tellier.

 

   On ne sait rien de ce Dauger. Dans une lettre qu'il envoie à Saint‑Mars pour faire préparer son cachot à Pignerol, Louvois indique : « ce n'est qu'un valet ». L'intéressé savait pourtant lire puisqu'il fut autorisé à recevoir des livres de piété. Dès lors, si l'identification entre le Masque de fer et Dauger est désormais la plus généralement admise, les spéculations se sont portées sur l'identité véritable de Dauger et sur le secret qu'il détenait...

 

   Cette hypothèse permettra à de nombreux auteurs, parmi lesquels Alexandre Dumas dans le Vicomte de Bragelonne, à mêler le sort de Fouquet à celui du Masque de Fer. Rédigés un demi‑siècle plus tard, les Mémoires de Saint‑Simon contiennent cette épitaphe inspirée par la vie incroyable de Nicolas Fouquet, qui...

 

 "après avoir été 8 ans Surintendant des Finances, paya de 19 ans de prison les millions que le cardinal Mazarin avait pris, la jalousie de M.M. Le Tellier et Colbert, un peu trop de galanterie et de splendeur".

 

De la réussite fulgurante de Fouquet, il reste Vaux‑le‑Vicomte...

 


Le château de Vaux‑le‑Vicomte en Seine‑et‑Marne

 

LE RENARD   ET   L'ÉCUREUIL

Il ne se faut jamais moquer des misérables,
Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux ?
Le sage Ésope dans ses fables
Nous en donne un exemple ou deux ;
Je ne les cite point, et certaine chronique
M'en fournit un plus authentique.
Le Renard se moquait un jour de l'Écureuil
Qu'il voyait assailli d'une forte tempête :
Te voilà, disait‑il, près d'entrer au cercueil
Et de ta queue en vain tu te couvres la tête.
Plus tu t'es approché du faîte,
Plus l'orage te trouve en butte à tous ses coups.
Tu cherchais les lieux hauts et voisins de la foudre :
Voilà ce qui t'en prend ; moi qui cherche des trous,
Je ris, en attendant que tu sois mis en poudre.

Tandis qu'ainsi le Renard se gabait,
Il prenait maint pauvre poulet
Au gobet ;

Lorsque l'ire du Ciel à l'Ecureuil pardonne :
Il n'éclaire plus, ni ne tonne ;
L'orage cesse ; et le beau temps venu
Un Chasseur ayant aperçu
Le train de ce Renard autour de sa tanière :
Tu paieras, dit‑il, mes poulets.
Aussitôt nombre de bassets
Vous fait déloger le Compère.
L'Écureuil l'aperçoit qui fuit
Devant la meute qui le suit.
Ce plaisir ne lui dure guère,
Car bientôt il le voit aux portes du trépas.
Il le voit ; mais il n'en rit pas,
Instruit par sa propre misère.

 

 

(d'après La Fontaine, œuvres complètes,

Bibliothèque de La Pléiade)

   Cette allégorie poétique circula sous le manteau sans être imprimée de peur des représailles... La fable ne fut publiée pour la 1ère fois qu'en 1861...
La Fontaine ne verra jamais la réaction de ses lecteurs...

 

Quelques repères autour de l'affaire Fouquet...

1648  

Début de la Fronde (révolte contre la monarchie)

1650  

La Fronde des princes

Novembre 1650  

Nicolas Fouquet franchit un seuil important en achetant pour 450.000 livres la charge de procureur général du Parlement de Paris

1652  

Fin de la Fronde. Le roi fait une entrée triomphante à Paris

1653  

Nicolas Fouquet est nommé Surintendant des Finances par Anne d'Autriche

1655  

Louis Fouquet est à Rome jusqu'en 1656 et rencontre Poussin

17 avril 1656  

Louis Fouquet écrit une lettre à son frère Nicolas à propos d'un projet qu'il a convenu avec Nicolas Poussin

1656  

Période probable de l'élaboration des Bergers d'Arcadie seconde version, par Nicolas Poussin

17 décembre 1656  

François Fouquet devient Coadjuteur appuyé par son frère Nicolas

1659  

François Fouquet devient Archevêque de Narbonne

1660  

François Fouquet administre seul ND de Marceille jusqu'à sa mort en 1673

1661  

Mort de Mazarin. Arrestation de Nicolas Fouquet. Colbert devient contrôleur général des finances.

 

Premier procès intenté par une coalition de nobliaux contre Nicolas Pavillon et organisé par Blaise d'Hautpoul, seigneur de Rennes‑le‑Château

17 août 1661  

Louis XIV demande à voir les derniers embellissements du Château de Vaux‑le‑Vicomte. Fouquet organise une fête exceptionnelle en son honneur. Il signera sa perte.

5 septembre 1661  

Arrestation de Nicolas Fouquet à Nantes

24 septembre 1661  

Parution d'une lettre du gazetier Jean Loret signalant qu'il pleut de l'or à Toulouse.

29 octobre 1661  

Parution d'une autre lettre du gazetier Jean Loret signalant qu'en fait il pleut des écus d'or à Alet, là où réside Nicolas Pavillon.

1663  

Second procès intenté par un ensemble de gentilshommes et d'ecclésiastiques toujours organisé par Blaise d'Hautpoul

1664  

Premières persécutions contre les jansénistes
Nicolas Fouquet est condamné à l'exil, puis par le roi, a être enfermé à vie à la citadelle de Pignerol

1665  

Mort de Nicolas Poussin

1666  

Fin du procès Nicolas Pavillon / Blaise d'Hautpoul. Louis XIV casse le jugement qui donnait raison à la baronnie d'Hautpoul et rétablit dans son droit Nicolas Pavillon
Colbert crée la compagnie des mines de Blanchefort

1673  

Mort de François Fouquet

1680  

Mort de Nicolas Fouquet à Pignerol

1682  

Affaire de "la régale" avec la papauté. Nicolas Pavillon rejette cet impôt

1683  

Mort de Colbert

1685  

Achat par Louis XIV du tableau "Les Bergers d'Arcadie" seconde version. Il est enregistré sous le nom "Pasteurs d'Arcadie"

1694  

Mort de Blaise d'Hautpoul

1705  

Mort de Louis Fouquet

1715  

Mort de Louis XIV