L’affaire
des deux Rennes est une véritable école pour l'étude des
symboles, comprendre leur signification et suivre leur histoire à travers le
temps et l'espace. Car l’analyse de l'énigme aborde très
souvent des concepts
scientifiques, artistiques, religieux, occultes ou
ésotériques qui nécessitent une traduction correcte des
représentations visuelles et de
leur évolution. Qu’ils
soient imagés, sculptés, dessinés, peints, les symboles portent en eux des récits
qui ouvrent immanquablement sur des recherches passionnantes et
très riches. Les symboles sont comme les mots. Ils
s'associent selon une grammaire. Ils ont une
orthographe, des racines et une étymologie
qui trahit leur véritable sens et leur origine. Et
comme les mots d'une langue mal apprise, ils peuvent
aussi provoquer la confusion, l’incompréhension, le double sens,
voire une interprétation erronée. Les symboles
possèdent un langage et des
règles.
Rencontré sous une forme
dérivée lors de l’exploration du
Méridien de Paris, le
symbole du caducée transcende l'Histoire et
permet de voyager dans le temps et l’espace. Il est aussi
porteur d'une grande confusion, ce qui explique sans doute
pourquoi cet emblème est tombé dans l'oubli. Il faut dire
que l'objet est confondu à tort avec un autre symbole, le
bâton d'Aclépios, l'emblème des professions
médicales.
Le caducée est pourtant
l'un des symboles fondamentaux qui nous viennent du fond des
âges et qui mérite à ce titre que nous gardions en mémoire
sa vraie signification et sa véritable portée symbolique ;
d'autant que son message est très lié à des notions récurrentes
que l'on trouve dans l’énigme des
deux Rennes...
Si l’on s’en tient à sa
stricte définition, un symbole
est un concept qui se matérialise par une représentation
visuelle aidant à créer une association d’idées ou une
pensée sur un thème. Les thèmes peuvent être extrêmement
variés comme par exemple les sciences, les religions,
l'archéologie, l'architecture, l'astronomie, la chimie, la sécurité, l'orientation,
l’aide, l’identification… En fait, il existe des
symboles dans toutes les disciplines qu’elles soient
scientifiques ou non, professionnelles ou non. Les
sciences humaines, mathématiques,
technologiques, linguistiques sont remplies de symboles
extrêmement divers.
Dans l’Antiquité, le symbole pouvait être un signe, un
objet matériel, une formule ou une écriture servant de
marque de reconnaissance entre initiés. Pour les
premiers chrétiens, le poisson représenté sous une forme
très stylisée était un signe de reconnaissance. Le
symbole a aussi son travers puisque s’il permet de
signer une appartenance, il donne aussi une information
précieuse aux ennemis...
Dans le monde religieux, le symbole est une notion
extrêmement importante. La religion repose
essentiellement sur des croyances, des mythes, des rituels et des
symboles. Or la représentation religieuse est
fondamentale et permet de véhiculer des idées
souvent complexes d’ordre théologique, philosophiques,spirituelles, et même sectaires. Le symbole touche
directement les fidèles et permet de les impressionner en
utilisant des références légendaires ou historiques.
Au Moyen‑âge, l'Église utilisait régulièrement les
symboles pour communiquer avec une population souvent illettrée.
La représentation des saints et de leurs attributs est un
bon exemple comme la présence d’un vase à parfum au pied
d’une croix qui signe Marie‑Madeleine. La symbolique des
croix est un autre exemple qui montre l’importance que
peut revêtir une simple représentation au cours de
l’Histoire.
Chaque symbole possède une
histoire et une origine
Un symbole
peut pendre différentes formes comme un objet, une
image, un profil reconnaissable, une figure ou une forme
géométrique, une couleur, un mot ou un texte, un
son, une onomatopée. Il peut être un signe
distinctif provoquant une
association d’idées, une ressemblance ou une convention.
Il peut être personnifié. L’objectif est de
provoquer par un simple visuel compréhensible pour le
plus grand nombre, une association d’idées. Pour les philosophes, le symbole est un lien
entre le conscient et le subconscient.
Chaque symbole a son code, sa
grammaire, sa sémantique
Pour être efficace, le symbole doit aussi comporter un
aspect culturel prépondérant basé sur une tradition, une
histoire, une géographie, une culture, une légende, une mythologie… Aujourd’hui, sans
que l’on en ait conscience, le monde est submergé de
symboles, un héritage historique que l’on retrouve même dans
nos univers
numériques et que l'on nomme "icône"... La fonction est la même.
Un symbole peut cacher un codage. Par exemple, si on examine les
différentes couleurs présentent dans un livre
d'iconographie alchimique, la clef consiste dans la
succession des couleurs donnée par les alchimistes pour
le Grand Œuvre.
L'énigme de Rennes‑le‑Château est remplie de symboles.
Certains sont parfaitement identifiés, d'autres restent
énigmatiques et représentent un codage, un signe distinctif ou une connaissance
perdue.
L’étude et la théorie des symboles sont une science...
La symbologie...
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
Quelques symboles non résolus
liés à l'énigme des deux Rennes :
(1) Symbole PS détail extrait de la
Dalle de Blanchefort,
(2)
Symbole du Poulpe de la tradition primitive,
(3) Symbole du poulpe
extrait de la Dalle de Blanchefort,
(4) Symbole extrait
du petit parchemin,
(5) Symbole gravé sur l'église de
Quillan (Aude),
(6) Symbole situé sur le
bénitier dans
l'église de Rennes‑le‑Château
La Dame ailée du Méridien de Paris
Une sculpture fortement
symbolique
Les surprises de terrain ne manquent pas pour les chercheurs qui
savent être curieux. Voici un très beau clin d'oeil en
lien avec l'affaire des deux Rennes et qui offre un
magnifique exemple concernant l'histoire des symboles et
leur signification.
Installée sur la
façade d'un ancien château, centrée sur une large
fenêtre à carreaux, une sculpture atypique interpelle.
Le détail architectural se trouve sur l'une des vieilles fenêtres
du château de Castelfranc. Le cadre de
l'ouverture vitrée sert
de support à une croix latine massive sur laquelle une
femme ailée semble prendre la pose du Christ.
Son visage prend l'allure d'une divinité. Son ventre rond suggère sans ambiguïté la maternité et la
fécondité. Son pagne porte un noeud isiaque. Les jambes sont entrelacées rappelant
les serpents du caducée. Sur sa tête, une
coupe d'abondance symbolise la richesse du corps et de
l'esprit.
Détail du château de Castelfranc
Détail d'une fenêtre du
château de Castelfranc
Une femme ailée portant un noeud isiaque prend la pose
du Christ
Son ventre est symbole de maternité, et ses jambes
entrelacées
rappellent les
serpents du caducée
Où se trouve le
château de Castelfranc ? Basé
dans le Tarn
en région Midi‑Pyrénées,
le château de Castelfranc date du
XVIe siècle et a appartenu au géographe du roi
Henri IV, Guillaume de Nautonier. De cette époque, il ne subsiste que le Belvédère construit en
1610. C'est une construction comportant
un bâtiment rectangulaire, les écuries, et une tour
carrée servant d'observatoire. Le château et ses
annexes, l'orangerie et la chapelle sont disposés en L.
Une galerie extérieure en bois ceinture le dernier étage
du château sur le principe du hourdage des fortifications
médiévales.
Le château lui‑même fut pillé et détruit en
1628 et sa reconstruction partielle fut bloquée en
1654. C'est en 1835
que le
chevalier Auguste Paulin de Solages de
la famille des célèbres industriels carmausins le
réédifia. Située en
bordure de l'esplanade qui comportait l'ancien château,
la reconstruction se fit
dans un style troubadour en utilisant de nombreux morceaux d'architecture ou de
sculpture provenant d'édifices toulousains.
La famille de Solages
transmit ensuite le château par héritage à la famille de
Pierre de
Bernis. La demeure qui est aujourd'hui
visible depuis la route attire l’attention, mais étant
une propriété privée, le site ne peut être visité que de
l’extérieur.
Le château privé de
Castelfranc à Montredon‑Labessonnié
l'ancienne propriété de Guillaume de Nautonier de
Castelfranc
Le monument fait l’objet d’une inscription au titre des
Monuments historiques depuis le 1er décembre 1993 pour
la valeur archéologique inestimable des pièces
utilisées en remploi et le charme de son décor d’emprunt
caractérisant si bien les constructions des
antiquaires du XIXe siècle. Son
inscription est aussi due à son observatoire
attribué à Guillaume Le Nautonier.
Le château privé de
Castelfranc à Montredon‑Labessonnié
ancienne propriété de Guillaume de Nautonier
La baronnie de Montredon apparaît au
XIIIe siècle et se trouve au
XIVe siècle aux mains d’Amaury II (1327‑1341)
qui aurait établi sa résidence au lieu‑dit de
Castelfranc, à la place du château de Montredon. Situé
sur la commune de Montredon‑Labessonnié, ce dernier
était constitué d’un ensemble fortifié constitué de
quatre corps de logis formant courtine et de quatre
tours d’angle rondes. Pierre V
(1390‑1402) réside à Castelfranc où il décède en
1402. La baronnie est vendue en 1431
aux Arpajon et Gui I donne le château à son écuyer
Pierre de Martrin en 1473. Par le jeu
des alliances, la seigneurie passe ensuite aux mains de
la famille Nautonier originaire du
Rouergue et installée à Vénès. Pierre Le
Nautonier fixe sa résidence principale à
Castelfranc pour y élever ses cinq enfants. Son fils
aîné Guillaume lui succède et entreprend la construction
de la demeure et de l’observatoire,
lieu de ses recherches et expérimentations.
Une
inscription placée sur le mur oriental de l’observatoire
se rapporte à sa construction en 1610 : GVIL. NAV. CAS. GEOG. REG. F. C. AN. S. CIC DC X
« Guillaume
Nautonier Castelfranc géographe royal F. C.
(Fecit Cui, a fait construire)
Année du Seigneur 1610 »
L'inscription sur le
mur
de l'observatoire
Sur le point le plus élevé de
Castelfranc, la tour carrée de l'observatoire
le
premier observatoire de France...
(édifice inscrit au titre des Monuments historiques
depuis le 1er décembre 1993)
On attribue aux soubresauts du deuxième quart du
XVIIe siècle et aux guerres dites de « Rohan »
la destruction puis la reconstruction du logis. Le
château aurait été ruiné par le marquis de Ragny en
1627 puis réédifié l’année d’après. Un
arrêt du parlement de Toulouse aurait ensuite ordonné la
démolition des nouvelles constructions en 1654.
Le château aurait donc été rebâti seulement au cours du
siècle suivant. Les membres de
la famille Le Nautonier se succèdent dans la demeure
jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Le
château de Castelfranc est ensuite vendu à Jean‑Louis
Bruniquel le 29 novembre 1803 qui le
possède toujours en 1813. Il le
conserve jusqu’à sa mort intervenue en 1835,
année où Auguste Paulin, chevalier de Solages
achète le château. Il décide d’agrandir le corps de logis du château vers
l’Ouest, ce qui est réalisé en 1842. Il
commande un audacieux projet qui s’inscrit dans la
tradition des « antiquaires » du début du
XIXe siècle
consistant à édifier un château de style troubadour
accueillant un ensemble d’éléments lapidaires de
grande qualité, mais de provenances diverses. Il s’agit
pour l’essentiel de baies mettant à l’honneur la période
gothique et celle de la Renaissance. En 1852,
dans l’acte de succession du 25 août, il est bien
précisé que le château est nouvellement construit. La partie
ajoutée débute au niveau de la façade principale par une
porte monumentale ornée des armes des de Solages, un
soleil, et de leur devise « Sol Agens », « par l’action
du soleil ». Elle est rythmée par
de grandes ouvertures rectangulaires sur un module de
croisée à l’encadrement en pierre de taille de granite.
Seules quelques‑unes ont un encadrement simplement
constitué de briques. Elles accueillent traverses et
meneaux en grès, d’un grain fin et de couleur claire,
sculptés d’ornements variés tels que personnages en
buste, parfois ailés, récoltes et chutes de fruits, pots
à feu, dont la provenance est certainement à rechercher
dans les hôtels particuliers toulousains du XVIe siècle. Le projet est
ensuite prolongé par son successeur, Gabriel Louis de
Solages qui devient propriétaire de Castelfranc en
1857. Il envisage de créer au sud‑ouest
une aile en retour composée d’une galerie à fonction
d’orangerie clôturée par une chapelle privée. Les
travaux sont achevés en 1860.
Montredon‑Labessonnié
Fait remarquable, le château se trouve pratiquement sur le Méridien de Paris,
dans un petit village répondant au nom amusant de Montredon‑Labessonnié.
Je devine évidemment les passionnés réagir sur ces
deux noms reliés par un trait d’union et qui résonnent
phonétiquement si bien : les Redones
pour Henri Boudet,
et Labessonnié pour
Bérenger Saunière...
Voici qu'une petite commune posée sur le
Méridien de Paris accueillit un érudit qui travaillait sur le calcul des
méridiens.
Qui était ce Nautonier (guide), également
géographe et astronome du roi Henry IV, qui se mit à construire sur le point le plus
élevé de Castelfranc une tour observatoire, le tout
premier observatoire de France, et qui se mit en tête de
déduire une longitude à l'aide d'une boussole aimantée ?
Bien sûr, il ne
peut s’agir que d’une belle coïncidence, mais avouez que
la Langue des Oiseaux fait parfois bien les choses en
rapprochant un certain MontRedon avec
une phonétique
amusante "l’abbé Saunière"...
Montredon‑Labessonnié
est entouré de plusieurs curiosités, dont le château
d’Arifat et ses cascades.
La commune est située dans le Tarn en région
Midi‑Pyrénées, à l'extrémité Nord‑ouest du Parc
Naturel Régional du Haut Languedoc. Son histoire est
très ancienne et le patrimoine rural y est riche,
composé de chapelles et de temples introduits dès le
XVIe siècle par une forte présence
protestante. Depuis la plus haute Antiquité,
Montredon était considéré comme une montagne
sainte et ses crêtes étaient des lieux sacrés hantés de
dieux et de génies. À la poursuite d'un lieutenant de
Vercingétorix, Jules César y aurait
séjourné. Certains cours d'eau étaient aurifères et les
Gaulois lavaient les sables de l'Agout et du Dadou pour
en recueillir des pépites d'or...
Montredon‑Labessonnié est
traversé par le Méridien de Paris
Plus tard, une forteresse prit forme, suivie d’une
église dédiée à Saint Jean‑Baptiste. À l'origine sous
domination des comtes de Toulouse, la Seigneurie de
Montredon
passa en 1209
aux Monfort pour revenir aux
Toulouse‑Lautrec qui la conservèrent jusqu'en
1431.
Suite aux alliances et aux mariages,
plusieurs dynasties se succédèrent.
Intéressons‑nous à la première partie du nom « Montredon ».
Les esprits attentifs auront réagi puisqu’il faut lire
« Mont Redon », Redon se rapprochant de Redone.
Nous sommes presque chez
Boudet, en pleine culture bretonne. Les
Redones
étaient un peuple celte du Nord‑ouest de la Gaule, et
leur territoire se situait dans l'actuel département
d’Ille‑et‑Vilaine, donnant leur nom à la ville de Rennes.
Aleth
fut même un temps la capitale. La Bretagne, lieu
légendaire du Graal et des Chevaliers de la Table ronde,
se comporte comme un miroir du Haut‑Razès où la
toponymie audoise semble s’y refléter. Malgré l’absence
totale d’excursion en dehors de son pays languedocien,
Boudet était sacrément bien renseigné. Son livre codé
« La Vraie Langue Celtique »
abonde de références à la Bretagne celte, aux Redones,
et il suffit de compter. L’auteur utilise 41 fois le nom « Redone »
dans un livre qui compte 310 pages.
Autant dire que le sujet lui tenait à cœur. Il est aussi
amusant de comparer les versions étymologiques.
Officiellement, « Redones »
procède d'une racine celtique red (redo
en gaulois ou riad
en irlandais) signifiant « aller à cheval » ou « aller
en char ». On rejoint ainsi LesRedones
« cavaliers » ou « conducteurs de char » d’où Rhedae
(Rennes‑le‑Château), la cité des chariots
(lire Louis Fédié).
Les Redones
formaient la tribu religieuse, savante,
possédant le secret de l'élévation des monuments
mégalithiques disséminés dans toute la Gaule ;
c'était la tribu des pierres savantes,– read
(red)
savant,– hone,
pierre taillée. – L'étude et la science étaient
indispensables pour connaître le but de
l'érection des mégalithes, et ceux‑là seuls en
possédaient l'intelligence et le sens qui
l'avaient appris de la bouche même des Druides.
Il est utile de remarquer que
le département d'Ille‑et‑Vilaine comprend la
plus grande partie du territoire des anciens
Redones ; il
reçoit son nom des deux rivières l'Ille et la
Vilaine qui y prennent leurs sources. Ille,
hill,
signifie colline ; Vilaine – towill
(ouill),
vouloir, – tohem,
entourer –, se rattache aux pierres levées
placées sur les collines et entourant la tribu
des Redones
Extrait
« La Vraie Langue Celtique » Henri Boudet
L'église de
Montredon‑Labessonnié
Sur le parvis de
la petite église, à droite, discrètement enfouies sous
un arbre et envahies par un vieux lierre, deux grottes
artificielles ont été aménagées, un hommage à ND de
Lourdes.
Une belle curiosité se situe à l’intérieur de l’église. Tout autour
du chœur, une fresque monumentale
décore la nef façon bande dessinée, un décor composé de
personnages historiques qui se mêlent dans un parfait
anachronisme.
Les fausses grottes hommage à ND de Lourdes
La scène
varie allant de Paris à Jérusalem, et tous viennent se
recueillir devant le Christ sur sa croix. Au premier
regard, la frise impressionne et semble n’être qu’une
représentation naïve de la passion de Jésus emportant
les peuples et les civilisations à travers les siècles. Il faut une
seconde lecture pour s’apercevoir que certaines
allusions ne cadrent ni avec les lieux ni avec les
Évangiles...
Détail de la fresque dans
l'église de Montredon‑Labessonnié
Difficile d’explorer tous les détails. Il y a
d’abord ce prêtre entouré d’enfants du monde ouvrier et dont la soutane
du 19e siècle n’est pas sans rappeler celle d’un autre
prêtre, un certain abbé Saunière.
La suite est surprenante puisque l'on découvre des
personnages de culture et de civilisation très différentes.
En portant le regard sur la droite, certains épisodes
historiques sont clairement cités et ne manquent pas de
saveur... La fresque a été peinte en 1942
en pleine seconde Guerre mondiale.
Sur un cheval blanc, voici Saint‑Louis
brandissant la Couronne d’épines du Christ. Debout à ses
côtés, Saint Dominique continue ses
prédications. Viennent ensuite un pèlerin de
Saint-Jacques-de-Compostelle, puis les croisés et les
pauvres Chevaliers du Christ. Sans heurt nous
sommes passés du
19e siècle au XIIIe siècle
en pleine croisade. La danse continue puisque l’on
trouve ensuite Clovis
et ses lieutenants
mérovingiens s’entretenant avec Saint Rémi.
À ses côtés, la reine Clotilde
observe la scène.
Détail de la fresque dans
l'église de Montredon‑Labessonnié
De gauche à droite, Saint Dominique, Saint‑Louis sur son
cheval brandissant
la couronne d’épine du Christ, quelques croisés, Clovis
et des Mérovingiens,
Saint Rémi et Clotilde
Qui était Guillaume de
Nautonier de Castelfranc ?
Guillaume de Nautonier de Castelfranc dit Le
Nautonier naquit au château de Lourmarié dans la
commune de Vénès le
au château de
Castelfranc le
à 60 ans.
La piste devient intéressante puisque ce personnage
n’est autre qu’un pasteur français, géographe,
savant, passionné de mathématiques et d’astronomie, qui
recherchait le moyen de mesurer précisément les
longitudes à l’aide d’une boussole aimantée...
Fils de Pierre Le Nautonier, receveur des finances de
Lacaze jusqu’en 1530, Guillaume naît en
1560 dans une
famille de confession protestante. Il reçoit une solide
éducation en mathématiques, géographie et astronomie. Il
poursuit ses études de théologie à l’académie de
Lausanne.
Guillaume de Nautonier de
Castelfranc (1560‑1620)
De retour
à Castelfranc en 1583, il
commence son ministère à l’église de Vénès et de
Montredon en 1587 et s’occupe également de celui de
Réalmont en 1592. Pasteur de Montredon tout au long de
sa vie, il équipe le temple d’une cloche en 1594 et
commande la reconstruction de l’édifice entre 1598 et
1600.
Guillaume de Nautonier entreprend sans attendre des
recherches sur l’aiguille aimantée guideymant,
ou aiguille marine, qui a la propriété d’adresser le
fer vers le nord. À partir de l’hypothèse du
magnétisme terrestre et de l’existence de deux pôles
magnétiques, il élabore un système de tables permettant
d’établir selon les lois mathématiques les latitudes et
longitudes d’un lieu exprimé en degrés, minutes et
secondes par le calcul de l’éloignement au Nord
géographique.
Pour diffuser ses travaux, il fait
installer une imprimerie à demeure en 1600, dans sa
propriété de Vénès (Tarn), à l’Ourmarié, comprenant
50 000 caractères, outils, meubles et personnel. Il
édite un premier ouvrage, La mécographie de la
guideymant,
c’est‑à‑dire la description des longitudes trouvées par
les données des déclinaisons de l’aimant, dans lequel il
détaille le résultat de ses recherches. Il s’engage
ensuite dans la rédaction et l’édition d’un second
ouvrage intitulé : "La mécométrie
de l’Eymant, c’est‑à‑dire la manière de mesurer les
longitudes par le moyen de l’Eymant".
Finalement sept livres commencés en 1590 seront édités
en 1603.
Ses travaux traitent du
géomagnétisme en introduisant un élément nouveau et
essentiel qui est celui de la notion du dipôle
magnétique. Ses démonstrations ont marqué ses
contemporains et il est cité dans plusieurs ouvrages au
cours de la première moitié du XVIIe siècle.
La renommée et le couronnement des recherches de
Guillaume Le Nautonier peuvent être plus justement
appréciés par la reconnaissance royale :
Henri IV le nomme géographe ordinaire du roi en
1609 et le dote d’une pension de
1200 livres. Après avoir édité ses ouvrages, Guillaume
vend son imprimerie constituée de la presse et des
caractères aux consuls de Castres qui effectuent la
transaction avec l’imprimeur Pierre Fabry, désireux de
s’installer dans la ville. Son successeur, Jean Viala,
rendra d’ailleurs hommage de manière posthume à
Guillaume Le Nautonier en publiant en 1626
son dernier ouvrage, Le diaire astrologique.
Le mercredy 16edécembre
avant le jour, 1620, décéda dans sa maison de
Castelfranc, ministre du Saint‑Évangile et géographe
ordinaire du Roy, homme consommé en toutes bonnes
sciences, excellent en vertus, merveilleux en secretz,
mais surtout rare en piété et douce conservation.
Sur le point le plus élevé de
Castelfranc se trouve la tour carrée de l'observatoire
et il s'agit du
premier observatoire de France...
(édifice inscrit au titre des Monuments historiques
depuis le 1er décembre 1993)
Guillaume de Nautonier était un érudit et un
étonnant inventeur. Seigneur de profession protestante,
il fit construire tout près de sa demeure un
observatoire, le tout premier de France, à usage privé
et indispensable à un géographe
passionné d’astronomie. Il fut ordonné géographe
ordinaire du roi par Henri IV en
1609.
Le Nautonier (il était appelé ainsi)est aussi l’auteur d’un ouvrage très remarqué à son époque :
« Mécométrie de
l'aimant, c'est‑à‑dire, la manière de mesurer les
longitudes, de l'invention de Guillaume de Nautonier de
Castelfranc »
édité en plusieurs langues...
Illustration issue de son ouvrage
Et il y a mieux : la
première partie est dédiée au roi Henri IV,
la seconde à James Ier
roi d'Angleterre, et la troisième à Maximilien de Béthune,
Chevalier, Baron de Rosny, Grand maître de l'artillerie,
surintendant des fortifications de France. Or, c’est ce
même Maximilien de Béthune qui en
1606 est nommé duc
et pair de Sully et acquiert le château de Montrond
pour le rénover et en faire la plus forte place du
Berry. En résumé, voici un scientifique érudit,
précurseur dans le calcul des méridiens, installé sur le
Méridien de Paris qui
n'existe pas encore, auteur d’un
ouvrage dédié non seulement à Henry IV,
mais aussi au propriétaire du château de Montrond, là où
quelques siècles plus tard une superbe pyramide de verre, soeur
de la pyramide du Louvre, sera
érigée sur le méridien secret. Avouez qu’il y a de quoi
être étonné...
À noter que l'on retrouve le terme de
Nautonier dans la seconde strophe de l'opuscule
Le Serpent Rouge :
Cet Ami, comment vous le présenter ? Son nom
demeura un mystère, mais son nombre est celui
d'un sceau célèbre. Comment vous le décrire ?
Peut‑être comme le
nautonier de l'arche impérissable,
impassible comme une colonne sur son roc blanc,
scrutant vers le midi, au‑delà du roc noir.
Il est
en effet intrigant de lire dans cette strophe une
allusion à un personnage, le nautonier, observant
l'horizon du Nord au Sud (vers le midi)... C'est à dire
observant
une longitude, ou un méridien comme l'on voudra...
Les armoiries de Guillaume
de Nautonier en forme d’écusson taillées sur la pierre
au‑dessus de la clé de voûte de la porte de
l’observatoire de Castelfranc.
"d’Azur au navire d’argent et au chef d’or, chargé de
trois croix tréflées de gueules".
De part et d’autre de l’écu se trouvent deux lions
grimpants.
Un casque de chevalier sur
le haut de l’écu est surmonté d’un ours se nourrissant
d’un rayon de miel,
le miel de la sagesse...
Image puisée dans la Sainte Écriture en signe de la foi
de Nautonier.
Les armoiries de
Guillaume de Nautonier
L'assemblée du "désert"
Une ancienne
photo du château de Castelfranc porte un commentaire
étrange : "Château romantique de
Castelfranc sur l'emplacement d'un ancien lieu d'assemblée du désert",
mais qu'est‑ce qu'une assemblée du désert ?
Les "Assemblées du désert" sont des réunions clandestines
tenues par les protestants au temps de la persécution de
leur religion, entre la révocation de l'Édit de
Nantes en 1685 et l'Édit de
tolérance de 1787. L'objectif de ces
réunions était de célébrer le culte protestant, souvent
lors de la venue d'un prédicant itinérant, au risque
d'être arrêté et emprisonné par les autorités. Les
premières assemblées étaient appelées "synodes du désert"
en référence à la traversée du désert de Moïse
et l'errance des Hébreux (livre de l'Exode).
Plusieurs régions de France servirent de lieu à ces
Assemblées du désert :
en 1715 aux Montèzes, sur l'actuelle
commune de Monoblet dans le Gard entre 1745 et 1764
dans la vallée de la Dordogne de 1691 à 1789
sur le territoire de la commune d'Hesbécourt dans la
Somme dans toute la région du
Languedoc historique dans la région du
Moyen‑Poitou historique
Il semble donc que le site de Castelfranc, épicentre historique de
Guillaume de Nautonier de confession protestante, servit
de lieu à ce type de réunion...
Le château de Castelfranc et
sa croix calvaire visible à droite
Après avoir parcouru l'histoire
du château et de son propriétaire, un astronome
atypique, il est maintenant temps de se rapprocher d'un
détail architectural tout aussi surprenant, la
Dame ailée de Castelfranc qui va nous entraîner
vers un des symboles les plus anciens et les plus
fascinants : le caducée...